Images de page
PDF
ePub

On avoit ménagé, dans le fond, trois creux de grandeurs.différentes, en forme de croix grecques, destinés à recevoir trois portions diffé– rentes de la vraie Croix. La principale de ces portions, qui étoit déposée dans la grande chasse de la Sainte-Chapelle, avoit, lorsqu'elle fut apportée en France, deux pieds six pouces et demi de long, sur deux pouces de large, et un pouce et demi d'épaisseur. La plus grande traverse paroît avoir eu environ un pied de long. On ne sait ce qu'étoient devenues les deux croix de moindre grandeur, qui se trouvoient autrefois dans l'étui, auprès de la croix principale. Au bas de cette dernière, on voyoit, à droite et à gauche, deux figures en relief, avec deux inscriptions qui indiquoient sainte Hélène et Constantin. Au-dessus des bras de la même croix, on voyoit quatre anges dans l'attitude de l'adoration, et dont les noms Michel, Gabriel, Raphaël et Uriel (1) étoient écrits en caractères grecs majuscules.

(1) L'usage commun de l'Eglise, selon la remarque de Be→ noît XIV, ne reconnoît pour certains et authentiques, parmi les noms des bons anges, que ceux de Michel, Gabriel et Raphaël. Toutefois il est constant que plusieurs auteurs ecclésiastiques, et même plusieurs anciennes liturgies orientales, ont mis Uriel au nombre des bons anges. On le trouve aussi dans quelques anciennes litanies, publiées par le P. Mabillon dans le tom. II de ses Analectes, et qui remontent jusqu'au temps de Charle

A l'occasion de ces présens faits à nos rois en 1205 et 1241 par les empereurs de Constantinople, Baillet assure « qu'avec les différentes >> portions de la vraie Croix qui s'étoient répan» dues dans les différentes églises et monas>> tères du royaume, pendant plusieurs siècles, >> la vraie Croix se trouva presque toute rassem» blée en France (1). Cette assertion de Baillet paroîtra sans doute un peu hasardée, si l'on considère qu'à l'époque dont il s'agit, plusieurs célèbres églises, hors de France, possédoient certainement des portions considérables de la vraie Croix (2). Toutefois il est vraisemblable magne. La doctrine qui met Uriel au nombre des bons anges paroît être fondée sur une ancienne tradition des Juifs, consignée en particulier dans le IV livre d'Esdras. ( V. 20) Voyez le Dictionnaire de la Bible de D. Calmet, art. Uriel. - Dissertation sur les bons et mauvais anges, dans le tome XIII de la Bible de Vence, art. I. — Ben. XIV, de Canoniz. Sanct. lib. IV, part. II, cap. xxx, n. 3.

(1) Baillet. Fétes mobiles, pag. 246.

(2) Outre les différentes portions dont il est parlé dans la lettre d'Anseau, nous avons cité plus haut celles qui furent envoyées à Rome par Constantin, et plusieurs siècles après par les empereurs Constantin et Maurice. Les auteurs font mention d'un autre morceau considérable de la vraie Croix, (miræ magnitudinis portio) qui paroît avoir été envoyée à Rome, vers l'an 450, par le patriarche de Jérusalem, et qui se conserve encore aujourd'hui dans le trésor de la chapelle pontificale du Vatican. (Gretser, de Cruce, tom. I, lib. I, cap. LXXIX. Curtius, de Clavis Dominicis, cap. v, pag. 51.) Le royaume de Pologne possédoit aussi, avant le treizième siècle, plusieurs

que la plus grande partie de ce bois sacré se trouvoit alors en France, par suite des divers présens dont ce royaume avoit été successivement enrichi.

Nous devons ici prévenir une difficulté que l'histoire du temps pourroit faire naître, au sujet des portions de la sainte Croix et des autres Reliques envoyées à nos rois par les empereurs Baudouin Ier et Baudouin II, depuis la prise de Constantinople par les Croisés en 1204. Cette ville, ayant alors été livrée au pillage par les généraux de l'armée victorieuse, devint le théâtre de tous les désordres qui sont presque inévitables dans le saccagement d'une ville opulente; et quoiqu'on ne doive pas adopter aveuglément le récit affreux que les historiens

grecs

portions notables de la vraie Croix. Outre la Croix Palatine, dont nous parlerons ailleurs, et qui paroît avoir été donnée à un prince polonais, par l'empereur Manuel Comnène, vers le milieu du douzième siècle, l'histoire de Pologne fait mention d'une portion notable de la sainte Croix, donnée par l'empereur grec à saint Etienne, roi de Hongrie, et que saint Emeric, son fils, déposa en 1006 sur la montagne du Calvaire, située aux environs de Sandomir, dans la Pologne méridionale (à trente lieues nord-est de Cracovie.) Le roi de Pologne, Boleslas Ier, fonda, la même année, sur cette montagne un monastère de Bénédictins, avec une église en l'honneur de la Croix, où l'on a toujours conservé depuis la précieuse Relique déposée sur le Calvaire par saint Emeric. (Voyez Dlugossi, Historiæ Polonicæ, libri XII: Lipsiæ, 1711, in-fol. pag. 32 et 149.)

ont fait de ces désordres, il est certain, par le témoignage même des Latins, que l'armée des Croisés se porta en cette occasion aux plus grands excès de fureur et d'avidité (1). Les églises mêmes ne furent pas épargnées : les vases d'or et d'argent destinés aux usages les plus saints furent pillés; les croix, les châsses, les reliquaires furent mis en pièces, et les Reliques enlevées par une foule de particuliers, qui les dispersèrent ou se les approprièrent. Les seigneurs, il est vrai, obvièrent d'assez bonne heure à ces désordres, en tenant un conseil dont le résultat fut que le légat et les évêques ordonneroient, sous peine d'excommunication, de remettre à Garnier, évêque de Troyes, tout ce qui seroit trouvé de Reliques dans la ville. Mais on conçoit aisément que le désordre dont nous venons de parler a pu, dans la suite, rendre assez difficile le discernement de bien des Reliques, et par conséquent répandre des doutes sur l'authenticité de plusieurs. Aussi les auteurs de l'Histoire de l'Église Gallicane (2) ont-ils observé que, parmi un grand nombre d'églises d'Occident, auxquelles les

- Hist. de

(1) Hist. eccl. de Fleury, liv. LXXVI, n. 2 et 3. L'Égl. Gall. tom. X, liv. XXIX, année 1203, pag. 242, etc. Hist. du Bas-Empire, tom. XX, liv. XCIV, n. 44. (2) Hist. de l'Ég. Gall. ubi suprà, pag. 244.

« PrécédentContinuer »