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premier moyen, ATTENDU, en droit, que les femmes même mariées peuvent être choisies pour mandataires; et ATTENDU qu'il a été reconnu en fait par les jugemens atttaqués que Quitteray, demandeur en cassation, avait donné à sa femme le mandat de gérer exclusivement et généralement toutes les affaires de son commerce, et qu'elle les avait en effi t ainsi gérées depuis leur mariage jusqu'au procès actuel, pendant environ vingt ans ; que, d'après cela, en décidant que ledit Quitteray avait été, pour tout ce qui concernait son commerce, valablement obligé par sa femme, non pas comme marchande publique de son chef, mais bien seulement comme sa mandatairé, les mêmes jugemens ont fait une très-juste application des lois de la matière; Sur le second moyen, ATTENDU que, loin de déclarer tacite le mandat dont il s'agit, les juges l'ont regardé comme exprès et formel, résultant des aveux et faits multipliés du demandeur lui-même, et notamment des actes par lesquels le demandeur, pendant ledit espace de vingt ans, avait toujours, et indistinctement, ratifié et exécuté tous les engagemens commerciaux contractés par sa femme; qu'ainsi le vœu des articles invoqués par le demandeur était parfaitement rempli. Sur la première partie du troisieme moyen, ATTENDU que de tout ce qui vient d'être établi, il résulte que ce n'est pas des simples conjectures et présomptions, mais bien des aveux et faits formels et réitérés du demandeur lui-même, que les juges ont fait sortir le mandat dont il s'agit;-ATTENDU, au surplus, qu'en matière de commerce, et en faveur particulièrement des tiers, dont la bonne foi ne doit pas être trompée, les juges peuvent constater les engagemens par d'autres élémens que par la preuve par écrit, toutes les fois qu'elle n'est pas expressément exigée par la loi; Sur la seconde partie du même moyen, ATTENDU que si la loi défend aux juges de scinder les aveux des parties, elle leur impose d'en fixer le sens véritable, en le coordonnant avec les autres élémens, faits et circonstances de la cause; REJETTE.

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Du 25 janvier 1821. Section des requêtes. M. le baron HenrionM. le conseiller Lasagni, rapporteur.

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de Pensey, président.

M. Rochelle, avocat.

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ARBITRAGE FORCÉ.-COMPÉTENCE.-ÉMIGRÉ.-AGENT NATIONAL.SIGNIFICATION.-ACQUIESCEMENT.-EXÉCUTION.

Une contestation entre un ou plusieurs particuliers et l'Etat aux droits d'un émigré, a-t-elle pu étre valablement jugée par des arbitres forcés, auxquels la loi du 10 juin 1793 attribuait la connaissance des différends entre les communes et les citoyens? Rés. nég. (Loi du 10 juin 1793, articles 3, 4 et 5; loi du 15-27 mars 1791, art. 14, et loi du 14 frimaire an 2, art. 5 et 6.)

La signification d'un jugement rendu contre l'Etat a-t-elle pu régulièrement être adressée à l'agent national du district, et faire courir contre l'administration supérieure le délai du pourvoi en cassation? Rés. nég. Doit-on considérer comme faits en exécution d'un jugement et comme emportant acquiescement les paiemens qui peuvent avoir eu une autre cause? Rés. nég.

(Le sieur DE REINACH C. les héritiers SCHELCHEP.)

Le 24 août 1699, le sieur de Reinach donna à bail emphyteotique, au

sieur Jean Schelcher, un corps de biens situé à Fessenheim, moyennant un canon emphytéotique de douze sacs, moitié seigle, moitié avoine.

Les biens donnés à emphytéose rentrèrent dans la famille de Reinach, on ne sait de quelle manière; mais c'est un point de fait constant.

Lors de la révolution, la famille de Reinach émigra; et elle suppose que cette circonstance donna l'idée aux héritiers Schelcher de faire revivre le bail emphyteotique du 24 août 1699.

