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COUR DE CASSATION.

Succession. Renonciation.

Bénéfice d'inventaire.

Sect. civ., 1er août 1809. C. N., 778, 779, 789, 797, 798, 799, 800.- [Un héritier, bien qu'il ait pris cette qualité dans un pouvoir donné pour les opérations de la succession, est recevable à renoncer à cette succession ou à ne l'accepter que sous bénéfice d'inventaire, s'il a chargé expressément son mandataire de lui réserver cette double faculté, et si le mandataire à réellement fait la réserve. — Un héritier peut être admis à la renonciation ou au bénéfice d'inventaire, bien qu'il ait vendu, sans autorisation de justice, le mobilier de la succession. -Cette vente ne constitue point par elle-même un acte d'appréhension de l'hérédité. C'est d'après les circonstances que les juges doivent en déterminer l'effet. - Un héritier, qui n'a pas fait acte d'héritier pur et simple, peut, même après le délai pour délibérer, renoncer à la succession ou se porter héritier bénéficiaire. ]

Le 18 frimaire an 5, décède à Paris le sieur d'Aguillard. Il laisse cinq héritiers, un frère absent et quatre sœurs. Le 14 nivose, les dames d'Aguillard donnent au sieur Rodrigue une procuration à l'effet de faire procéder à la levée des scellés, à l'inventaire, à la vente du mobilier, etc.; elles prennent dans cette procuration la qualité d'héritières; mais elles, chargent expressément leur mandataire de leur réserver le droit, ou de renoncer à la succession, ou da

ne l'accepter que sous bénéfice d'inventaire. Fidèle à son mandat, Rodrigue fait la réserve dans l'inven taire et dans le procès-verbal de vente d'une partie du mobilier. Un commissaire du domaine représentant l'héritier absent, assiste à ces deux actes ainsi qu'à la levée des scellés. La vente du mobilier ne produit qu'une modique somme de 259 liv. 10 S., qui est employée, à acquitter des frais privilégiés. Cependant plusieurs années s'écoulent sans que les dames d'Aguillard s'expliquent sur leur qualité : ce n'est que le 1er. septembre 1807, que par un acte fait au greffe du tribunal de la Seine, elles déclarent renoncer à la succession de leur frère : mais dans le temps intermédiaire, en l'an 11, le sieur Monnier, créancier de cette succession par un titre authentique, demande que ce titre soit déclaré exécutoire contre les dames d'Aguillard, comme héritières pures et simples de leur frère, attendu la qualité prise par elles dans leur procuration et dans le procès-verbal de vente du mobilier; attendu le fait de cette vente sans autorisation de justice; attendu enfin le défaut de déclaration des dames d'Aguillard immédiatement après l'inventaire, ou qu'elles renonçaient à la succession, ou qu'elles ne l'acceptaient que sous bénéfice d'inventaire. I.e tribunal de Bordeaux et la Cour d'appel accueillent cette demande et les motifs qui la fondent. Les dames d'Aguillard se pourvoient contre l'arrêt pour contravention aux articles 316 et 317 de la coutume de Paris. Elles disent, en point de droit, qu'aux termes de ces articles, ne se porte héritier qui ne veut et qu'on ne fait acte d'héritier, que si l'on prend et appréhende les biens d'un défunt ou partie d'iceux, sans avoir autre qualité ou droit de les

prendre que celui d'héritier; en point de fait, qu'elles n'ont pris et appréhendé aucune partie de l'hérédité fraternelle; que dans leur procuration, elles n'ont fait qu'énoncer les noms des héritiers des deux branches et les droits éventuels de chacun d'eux; que cette procuration a été, suivant l'usage, donnée à toutes fins; que leur fondé de pouvoirs à fait des réserves, exclusives de l'adition d'hérédité; qu'elles ont, il est vrai, vendu une partie du mobilier; mais qu'elles l'ont vendue avec le concours d'un agent du domaine, par le ministère d'un officier public, pour faire face à des frais privilégiés, aux frais de sépulture, de scellés, d'inventaire : que le produit de la vente a été réellement employé en entier à cette destination; qu'il n'en a pas été versé une obole aux mains des héritières; qu'il est vrai encore qu'elles n'ont renoncé à la succession que hors les délais fixés par la loi pour faire inventaire et délibérer; mais que la disposition de l'article 800 du Code Napoléon n'est pas une innovation dans nos lois ; qu'un héritier pouvait aussi, sous l'ordonnance de 1667, ne renoncer à une succession ou ne l'accepter sous bénéfice d'inventaire, qu'après l'expiration des délais; qu'il n'importait même que les créanciers eussent fait des poursuites; qu'il suffisait, pour la validité de la renonciation, ou de l'acceptation bénéficiaire que l'héritier n'eût pas fait acte d'héritier pur et simple.

