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Puis la disposition qui autorise à prouver la filiation contre la mère;

Enfin celles sur les enfans adultérins.

M. BOULAY propose de décider d'abord la question de savoir si les enfans adultérins pourront être reconnus.

M. TRONCHET dit qu'il convient, avant tout, de discuter l'amendement de M. Maleville. Cet amendement ne peut pas être admis; car il est tout entier en faveur des mères dénaturées. Il ne peut en effet y avoir de question que lorsqu'elles refusent de remplir leurs devoirs.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE observe que le refus de secours peut venir aussi de l'impuissance où se trouve la mère de disposer des fonds de la communauté.

M. MALEVILLE dit qu'aucune des raisons qu'on a opposées à son amendement ne lui paraissent assez fortes pour l'écarter.. On a dit que la recherche de la maternité ne pouvait aboutir qu'à une créance alimentaire peu considérable. Mais estce bien de la quantité de la somme qu'il s'agit ici? Eh! qu'importe qu'elle soit faible ou forte, lorsque le titre auquel on la réclame est déshonorant pour sa mère?

On a dit que, quand la loi interdirait la recherche de la maternité, elle ne pourrait empêcher les cris de l'enfant d'arriver aux oreilles du mari. Mais, parce qu'il est possible que, par cette voie ou par toute autre, le mari soit instruit de la faute de la femme, faut-il légalement mettre un poignard dans la main de l'enfant, pour aller l'enfoncer toujours et sûrement dans le sein de sa mère? Celle-ci n'a-t-elle pas d'ailleurs d'autres moyens qu'une reconnaissance éclatante de maternité pour faire cesser les cris de l'enfant? ou bien prétendrait-on que la certitude d'être rejeté par les tribunaux, d'ètre traité comme un calomniateur, d'être privé de bienfaits secrets, rendra ces recherches de maternité tout aussi nombreuses lorsque la loi les interdit que quand elle les encourage?

On a dit que la crainte de cette recherche obligerait les mères à faire l'aveu de leurs fautes à leurs maris avant le mariage; mais il est fort douteux que ce conseil philosophique fasse fortune, et très-probable qu'il condamnerait la mère au célibat.

On a traité de dénaturées les mères qui ne font pas l'aveu de leur maternité; mais comment qualifier l'enfant qui, pour un intérêt sordide, se portera pour l'assassin moral de la mère, et prêtera le plus souvent sa voix et son nom à d'implacables ennemis, quelquefois à des calomniateurs déhontés, pour jeter le désordre et le désespoir dans le sein d'une famille honorable et paisible?

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Des citoyens éclairés ont mis en question si la recherche de la maternité en général devait être admise, si l'honneur, qu'on cherchait si inutilement, et surtout si inciviquement à déraciner du cœur des femmes, ne les exposerait pas à un crime plus grave. « L'enfant est perdu, dit le tribunal de Lyon, si la mère hésite un moment entre le soin de sa réputation et l'amour maternel. » Mais que pour l'intérêt d'un enfant, triste fruit d'un moment de faiblesse, on compromette la tranquillité d'une famille entière; qu'à la place du bonheur qui y régnait, de la confiance, du respect pour une épouse, une mère chérie, on verse d'un côté le poison de la mort, et de l'autre les regrets, la honte et les fureurs ; c'est ce qu'il est impossible d'admettre, et que des considérations supérieures à tout intérêt privé, l'honnêteté publique et l'ordre de la société, repoussent également. Au surplus, ceux qui s'opposent à l'amendement sont en contradiction avec le projet tout entier; car ce projet défend de reconnaître, pendant le mariage, même l'enfant né auparavant. Comment donc la demande en filiation serait-elle admise pendant le mariage?

M. BERLIER répond qu'il n'y a nulle parité entre les deux espèces; que lorsque l'enfant se présente avec un commencement de preuve par écrit, c'est un tiers, réclamant un droit

qui n'a être altéré dans son essence, ni modifié dans ses pu effets, par un contrat postérieur qui lui est étranger; qu'au contraire, en matière de reconnaissance, on ne trouve que le fait propre des époux et une espèce d'acte que le législateur doit circonscrire dans de justes limites; qu'ainsi, et pour obvier à des reconnaissances qui pourraient s'opérer souvent en collusion plus qu'en faveur de la vérité, la loi peut les interdire, et qu'elle le doit peut-être pour arrêter le préjudice qu'en recevrait la société conjugale; mais qu'il n'y a nulle analogie entre la prohibition faite aux gens mariés de conférer de leur propre mouvement un pur bienfait, un titre à des individus qui n'en ont point, et la défense que l'on voudrait faire porter sur un tiers, sur un enfant qui réclame l'exercice d'un droit, et non l'application d'une libéralité suspecte.

