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notre article une injustice palpable au préjudice de la femme, si l'on n'a pas soin de la prévenir dans le contrat. Supposons qu'elle se soit constitué en dot tous ses biens, à l'exception de quelques immeubles qu'elle s'est réservés comme paraphernaux : elle possédait au moment du mariage une créance de 100,000 fr., payable dans un an, mais sans intérêts. Cette créance est dotale sans contredit: elle doit donc produire des intérêts de plein droit du jour du mariage, quoiqu'elle ne soit payable que dans un an. Ainsi, la femme sera obligée de donner à son mari 5,000 fr. sur ses paraphernaux.

Dirait-on qu'en se constituant tous ses biens en dot, elle les a constitués tels qu'ils étaient, sans s'obliger à payer les intérêts des sommes qui n'en produisaient point actuellement? Mais cette réponse est insuffisante. La loi exige une stipulation contraire, pour dispenser de payer les intérêts de la dot avant le terme de son échéance. Ainsi, supposons qu'un tiers ait donné à la femme une créance de 100,000 fr. que son débiteur ne doit payer que dans un an, sans intérêts; il sera tenu de payer les intérêts de plein droit du jour du mariage, quoiqu'il ne les reçoive pas de son débiteur; il faudrait, pour l'en dispenser, une stipulation contraire. La femme n'a pas en cela plus de privilèges qu'un étranger. Une femme riche, qui se constituerait elle-même en dot une somme de 100,000 fr. à prendre sur ses biens, en devrait les intérêts du jour du mariage, et ces intérêts seraient pris sur ses paraphernaux. C'est ainsi

qu'on en usait dans les pays de droit écrit (1). Le Code n'a rien changé à l'obligation des femmes à cet égard. Il ne les a exceptées ni de la garantie, ni des intérêts des dots qu'elles se constituent. Mais il a ajouté à cette garantie l'obligation de payer l'intérêt des dots du jour du mariage, encore qu'il y ait terme de paiement, s'il n'y a stipulation contraire, et n'a point excepté les femmes de cette disposition. (2)

SECTION II.

Des droits du mari sur les biens dotaux, et de l'inaliénabilité du fonds dotal.

SOMMAIRE.

98. Ces droits proviennent de deux sources, du contrat de constitution de dot, ou de la loi.

99. Le droit de jouissance du mari est reconnu par l'art. 1540 du Code. La loi en règle le mode.

100. Il faut distinguer entre les immeubles et les meubles, et entre ceux-ci, les meubles fongibles, qui se consument par l'usage, et ceux dont on peut user sans les

consumer.

101. Le mari devient propriétaire des choses fongibles apportées en dot, à l'instant de la célébration du mariage, à la charge d'en rendre à la fin autant, de la même qualité et valeur.

(1) Voy. Roussillhe, Traité de la dot, tom. I, pag. 370, no 317. Il faut voir tout le chapitre qui traite des sommes dotales.

(2) Voy. M. Benoît, Traité de la dot, tom. I, pag. 190, no 158. Il est d'une autre opinion que la nôtre. On peut voir et peser, ses raisons.

102. La femme demeure propriétaire des choses non fongibles qui ne se consument pas par le premier usage. 103. Le mari n'a donc pas le droit de les vendre, mais seulement de s'en servir.

104. La vente qu'il en ferait serait nulle. Cependant l'auteur a enseigné le contraire, tom. XIII, pag. 406, sur le fondement de l'art. 2279.

105. C'est une erreur qu'il rétracte. Examen de cet article, qui n'est rien moins que clair. Remontons à sa

source.

106. Dunod et Pocquet de Livonnière enseignèrent que, de droit commun, les meubles se prescrivaient par trois ans, avec titre de bonne foi.

107. Duplessix et Pothier, principal guide des rédacteurs du Code, enseignaient la même doctrine.

108. Justice exacte de cette doctrine, sur quoi elle est fondée, adoptée par tous les peuples civilisés.

109. Bourjon enseigne une doctrine nouvelle, méconnaît la prescription en fait de meubles, lui substitue le droit d'occupation, et dit que la possession vaut titre parfait, ne fût-elle que d'un jour.

