léon se serait vu bientôt réduit á licencier sa garde fidèle faute de moyens pour assurer sa paie, s'il n'eût trouvé dans les reconnaissans souvenirs des banquiers et négocians de Gênes et d'Italie, l'honorable ressource d'un prêt de 12 millions qui lui fut offert. So. Enfin ce n'était pas sans motif qu'on voulait par tous les moyens éloigner de Napoléon ces compagnons de sa gloire, modèles de dévouement et de constance, garans inébranlables de sa sureté et de sa vie. L'ile d'Elbe lui était assurée en toute propriété (art. 3 du traité); et la résolution de l'en dépouiller, désirée par les Bourbons, sollicitée par leurs agens avait été prise au congrés. Et si la Providence n'y eut pourvu dans sa justice, l'Europe aurait vu attenter à la personne, à la liberté de Napoléon, relégué désormais à la merci de ses ennemis, loin de sa famille, et séparé de ses serviteurs, ou à Sainte-Lucie, ou à Sainte-Hélène, qu'on lui assignait pour prison. Et quand les puissances alliées cédant aux vœux imprudens, aux instances cruelles de la maison de Bourbon, ont condescendu à la violation du contrat selennel, sur la foi duquel Napoléon avait dégagé la nation Française de ses sermens, quand lui-même, et tous les membres de sa famille, se sont vus menacés, atteints dans leurs personnes, dons leurs proprietés, dans leurs affections, dans tous les droits stipulés en leur faveur comme princes, dans ceux mêmes assurés par les lois aux simples citoyens, que devait faire Napoléon ? Devait-il après avoir enduré tant d'offenses, supporté tant d'injustices, consentir à la violation completée des engagemens pris avec lui, et se résignant personnellement au sort qu'on lui préparait, abandonner encore son épouse, son fils, sa famille, ses serviteurs fidèles à leur affreuse destinée ? Une telle résolution semble an-dessus des forces humaines; et pourtant Napoléon aurait pu la prendre si la paix, le bonheur de la France eussent été le prix de ce nouveau secrifice. Il se serait encore dévoué pour le peuple Français, duquel, ainsi qu'il veut le déclarer à l'Europe, il se fait gloire de tout tenir, auquel il veut tout rapporter, à qui seul il veut répondre de ses actions, et dévouer sa vie. C'est pour la France seule et pour lui éviter les malheurs d'une guerre intestine qu'il abdiqua la couronne en 1814. Il rendit au peuple Français les droits qu'il tenait de lui; il le laissa libre de se choisir un nouveau maître, et de fonder sa liberté et son bonheur sur des institutions protectrices de l'un et de l'autré. Il espérait pour la nation la conservation de tout ce qu'il avait acquis par 25 années de combats et de gloire, l'exercice de sa souveraineté dans le choix d'une dynastie et dans la stipulation des conditions auxquelles elle serait appelée à régner. Il attendait du nouveau gouvernement, le respect pour la gloire des armées, les droits des braves, la garantie de tous les intérêts nouveaux, de ces intérêts nés et maintenus depuis un quart de siécle, résultant de toutes les lois politiques et civiles, observées, révérées depuis ce tems, parce qu'elles sont identifiées avec les mœurs, les habitudes, les besoins de la nation. Loin de là, toute idée de la souveraineté du peuple a été écartée. Le principe sur lequel a reposé toute la législation politique et civile depuis la révolution a été écarté également. La France a été traitée par les Bourbons comme un pays révolté, reconquis par les armes de ses anciens maîtres, et asservie de nouveau à une domination féodale. Louis-Stanislas-Xavier a méconnu le traité qui seul avait rendu le trône de France vacant, et l'abdication qui seule lui permettait d'y monter. Il a prétendu avoir régné 19 ans; insultant ainsi et les gouvernemens établis depuis ce tems, et le peuple qui les a consacrés par ses suffrages, et l'armée qui les a défendus, et jusqu'aux souverains qui les ont reconnus dans leurs nombreux traités. Une charte rédigée par le sénat, toute imparfaite qu'elle fût, a été mise en oubli. On a imposé à la France une loi prétendue constitutionnelle, aussi facile à éluder qu'à révoquer, et dans la forme des simples ordonnances royales, sans consulter la nation, sans entendre même ces corps devenus illégaux, fantômes de représentation nationale. Et comme les Bourbons ont ordonné sans droits et promis sans garantie, ils ont éludé sans bonnefoi et exécuté sans fidélité. La violation de cette prétendue charte n'a été restreinte que par la timidité du gouvernement, l'étendue des abus d'autorité n'a été bornée que par sa faiblesse. La dislocation de l'armée, la dispersion de ses officiers, l'exil de plusieurs, l'avilissement des soldats, la suppression de leurs dotations, la privation de leur solde ou de leur retraite, la réduction des traitemens des légionnaires, le