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assez hardis pour se cruire propriétaires de leur pensée, et qui précipita sur les bûchers tous ceux dont l'opinion débordoit la sienne. Peut être les catholiques qui seuls sont restés dans ce pays dévasté, après avoir contemplé en frémissant l'ouvrage de leurs propres mains, couverts du sang de leurs frères, fuyant devant le flambeau d'une raison vengeresse, frappés de terreur à l'ap

ng se sont accumulés sur les nations; et les hommes ont pu sans fiémir se soumettre à des rois !... à des prêtres!... Pent-on lire sans horreur ces rapprochemens, ces calculs mortuaires que nous offre l'histoire de toutes les nations, et que Voltaire a peints avec des couleurs si vraies dans son Traité philosophique sur Dieu et l'homme! Ce petit nombre de pages devroit être entre les mains de tous les adoratturs de la liberté, de Ja félicité publique. Et vous, mères sensibles, femmes régénérées aux véritables devoirs des femmes ; vous à quí la nature et la patrie ont confié l'honorable soin d'élever une enceinte autour de l'ame de vos enfans; vous qu'elles out chargé de poser la première pierre du grand édifice de la raison bunaine, c'est-là où il faut apprendre à vos jeunes élèves à balbutter pour la première fois les mots nature, humanits; et puisque jadis nos maîtres sanguinaires ont dû employer tous les prestiges de la terreur pour se créer d'imbécilles esclaves, qu'une juste terreur à son tour sape enfin les fondemens de leurs trônes, et nous préserve de leurs poisons.

proche d'un remords superflu, enfin tourà-tour tyrans et victimes; ces infortunés dis-je, coururent sans doute déposer Pinsupportable fardeau d'une conscience agitée dans le sein maternel de l'église. Alors la magicienne eut l'art de transformer l'assassinat de leurs frères en un sacrifice agréa ble à la Divinité. Ordonnatrice du meurtre, elle seule avoit le droit et le pouvoir de le déifier. Ainsi les Brabançons humiliés et tremblans aux genoux de celle qui eût mieux aimé anéantir mille fois le genre humain que de renoncer au droit de le régir, courbèrent le front devant cette sagesse impénétrable qui réunit toutes les contradictions, et bannirent pour jamais le fatigant scepticisme de la raison.

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Si la plus sublime prérogative d'une religion de paix est dé prononcer au nom de la Divinité réconciliée le pardon du pécheur repentant, ce droit s'étend-il jusqu'à opérer l'entière extirpation des suites naturelles du péché. On peut absoudre le criminel; mais ni l'absolution (1), ni le re

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(1) « Louis XI, la Brinvilliers se confessoient dès » qu'ils avoient commis un grand crime, et se confes

mords ne peuvent détruire la préexistence du mal, ne peuvent arracher une maille de la chaîne des événemens qui, par une réac tion nécessaire, deviennent alternativement cause et effet.

Depuis la sanguinaire époque où Philippe II et son ministre Albe se couvrirent d'assassinats, où le sang des citoyens vertueux coula sur l'échafaud, l'histoire nous peint cès provinces comme le théâtre de toutes les guerres étrangères, ou comme une propriété précaire transmise par droit d'héritage d'une maison souveraine dans une autre. Jamais elles n'eurent de caractère partieulier; jamais un grand homme n'y prit naissance. Tombées dans une sorte de stupeur politique, ces provinces ne surent pas même défendre les premiers droits de l'homme et du citoyen contre des voisins entreprenans qui leur avoient imposé par d'iniques traités la dure condition de fermer les passages du fleuve, afin de ravir aux habitans l'ai

» soient souvent, comme les gourmands prennent mé➜ decine pour avoir plus d'appétit ».

Voltaire, Dict. philos. art. Confession.

sance que donne le commerce maritime, la population, et le progrès des lumières. Les tentatives de Joseph pour secouer ce joug si dur furent souffertes par les Brabançons. Les Flamands résistèrent. Les uns croyoient que le transit étoit un dédommagement suffisant pour la fermeture de l'Escaut, ou s'étoient accoutumés à trouver dans leurs trésors héréditaires une source inépuisable de jouissances bornées, mais paisibles. Ceux-là ne voulurent point sacrifier Ostende pour rendre Anvers florissant. La noblesse de ces deux provinces craignit de voir diminuer son influence, son pouvoir sur des citoyens dont le commerce eût augmenté l'aisance; le clergé, qui dans la Flandre possède la moitié, et dans le Brabant les deux tiers de toutes les propriétés, se contentoit du produit assuré d'un sol fertile.

Il y eut même un moment où les arts refleurirent sous la sauve garde de la liberté. Mais au lieu de s'exercer à manier les armes pour sa défense, le Belge les laissa tomber de ses mains, et se saisit d'un pinceau. Car l'énergie de l'esprit humain ne peut s'éteindre, ni disparoître subitement.

Le luxe de la ville principale, le ralentissement de la circulation des capitaux dans les autres villes, le faste orgueilleux du clergé, tant régulier que séculier, la politique, peut-être, fournirent d'abord aux artistes les moyens d'exercer leurs talens. Cette période fut de courte durée; tout dégénéra bientôt en un long sommeil léthargique, et fléchit mollement sous les narcotiques influences de l'éducation monacale.

Pour donner aux figures l'air vivant qu'elles doivent avoir; pour représenter des hommes agissans; pour exquisser seulement les grandes actions, il faut que l'artiste soit doué d'un génie libre, qu'il ait une ame capable de réfléchir, celle des héros dont il veut représenter l'image fidelle; qu'enfin il soit tourmenté du besoin de créer. Or, le sang du Belge ne l'excite point à rien. inventer de lui-même. Lorsque cette ombre d'énergie qu'avoient produit les guerres de la Belgique fut dissipé; lorsque Vandyck, transplanté en Angleterre, eut été enlevé par une mort prématurée, alors les arts disparurent de la Flandre; et les soi-disantes académies de peinture, dont les noms existent encore à Malines et à Anvers, tombe

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