serait présent à cette opération : je lui répondis que je l'ignorais. Après la mort de sa femme, il alla se loger à la Guillotière. Je fus à Vichy. A mon retour je me rendis à la préfecture, et je demandai à Chevallier des nouvelles de l'enfant qu'il avait eu de Marguerite-Reine Pizard, sa seconde femme. Il me répondit que cet enfant était dans le département de la Loire, et qu'il se portait bien; je n'ai plus revu cet enfant. Je lui redemandai de ses nouvelles avec violence; j'allai même chez le lieutenant-général de police à ce sujet. Chevallier me dit: Venez demain dans mon bureau: je m'y rendis. Il me dit: Que souhaitez-vous? des nouvelles de mon enfant? je ne veux pas vous en donner. Quand je lui annonçai que M. de Permont m'avait chargé de lui demander des nouvelles de son enfant, il me répondit : Je me f... de M. de Permont et de vous. M. le président. Femme Pontannier, est-il vrai que vous vîtes pâlir l'accusé lorsque vous lui dîtes qu'on allait faire ouvrir le corps de Marie Riquet. - Rép. Oui, Monsieur, je l'ai vu pâlir et se déconcerter. Sur la demande de Lelièvre, le greffier donne lecture de la déposition écrite de la femme Pontannier. Elle commence par ces mots : « J'étais liée avec Marguerite Pizard; elle me parla de son mariage; elle avait quelque appréhension sur Chevallier, parce que, disait-elle, il avait la réputation de tuer ses femmes. » Lelièvre. Si j'ai désiré que la déclaration de madame fût connue, c'est que la plupart des événemens de ma vie sont liés à la connaissance de cette dame. Elle avait demandé des renseignemens sur mon compte à la famille Guillot. La preuve que ces renseignemens n'ont pas été désavantageux, c'est que mon mariage avec mademoiselle Pizard a eu lieu; c'est qu'elle m'introduisit elle-même dans la famille Riquet. Elle fut gardemalade de ma seconde femme; elle fut marraine de mon premier enfant. Lorsque Marguerite Pizard me fut enlevée, madame Pontannier me dit: Vous êtes trop jeune pour réster veuf; l'intérêt de votre enfant commande que vous vous remariiez ; je veux vous donner une femme de ma main. Madame Riquet ne serait pas éloignée de vous donner sa fille; j'en parlerai à la famille. Elle me procura un rendez-vous chez le père de la demoiselle Riquet, qui, peu de temps après, me dit que sa fille était d'un tempérament trop faible. « M. Chevallier, me dit quelque temps après madame Pontannier, votre affaire est arrangée, revenez chez M. Riquet, et apportez des dragées ; » je m'y rendis. « Il faudrait encore, me dit madame Pontannier, que vous fissiez par écrit votre proposition de mariage. » Je fréquentai mademoiselle Riquet pendant huit mois, et je l'épousai en 1818. Madame Pontannier a erré en disant qu'elle n'avait vu ni moi ni ma femme; elle est venue plusieurs fois à la préfecture pour savoir si j'étais content de mon mariage. Lorsque ma femme fut indisposée, je lui dis: Tu devrais prendre madame Pontannier pour garde. Elle me répondit : Je n'en veux pas. Quand elle éprouva les premières douleurs de l'enfantement, le témoin me dit : Il paraît que votre femme a de mauvais commencemens de couches : ce serait fort désagréable si vous alliez perdre encore celle-là. J'espère bien, lui dis-je, que la Providence daignera me préserver de ce malheur. Je demande, Messieurs, si, parce qu'une femme a été accouchée avec les forceps, on doit en conclure qu'elle a été empoisonnée. Je n'ai donc pas pâli. D'ailleurs, l'enfant est bien venu, il n'y a pas eu de convulsions. L'accouchement a duré sept heures; on a employé les fers parce que ma femme avait perdu ses forces à la suite de diverses crises. M. le président à la femme Pontannier. Lorsque vous avez eu connaissance des symptômes qui ont précédé la mort de Marie Riquet, vous conçûtes donc aussitôt des soupçons d'empoisonnement? Le témoin. Oui, Monsieur, je lui dis qu'elle avait