dépouillement de leurs honneurs, la prééminence des decorations de la monarchie féodale, le mépris des citoyens, désignés de nouveau sous le nom de Tiers-Etat, le dépouillement préparé et déjà commencé des acquéreurs de biens nationaux, Pavilissement actuel de la valeur de ceux qu'on était obligé de vendre, le retour de la féodalité dans ses titres, ses priviléges, ses droits utiles, le rétablissement des principles ultramontains, l'abolition des libertés de l'église gallicane, l'anéantissement du concordat, le rétablissement des dîmes, l'intolérance renaissante d'un culte exclusif, la domination d'une poignée de nobles sur un peuple accoutumé à l'égalité, voilà ce que les Bourbons ont fait ou voulaient faire pour la France. C'est dans de telles circonstances que l'Empereur Napoléon a quitté l'île d'Elbe, tels sont les motifs de la détermination qu'il a prise, et non la considération de ses intérêts personnels, si faible près de lui, comparée aux intérêts de la nation a qui il a consacré son existence. Il n'a pas apporté la guerre au sein de la France; il y a au contraire éteint la guerre que les propriétaires de biens nationaux, formant les quatre-cinquièmes des propriétaires Français, auraient été forcés de faire à leurs spoliateurs; la guerre que les citoyens opprimés, abaissés, humiliés par les nobles, auraient été forcés de déclarer à leurs oppresseurs; la guerre que les protestans, les juifs, les hommes des cultes divers, auraient été forcés de souteuir contre leurs persécuteurs, Il est venu délivrer la France, et c'est aussi comme libérateur qu'il a été reçu. Il est arrivé presque seul; il a parcouru 220 lieues sans obstacles, sans combats, et a repris sans résistance, au milieu de la capitale et des acclamations de l'immense majorité des citoyens, le trône délaissé par les Bourbons, qui, dans l'armée, dans leur maison dans les gardes nationales, dans le peuple, n'ont pu armer personne pour essayer de s'y maintenir. Et cependant, replacé, à la tête de la nation qui l'avait déjà choisi trois fois, qui vient de la désigner une quatriéme fois par l'accueil qu'elle lui a fait, dans sa marche et son arrivée, rapides et triomphales; de cette nation par laquelle et pour l'intérêt de laquelle il veut régner, que veut Napoléon? Ce que veut le peuple Français: l'indépendance de la France, la paix intérieure, la paix avec tous les peuples, l'exéeution du Traité dé Paris du 30 Mai 1814. Qu'y a-t-il done désormais de change dans l'état de l'Europe et dans l'espoir du repos qui lui était promis? Quelle voix s'élève pour demander ces secours qui, suivant la déclaration, ne doivent être donnés qu'autant qu'ils seront réclamés? Il n'y a rien de changé: si les puissances alliées reviennent, comme on doit l'attendre d'elles, à des sentimens justes, modérés; si elles reconnaissent que l'existence de ła France dans un état respectable et indépendant, aussi éloigné de conquérir que d'être conquis, de dominer que d'êtte asservie est nécessaire à la balance des grands royaumes, comme à la garantie des petits Etats. Il n'y a rien de ehangé: si respectant les droits d'une grande nation qui veut respecter les droits de toutes les autres, qui, fière et généreuse, a été abaissée mais ne fut jamais avilie, on lui laisse reprendre un monarque et se donner une Constitution et des lois qui conviennent à ses mœurs, à ses intéréts, à ses habitudes, à ses besoins nouveaux. Il n'y a rien de changé: si n'essayant pas de contraindre la France à reprendre avec une dynastie dont elle ne peu plus vouloir, les chaînes féodales qu'elle a brisées, à se soumettre à des prestations seigneuriales ou ecclésiastiques dont elle est affranchie, on ne veut pas lui imposer des lois, s'immiscer dans ses affaires intérieures, lui assigner une forme de gouvernement, lui donner des maîtres au gré des intérêts ou des passions de ses voisins. Il n'y a rien de changé: si quand la France est occupée de préparer le nouveau pacte social qui garantira la liberté de ses citoyens, le triomphe des idées genéreuses qui dominent en Europe et qui ne peuvent plus y être étouffées, on ne la force pas de se distraire pour combattre, de ces pacifiques pensées et des moyens de prospérité intérieure auxquels le peuple et son ehef veulent se consacrer dans un heureux accord. Il n'y a rien de changé: si quand la nation Française ne demande qu à rester en paix avec l'Europe entière, une injuste coalition ne la force pas de défendre, comme elle l'a fait en 1792, sa volonté et ses droits, et son indépendance, et le souverain de son choix. Signés: Le Ministre-d'Etat Président de la Le Comte DEFERMON. Le Ministre-d'Etat Président de la Section de l'Intérieur, Le Cte. REGNAUD DE St. JEAN-D'ANGELY. Le Président de la Section de Le- Le Comte BOULAY. |