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faits dont nous avons déjà connaissance : nous rapportons seulement une partie de ceux concernant Jausion et madame Manson.

A l'égard de Jausion et de la négociation qu'il prétendit avoir faite avec Fualdès le jour de l'assassinat, il est dit :

« Le bordereau que Jausion prétend avoir remis à Fualdès le 19 mars, vers les cinq ou six heures du soir, sur la place de Cité, ne s'est pas trouvé parmi les papiers de la succession. Non-seulement il n'est pas bien établi que le sieur Fualdès ait transporté sur Jausion la propriété des douze effets tirés par le sieur Fualdès, valeur en lui-même, sur M. de Séguret, à concurrence de 20,000 fr., et acceptés par celui-ci, passés sous l'obligation civile; mais, au contraire, leur état matériel fait croire qu'ils n'ont pas cessé d'être la propriété de M. Fualdès, soit parce que la signature de M. Fualdès, mise en blanc à la suite de l'acceptation de M. de Ségu-: ret, ne constitue qu'un simple mandat donné à Jausion pour en opérer le recouvrement; soit parce que la page de son livre, qui rappelle ses effets isolés, placée presque à la fin du registre, était précédée et suivie d'un grand nombre de feuillets en blanc, et que trois feuillets qui précédaient la page écrite ont été lacérés et emportés; soit parce qu'il n'a représenté aucun livre de caisse pour constater les versemens des dépôts qui ont pu lui être faits par le sieur Fualdès; soit enfin parce que les livres qu'il a produits devant les commissaires nommés sont, dans leur état matériel, dans la plus mauvaise tenue, et incapables de faire foi en justice.... >>

L'acte d'accusation, en ce qui touchait madame Manson, était ainsi conçu :

« Les débats devant les assises de Rodez donnèrent lieu à des incidens peut-être aussi extraordinaires que l'attentat qui en était l'objet. Une femme Manson, née Enjalran, après avoir déclaré devant M. le préfet de l'Aveyron, exerçant les fonctions d'officier de police judiciaire, qu'elle avait été témoin oculaire de l'assassinat de Fualdès; qu'elle était dans la maison Bancal au moment où on l'égorgeait; qu'elle avait couru le plus grand danger; après avoir fait les mêmes aveux à plusieurs personnes, a paru aux débats et a dénié les faits, a juré n'être jamais entrée chez Bancal; et ses assertions orales étaient contredites par sa contenance, ses regards et ses gestes. La vue des accusés a produit dans elle des convulsions et des évanouissemens réels ou simulés. Plusieurs fois, pendant l'audience, elle est tombée ou a paru tomber en syncope. Des mots de poignards, d'assassins s'échappaient de sa bouche, et des apostrophes contre Bastide et contre Jausion témoignaient la connaissance parfaite qu'elle avait des détails de l'assassinat.

>> La suite des débats a offert à la femme Manson un scandale continuel de variations, de contradictions, et un mépris formel et avoué pour le serment qu'elle avait prêté de dire la vérité; et elle a audacieusement déclaré, à la fin des débats, que la vérité ne pouvait pas sortir de sa bouche.

>> Toutes ces circonstances annoncent que la femme Manson était initiée dans les mystères du crime commis

sur la personne du malheureux Fualdès, ou du moins dans ceux de la consommation. Un grand intérêt pouvait seul donner lieu à ces variations, à ces contradictions, à ces rétractations et à ce refus formel de dire la vérité. Dans les débats, dans ses lettres à M. le préfet de l'Aveyron, elle parlait de la fin tragique qui paraissait lui être réservée. La position de son fils, privé de sa mère, paraissait l'occuper; tout enfin concourait à prouver qu'elle redoutait les peines dues aux criminels.

