AVERTISSEMENT. PEUT-ÊTRE, en voyant paraître le recueil des actes et procédures dont le résultat fut l'expulsion des jésuites, se demandera t-on : 0 1° Quels furent les motifs qui décidèrent le parlement à poursuivre cet institut, quand tous les autres instituts religieux furent respectés? 2o Quels sont les motifs qui portent à publier aujourd'hui les actes de ce grand procès ? Pour répondre à la première question, il suffit de citer l'avocat-général, organe du ministère public dans le compte rendu aux chambres assemblées le 7 juillet 1761. Tous les plans d'instituts religieux, >> dit-il, se rapprochent assez les uns des » autres, quant à ce qui en forme l'es>> sence. Les préceptes évangéliques en font la substance; des constitutions par>> ticulières, et relatives à la fin de leur >> établissement, les distinguent entre eux. >> L'institut des jésuites diffère de tous les >> autres dans toutes ses parties. Les au>> tres instituts ont été reçus, ou avec une >> approbation marquée, ou dans un si>>> lence respectueux de la part du public. » L'institut des jésuites a excité l'atten» tion de toutes les nations, des princes, >>> des magistrats et des corpsles plusrespec>> tables; il a éprouvé de leur part des op» positions, des contradictions marquées : >> il est bien difficile que la prévention » seule, contre une Société qui ne faisait » que de se montrer, fût le mobile qui fit » agir tous les esprits, et que l'envie de lui >>> nuire imposât silence à la voix de la >>> conscience et au sentiment d'équité dans >> tous les hommes distingués de l'état > ecclésiastique et du siècle, qui s'élevè>> rent avec tant de chaleur contre cet éta» blissement. D'où pouvait donc venir » cette indisposition si marquée contre ces » religieux, et ces actes éclatans d'une op» position constante, dont les monumens >> subsistent encore dans les dépôts pu>> blics et dans les historiens? Nous en trou » vons la source dans la nature de leur institut. Un institut qui ne connaît de » loi, d'autorité que celle d'un supérieur » monarchique, lequel concentre tout en » lui; un institut qui se cache sous le voile » du secret, qui ne découvre son esprit » qu'à un certain nombre de ses membres » choisis et éprouvés, et n'offre qu'un » mystère impénétrable aux autres ; qui a » toute la mobilité que la variété des lieux » et des circonstances peuvent exiger; qui >> peut compter dans son sein des hom>> mes de toutes les conditions, princes, » ecclésiastiques, laïcs, qu'il peut, quoi» qu'en demeurant dans le monde, s'atta> cher par des vœux; qui met entre les mains d'un seul son administration et -> ses biens: un institut dont les membres >> sont autant d'êtres inanimés, sans vie, » sans action, et qui n'ont de vie et de » mouvement, qu'autant et pour autant >> de temps qu'il plaît à un seul, qui a >> l'autorité monarchique, de leur en don» ner, dont l'âme passe dans chaque par» ticulier, qui ne doit penser et vouloir » que ce qu'il veut : un institut qui, par >> ses priviléges pourrait se croire indépen>> dant de toute autorité spirituelle et tem>> porelle, jouissant de toutes les exemp» tions les plus contraires aux droits des » évêques et des pasteurs inférieurs; qui >>> lie par des vœux tous ses membres à son >> chef, sans que le chef contracte envers >> ses membres aucun engagement réci>> proque : un institut où les sujets, mal>> gré le lien des vœux, peuvent être chas>> sés dans tous les temps de leur vie, et » qui tous réunis peuvent, non pas seu» lement déposer, mais chasser également » leur général; un tel institut, quand on » en a réuni, pour la première fois, tous » les caractères, a dû surprendre tous les » hommes qui l'ont vu se former. >> Tous les ordres, en s'établissant, se >> sont montrés à découvert: leurs consti» tutions particulières n'ont jamais été un >> mystère pour les externes, et encore » moins pour ceux qui s'y trouvaient as» sujétis par leurs engagemens. Dans cha» que ordre, tous les membres ne forment » qu'un corps, et tous sont également unis » à leur chef, et le chef à tous ses mem » bres par un lieu indissoluble. Il semble » que les Jésuites ont toujours regardé » comme important pour eux qu'on n'ait » aucune connaissance de ce qui constitue » leur institut; et ils portent même cette » attention jusqu'à leurs propres sujets; » comme si ceux qui s'engagent dans une » société ne devraient pas en connaitre |