Monnier répond que quand le tribunal et la Cour d: Bordeaux se seraient trompés en déclarant, d'après les faits et les circonstances de la cause, les dames d'Aguillard, héritières pures et simples de leur frère, ce ne serait qu'un mal jugé; qu'il n'y aurait pas ouverture à cassation.

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«LA COUR, sur les conclusions de M. Pons, S. du P.-G., vu les art. 316 et 317 de la coutume de Paris; tendu qu'il résulte des actes et pièces du procès, qu'en même temps que les demanderesses donnaient leur procuration au sieur Rodrigue, pour agir sous leurs noms en qualité d'héritières de d'Aguillard, elles le chargèrent expressément de leur réserver le droit de renoncer à la succession, ou de l'accepter sous bénéfice d'inventaire, puisqu'en effet cette réserve a été faite dans l'inventaire dressé, et qu'ensuite elle fut répétée dans le procès-verbal de vente qui fut faite quelques jours après; qu'ainsi, et jusqu'alors, la qualité d'héritières, prise par les demanderesses, accompagnée d'une pareille réserve, ne pouvait être considérée comme exclusive du bénéfice d'inventaire, ni de la renonciation à l'hérédité; — attendu que suivant les lois et les principes en vigueur lors de l'ouverture de la succession dont il s'agit, et qui ont été de nouveau consacrés par les art. 797, 798, 799 et 800 du C. N., le droit ou la faculté de renoncer à une succession, ou de se porter héritier par bénéfice d'inventaire, peut encore s'exercer après que le délai pour délibérer est expiré, toutes les fois qu'il n'a pas été fait acte d'héritier pur et simple ;-attendu qu'il est constant au procès que le 18 pluv. an 5, il fut fait dans les formes et avec les solennités requises, un inventaire de la succession, et que le 21 du même mois, il fut procédé à la vente d'une partie du mobilier, constaté par cet inventaire, et dont le prix n'a produit qu'une modique omme de 2591. rt s.; que, d'une part, cette vente fut nécessitée par le besoin de payer des frais funéraires; que, d'autre part, elle fut faite publiquement par un officier public, et avec l'assistance d'un commissaire du domaine national; qu'ainsi la nature de cette vente et les circonstances qui l'ont accompagnée, en font une espèce absolument différente de l'appréhension dont il est parlé dans l'article 317 de la Coutume de Paris, et qui, suivant cet article, devrait être réputée acte d'héritier; d'où il suit que l'arrêt dénoncé, en jugeant d'après les actes et faits particuliers de la cause, que les demanderesses devaient être réputées héritières pures et simples, a fait une fausse application de l'art. 317 de la C. de P., et violé l'art. 316; casse, etc. >>

Testament.

Prière. - Substitution. - Ouverture de cassation.

Section des requêtes, 5 janvier 1809. C. N., 894. [La disposition par laquelle un testateur prie son héritière, établie par lui maîtresse absolue de disposer à sa volonté des biens donnés, la prie de disposer en faveur d'un individu désigné, de partie de ces biens, cette disposition ne constitue pas essentiellement une substitution. Les héritiers du sang ne sont pas recevables à se pourvoir contre un arrêt qui a jugé que la disposition précitée n'est pas une substitution.]

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Le 12 vendémiaire an 14, le sieur Biourge fait un testament où se rencontrent les deux dispositions que voici : art. 3. « J'institue pour mon héritière mobilière et immobilière, rentes, crédits, actions et tout ce qui est réputé comme tel, Michel-Martine Delrue, mon épouse, voulant qu'au moment de mon décès, elle en soit maîtresse absolue, pour par elle en jouir et disposer à sa volonté ; car telle est mon intention, en témoignage de notre chère et bonne amitié. » Art. 7. Je prie ma dite héritière universelle de disposer en faveur de Nicolas Delrue, mon beau-frère, résidant à Mons, de la moitié de tous les immeubles ici par moi disposés ; et en cas que ledit Nicolas Delrue viendrait à mourir avant ma dite héritière universelle, je la prie également d'en disposer en faveur de ses enfans pour en jouir cependant après sa mort seulement.

Biourge étant décédé, ses trois frères demandent, en vertu de l'art. 896 du Code Napoléon, que l'institution faite en faveur de sa veuve, soit déclarée

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