» On a informé contre elle; elle a avoué de nouveau avoir été chez Bancal au moment de l'assassinat de Fualdès; mais ses réticences sur les détails, quoiqu'il soit positivement établi, par les déclarations qu'elle a faites à quelques témoins, que ces détails lui sont parfaitement connus; mais le fait bien constaté de sa présence dans la maison Bancal au moment du crime; mais la circonstance précédemment avouée par elle-même à M. le préfet, qu'un pantalon qu'elle portait en ce moment était teint du sang de la victime; mais ses déclarations plusieurs fois répétées, que, dans les aveux de s'être trouvée dans la maison Bancal, elle n'avait dit qu'une partie de la vérité, et qu'elle la dirait tout entière aux débats publics, ont confirmé et aggravé les indices de sa culpabilité...

» En conséquence, ladite femme Manson est accusée d'avoir, avec connaissance, aidé ou assisté les auteurs de l'assassinat de Fualdès dans les faits qui l'ont préparé ou facilité, ou dans ceux qui l'ont consommé. » Cette lecture terminée, Me Romiguières, défenseur de Bastide, invoque, en faveur de son client, un moyen

préjudiciel que la Cour rejette, sur les conclusions de M. le procureur-général.

M. le président, s'adressant ensuite à MM. les jurés, s'exprime en ces termes:

le

« Vous venez de l'entendre cette triste vérité, sieur Fualdès a péri sous les coups d'une main ennemie.

» Le suicide est impossible, la mort par accident l'est aussi.

» Disons-le avec les élémens de la procédure, une association de malfaiteurs, pris dans toutes les classes et dans tous les sexes, méditant de nouveaux crimes, ont ravi un citoyen à la société, un père à son fils. D'autant plus criminels, certains d'entre eux, si la conviction de leur culpabilité s'acquiert, que, débiteurs et obligés de la victime, ils n'auraient exécuté le détestable projet de lui donner la mort, que pour s'approprier des biens que Fualdès vivant les obligeait à lui restituer, et que Fualdès mort leur offrait la possibilité de retenir.

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Ainsi, des intérêts froissés, la soif de l'or, qui, chez les âmes basses, inspire la soif du sang, seraient donc, ainsi qu'une triste expérience nous l'apprend chaque jour, le mobile, la cause impulsive d'un crime inoui par l'audace de son exécution. Dans quels momens, à quelle heure, dans quel lieu a-t-il été commis? le jour d'une fête chômée, à huit heures du soir, à Rodez, au sein d'une ville méritante et hospitalière, inconsolable d'en avoir été le théâtre.

» Nous avons entendu l'expression de ses nobles sen

timens, et pourtant ils ont été méconnus; mais à quoi l'injustice ne s'attache-t-elle pas! Ruthénois! on a calomnié jusqu'à vos murailles; c'est là qu'une conspiration contre le sieur Fualdès fut ourdie; c'est là que, le 19 mars, un des conjurés lui donne un rendez-vous pour la négociation de quelques effets ou un réglement de compte; ce n'était qu'un piége homicide!

» Il est huit heures; Fualdès, fidèle à sa promesse, quitte ses amis, sort de sa maison; il est sans défiance!... Cependant les conjurés sont à leur poste, ils attendent leur victime; ils sont avertis de son approche, on entend des cris d'appel, des coups de sifflet.

» L'infortuné Fualdès a fait à peine cent pas que, de toutes parts, une tourbe d'hommes fond sur lui; il est saisi, bâillonné, étreint dans les replis d'un objet ample et blanchâtre. Sa résistance est vaine; on l'opprime; des cris étouffés sont entendus.

» Fualdès devait être égorgé dans un lieu très-voisin de celui où il est saisi. Un obstacle se présente; la Providence l'a ménagé.

» La Providence, qui déjoue les calculs humains, lorsqu'elle n'a pas voulu se réserver le châtiment des coupables, et qu'elle en abandonne la punition à la justice des hommes; la Providence, qui confond notre faible intelligence, lorsque, cherchant à sonder ses impénétrables secrets, nous nous demandons pourquoi ces événemens et non pas d'autres? la Providence créa cet obstacle; elle avait ses desseins inclinons-nous devant elle.

» Fualdès est traîné dans des lieux où quelques per

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