qu'il est prouvé que le mari a reconnu l'enfant d'une manière quelconque. : M. TRONCHET dit que le projet de Code transmettait l'action aux héritiers. Les tribunaux ont réclamé contre cette disposition les uns veulent exclure absolument la réclamation des collatéraux; les autres, que ces héritiers ne puissent réclamer que pendant le temps qui reste à expirer du délai accordé au mari. M. Tronchet pense que le silence du mari est sans conséquence, tant que le délai de la réclamation n'est pas écoulé, et que, dès-lors, l'action doit passer aux héritiers. M. RÉAL observe que la mort du mari enlève à la fentme l'avantage des aveux qu'il aurait pu faire. LE PREMIER CONSUL dit que l'article 2 n'est pas dans son opinion, parce qu'il se décide par l'intérêt des enfans: mais puisqu'il est admis que l'état de l'enfant qui naît après six mois de mariage peut être contesté, la présomption, dans ce cas, est contre l'enfant toutes les fois que le mari, qui seul sait s'il en est le père, ne l'a pas reconnu. M. REAL objecte que, dans le système, l'action passant aux collatéraux, le père ne peut ni pardonner, ni reconnaître tacitement l'enfant. M. TRONCHET répond qu'il y aura un délai après lequel la réclamation du mari ne sera plus reçue, qu'une maladie grave peut surprendre le mari, et le conduire au tombeau avant l'expiration du délai; que comme alors il a été dans l'impossibilité de réclamer, et que le délai n'est pas encore écoulé, on ne peut dire que, par son silence, il a reconnu l'enfant. M. BOULAY dit que, puisque le désaveu est incertain, on doit, dans le doute, décider en faveur de l'enfant. Le Premier ConSUL dit qu'on s'écarte de la théorie de la matière: il ne s'agit pas en effet de pardon, mais d'une vérité de fait il s'agit de savoir si le mari est ou n'est pas le père de l'enfant; en un mot, s'il y a une parenté naturelle. 312 La proposition du Consul Cambacérés et celle de M. Tronchet sont adoptées. (Procès-verbal de la séance du 16 brumaire an X. novembre 1801.) 7 M. BOULAY rappelle que, dans la dernière séance, les dispositions de l'article 4 du chapitre Ier du titre de la Paternité et de la Filiation ont été ajournées. Il les présente à la dis cussion. LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit que l'impossibilité physique de cohabitation détruit sans doute la présomption de paternité; mais, comme cette présomption peut encore être combattue par d'autres circonstances, la loi ne doit pas gêner la conviction du juge, et le réduire à repousser la vérité, lorsqu'elle résulte d'autres faits que l'impossibilité physique de la cohabitation. L'ancienne jurisprudence lui donnait cette latitude : elle admettait diverses exceptions contre la règle pater is est; au lieu de se réduire à la seule impossibilité physique, comme on le propose aujourd'hui, la jurisprudence avait admis l'impossibilité morale, et une troisième exception fondée sur l'indivisibilité du titre, c'est-à-dire quand les preuves établissaient en même temps que l'enfant ne pouvait pas être né de l'époux. En un mot, toute la théorie du droit dans cette matière a toujours été de faire prévaloir la présomption de paternité résultant du mariage sur toute autre présomption, et de la faire céder à l'évidence des preuves. S'écarter de cette route, c'est se jeter dans de grands embarras, et placer les juges entre un texte trop rigoureux et le cri de leur conscience. M. TRONCHET dit qu'en effet il a été rendu au parlement de Paris un arrêt qui admettait, contre la règle pater is est, l'impossibilité morale, et qui ne réputait pas enfant légitime celui en qui le titre et la possession détruisaient ce caractère, quoiqu'il fût d'ailleurs né dans le mariage; mais ce jugement ne fut pas généralement approuvé. M. Tronchet pense qu'il est plus sûr de n'admettre d'autre exception contre la règle générale, que celle qui résulte de l'impossibilité physique. L'impossibilité morale est toujours incertaine. Le titre et la possession contraires peuvent être l'ouvrage d'une mère dénaturée, qui dépouille de son état l'un de ses enfans pour en favoriser un autre, objet d'une tendresse excessive. En un mot, on ne peut aller au-delà de l'impossibilité physique sans tomber dans l'arbitraire et sans donner lieu aux fraudes. Le seul inconvénient que puisse avoir ce système, c'est de donner la légitimité à quelques enfans illégitimes; mais cet inconvénient n'est pas comparable aux nombreux abus qu'introduirait le système opposé. LE PREMIER CONSUL dit que l'article 5 autorise le père à désavouer l'enfant dans le cas de l'article 2; mais le cas de l'article 2 n'est pas le seul où ce désaveu doive être permis. Un enfant naît d'une femme mariée : si elle le fait inscrire sous le nom de son mari, il y a probabilité qu'il est le fruit du mariage; si le mari, instruit de ce fait, ne proteste pas dans un délai quelconque, la probabilité se convertit