sujet. Il serait convenable et juste que l'institution et l'existence d'un des premiers Corps savants et littéraires du royaume, fussent défendues par un des hommes qui lui ont fait le plus d'honneur; mais peu de mots suffiront pour rappeler des principes qui sont aussi des sentiments. Les Muses aiment la liberté, la gloire et le bonheur. Les progrès des lettres et leur déclin suivent la fortune et l'abaissement des nations. Les vices sont les compagnons de lignorance; le crime est un faux jugement. La vérité, la raison, la justice, ces trois sœurs immortelles, marchent d'un pas incertain dans les ténèbres; les lumières assurent leur triomphe et leur empire. Semblables aux rayons du soleil, les lettres éclairent et échauffent. A mesure que les hommes cultivent leur esprit, ils sentent mieux le besoin de s'aimer; l'émulation des vertus ennoblit celle des talents, et la pureté des mœurs ajoute à l'éclat littéraire. Rabelais (1) disait déjà : « Le temps n'est (1) Michel Nostradamus et François Rabelais ont exercé plus ténébreux, il est idoine et commode aux lettres; la lumière et la dignité leur a été rendue. Tout le monde est plein de gens savants. Et ne se fauldra plus dorénavant trouver en place ni en compagnie, qui ne sera bien expoli en l'officine de Minerve... Que dirai-je ? les femmes et filles ont aspiré à cette louange et manne céleste de bonne doctrine. » Ce que Rabelais appelait bonne doctrine, était les belles-lettres. De nos jours, on voudrait les nommer les bonnes-lettres; mais ce changement de désignation est sans objet, parce que, dans les lettres et dans les arts, l'idée du beau emporte l'idée du bon. Suivant Platon, il y a quelque chose de divin dans la beauté; et Aristote, qui ne se livre pas à son imagination, peut-être parce que Platon s'abandonne trop à la sienne, s'est contenté de dire que la beauté n'est autre chose que l'ordre dans la grandeur : définition dont les belles-lettres s'honoreraient long-temps la médecine à Lyon. Le dernier fut, plusieurs années, médecin de notre Hôpital. PERNETTI. encore. Pourquoi vouloir jeter de nouveaux germes de division dans l'état littéraire ? II est impossible d'ôter aux lettres leur caractère de beauté. La distinction est futile. Dans un esprit juste et droit, quoiqu'étendu et lumineux, les belles-lettres seront toujours bonnes. C'est en vain que des raisonneurs superficiels, prévenus, inattentifs, ou des philanthropes, trompés sans doute par l'excellence de leurs intentions, s'imaginent changer la nature des choses, en changeant les dénominations, et s'efforcent de donner à la culture de l'intelligence humaine, je ne sais quelle direction spéciale. Eh! qu'a donc fait le beau pour démériter du bon? Pourquoi cette ligne de démarcation dont le ridicule fait justice? Comme l'abus a pu se glisser partout, si l'on dit les bonnes-lettres, il faudra dire les bons-arts. Les sciences, les lettres et les arts ont entr'eux l'enchaînement, les liaisons et les rapports les plus étroits. Tous sont beaux, tous sont bons, parce que tous sont utiles; ils se servent mutuellement d'appui; ils concourent réciproquement à leur gloire, et les Muses ne forment qu'un chœur. J'ose croire qu'on dût à ce chœur des Muses la première idée d'une assemblée académique. « Il s'est élevé, disait M. de Malesherbes, un tribunal indépendant de toutes les puissances et que toutes les puissances respectent, qui apprécie tous les talents, qui prononce sur tous les genres de mérite; et dans un siècle éclairé, dans un siècle où chaque citoyen peut parler à la nation entière par la voie de l'impression, ceux qui ont le talent d'instruire les hommes, ou le don de les émouvoir; les gens de lettres, en un mot, sont au milieu du public dispersé, ce qu'étaient les orateurs de Rome et d'Athènes au milieu du peuple assemblé. Ce tribunal du public est le juge souverain de tous les juges de la terre, et son institution date surtout de celle des Académies. » Voilà le pouvoir des lettres; quant aux sciences et aux arts, ils sont infinis comme la nature, leur source et leur modèle; et ceux qui n'ont rien à dire, soutiennent seuls qu'on a tout dit. Les Corps savants et littéraires offrent donc, sous deux rapports principaux, une grande utilité publique. Ils contribuent à l'avancement de toutes les connaissances humaines, et ils sont les interprètes des sentiments généraux, les organes des besoins du peuple, et les ministres de la reine du monde. Dans l'antiquité, un petit nombre de sages eurent la gloire de civiliser les nations; celle des sociétés savantes est de les éclairer sur leurs intérêts, de les environner des jouissances de l'esprit, de leur ouvrir les sources de la prospérité, de retracer sans cesse dans leurs doctrines et dans leurs écrits les droits de la justice, les charmes de la vertu, le noble empire de la vérité, la puissance de la loi; et, suivant l'heureuse expression de Montesquieu : « que le prince, qui est la loi vivante, ne craigne pas ces rivaux qu'on appelle les hommes de mérite ; il est leur égal, dès qu'il les aime. )) Les lettres, ce noble fruit de la raison cultivée, sont la plus belle parure du trône, un des auxiliaires les plus forts de l'ordre public et de l'autorité qui doit l'établir. |