M. MALEVILLE fait observer que M. Berlier suppose, contre toute vraisemblance, qu'un mari ait épousé une personne qu'il savait avoir été mère.

M. EMMERY dit que l'enfant pouvant se faire reconnaître quand il a des titres contre sa mère, l'article 13 pourvoit suffisamment à ses intérêts, puisqu'il l'autorise à faire valoir ses droits lors de l'ouverture de la succession. Toute demande formée avant cette époque porterait le trouble dans le ménage.

M. REAL fait observer que M. Emmery raisonne dans la supposition qu'on pourrait empêcher l'enfant de former sa demande; que cependant on ne peut que l'en débouter. "Ainsi l'enfant pourra recueillir des preuves, et venir menacer sa mère et le mari de sa mère de les flétrir s'ils ne lui accor— dent ce qu'il demande. Le scandale est là, et l'on ne pourrait l'empêcher.

L'amendement de M. Maleville ne maintiendrait donc pas la tranquillité des époux.

M. EMMERY dit qu'on peut interdire la demande même, et punir par une amende la contravention que l'enfant se permettrait à cette disposition de la loi.

M. TRONCHET objecte que les preuves de la maternité pourraient dépérir, si l'enfant n'était admis à les faire valoir qu'à l'ouverture de la succession de sa mère; qu'ainsi l'article 13 n'assurerait pas ses droits.

la

M. EMMERY répond qu'il ne faut pas séparer le système. Suivant l'article 7, la réclamation de l'enfant doit être soutenue 1o de la preuve de l'accouchement de la mère ; 2o de preuve de l'identité entre lui et l'enfant dont la mère est accouchée. La preuve testimoniale ne lui est perinise que lorsqu'il a un commencement de preuve par écrit: or, ce commencement de preuve, qui attestera l'accouchement de la mère, existera également lors de l'ouverture de la succession. La plupart de ces enfans auront même un acte de naissance qui les dispensera de faire valoir toute autre preuve. Il leur restera à justifier de l'identité : mais la preuve de ce fait est possible, même après un laps de temps considérable.

M. BERLIER dit que l'aveu fait par M. Emmery que la plupart des réclamans se fondent sur leur acte de naissance, est le plus fort argument contre la thèse qu'il défend; car quand le secret sera révélé par un document de cette importance, qu'opérera-t-on en empêchant que l'enfant n'exerce actuel lement ses actions? Rien, absolument rien qui réponde au but qu'on se propose.

M. Berlier persiste à demander le rejet de l'amendement de M. Maleville.

LE PREMIER CONSUL résume les questions et les met aux voix.

LE CONSEIL adopte en principe,

1°. Que les enfans nés avant le mariage de leur mère peuvent réclamer après le mariage qu'elle a contracté avec un autre individu que leur père;

2°. Que l'enfant illegitime né clandestinement pendant le mariage peut établir sa filiation contre sa mère.

M. BERLIER demande si l'enfant né d'une mère libre et d'un père marié sera réputé adultérin. Il pense qu'il est pré

férable de ne le regarder que comme l'enfant de la mère. M. ROEDERER dit qu'il faut prévoir ici trois cas :

1o. Celui où un enfant est né d'un père libre et d'une mère mariée ;

2o. Celui où il est né d'un père marié et d'une mère libre; 3. Celui où son père et sa mère sont tous deux engagés dans les liens du mariage.

Dans le premier et dans le troisième cas, il ne faut pas permettre à l'enfant de venir troubler la tranquillité de ceux dont il tient la vie; dans le second, il est juste de le renvoyer à sa mère.

LE PREMIER CONSUL renvoie toutes les questions à la sec

tion.

312-313

312

(Procès-verbal de la séance du 12 frimaire an X.

3 décembre 1801.)

M. BOULAY présente la seconde rédaction du projet de loi sur la Paternité et la Filiation.

L'article 1er du chapitre Ier, ayant pour titre de la Filiation des Enfans légitimes ou nés dans le mariage, est adopté ainsi qu'il suit :

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« L'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari. « Le mari ne pourra le désavouer, soit en excipant d'a«dultère de la part de sa femine, soit en alléguant son impuissance naturelle; à moins que la naissance de l'enfant « ne lui ait été cachée, auquel cas il sera admis à proposer « tous les faits propres à justifier qu'il n'en est pas le père. L'article 2 est discuté; il est ainsi conçu :

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« Le mari pourra désavouer l'enfant, si, au moment de la conception de cet enfant, il était frappé d'une impuissance accidentelle, ou si son éloignement était tel qu'il y eût impossibilité physique de cohabitation avec sa femme. » M. BERLIER pense que ces mots, impuissance accidentelle, n'expriment pas assez clairement l'idée qu'on se propose de

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rendre.

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