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M. Decourcelle s'est pourvu en cassation contre un jugement du tribunal de commerce d'Amiens du 1er juill. 1902, rendu au profit de MM. Guénin et Cie.

Moyen unique. Violation et fausse application des art. 1133 et 1315, C. civ., 541, C. proc., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué a repoussé la demande en paiement de parties de salaires retenues par le patron, sous prétexte que Decourcelle ne prouvait pas que les retenues eussent eu une cause illicite (en l'espèce, le paiement des primes d'assurance contre les accidents du travail), et qu'il ne pouvait reviser des paiements de quinzaine, antérieurement acceptés par lui sans protestations, alors

incombait, au contraire, au défendeur de prouver tout d'abord l'objet de la convention, la cause de la retenue, et que ledit art. 541, précité, ne pouvait être appliqué à de simples paiements de salaires, ne revêtant point le caractère d'arrêtés de comptes.

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ARRÊT.

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LA COUR; Donne défaut contre les défendeurs; - Vu les art. 1315, C. civ., et 541,C. proc.; Attendu, d'une part, qu'afin de justifier le refus de paiement de la somme de 15 fr. 60, réclamée par Decourcelle pour salaires, Guénin et Cie alléguaient qu'une convention, intervenue entre eux et leur ouvrier, et distincte du contrat de louage de travail, les autorisait à opérer une retenue proportionnelle sur son salaire; que le jugement attaqué accueille cette prétention, par le motif que «c'était à Decourcelle, qui était demandeur, de prouver que les retenues avaient une cause illicite> Mais attendu que Guénin et Cie, qui ne méconnaissaient point n'avoir pas payé à leur ouvrier l'intégralité de son salaire, devaient, aux termes de l'art. 1315, $2, C. civ., établir le fait qui avait produit l'extinction de leur obligation; que c'était, dès lors, à eux qu'incombait la preuve de l'existence de la convention alléguée et de sa cause; que le jugement ne constate pas que cette preuve ait été faite par eux; que, cependant, il déboute Decourcelle de sa demande, parce que celui-ci n'a pas établi le caractère illicite des retenues opérées par ses patrons; qu'en statuant ainsi, il a déplacé le fardeau de la preuve et violé l'art. 1315, C. civ.; Attendu, d'autre part, que, pour repousser la demande de Decourcelle, le jugement attaqué s'appuie

n. 2 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Compte (Reddition de), n. 332 et s., 366 et s.; Pand. Rep., vis Compte courant, n. 738 et s., Mandat, n. 819

et 8.

(1) C'est l'application de la jurisprudence constante, basée sur l'art. 1153, C. civ., d'après laquelle le juge ne peut, en sus des intérêts légaux de la somme qu'il condamne le défendeur à payer au demandeur, prononcer une condamnation à des dommages-intérêts, sur l'unique motif que la

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sur l'art. 541, C. proc., qui interdit la revision des comptes; qu'il y avait bien compte, dit-il, puisque Decourcelle ne recevait qu'une balance » Mais attendu que l'art. 541, précité, suppose un compte proprement dit, comprenant les différents éléments du crédit et du débit, discuté et approuvé dans des conditions telies qu'elles impliquent une véritable reddition de compte; que le jugement attaqué ne constate pas que le paiement partiel reçu par Decourcelle ait été accompagné d'un compte détaillé et approuvé; qu'il déduit l'existence d'un compte de ce seul fait que Decourcelle a reçu sans protestation une partie de ce qui lui était dù; qu'en statuant ainsi, il a faussement appliqué l'art. 541, précité; Casse, etc.

Du 24 janv. 1906. Ch. civ. - MM. Ballot-Beaupré, 1er prés.; Dupont, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Boulard, av.

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LA COUR; Sur le moyen unique : Vu l'art. 1315, C. civ.; - Attendu que le jugement attaqué déclare que Muller frères ont reconnu avoir imposé à Munier, leur ouvrier, une retenue sur ses salaires pour payer des primes d'assurance, non pas, comme le prétendait Munier, contre les accidents du travail, mais bien contre la détérioration du matériel et de l'outillage; - Attendu que, pour repousser la demande en restitution desdites retenues, le jugement se fonde sur ce qu'il n'existe dans la cause aucune présomption de nature à faire admettre qu'elles aient eu une autre destination, et sur ce que Munier ne prouve pas et n'offre pas de prouver qu'elles aient servi à acquitter les primes d'assurance contre les accidents du travail; Mais attendu que Muller frères, qui avouaient n'avoir pas payé à leur ouvrier l'intégralité de son salaire, devaient, aux termes de l'art. 1315, § 2, C. civ., établir le fait, qui avait produit l'extinction de leur obligation; que, par suite, il leur incombait de prouver qu'une convention était intervenue entre eux et Munier, les autorisant à effectuer une retenue proportionnelle sur le salaire de ce dernier, pour la cause qu'ils indiquaient; Attendu que le jugement ne constate pas que Muller frères aient appuyé leur allégation à ce sujet sur un élément quelconque de preuve, et qu'il déboute Munier de sa demande, par le motif qu'il n'aurait pas démontré le caractère illicite des retenues opérées par

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-

privation des sommes dues a causé un préjudice au créancier. V. Cass. 30 mai 1877 (S. 1879.1.117. P. 1879.274). V. dans le même sens, en cas de condamnation à la restitution de sommes indûment perçues, Cass. 26 janv. 1881 (S. 1881.1.322. P. 1881.1.777); 30 juin 1898 (S. et P. 1899. 1.284). Mais on sait que la loi du 7 avril 1900 (S. et P. Lois annotées de 1900, p. 1017; Pand. pér., 1900.3.97),qui a modifié et complété l'art. 1153, C. civ., y a ajouté un paragraphe, qui n'est d'ail

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DOMMAGES-INTÉRÊTS, INTÉRÊTS, SOMME D'ARGENT, RETARD, OUVRIER, SALAIRE (Rép., vo Intérêts, n. 429 et s.; Pand. Rép., Obligations, n. 2175 et s.).

Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts, à raison du retard dans l'exécution de l'obligation, ne devant consister que dans la condamnation aux intérets légaux, le juge ne peut pas, après avoir condamné un patron à payer à son ouvrier une somme d'argent pour salaires dus, le condamner, en outre, au paiement d'une somme excédant les intérêts légaux de ces salaires à titre d'indemnité, en se fondant uniquement sur le préjudice résultant du retard apporté dans le paiement du salaire (1) (C. civ., 1153).

(Bachevillier C. Gautier).

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LA COUR; Vu l'art. 1153, C. civ.; · Attendu qu'aux termes de cet article, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts fixés par la loi ; Attendu qu'après avoir condamné Bachevillier, comme caution du sieur Anselin, à payer à Gautier, ouvrier de celuici, la somme de 130 fr. pour salaires dus au 3 déc. 1910, le jugement attaqué l'a condamné, en outre, au paiement d'une somme de 35 fr. pour indemnité, en se fondant uniquement sur le préjudice résultant du retard apporté dans le paiement du salaire; qu'en statuant ainsi, ledit jugement a violé l'article de loi susvisé :

Casse le jugement rendu le 29 déc. 1910 par le conseil de prud'hommes de Brest, etc.

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CASS. CIV. 2 février 1910.

1o et 3° SOCIÉTÉ EN COMMANDITE, SOCIÉTÉ PAR ACTIONS, ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, POUVOIRS, MODIFICATION AUX STATUTS, BASES ESSENTIELLES, MODE DE VOTATION, CONSEIL DE SURVEILLANCE, NOMINATION, LOI DU ler AOUT 1893, GROUPEMENT, LOIS DES 9 JUILL. 1902 ET 16 Nov. 1903, PUBLICITÉ (Rép., v Sociétés commerciales, n. 5247 et s., 5282 et s., 5559 et s.; Pand. Rép., vo Sociétés, n. 10803 et s., 10898 et s.). 2 SOCIÉTÉ COMMERCIALE, PUBLICITÉ, MODIFICATION AUX STATUTS, ACTES D'ADMINISTRATION INTÉRIEURE (Rép., vo Sociétés commerciales, n. 121 et s., 128 et s.; Pand. Rép., vo Sociétés, n. 3580 et s.). 1° Ne porte pas atteinte aux bases essen

(1 à 4) I. La tendance de la Cour de cassation à élargir les attributions de l'assemblée générale extraordinaire dans les sociétés par actions, par une interprétation de plus en plus extensive de l'art. 31 de la loi du 24 juill. 1867, se manifeste dans chacun de ses arrêts. Celui que nous reproduisons ici est, à cet égard, l'un des plus importants.

A première vue cependant, cet arrêt ne parait rien dire de nouveau. D'une part, il reproduit la doctrine, contenue dans tous les arrêts antérieurs, d'après laquelle l'assemblée générale peut librement modifier les statuts, à la condition de ne pas porter atteinte aux bases essentielles du contrat social. V. en ce sens, Cass. 16 juill. 1901 (S. et P. 1902.1.257; Pand. pér., 1902.1.145); 29 oct. 1902 (S. et P. 1905.1.89); janv. 1903 (S. et P. 1905.1.449; Pand. pér., 1905.1.307); 9 févr. 1903 (S. et P. 1904.1.329); 6 déc. 1904 (S. et P. 1907.1.319; Pand. pér., 1905.1.133); 23 oct. 1905 (S. et P. 1906.1.5; Pand. pér., 1906.1.20), et les notes sous ces arrêts. D'autre part, il reconnaît implicitement que l'assemblée générale ne peut créer aucune inégalité entre les actionnaires, l'égalité. telle qu'elle résulte de la loi et des statuts, étant une base essentielle du contrat social (V. en ce sens, Cass. 29 oct. 1902, précité, et la note, §§ 4 et 5; 6 janv. 1903, précité, et la note; 9 févr. 1903, précité, et la note; 23 oct. 1905, précité); l'arrêt semble même dire que cette égalité est la seule base essentielle qui doive être respectée, et, à cet égard encore, la Cour de cassation ne dit rien de nouveau. V. Cass. 29 oct. 1902, précité, et la note de M. Wahl, § 5; 6 janv. 1903, précité, et la note de M. Wahl, n. VII. Enfin, en déclarant que les règles relatives au droit de vote ne rentrent pas dans les bases essentielles, l'arrêt ne fait que reproduire une solution déjà donnée par la Cour de cassation (V. Cass. 29 oct. 1902, précité; adde, dans le même sens, Trib. comm. de la Seine, 8 févr. 1904, Journ. des soc., 1904, p. 433); il y a lieu seulement de remarquer que la chambre des requêtes, dans son arrêt précité du 29 oct. 1902, avait estimé que les dispositions des statuts, relativement au droit de vote dans les assemblées générales et au nombre de voix dont disposent les actionnaires, sont d'organisation intérieure ». Cette formule, qui nous a paru critiquable (V. la note, § 4, sous l'arrêt du 29 oct. 1902), ne figure pas dans l'arrêt ci-dessus recueilli.

II. Mais, en réalité, sur deux points, l'arrêt cidessus de la chambre civile dépasse la jurisprudence antérieure.

D'abord, la Cour de cassation parait attacher une certaine importance à la clause, devenue de style dans les statuts, et qui se rencontrait dans l'espèce, ANNÉE 1911. - 3 cah.

tielles de la société, et n'excède pas, par suite, les pouvoirs de l'assemblée générale extraordinaire d'une société en commandite par actions, la délibération en vertu de laquelle les membres du conseil de surveillance seront désormais nommés, non plus, comme le prescrivait une disposition spéciale des statuts, à la majorité des voix des membres présents, votant par tête, mais d'après la disposition générale des mêmes statuts, à la majorité des voix des membres présents, propriétaires de dix actions au moins, sans qu'un actionnaire puisse, en aucun cas, réunir plus de vingt voix (1) (L. 24 juill. 1867, art. 31).

