323 " « renté entre un individu et la famille à laquelle il prétend appartenir; « Telle, par exemple, que l'individu a toujours porté le « nom du père, etc. » Art. 5. Sur cet article, on observe que, depuis un temps immémorial, la jurisprudence de presque tous les tribunaux a constamment été d'admettre la preuve testimoniale en fait de filiation, sans exiger, comme condition absolument indispensable, un commencement de preuves écrites : rien de plus juste en effet. Si l'enfant n'a recours à la preuve par témoins que parce que des preuves par écrit sont supprimées, perdues ou soustraites, on ne doit pas se faire un moyen contre lui de ce qu'il ne les a point, puisqu'il n'a pas dépendu de lui de les avoir. En le repoussant sous le fondement qu'il ne peut en représenter aucune, on le punirait d'une faute qui n'est point son ouvrage, d'un accident dont il n'est pas l'auteur. D'ailleurs, on n'est jamais admis à la preuve par témoins que lorsque les faits sont reconnus pertinens et admissibles. Ne faut-il pas la même reconnaissance par rapport aux pièces écrites? Pour que le juge décide s'il y a réellement commencement de preuves, n'est-il pas nécessaire qu'il pèse le degré de confiance que méritent ces pièces? et ce degré de confiance n'est-il pas subordonné à la vraisemblance des faits qu'elles énoncent et à la moralité des personnes dont elles émanent? Si tout fait, quoique invraisemblable, quoique non concluant, était regardé comme un commencement de preuves, par cela seul qu'il serait consigné dans un écrit, il s'ensuivrait que celui qui aurait de pareilles pièces serait admis à la preuve par témoins; tandis que celui qui n'aurait aucune pièce, mais qui néanmoins articulerait les faits les plus positifs et les plus lumineux, serait privé de cet avantage. Il convient donc de laisser aux juges une assez grande latitude pour qu'ils puissent, après s'être environnés de toutes les lumières les plus propres à éclairer leur conscience, empècher que l'enfant ne soit victime du hasard ou de la méchanceté. Au lieu de l'article 5, on propose la rédaction suivante, qui est adoptée : " A défaut de titre ou de possession constante, ou si l'en« fant a été inscrit, soit sous de faux noms, soit comme né « de père et mère inconnus, la preuve de la filiation peut se « faire par témoins. « Cette preuve ne peut être admise que lorsqu'il y a un «< commencement de preuves par écrit, ou un ensemble de présomptions et d'indices assez graves pour en déterminer l'admission. » Art. 7. D'après les diverses observations résultant de 325 l'examen de cet article, la section a pensé que l'unique objet de sa disposition était de changer la jurisprudence actuelle sur un cas particulier facile à prévoir. On cite un exemple : bâ Un individu qui n'a ni possession ni titre réclame contre une famille à laquelle il prétend appartenir. Que fait-il d'abord? Il demande que sa réclamation soit jugée relativement à la personne qu'il dit sa mère, et dont il soutient être né durant le mariage : si le jugement sur la maternité ne lui est point favorable, il ne va pas plus loin. Il sait que par là tout est décidé. Car, dès qu'il n'est point l'enfant de la femine, il ne peut l'être du mari; il ne serait tout au plus que tard adultérin. S'il parvient au contraire à faire juger que cette femme est sa mère, il lui suffit, d'après la jurisprudence encore existante, d'opposer, par rapport au père, la maxime, pater is est quem nuptiæ demonstrant, Cependant il peut arriver que les parens de la femme, soit par négligence, soit par collusion avec le réclamant, aient laissé accueillir une réclamation très-peu fondée, et que les parens du mari se trouvent lésés au dernier point par un jugement dont on prétend conclure que le réclamant était l'enfant du 327 330 mari, quoiqu'il n'eût été question au procès que de savoir s'il était enfant de la femme. L'article du projet a pour but de parer à cet inconvénient grave; la section ne peut qu'approuver un si juste motif; mais elle pense en même temps que, pour ne rien laisser à désirer sur la clarté du sens et sur la facilité de l'application, la disposition doit être conçue en ces termes': « La preuve contraire pourra se faire par tous les moyens " propres à établir que le réclamant n'est pas l'enfant de la « mère qu'il prétend avoir; ou même, la maternité prouvée, qu'il n'est pas l'enfant du mari de la mère. » ་་ Art. 9. Cet article est adopté, sauf le retranchement des mots, qui aurait été commis dans. Alors on lira : « L'action «< criminelle contre un délit de suppression d'état ne pourra « commencer qu'après le jugement définitif sur la question « d'état. » Cette légère rectification a paru rendre le texte encore plus précis. Art. 12 et 13. On craint qu'en laissant subsister ces deux articles tels qu'ils sont rédigés, on n'en tire la conséquence que la cessation de poursuites pendant trois ans de la part de l'enfant peut être opposée à l'enfant lui-même comme un abandon. On a pensé qu'il fallait distinguer entre l'enfant et les héritiers. Ceux-ci ne sont point aussi favorables que celui-là. Quand ce sont les héritiers qui veulent suivre l'action commencée par l'enfant, si, lors du décès de l'enfant, il y avait trois ans qu'il avait discontinué ces poursuites, cette cessation triennale doit être considérée, à l'égard des héritiers, comme un véritable désistement de la part de l'enfant. On ignore en effet si, dans le cas où l'enfant eût vécu, il aurait, après ce laps de temps, repris l'exercice de son action. L'absence de données certaines sur son intention positive fait interpréter contre les héritiers le doute existant; et la société trouve en cela le précieux avantage d'extirper un germe de procès. Mais lorsque c'est l'enfant qui agit lui-même, le silence qu'il a gardé depuis les dernières poursuites ne peut opérer contre lui l'effet d'un désistement, quelque long que ce silence ait été ; le droit qu'il exerce est tellement sacré, que la loi le déclare imprescriptible. Toutefois, cette imprescriptibilité n'est établie qu'en sa faveur, et le privilége est purement personnel. D'après la distinction qui vient d'être rappelée, et qui est fondée sur les principes de la matière, on propose de ne faire qu'une seule disposition de ces deux articles, et de la rédiger ainsi qu'il suit : « Les héritiers peuvent suivre cette action, lorsqu'elle a « été commencée par l'enfant, à moins qu'il ne s'en fût dé«sisté formellement, ou qu'il n'eût laissé passer trois années « sans poursuites à compter du dernier acte de la procédure.» Adopté. CHAPITRE III. Art. 2. A ces mots, d'un commerce libre, on propose de 335 substituer ceux-ci, de personnes auxquelles il était libre de s'unir par mariage. Cette substitution fera disparaître toute espèce de doute relativement à l'intention formelle de la loi de ne point autoriser la reconnaissance des bâtards incestueux. Art. 7. On observe, sur le second paragraphe de cet ar- 340 ticle, qu'il ne s'agit point ici de déterminer en quel cas il y a lieu d'accorder des dommages-intérêts à la mère; mais bien de dire que, dans le cas même où ces dommages-intérêts peuvent être accordés, la recherche de la paternité n'en est pas moins interdite. On propose, en conséquence, de réunir ces deux paragraphes, et de rédiger la disposition en ces termes : « La recherche de la paternité est interdite, quand bien << même l'époque de la conception d'un enfant concourrait « avec des circonstances de rapt ou de viol, qui donne 341 "raient lieu à des dommages-intérêts au profit de la mère. » La section adopte cette nouvelle rédaction. Art. 8 et dernier. Pour empêcher qu'on ne donne à cet article une extension qui serait une source de scandale et de trouble, et pour avertir en même temps que les articles relatifs à la reconnaissance d'un enfant naturel sont, quant à l'effet, applicables à la preuve résultante de la recherche de la maternité, un membre propose et la section adopte la rédaction suivante : ་་ « La recherche de la maternité est admise dans le cas où, «< aux termes de l'article 2, la reconnaissance peut avoir lieu. Elle n'est point admise lorsque la mère est, au moment de «la demande, engagée dans les liens du mariage. L'effet de la preuve résultant de cette recherche sera le même que « celui de la reconnaissance. » Le surplus de l'article est maintenu dans ses divers paragraphes. RÉDACTION DÉFINITIVE DU CONSEIL D'ÉTAT. (Procès-verbal de la séance du 13 brumaire an XI. - 4 novembre 1802.) 312 M. BIGOT-PRÉAMENEU, d'après la conférence tenue avec le Tribunat, présente la rédaction définitive du titre de la Paternité et de la Filiation. Elle est ainsi conçue : CHAPITRE Ier. De la Filiation des enfans légitimes ou nés dans le mariage. Art. 1. « L'enfant conçu pendant le mariage a pour père « le mari. « Néanmoins celui-ci pourra désavouer l'enfant, s'il prouve « que, pendant le temps qui a couru depuis le trois centième jusqu'au cent quatre-vingtième jour avant la naissance de « cet enfant, il était, soit par cause d'éloignement, soit par ་་ |