en preuve. Mais si l'enfant n'est inscrit ni sous le nom du mari ni sous celui de la femme, et que, dix ans après, il se présente pour recueillir une succession, le mari ou ses héritiers doivent être admis à faire valoir la présomption de fraude qui s'élève contre cet enfant, et à prouver qu'il n'est pas légitime. Dans cette hypothèse, ce ne sont pas les héritiers qui réclament contre l'enfant, c'est lui qui vient réclamer une place dans une famille à laquelle il est inconnu. M. BOULAY fait observer que cette question appartient au chapitre suivant, parce qu'elle naît presque toujours de la réclamation que l'enfant fait de son état. LE CONSUL CAMBACERES dit qu'elle appartient également à celui-ci. Il est vrai, ajoute-t-il, que les procès de ce genre s'engagent presque toujours sur la réclamation de l'enfant. Toutefois, ce n'est pas une raison pour repousser du cha pitre Ier l'énumération des exceptions que peut lui opposer la famille. L'état des hommes est une propriété que chacun croit pouvoir défendre. Il est juste, suivant l'esprit de la loi romaine, de multiplier, à cet égard, les exceptions et les preuves; il est juste aussi de laisser une grande latitude à la défense des héritiers légitimes. LE PREMIER CONSUL voudrait qu'immédiatement après l'article 1er vinssent les dispositions qui en déterminent l'application on spécifierait ensuite les cas où le père peut la contester avec succès. M. ROEDERER dit que la jurisprudence qu'a citée M. Tronchet, en la désapprouvant, n'était pas tellement certaine qu'on ne pût y opposer de grandes autorités; celle de M. d'Aguesseau, par exemple. Ce magistrat ne pensait pas que la protestation du père contre l'enfant dût priver celuici de son état; il n'admettait contre la règle générale que l'exception d'une séparation longue et à de grandes distances: mais hors de là, il voulait que le seul fait du mariage assurât l'état de l'enfant, malgré la déclaration du père, malgré l'aveu tacite de la mère, résultant de ce qu'elle avait fait inscrire l'enfant sous de faux noms, malgré même la décla→ ration de l'amant qui s'en reconnaissait le père. LE CONSUL CAMBACÉRÈS dit qu'on peut opposer aussi des autorités contraires ; il cite l'arrêt rendu en 1765 dans l'affaire de Rougemont et de Halte. M. TRONCHET dit qu'on perd de vue le point de la question. L'objet du chapitre Ier est de déterminer le principe d'après lequel on jugera que l'enfant appartient au mariage; l'objet du chapitre II est d'établir les preuves d'après lesquelles l'application du principe sera faite : ces deux choses ne doivent pas être confondues. Il s'agit, dans ce moment, de discuter le principe, lequel est consigné dans l'article 4. LE PREMIER CONSUL rappelle que, dans les discussions précédentes, on a distingué les formalités dont l'omission autorise la demande en nullité du mariage, et d'autres qui ne sont par essentiellement nécessaires à sa validité. La même distinction devrait se retrouver ici. On laisse dans le doute, par exemple, si, lorsqu'un enfant n'a pas été inscrit sous le nom du père, celui-ci peut le repousser. Il conviendrait donc d'expliquer d'abord quelles sont les formalités qui assurent l'état de l'enfant; on ajouterait que, quand elles n'ont pas été remplies, l'état de l'enfant étant incertain, le mari peut l'attaquer par toutes les raisons capables de le détruire. M. PORTALIS dit qu'il y a une différence entre l'article 2 et l'article 4. L'article 2, dans le cas qu'il suppose, donne au père le droit de désavouer l'enfant. C'est aller loin; car lorsque les époux habitent la même maison, il est probable que l'enfant est le fruit de leur union. Si la femme était enceinte au moment où le mari l'a épousée, il a mauvaise grâce de venir réclamer. Mais il serait injuste de donner plus d'étendue à la disposition de cet article, et d'en faire profiter les héritiers. Il n'en est pas de même de l'exception que donne l'article 4 : elle repose, à la vérité, sur un fait personnel au père et connu de lui seul; mais quand un autre fait patent, comme est l'impossibilité physique de la cohabitation, l'appuie, elle doit passer à la famille. M. TRONCHET propose, pour présenter les dispositions du 314 à 318 projet dans leur ordre naturel, d'en bien distinguer d'abord les trois objets. Il concerne, 1° les enfans qui naissent prématurément; 2o les enfans qui naissent pendant le mariage et dans un délai non suspect, mais dont la naissance est accompagnée de circonstances qui peuvent faire douter de leur légitimité; 3° les enfans qui naissent après le mariage, et à une époque trop éloignée de la dissolution pour qu'on puisse les en croire issus. Il conviendrait donc de placer après l'article 2, qui concerne les naissances prématurées, les articles 5, 6 et 7, qui en fixent les conséquences et les exceptions: on reviendrait ensuite à l'article 4, qui concerne le second cas ; on passerait |