Alors du moins que les statuts de la société donnent, dans les termes les plus larges, à l'assemblée générale le pouvoir « d'apporter aux statuts les modifications

d'après laquelle l'assemblée générale pourra apporter aux statuts toutes les modifications dont l'utilité sera reconnue. Jusqu'à présent, la Cour de cassation, avec plus de raison suivant nous, a toujours considéré cette clause comme n'ajoutant rien aux pouvoirs de l'assemblée; puisque l'expression de modifications peut être interprétée de manières diverses, que les statuts ne contiennent aucune précision, qu'ils peuvent avoir eu pour but de mettre hors de conteste le principe, autrefois contesté, d'après lequel l'assemblée a le droit de faire certaines modifications, que les pouvoirs de l'assemblée dérogent à la règle du caractère obligatoire des conventions, l'interprétation restrictive est de rigueur. V. en ce sens, Cass. 29 oct. 1902, et la note; 6 janv. 1903 (sol. implic.) et 9 févr. 1903, précités; adde, Trib. comm. de la Seine, 25 juill. 1901 (Journ. des soc., 1902, p. 170); Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4o éd., t. 2, 2o part., n. 865 bis et 1018-2; et la note, n. VII, de M. Albert Wahl sous Riom, 2 févr. 1901 (S. et P. 1903. 2.57). V. cep. en sens contraire, Trib. comm. de la Seine, 28 juin 1900 (Journ. des soc., 1901, p. 82); Aix, 18 nov. 1907 (Journ. des soc., 1909, p. 108).

La Cour d'appel, qui adoptait cette interprétatation restrictive, faisait remarquer, en outre, que les statuts donnaient certains exemples de modifications, et excluaient par là même les autres modifications de nature différente. C'est ce qui est également reconnu en général. V. la note sous Riom, 2 févr. 1901, précitée. V. cep. en sens contraire ce dernier arrêt. On fait exception toutefois pour les modifications qui sont moins importantes que celles prévues. V. Trib. comm. de la Seine, 28 juin 1900, précité.

Il n'est pas certain, loin de là, que la Cour de cassation ait attaché une véritable importance à la clause des statuts; peut-être a-t-elle voulu simplement dire qu'une modification, qui rentre dans les pouvoirs de l'assemblée générale en l'absence de toute clause, lui est, à plus forte raison, permise quand les statuts l'autorisent d'une manière générale à modifier les statuts. Mais il reste qu'à la différence de ses arrêts précédents, où elle avait reconnu la légitimité de modifications, tout en admettant que la clause des statuts n'avait aucune portée, la chambre civile a tiré, cette fois, parti de la clause. Il y a donc là peut-être une manifestation nouvelle de la tendance de la Cour de cassation à élargir les pouvoirs de l'assemblée.

III. D'autre part, la modification apportée dans l'espèce aux statuts était beaucoup plus grave que celle sur laquelle a statué l'arrêt précité du 29 oct. 1902. L'assemblée générale, dans cette

dont l'expérience aura fait connaitre l'utilité » (2) (Id.).

La délibération susvisée ne crée d'ailleurs aucune inégalité entre les divers associés et sauvegarde les droits des petits actionnaires, puisque, d'après l'art. 4 de la loi du 1er août 1893, reproduit par les statuts, les propriétaires d'un nombre d'actions inférieur à dix peuvent se réunir pour former le nombre nécessaire et se faire représenter par l'un d'eux (3) (Id.).

Les lois des 9 juill. 1902 et 16 nov. 1903, qui ont permis à l'assemblée générale extraordinaire de créer des actions de priorité, ont-elles eu pour effet d'élargir, d'une manière générale, les pouvoirs de cette assemblée (4) (LL. 9 juill. 1902; 16 nov. 1903)? V. la note.

2o Si l'art. 61 de la loi du 24 juill. 1867

dernière affaire, avait simplement réduit de vingt à dix voix le nombre maximum de voix dont pouvaient disposer les actionnaires. V. Trib. comm. de Nice, 15 sept. 1899, et Aix, 26 juill. 1900, reproduits au Journ. des soc., 1904, p. 391, avec l'arrêt de Cass. 29 oct. 1902, précité. Elle n'avait interdit à personne l'accès des assemblées générales; elle n'avait même apporté aucun changement au mode de calcul des voix. Elle s'était contentée d'atténuer la puissance des gros actionnaires. Il y avait là, suivant nous (V. la note, § 4, sous l'arrêt précité du 29 oct. 1902), une modification aux bases essentielles du contrat, l'égalité entre les actionnaires, telle qu'elle était réglée par les statuts, se trouvant modifiée. Mais cette atteinte n'avait qu'une portée assez faible, et on pouvait dire qu'elle était d'accord avec l'esprit de la législation récente, et à la faveur qu'elle montre aux petits actionnaires, auxquels l'alin. 2, ajouté à l'art. 27 de la loi de 24 juill. 1867 par la loi du 1er août 1893, donne le droit de se grouper. Pour le dire en passant, notre arrêt a, en ce qui concerne ce droit de groupement, une très grande importance; car, bien que l'art. 27 figure dans une série de dispositions relatives à la société anonyme, la Cour de cassation reconnaît implicitement ici que l'alin. 2 s'applique également aux sociétés en commandite par actions. Cela nous a toujours paru exact (V. Wahl, Les mandataires aux assemblées générales, n. 6, Journ. des soc., 1905, p. 101); car, d'une part, il est reconnu, du moins en jurisprudence, que les règles sur les assemblées dans les sociétés anonymes doivent être étendues, faute de texte contraire, aux sociétés en commandite par actions (V. le rapport de M. le conseiller Crépon sous Cass. 29 déc. 1897, S. et P. 1898.1.73), et tel est notamment le cas (notre arrêt le reconnait à nouveau implicitement) pour les pouvoirs de l'assemblée extraordinaire. V. Cass. 29 déc. 1897 (sol. implic.) (S. et P. 1898. 1.73; Pand. per., 1898.1.237). D'autre part, l'esprit de la législation de 1893 est évidemment en ce sens, la faculté de groupement ayant le même intérêt dans les sociétés en commandite par actions que dans les sociétés anonymes. Enfin, si l'on devait attacher la moindre importance à la place du texte, il faudrait dire que le droit de groupement n'existe que dans les assemblées annuelles, seules visées par l'art. 27, alin. 1, auquel se rattache l'alin. 2, ce qui serait absurde, et ce qui n'est admis par personne. V. Wahl, loc. cit., n. 3, p. 99; LyonCaen et Renault, op. cit., t. 2, 2 part., n. 863. Néanmoins, si le droit de groupement dans les sociétés en commandite par actions était reconnu par certains auteurs (Faure, Loi du 1er août 1893, p. 98; 1гe PART. 19