Il paraît que, le 4 janvier 1793, ces héritiers Schelcher firent la déclaration, au greffe de la municipalité de Fessenheim, qu'ils possédaient par bail emphyteotique un corps de biens situé au ban de ce lieu et relevant dn sieur de Reinach, ci-devant seigneur, alors émigré.

Le 4 brumaire an 2, sur la demande des héritiers Schelcher, intervint un arrêté du directoire du département du Haut-Rhin, qui autorisa le rachat de la rente emphyteotique, à la charge de verser le prix auquel il fut liquidé, au bureau du receveur de la régie des domaines.

Il paraît encore que, les 13 et 29 brumaire et 4 ventôse an 2, des paiemens à-compte eurent lieu. Quel fut le motif qui en suspendit la continuation? on l'ignore. On voit seulement que, le 19 ventôse suivant, sur la pétition des mêmes héritiers Schelcher, l'administration centrale du Haut-Rhin, après avoir pris l'avis du district de Colmar, les autorisa à se pourvoir contre l'agent national du district, et que, le 26 floréal, quatre arbitres furent nommés par procès-verbal du juge de paix, deux pour la famille Schelcher, et deux pour l'agent national du district.

Le 18 thermidor, premier jugement par lequel les arbitres, sur l'observation de l'agent national; reconnaissent que la contestation n'est pas de nature à être décidée par eux; mais ils posent en principe que toute contestation peut être soumise à un arbitrage, et statuent que, dans l'espèce, cette voie ayant été acceptée par l'autorité supérieure, ainsi qu'il résulte de l'arrêté du 12 ventôse, tant que cet arrêté subsistera, leur compétence existera aussi. Néanmoins, par ce jugement, les arbitres sursecient jusqu'au 8 fructidor alors prochain, temps pendant lequel l'agent national pourra demander la révocation de l'arrêté qui autorise l'arbitrage.

Le 8 fructidor, les arbitres se déclarèrent définitivement saisis, faute par l'agent national d'avoir notifié l'arrêté révocatoire qu'il avait cependant obtenu, et, avant de statuer au fond, prononcèrent un nouveau sursis au 22 brumaire an 3.

Ce jour-là, les arbitres rendirent leur jugement définitif, par lequel ils condamnèrent l'agent national du district à se désister du domaine utile de tous les biens composant l'emphytéose du 24 août 1699, à la charge par les héritiers Schelcher d'acquitter annuellement le canon emphyteotique fixé par le contrat.

Ce jugement, revêtu de la forme exécutoire, fut signifié, le 4 floreal an 3, à l'agent national du district de Colmar.

Les héritiers Schelcher crurent alors pouvoir terminer les paiemens jusqu'au rachat final du canon emphyteotique : les dernières quittances sont de l'an 7.

Actionnés par les sieurs de Reinach, après leur amnistie, en restitution des biens compris dans l'emphytéose, les héritiers Schelcher ont opposé les jugemens arbitraux dont il vient d'être rendu compte, les actes administratifs qui les avaient autorisés à racheter la rente, et les quittances qui prouvaient que ce rachat avait effectivement eu lieu.

Alors les héritiers de Reinach, après avoir obtenu un sursis, se sont pourvus en cassation des trois jugemens arbitraux, pour fausse application de la loi du 10 juin 1793 et violation des règles de compétence, en ce que des arbitres avaient prononcé sur une contestation entre l'Etat, aux droits d'un émigré, et des particuliers, quoique la loi du 10 juin n'eût établi l'arbitrage forcé que pour les contestations des communes entre elles et des communes avec les propriétaires:

Les défendeurs à la cassation ont opposé à ce pourvoi deux fins de non recevoir : la première, tirée de l'expiration des délais, attendu que les jugemens attaqués avaient été signifiés à l'agent national du district dès le 4 floréal an 3; la seconde, fondée sur l'acquiescement que l'Etat aurait donné à ces jugemens, acquiescement qui, selon les défendeurs, résultait des divers paiemens qu'ils avaient faits depuis la sentence arbitrale définitive jusqu'à l'an 7, et dont ils rapportaient des quittances.

