de l'année 326, étant âgée de soixante-dix-neuf ans, elle entreprit d'aller en Palestine, pour visiter cette terre célèbre par tant de prodiges, et y rendre grâces à Dieu des prospérités dont il la combloit en la personne de son fils. Avant de se mettre en chemin, elle obtint l'autorisation de l'Empereur pour purifier tous les lieux sanctifiés par les principaux mystères du Sauveur, et pour les consacrer à la religion en y élevant des temples à Jésus-Christ. Aussitôt qu'elle fut arrivée à Jérusalem, et qu'elle eut commencé à visiter les saints lieux, elle se sentit enflammée d'un vif désir de trouver le bois de la Croix; ne pouvant souffrir, dit saint Ambroise (1) de se voir environnée de l'éclat et de la magnificence d'une impératrice, tandis que l'étendard de notre salut et le trophée de la victoire de Jésus-Christ étoit caché dans la poussière. Pour mieux assurer le succès des recherches, qui paroissoient offrir bien des difficultés, elle s'informa soigneusement du lieu où le Sauveur avoit été crucifié; elle interrogea là-dessus, non-seulement les chrétiens les plus instruits, mais encore les plus habiles d'entre les Juifs. Tous s'étant accordés à désigner l'endroit, elle fit abattre le temple et les idoles qui souilloient la pureté de ce saint lieu. Elle ordonna ensuite qu'on le fouillat profondément, et qu'on transportât hors de la ville les matériaux et la terre même qu'on en tireroit. Enfin les vœux de la pieuse impératrice furent exaucés, et après bien des travaux on découvrit le saint Sépulcre. On trouva aussi tout auprès trois croix de même grandeur et de même forme, avec le Titre qui avoit été attaché à la Croix de Jésus-Christ, et les Clous qui avoient percé son sacré corps. que son fils la rendit servante de Jésus-Christ. Le sentiment d'Eusèbe sur ce point est généralement suivi par les critiques, parce que cet auteur étoit contemporain de Constantin, et fort instruit de l'histoire de cet Empereur, comme on le voit par la Vie qu'il en a composée. Voyez en particulier Tillemont, ubi suprà, pag. 2. - Act. Sanctorum, 18 Aug. de S. Helena, § 4 et 5. (1) S. Ambros. de obitu Theod. n. 43. Il étoit naturel de penser que l'une des trois Croix étoit celle de Jésus-Christ, et que les deux autres étoient celles des malfaiteurs au milieu desquels il avoit voulu être crucifié. Toutefois la joie qu'on ressentit d'abord en découvrant ce précieux trésor fut aussitôt troublée par la difficulté de discerner avec assurance la Croix du Sauveur d'avec celle des deux larrons. Le Titre qui avoit été mis au-dessus de la Croix de JésusChrist servit, selon quelques auteurs (1), à faire (1) S. Joan. Chrys. in Joan. Homil. LXXXV (aliàs LXXXIV.) - S. Ambros. de obitu Theod. n. 45. ce discernement, sans doute en considérant la place des clous avec lesquels il avoit été attaché. Mais soit que cette place ne fût pas marquée assez clairement, soit que cet indice parût en lui-même trop foible, on ne crut pas devoir s'en contenter, et l'on consulta saint Macaire, évêque de Jérusalem, à qui Dieu inspira un moyen de lever sûrement la difficulté. Le saint évêque ayant fait porter les trois croix chez une dame de qualité, malade depuis long-temps et réduite à l'extrémité, conjura le Seigneur de vouloir bien manifester, par la guérison de cette dame, l'instrument de la rédemption du monde. Il fit ensuite appliquer séparément chacune des trois croix à la personne malade, en présence de l'impératrice et d'un peuple nombreux. L'attouchement des deux premières croix ne produisit aucun effet; mais aussitôt que la malade eut touché la troisième, elle se leva entièrement guérie, et plus forte qu'elle n'avoit jamais été. On tient, dit Sozomène (1), que la même épreuve fut faite sur un corps mort, qui ressuscita à l'heure même. Saint Paulin et Sulpice-Sévère (2) ne (1) Sozomène, Hist. lib. II, cap. 1. (2) Sulp. Sev. Hist. lib. II. — S. Paulin. Epist. xXXI (alias XI) ad Sulp. Sev. On lit ce passage de la lettre de saint Paulin dans le Bréviaire de Paris, à l'Office de la nuit du 3 mai. parlent que de ce dernier prodige; ce qui a donné lieu à quelques auteurs de douter s'il s'étoit alors opéré deux miracles, ou s'il ne s'en étoit opéré qu'un seul, dont les circonstances ont été obscurcies par quelques bruits populaires. Mais quoi qu'il en soit de ces conjectures, il est certain que les auteurs anciens s'accordent sur la substance du fait en question, c'est-à-dire sur l'Invention de la sainte Croix, et sur sa manifestation miraculeuse, sous l'empereur Constantin. Aussi les savans et les critiques modernes, même les plus sévères, conviennent-ils généralement que ce fait est trop bien établi par des témoignages positifs, pour qu'on puisse l'attaquer, ou même l'ébranler tant soit peu par des argumens négatifs, comme l'ont essayé quelques auteurs protestans. Comment en effet pourroit-on révoquer en doute un évènement aussi important, rapporté par les principaux auteurs contemporains, sans aucune contradiction ou réclamation, surtout lorsqu'on voit le récit de ces auteurs confirmé par la tradition constante des siècles postérieurs, et par le suffrage des plus habiles critiques des derniers siècles? Or, tel est incontestablement le fait de l'Invention de la sainte Croix, et de sa manifestation miraculeuse sous l'empereur Constantin. I. Ce fait est rapporté par les principaux auteurs du quatrième et du cinquième siècles (1). Les uns, comme saint Ambroise, Rufin, Sulpice-Sévère, saint Paulin, Socrate, Sozomène et Théodoret, rapportent en détail les circonstances de ce grand évènement (2). Les autres, comme saint Cyrille et saint Jean-Chrysostome, le supposent clairement ou y font des allusions manifestes (3). Saint Cyrille en particulier, successeur de saint Macaire dans le siège de Jérusalem, suppose comme un fait constant l'Invention de la sainte Croix sous l'empereur Constantin, et la distribution qui se fait jour (1) La plupart de ces témoignages ont été recueillis par Gretser, au commencement du tom. II in-4o de son ouvrage de Cruce. (2) Nous citons ces auteurs selon l'ordre chronologique de leur mort. S. Ambroise (en 397) de obitu Theod. n. 43, etc. Rufin (en 410) Hist. eccles. lib. I, cap. VII, VIII. - Sulp. Sev. (en 410) Hist. sacr. lib. II. — S. Paulin (en 431) Ep. xxx1 ad Sulp. Sev. (alids XI.) Socrate (en 440) Hist. eccles. lib. I, cap. XVII. - Sozomène (en 450) Hist. eccles. lib. II, cap. 1. Theodoret (en 458) Hist. eccles. lib. I, cap. xvII. (3) S. Chrysost. Homil. LXXXV (aliàs LXXXIV) in Joan. S. Cyrill. Cateches. IV, n. 10; X, 19; XIII, 4. Idem, Epist. ad Constantium imperator. n. 3. L'authenticité de ces écrits de saint Cyrille a été contestée par quelques auteurs protestans; mais elle est généralement reconnue par les savans, et elle a été solidement prouvée par le P. Touttée, Bénédictin, dans l'excellente édition qu'il a donnée des Œuvres de saint Cyrille. |