soumet à la publicité prescrite par les art. 55

Bouvier-Bangillon, Législ. nouv. sur les soc., p. 117 et s.), l'opinion contraire était plus généralement admise. V. Trib. comm. du Havre, 9 mars 1909 (Journ. des soc., 1910, p. 225); Lyon-Caen et Renault, op. cit, t. 2, 2° part., n. 854-2 et 1019; Houpin, Journ. des soc., 1895, p. 11 (V. cep., le Tr. gén. des soc., du même auteur, 4° éd., t. 2, n. 869, p. 67); Rousseau, Tr. des soc. comm., 3° éd., t. 1, n. 2343 bis; Arthuys, Tr. des soc. comm., t. 2, n. 612; Bourcart, Organis. et pouv. des assembl, gén., p. 124, n. 34. Il faut donc se féliciter que la Cour de cassation ait tranché la question, et l'ait tranchée comme elle devait l'être.

Au reste, l'arrêt constate, d'autre part, que les statuts admettaient formellement le droit de groupement. Or, à supposer que ce droit n'appartienne pas, en l'absence de clause forinelle, aux petits actionnaires d'une société en commandite par actions, il peut leur être valablement octroyé. V. Trib. comm. du Havre, 9 mars 1909, précité.

IV. Mais, par cela même que les statuts organisaient le droit de groupement des petits actionnaires, ils montraient l'importance qu'ils attachaient à ce que ces derniers ne fussent pas à la merci des gros actionnaires. La loi du 1er août 1893 est partie du même esprit, puisque, contrairement à l'alin. 1er, qui permet aux statuts de fixer librement le nombre d'actions nécessaire pour donner accès aux assemblées générales, l'alin. 2 de l'art. 27 contient une disposition impérative, à laquelle les statuts, d'après l'opinion de tous, ne sauraient déroger. V. la note (5° et 6° col.) de M. Wahl, sous Paris, 19 févr. 1897 (S. et P. 1899, 2.185); Houpin, Tr. gén. des soc., 4° éd., t. 2, n. 869, p. 67, et Journ. des soc., 1895, p. 11; BouvierBangillon, op. cit., p. 112; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, 2° part., n. 854-2; Rousseau, op. cit., t. 1, n. 2342; Wahl, Journ. des soc., 1905, p. 104, n. 8, et p. 148, n. 13.

En présence de ces considérations, il est permis d'estimer que la situation des petits actionnaires est, aux yeux de la loi, et était, dans l'espèce, d'après les statuts, plus intéressante que celle des gros actionnaires; et l'on peut soutenir qu'en dehors du droit de groupement, les avantages accordés par les statuts aux premiers sont intangibles, sans considérer comme tels ceux que reçoivent les seconds. Les statuts peuvent, au lieu de proportionner, comme ils le font généralement, le nombre de voix dont les actionnaires disposent dans les assemblées au nombre d'actions, décider que chaque actionnaire aura une voix, quel que soit le nombre de ses actions, l'art. 27, alin. 1o, de la loi de 1867 portant que les statuts déterminent... le nombre de voix appartenant à chaque actionnaire, eu égard au nombre d'actions dont il est porteur ». Une clause de cette nature a pour but de protéger les petits actionnaires; elle est aussi respectable que le droit de groupement, si elle ne dérive pas, comme lui, d'une disposition impérative de la loi. On sait que les actionnaires peuvent valablement prendre part aux assemblées dans lesquelles s'agite une question qui les intéresse directement, à une assemblée, par exemple, où est en question un contrat passé avec eux-mêmes ou avec une société dans laquelle ils ont un intérêt considérable. Il n'y a d'exception que pour les apporteurs en nature, qui ne peuvent prendre part aux assemblées constitutives statuant sur la vérification de leurs apports (L. 24 juill. 1867, art. 4 et 24). C'est une solution admise par la Cour de cassation. V. Cass. 26 oct. 1896 (S. et P. 1897.1.87, et la note;

el 56 de la même loi les délibérations

Pand. pér., 1898.1.33); adde dans le même sens, Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, 2° part., n. 846 et 1019 bis; Houpin, Tr. gén. des soc., 4o éd., t. 2, n.886; et la note de M. Wahl, sous Riom, 2 févr. 1901, précité. De plus, la majorité lie la minorité, lorsque le calcul des voix se fait suivant le nombre d'actions, alors même que cette majorité ne se compose que d'un seul actionnaire. En faveur de cette solution, qui n'est pas douteuse, on peut signaler deux décisions, l'une qui annule une délibération prise par l'assemblée générale dans ces conditions, mais par le seul motif que la question ne figurait pas à l'ordre du jour (Trib. de la Seine, 10 déc. 1902, Journ. des soc., 1903, p. 264), l'autre qui décide avec raison que le fait d'acquérir un grand nombre d'actions pour avoir la majorité dans les assemblées est légitime. V. Trib. comm. de Lyon, 20 oct. 1902 (Journ. des soc., 1903, p. 67).