L'arrêt que nous rapportons contient une réfutation suffisante de ces deux fins de non recevoir.

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ARRÊT.

LA COUR, sur les conclusions conformes de M. Jourde, avocat général, et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil ; Vu les art. 3, 4 et 5 de la loi du 10 juin 1793; vu aussi les articles 14 de la loi du 15-27 mars 1791, 5 et 6 du décret du 14 frimaire an 2 (4 décembre 1793); Statuant d'abord sur les fins de non recevoir opposées par les défendeurs; ATTENDU, sur la première, que, quand on pourrait supposer que l'arrêté de l'administration du département du 12 ventôse an 2 eût autorisé les défendeurs à procéder contre l'agent national du district, it n'en résulterait pas moins que les jugemens obtenus contre cet agent ne pouvaient faire courir le délai du pourvoi, et, par suite, élever une fin de non recevoir contre l'administration supérieure, qu'autant que la signification lui en aurait été faite dans la personne de son président, ou à son domicile, ce qui n'a pas eu lieu dans l'espèce où toutes les significations ont été faites au seul agent national du district; ATTENDU, sur la seconde fin de non recevoir, que rien ne constate que les paiemens allégués par les défendeurs aient eu lieu en exécution des jugemens arbitraux, ni qu'ils aient même été connus de l'administration départementale; que tout indique, au contraire, qu'ils ne sont que la suite de l'arrêté précédemment obtenu de l'administration, le 4 brumaire an 2, portant autorisation de racheter le prétendu canon emphyteotique; que l'exécution d'un pareil arrêté antérieur aux jugemens attaqués, ne saurait, dès-lors, être considéré comme un acquiescement à ces mêmes jugemens, ni élever une fin de non recevoir contre le pourvoi dirigé contre eux; REJETTE les fins de non recevoir; ATTENDU au fond, que la contestation sur laquelle il a été statué par les jugemens arbitraux n'était pas comprise dans celles dont la loi du 10 juin 1793 attribuait la connaissance à des arbitres forcés; que les arbitres eux-mêmes l'ont formellement reconnu et que l'arrêté de l'administration du 5 fructidor, qui révoquait celui du 12 ventôse précédent, ayant été connu d'eux avant le jugement définitif, ils n'avaient plus de motifs fondés pour en retenir la connaissance; qu'ainsi les arbitres ont fait une fausse application de la loi du 10 juin, commis un excès de pouvoir, et, par une suite nécessaire, expressément contrevenu aux

lois qui règlent la compétence des tribunaux,-Par ces motifs, CASSE et ANNULLE les trois jagemens arbitraux des 18 thermidor, 8 fructidor an 2, et 22 brumaire an 3.

Du 20 juin 1820.

Section civile. — M. Brisson, président. - M. le conseiller Legonidec, rapporteur. MM. Petit-de-Gatines et Teys

seyrre, avocats.

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Y a-t-il deux classes de magistrats honoraires, les uns qui conservent simplement leur titre, leur rang et leurs prérogatives honorifiques, sans exercer aucune fonction, et les autres qui, outre ces prérogatives, ont droit d'assister avec voix délibérative aux assemblées des chambres et aux audiences solennelles? Rés. aff.

Pour avoir ce droit de voix délibérative aux assemblées des chambres et audiences solennelles de la Cour, le conseiller honoraire a-t-il besoin d'obtenir des lettres du roi qui le lui accordent expressément? Rés. aff. (Décret du 2 octobre 1807, article 3, et décret du 6 juillet 1810, article 77.)

L'arrêt rendu en audience solennelle, auquel ont participé avec voix déli– bérative un ou plusieurs conseillers honoraires qui n'avaient pas reçu les lettres du roi dont on vient de parler, est-il frappé de nullité? Rés, aff.

(Les sieur et dame JÉGU et consorts C. la demoiselle DE CRYEL.)

Les sieur et dame Jégu et le sieur Leforestier se sont pourvus en cassation d'un arrêt du 20 février 1819, rendu contre eux et en faveur de la demoiselle de Cryel par la Cour royale d'Amiens, en audience solennelle.