110. Il fonde sa doctrine nouvelle sur la prétendue jurisprudence du Châtelet, dont il ne cite aucun juge

ment.

111. Jurisprudence inconnue des auteurs contemporains, et surtout de Denisart, procureur au Châtelet, qui vivait et écrivait dans le même temps.

112. Selon Denisart, la maxime certaine du Châtelet ne donnait à la possession qu'une présomption de propriété, qui cédait à la preuve contraire.

113. Au contraire, Bourjon, qui dit que ses assertions sont conformes à la jurisprudence du Châtelet, dit que la prescription n'y est d'aucune considération, parce que la simple possession produit l'effet d'un titre parfait de propriété, ne fût-elle que d'un jour.

114. Cette simple possession ne serait qu'un droit d'occupation banni de chez les nations civilisées.

115. Bourjon n'excepte que les choses futures ou volées; il n'excepte pas même les choses perdues qui appartiendraient ainsi au premier occupant.

116. En se servant des mots très propres possession vaut titre, l'art. 2279 leur donne un sens bien différent de celui de Bourjon. Ils signifient seulement ici qu'en fait de prescription de meubles, la possession dispense de représenter un titre écrit accessoire en d'autres prescriptions. Aussi a-t-on retranché titre parfait, ajouté par Bourjon.

117. La possession en fait de meubles ne dispense même pás de bonne foi.

118. Le propriétaire pourrait, sans en rembourser le prix revendiquer son meuble sur l'acquéreur, qui l'avait acquis de celui à qui ce propriétaire l'avait confié. 119. Ce n'est pas seulement aux choses que l'on a perdues

que s'applique cet article.

120. La femme pourrait, à la fin du mariage, revendiquer un meuble perdu ou vendu par le mari, sans qu'on pút lui opposer la prescription.

121. Secùs, si le meuble avait été estimé.

122. Quid, si la dot consistait en immeubles estimés par

contrat?

123. Changement dans la doctrine des auteurs. L'art. 152 tranche la question.

le

124. Différence entre l'estimation des meubles et des immeubles donnés en dot.

125. Quand il est dit que l'estimation de l'immeuble a pour objet d'être vendu, il n'est pas dotal.

126. Excepté quand la femme s'est réservé de reprendre le fonds ou le prix de l'estimation.

127. La vente qué ferait le mari n'empêcherait point la femme d'exercer son option à la fin du mariage.

128. Le mari devenu propriétaire par l'estimation n'est débiteur que du prix. On exceptait autrefois le cas d'insolvabilité survenu.

129. Les Romains donnaient l'action en rescision pour

lésion contre l'estimation., Opinion de M. Merlin, examinée. Elle ne serait pas admise sous l'empire du Code.

98. Les droits des maris sur les biens dotaux proviennent de deux sources: 1° du contrat même de constitution de dot; 2o de la loi.

Nous avons vu, n° 52, que la constitution de dot est un contrat à titre onéreux, par lequel la femme abandonne au mari la jouissance de tout ou partie de ses biens, pendant le mariage, à la condition qu'il en supportera seul toutes les charges; et de son côté le mari s'oblige de les supporter toutes indistinctement. C'est donc un contrat synallagmatique à forfait, un contrat onéreux, do ut facias. C'est en exécution de ce contrat qu'il jouit des biens dotaux, et qu'il en fait siens tous les fruits et revenus. Cette jouissance est le prix des charges qu'il s'est obligé de supporter seul : il n'en doit donc compte à personne.

Le droit de jouissance des biens dotaux résulte bien évidemment et bien directement du contrat, quand la femme s'est constitué une dot à ellemême. Il n'en résulte pas moins, quoique indirectement, quand la dot est constituée par un étranger; car en acceptant la dotation telle qu'elle est faite, la femme consent bien positivement, quoique tacitement, que son mari jouisse des biens qui la composent.

99. Ce droit de jouissance est non pas établi, mais reconnu comme résultant de la nature même de la dot, dans le premier article préliminaire du

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