On conçoit que, dans ces conditions, les petits actionnaires jugent nécessaire d'être protégés. La clause des statuts qui ne donne qu'une voix à chaque actionnaire, quel que soit le nombre des actions, a pour objet cette protection. Ia détruire, c'est supprimer toute garantie pour les petits actionnaires, et les mettre à la merci d'un seul actionnaire ou de quelques-uns d'entre eux. Ce qui est particulièrement grave, c'est que souvent, comme nous le verrons par l'analyse de l'espèce, c'est précisément à ces derniers qu'il appartiendra ainsi de modifier la clause des statuts qui les empêche d'exercer l'omnipotence.

On reconnait généralement que, dans le cas de groupement des petits actionnaires, le nombre des voix appartenant au groupe, si les statuts fixent le nombre de voix d'après le nombre d'actions, dépend du nombre d'actions groupées, ou, en d'autres termes, que le groupement n'en est pas réduit à une voix unique. V. Trib. comm. de Lyon, 20 oct. 1902, précité; Houpin, Journ. des soc., 1895, p. 9, et 1896, p. 317, ad notam; Faure, op. cit., p. 96; Wahl, Journ. des soc., 1905, n. 26, p. 196; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, 2o part., n. 854-2, p. 239. V. cep. en sens contraire, Trib. comm. de la Seine, 12 juin 1895 (Journ. des soc., 1890, p. 316). Car la loi est formelle; elle donne aux petits actionnaires le droit de se réunir et de se faire représenter par un actionnaire unique, qui est ainsi considéré comme un actionnaire possédant en propre le nombre d'actions qu'il représente. Le législateur n'a pas reculé devant l'inconvénient sensible qui résulte, pour les gros actionnaires, de cette solution, laquelle rompt en fait l'égalité au préjudice de ces derniers. Les petits actionnaires trouvent ainsi dans ce groupement plus que le moyen d'avoir des droits égaux à ceux des actionnaires importants, mais celui d'avoir des droits supérieurs. Supposons que, suivant les statuts, chaque actionnaire ait droit à une voix par dix actions; un actionnaire qui possédera en propre vingt-cinq actions n'aura que deux voix; et ainsi dix actionnaires possédant chacun vingtcinq actions, et ensemble deux cent cinquante actions, n'auront que vingt voix ; ils n'ont pas, eux, en dehors d'une disposition des statuts, le droit de grouper les cinq actions qui sont inutiles à chacun d'eux pour acquérir des voix supplémentaires. Au contraire, les petits actionnaires, ceux qui ont moins de dix actions, pourront se grouper, et, s'ils possèdent ensemble le même nombre de deux cent cinquante actions, auront droit à vingt-cinq voix. Cette solution est inévitable; si le législateur y a songé, ce qui est fort douteux, il a pu y voir la compensa

ayant pour objet la modification des sta

tion de la difficulté que les petits actionnaires éprouvent à se grouper, et du fait que, à raison de cette difficulté, les petits actionnaires ne seront jamais représentés d'une manière aussi efficace que les gros actionnaires. Il y a presque fatalement, malgré le droit de groupement, une déperdition de forces, qui est atténuée par la solution que nous venons de rappeler. Cette solution, comme toute scelles qui résultent de l'art. 27, alin. 2, de la loi de 1867, est d'ordre public, et ne peut être écartée par les statuts. V. Wahl, Journ. des soc., 1905, p. 197, n. 27.

Ainsi le législateur a considéré comme intangibles les règles qu'il a adoptées, soit en ce qui concerne le droit de groupement en lui-même, soit en ce qui concerne le nombre des voix qui, en vertu du groupement, appartiennent aux petits actionnaires. Cette faveur, les statuts, s'ils ne peuvent la diminuer, peuvent l'augmenter; ils entrent ainsi dans l'esprit de la loi; ils complètent son œuvre, en empêchant l'oppression, que le mode de répartition des actions rendrait possible, des petits actionnaires. Il est difficile de contester qu'il y ait là, pour ces derniers, une base essentielle du contrat social.

V. La Cour de cassation estime que les droits des petits actionnaires sont suffisamment sauvegardés par la faculté de groupement elle-même. Il est facile de montrer qu'ils ne le sont en aucune manière. Le groupement permet aux petits actionnaires de participer aux délibérations. Mais ils n'y participent chacun que pour une fraction de voix; si, par exemple, les assemblées ne sont ouvertes qu'aux actionnaires possédant dix actions, et si chaque actionnaire, d'après les statuts, a droit

une voix pour chaque dizaine d'actions qu'il possède, l'actionnaire qui possédera une action unique n'aura, en réalité, qu'un dixième de voix. Or, si, comme dans l'espèce, les statuts portent que, soit dans toutes les assemblées, soit dans certaines d'entre elles, tous les actionnaires seront admis, et que chacun d'eux, quel que soit le nombre de ses actions, aura une seule voix, la suppression de cette clause des statuts, et son remplacement par une disposition qui attribuera une voix à chaque dizaine, par exemple, d'actions, ne trouvera pas son correctif dans le droit de groupement, lequel ne sauvegardera pas le moins du monde les droits des petits actionnaires. Les petits actionnaires, en se groupant, retrouveront, à la vérité, le droit d'assistance aux assemblées, qui leur a été enlevé par l'abrogation de la clause des statuts. Mais ce qu'ils ne retrouveront pas, c'est la possibilité de s'opposer aux entreprises des gros actionnaires. Quand dix petits actionnaires groupés, qui jusqu'alors avaient ensemble dix voix, n'en auront plus qu'une, quand les mille petits actionnaires qui, supposons-le, existaient dans la société, n'auront plus que cent voix au lieu de mille, et se trouveront en face d'un seul actionnaire, possédant par hypothèse les neuf mille autres actions, et qui, au lieu d'une seule voix qu'il avait autrefois, en aura neuf cents, ne faut-il pas reconnaître que la situation sera entièrement renversée, et que le pouvoir changera de mains?