Ils ont proposé contre cet arrêt un moyen de cassation tiré de la violation de l'art. 3 du décret du 2 octobre 1807 et de l'art. 77 du décret du 6 juillet 1810, en ce que cinq magistrats honoraires, dont un président et les quatre autres conseillers, y avaient indûment participé avec voix délibérative.

L'art. 3 du décret du 2 octobre 1807, ont dit les demandeurs, porte: « Les officiers des cours et tribunaux en retraite conserveront leur titre, leur rang et leurs prérogatives honorifiques, sans néanmoins pouvoir exercer leurs fonctions. Ils continueront d'être portés sur le tableau et d'assister aux cérémonies publiques. >>

Voilà les droits des magistrats honoraires fixés; ces droits sont tous honorifiques; les magistrats honoraires ne peuvent plus exercer leurs fonctions: tel est le principe.

L'art. 77 du décret du 6 juillet 1810 y fait, à la vérité, une exception en faveur des présidens et conseillers des Cours royales; cet article est ainsi conça : « Après trente ans d'exercice, les présidens et conseillers de la Cour royale qui auront bien mérité dans l'exercice de leurs fonctions, pourront se retirer avec le titre de président ou de conseiller honoraire, lorsque nous leur aurons fait expédier nos lettres pour ce nécessaires; ils continueront de jouir des honneurs et priviléges attachés à leur état; ils pourront assister, avec voix délibérative, aux assemblées des chambres et aux audiences solennelles. >>

Mais on voit que les présidens et conseillers des Cours royales ne peuvent invoquer l'exception que cet article établit en leur faveur, qu'autant qu'ils se sont volontairement retirés après trente ans d'honorable exercice et qu'ils ont obtenu des lettres à ce nécessaires. S'ils ne réunissent pas ces deux conditions, ils rentrent sous l'empire du principe posé dans l'art. 3 du décret de 1807; ils ne conservent que leur titre, leur rang et leurs prérogatives honorifiques, sans pouvoir exercer de fonctions. C'est ce qu'expliquent parfaitement deux circulaires du ministre de la justice, la dernière en date du 30 octobre 1819, émanée de M. le garde des sceaux actuel.

Or, dans l'espèce, non seulement les présidens et conseillers honoraires qui ont concouru à l'arrêt attaqué n'avaient pas trente ans d'exercice, inais aucun d'eux n'avait reçu les lettres du prince nécessaires pour conférer le droit de siéger avec voix délibérative; l'ordonnance du roi portant institution de la Cour royale d'Amiens, leur donne purement et simplement le titre de président et conseillers honoraires. Ainsi, ces magistrats ne présentaient ni l'une ni l'autre des conditions dont la réunion est exigée par l'art. 77 du décret de juillet 1810. Ils étaient donc sans capacité, sans caractère pour siéger avec droit de suffrage à l'audience solennelle, et pour concourir ainsi à l'arrêt dénoncé, qui, dès-lors, se trouve essentiellement frappé de nullité.

Pour combattre ce moyen, la défenderesse à la cassation faisait d'abord observer que, dans le décret du 2 octobre 1807, il n'était nullement parlé des présidens et conseillers honoraires des Cours royales; elle en concluait que ce décret était inapplicable à ces magistrats, dont elle prétendait que les droits se trouvaient exclusivement réglés par l'article 77 du décret du 6 juillet 1810.

Or, disait-elle, les droits des présidens et conseillers honoraires sont spécialement, d'après cet article, d'assister avec voix délibérative aux audiences solennelles. A la vérité, le décret exige des lettres de Sa Majesté à cet effet et trente années d'exercice; mais l'ordonnance royale qui a institué président et conseillers honoraires près la Cour d'Amiens les cinq magistrats qui ont participé à l'arrêt attaqué, tient évidemment lieu de ces lettres; car la volonté royale est également exprimée de l'une ou l'autre manière; quant aux trente années d'exercice, le roi en a dispensé ces

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