été empoisonnée : mes soupçons se fortifièrent par l'entrevue que j'eus dans ce temps-là avec Chevallier. M. le président. Par quel motif la famille Riquet abandonna-t-elle le projet qu'elle avait eu primitivement de faire ouvrir le cadavre de la troisième femme de l'accusé, afin que l'empoisonnement fût constaté d'une manière certaine? Le témoin. Par le motif surtout que, si les soupçons se réalisaient, Chevalier serait exposé à des poursuites juridiques qui pourraient le conduire à l'échafaud, et que le déshonneur qu'il aurait encouru rejaillirait sur son enfant. Lelièvre, d'un ton élevé et solennel: Je fais observer qu'il ne s'agit pas de dire qu'on voulait me sauver de l'échafaud; avant de m'y conduire, il fallait prouver que P j'étais coupable, et cela était difficile; je répudie cette prétendue générosité pour moi et pour mes enfans. (Avec énergie.) Elle dit que je n'ai rien répondu à son apostrophe; et quel est l'homme qui l'entendrait de sang-froid? mais, à cet égard, je déclare qu'elle ne m'a fait aucune apostrophe Ah! Messieurs, je l'aurais repoussée avec indignation, ou du moins, si j'eusse été coupable, avec de l'audace, puisqu'on m'en suppose tant, puisqu'on prétend que je suis organisé pour le crime. Elle prétend que j'ai pâli, que j'ai été déconcerté ! Moi, j'aurais pâli devant une femme qui ne sait rien, qui n'a rien vu! Moi, j'aurais empoisonné ma fenime! ma femme que je chérissais tendrement, à laquelle je n'ai donné que des preuves de mon attachement! Ici la voix de l'accusé semble étouffée par les sanglots. Il se rassied dans un état d'accablement dont il est facile d'apprécier la sincérité: un grand nombre de personnes paraissent émues: la séance est interrompue pendant environ un quart d'heure. Denis-Marie Pizard, vingt-quatrième témoin, se présente pour déposer; comme il est beau-frère de l'accusé, M.le président demande à ce dernier s'il s'oppose à son audition. L'accusé ayant répondu négativement, le té moin est entendu. Il déclare qu'il connaît l'accusé, auquel il a souvent demandé ce qu'était devenu DenisMarie-Eugène Chevallier, son neveu et son filleul. Sa sœur, Marguerite Pizard, n'était pas d'un fort tempérament, quoique sa santé ne fût point dérangée lors de son mariage. Jamais elle ne s'est plainte de son mari, qu'elle aimait tendrement. M. le président. Lorsqu'il est venu chez vous, vous a-t-il dit que l'enfant était à quarante lieues? Le témoin. Madame Pontannier lui demanda : Où est mon filleul? Il répondit : De quel droit me faitesvous cette question? Je lui dis moi-même que j'avais des droits que je ferais valoir. Madame Pontannier lui dit devant moi: Monstre, qu'as-tu fait de mon filleul ? Il me dit un jour en particulier : Si tu promets de te taire, je te dirai où est mon fils, et nous serons amis. M. le président. Vous entendez, accusé, qu'avezvous à répondre? - Rép. Monsieur, je lui ai dit de venir chez moi, que je lui dirais tout amiablement. M. le président. Avez-vous dit en effet que votre enfant était dans le département de la Loire? Rép. C'est très-possible, je ne m'en souviens pas; c'est une conséquence de tous les événemens survenus. M. Levrat, docteur-médecin, vingt-sixième témoin, fait à peu près en ces termes sa déposition: Dans la matinée du 7 mai 1819, je fus prié par la famille Riquet de me concerter avec le médecin ordinaire de la dame Chevallier, sur sa maladie. M. Cadit m'en fit l'histoire; il m'apprit que cette femme avait fait un accouchement laborieux, et qu'on avait été obligé de l'accoucher avec le forceps. Le mari avait aidé dans cette opé ration. Chevallier me reçut assez froidement. Je trouvai sa femme peu malade, et je prescrivis des remèdes simples. Je fus fort surpris, lorsqu'étant retourné chez elle, je la trouvai à toute extrémité. En me retirant, je rencontrai M. l'abbé Ferrière, et je lui dis: En vérité, |