Encore ne faut-il pas s'illusionner sur les facilités que donne aux petits actionnaires le droit de groupement. Le législateur de 1893 y a vu un moyen pour les petits actionnaires de faire valoir leurs intérêts; accessoirement, et sans doute pour faire accepter plus facilement par les fondateurs,

tuts, cette obligation ne concerne que les

généralement gros actionnaires de la société, la disposition impérative qui leur impose le concours des petits actionnaires dans les assemblées, il a fait ressortir que le groupement permet aux 80ciétés d'atteindre plus aisément que par le passé le quorum exigé par les statuts et dans certains cas (L. 24 juill. 1867, art. 31) par la loi. V. le rapport de M. Clausel de Coussergues à la Chambre (S. et P. Lois annotées de 1893, p. 574, note 8).

Or, nul n'ignore que, comme il était facile de le prévoir, le groupement est réalisé, non pas spontanément par les petits actionnaires eux-mêmes, mais par les administrateurs ou gérants des gociétés. Les actionnaires n'ont, en général, aucuns rapports les uns avec les autres; ils ne se connaissent pas. Les administrateurs trouvent sur leurs livres les noms des possesseurs de titres nominatifs; si les actions sont au porteur, ils les font déposer, et groupent ensuite ceux des actionnaires qui ne possèdent pas un assez grand nombre d'actions pour pouvoir assister aux assemblées. On ne peut inême espérer que les petits actionnaires, par voie de circulaires, d'insertions dans les journaux, de réunions, arriveront à entrer en contact les uns avec les autres; car auront-ils assez de confiance les uns dans les autres pour se confier réciproquement leurs titres ou même leurs récépissés de dépôt ?

En fait, le législateur, si son attention avait été attirée sur les procédés par lesquels devaient pratiquement s'effectuer les groupements, aurait sans doute pensé qu'il n'en résulterait aucun inconvénient, la société ayant, pour atteindre le quorum, autant d'intérêt que les actionnaires à faciliter le groupement. Mais, en présence de la jurisprudence de la Cour de cassation, l'inconvénient devient considérable; les administrateurs sont presque toujours de gros actionnaires; souvent même, ayant la majorité des actions entre leurs mains, ils se désignent eux-mêmes dans les assemblées générales. Si donc ils veulent modifier les statuts dans un sens défavorable aux petits actionnaires, ils ne prendront aucune initiative en matière de groupement, et laisseront, comme ils en ont incontestablement le droit, aux petits actionnaires le soin de se grouper eux-mêmes. Le résultat sera que l'assemblée sera composée exclusivement des gros actionnaires, et que les petits actionnaires seront sacrifiés.

VI. Au moins peut-on dire que, si les statuts donnent à chaque actionnaire une voix, quel que soit le nombre de ses actions, les petits actionnaires ont tous accès aux assemblées générales, et peuvent, en se présentant à l'assemblée extraordinaire, faire nombre pour s'opposer aux mo. difications qui leur porteraient préjudice, et notamment à celle qui consisterait à proportionner le nombre de voix dans les assemblées au nombre des actions possédees par chaque actionnaire. Mais ce n'est pas ainsi que les choses se présentaient dans l'espèce: suivant les statuts, d'une manière générale, dans les assemblées, et notamment dans les assemblées extraordinaires, les votes se comptaient par nombre d'actions. Dans les seules assemblées où étaient désignés les membres du conseil de surveillance (la société étant en commandite par actions), le vote se comptait par tête. Le but poursuivi par les statuts ressortait nettement de cette distinction. Ils voulaient que les membres du conseil de surveillance fussent avant tout les représentants des petits actionnaires, peut-être parce que la plus grande partie des actions étaient concentrées entre

modifications intéressant les tiers, et non

un petit nombre d'associés. On sait que le rôle du conseil de surveillance est permanent (L. 24 juill. 1867, art. 10), tandis que celui des commissaires de surveillance, dans les sociétés anonymes, est intermittent (art. 33 et 34); que le conseil de surveillance doit comprendre trois membres au moins (art. 5), tandis qu'il peut n'y avoir qu'un seul commissaire de surveillance (art. 32); que les membres du conseil de surveillance doivent être des actionnaires, alors que les commissaires de surveillance peuvent être pris en dehors des associés (mêmes textes). Cette distinction entre les deux sortes de sociétés, si elle peut s'expliquer par l'origine différente des dispositions concernant respectivement l'une et l'autre, se justifie peutêtre par l'idée que, dans les sociétés en commandite, les gérants ne sont pas, comme les administrateurs des sociétés anonymes, arbitrairement révocables, que leurs pouvoirs ne sont pas limités à une durée très brève, qu'étant, en général, pris parmi les commandités, malgré la possibilité de les prendre en dehors des associés, ils ont des intérêts opposés à ceux des commanditaires. On comprend qu'il puisse être très important, pour les petits actionnaires, d'organiser fortement le conseil de surveillance. Ils avaient pu croire, dans l'espèce, que le vote par tête, pour l'élection du conseil de surveillance, sauvegardait leurs intérêts. La modification apportée aux statuts leur enlevait cette garantie. La manière même employée par les gérants pour les en priver montre à quel point elle leur était précieuse. La Cour d'appel insiste avec raison sur ce point que le conseil de surveillance, s'il avait été désigné par les actionnaires votant par tête, n'aurait pas été celui que désiraient les gérants. Pour éviter ce résultat, les gérants avaient fort simplement refusé de laisser l'assemblée voter, et avaient fait modifier les statuts par une assemblee extraordinaire, qui, immédiatement après avoir décidé que le vote aurait lieu par action représentée, avait désigné les membres du conseil de surveillance. Cette modification aux statuts, dit la Cour de cassation, ne nuit pas aux petits actionnaires, puisqu'ils pourront se grouper dans les assemblées. Nous avons dit ce qu'il faut penser de cette considération; fût-elle exacte en fait comme elle l'est en droit, il resterait que les petits actionnaires qui, dans le vote par tête, formaient vraisemblablement la majorité, et qui évidemment (s'il en avait été autrement, le conflit ne se serait pas produit) ne formaient plus la majorité dans le vote par titre, se trouvaient par là même privés du droit de contrôle permanent que les statuts leur réservaient sur les gérants.

VII. Quand on songe aux pouvoirs considérables que la jurisprudence reconnait aux assemblées extraordinaires (V. les arrêts précités et les notes); quand on se rappelle notamment qu'elle leur permet de transformer le mode d'exploitation de la société (V. Cass, 29 oct. 1902, précité), d'augmenter la rémunération des administrateurs ; (V. Cass. 9 févr. 1903, précité), de réduire, au moins en certains cas, les dividendes (V. Paris, 13 juin 1901, S. et P. 1903.2.313, et la note), de créer des réserves (V. Paris, 8 juin 1901, S. et P. 1903.2.25, et la note, n. IV; Cass. 29 oct. 1902 et 6 janv. 1903, précités), on est porté à craindre que la jurisprudence, en tant qu'elle permet à l'assemblée extraordinaire de modifier les dispositions relatives au droit de vote, ne supprime un peu trop facilement les garanties que les statuts ont, par l'organisation de ce droit de vote, voulu assurer

celles qui sont d'ordre intérieur et règlent

à certains actionnaires, et notamment aux petits porteurs de titres.

Faut-il au moins, comme l'ont pensé certains auteurs, admettre que, depuis les lois des 9 juill. 1902 et 16 nov. 1903, qui ont fait entrer dans les pouvoirs des assemblées générales le droit de créer des actions de priorité, le droit pour l'assemblée de porter atteinte aux dispositions des statuts modifiant le mode de calcul des voix est devenu légitime? V. en ce sens, Percerou, Journ. des soc., 1907, p. 100. Cette doctrine se rattache à un système plus général, d'après lequel l'assemblée peut aujourd'hui introduire toutes les modifications qui n'ont pas plus de gravité que la création des actions de priorité. V. Aix, 18 nov. 1907, précité; Trib. de Rochechouart, 28 mai 1969 (Journ. des soc., 1909, p. 461); Bourcart, op. cit., n. 72; Percerou, op. cit., p. 14 et s., 97 et s.; Bosvieux, Journ. des soc., 1906, p. 441, et 1909, p. 464, ad notam; Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 2, 2° part., n. 865 et 866 bis; Houpin, Tr. gén. des soc., 4o éd., t. 2, n. 907 bis, et Journ, des soc., 1908, p. 14, ad notam, et 1909, p. 195. Ce n'est pas ici le lieu d'examiner cette question, car elle n'a pas été posée. La jurisprudence continue, en général, à trancher les questions qui se présentent à elle sans faire allusion aux lois de 1902 et 1903. Il est vrai qu'elle n'a eu à s'occuper que de sociétés dont la constitution était antérieure à cette loi; mais il est à remarquer que les auteurs, qui admettent que les pouvoirs de l'assemblée extraordinaire ont reçu indirectement une large extension depuis 1902 et 1903, appliquent leur système aux sociétés antérieures, par le motif que la loi de 1908 a formellement admis la création d'actions de priorité par l'assemblée générale dans les sociétés antérieures. V. Trib. de Rochechouart, 28 mai 1909, précité; Percerou, Journ. des soc., 1907, p. 17; Houpin, Journ. des soc., 1909, p. 195.

L'occasion se présentera sans doute bientôt d'ap. profondir cette question. Nous dirons simplement pour l'instant qu'à notre avis, comme le montrent les travaux préparatoires, les lois de 1902 et de 1908 dérogent au droit commun; qu'elles ont pour objet de donner à l'assemblée un pouvoir exorbitant dans une hypothèse où il a paru que l'assemblée n'en userait pas en dehors d'une nécessité absolue, d'une imminence de ruine pour les actionnaires; que l'intérêt de tous les actionnaires, gros et petits, donne la certitude qu'ils ne créeront pas des actions de priorité, quand ce ne sera pas pour eux l'ultimum remedium, la mesure indispensable pour les empêcher de perdre leur capital; que l'esprit de la loi ne peut, par conséquent, être invoqué en faveur d'une extension, relativement à des cas où le même danger n'existera pas. Nous ajouterons qu'entre la création d'actions de priorité et toutes les mesures qu'on a prétendu être moins graves, il n'y a pas de commune mesure, et que, par suite, tout rapprochement sérieux est impossible. En particulier, comment pourrait-on apprécier la gravité respective de la délibération qui crée des actions de priorité et de celle qui modifie les règles du droit de vote? Sans doute, la seconde est moins grave que la première, en ce sens qu'elle ne donne pas à de nouveaux intéressés des dividendes payés par préférence à ceux des anciens actionnaires; mais elle est plus grave, en ce sens qu'elle est susceptible de faire changer de mains le pouvoir dirigeant de la société. Elle a lésé, dans l'espèce, les petits actionnaires, alors que la création d'actions de priorité, intervenue nécessairement dans des circonstances où les actionnaires ne

exclusivemet les rapports des associés entre eux (1) (L. 24 juid. 1867, art. 61).

3o Spécialement, w'est pas sujette à publicité une délibération de l'assemblée générale extraordinaire d'une société en commandite par actions, qui se borne à réglementer le droit de vote des actionnaires relativement à l'élection des membres du conseil de surveillance (2) (Id.). (Bonnardel, Piger, Rival et autres C. Consorts Ferry et autres et Soc. de l'EdenThéatre-Concert de Saint-Etienne).

Le 16 nov. 1904, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a rendu le jugement suivant: :- Le Tribunal; Attendu qu'une société en commandite par actions a été fondée à Saint-Etienne, au capital de 600.000 fr., pour l'exploitation de la salle de spectacle, dite Eden-ThéâtreConcert de Saint-Etienne »; que cette société, dont les statuts ont été déposés en l'étude de M Freynet, notaire à SaintEtienne, à la date du 9 mars 1898, a fonctionné, 'abord sous la raiso sociale de Virles et Cie, puis sous celle de Bonnardel et Cio, vocable qui lui appartient encore aujourd hui; Attendu que les statuts de la société susdénommée, dressés a la date du 1er févr. 1898, contiennent, au titre 5, les stipulations qui régissent institution du conseil de surveillance de ladite société, créé en exécution de la loi du 24 juill. 1867; qu'aux termes de l'art. 26 de ces statuts, les membres dudit conseil de surveillance sont nommés par l'assemblée générale des actionnaires, à la simple majorité des voix des membres présents votant par tête; que, pour compléter la disposition de cet art. 26, l'art. 27 des mêmes statuts ajoute que le premier conseil est nommé pour un an, et qu'ensuite, il est renouvelé chaque année par tiers en assemblée générale, avec explication que les membres sortants sont désignés par le sort et sont toujours rééligibles; que

pourraient pas se procurer les capitaux indispensables sans faire un sacrifice, les sauve d'une ruine complete et leur procure ainsi indirectement à tous un avantage.

On a cru répondre à toutes les objections en décidant que la validité de la délibération de l'assemblée lésant les intérêts de certains actionnaires sera subordonnée à l'autorisation préalable d'une assemblée spéciale formée de ces derniers (V. Percerou, Journ. des soc., 1907, p. 71 et s.), et que, notamment, si la délibération doit exiger, pour l'accès aux assemblées, un nombre d'actions inférieur ou supérieur à celui que réclamaient les statuts, les actionnaires dont les droits sout amoindris doi. vent être convoqués en assemblée spéciale (Ibid., p. 100 et s.). Cela est facile à dire; mais, d'une part, il serait vraiment singulier que les lois nouvelles, qui, d'après ce qu'on prétend, ont mis hors de contestation la solution admise par la Cour de cassation avant ces lois, et consacrée à nouveau par l'arrêt ci-dessus recueilli, eussent cet effet inattendu de subordonner à une condition les mesures qui jusqu'alors n'y étaient pas soumises. Ce serait une conséquence bien extraordinaire de lois qui ont eu pour objet de conférer à l'assemblée générale un droit que la jurisprudence lui refusait jusqu'alors. D'autre part, la loi de 1903 prévoit les ag

le gérant peut présenter une liste des candidats au vote de l'assemblée, et que ies fonctions des membres dudit conseil ainsi constitue consistent notamment a vérifier les livres, la caisse, le portefeuille et les valeurs de la société ; Attendu que l'art. 5 de la loi du 24 juill. 1867, qui impose, dans toute société en commandite par actions, l'établissement d'un conseil de surveillance, stipule qu'il doit être composé de trois actionnaires au moins, qu'il est nommé par l'assemblée générale des actionnaires immédiatement apres la constitution definitive de la société, et avant toute opération sociale, et qu'il est soumis à réélection aux époques et suivant les conditions déterminées par les statuts; Attendu qu'à l'époque de l'assemblée générale annuelle et ordinaire du 30 juill. 1903, le conseil de surveillance de la société était composé de MM. Fréty, Gouilloud et Bourgier; que, sur le conseil ainsi composé, M. Gouilloud était démissionnaire, et M. Fréty, membre sortant; qu'il y avait donc lieu à la nomination de deux nouveaux membres en remplacement de MM. Fréty et Gouilloud; que, T'ordre du jour appelant l'assemblee générale des actionnaires à voter en vue de ce remplacement, une discussion s'est agitée, au cours de la délibération, sur le point de savoir si le vote devait avoir leu, conformément à l'art. 26 des statuts, à la simple majorité des membres présents, votant par tète, ou, conformément à l'art. 37 des mêmes statuts, à la majorité des voix des membres présents, chaque actionnaire ayant autant de voix qu'il possède de fois dix actions; Attendu que, les membres délibérants n'ayant pu s'entendre sur le mode de volation à adopter, l'assemblée a déclaré ajourner à une prochaine assemblée générale le vote ainsi laissé en suspens; - Attendu qu'une nouvelle assemblée genérale a été convoquée pour le 19 oct. 1903, à 3 heures du

semblées spéciales exclusivement dans le cas d'actions de priorité, et elle ne les prévoit pas préalablement à la mesure, mais après qu'elle a été prise, quand de nouvelles mesures sont proposées qui nuisent à l'une ou à l'autre catégorie d'actions; il y a donc une double raison pour ne pas admettre les assemblées spéciales, en cas de délibérations autres que celles qui créent les actions de priorité et avant ces délibérations. Enfin, on a négligé de se demander quels seraient, les moyens pratiques d'organiser l'assemblée spéciale. Voici, comme dans l'espèce, une délibération qui substitue le vote par actions au vote par tête; quels sont les actionnaires lésés? Cela ne peut être établi que par un rapprochement entre le nombre d'actionnaires et le nombre d'actions; et comment faire ce rapprochement, si, comme cela arrive presque toujours, la plupart des actions sont au porteur?

Il n'y a donc rien à puiser, suivant nous, dans la loi de 1903. Peut-être la jurisprudence, qui se montre depuis quelques années si désireuse d'étendre les pouvoirs de l'assemblée générale, tirerat-elle parti de cette loi; nous estimons que ce serait en méconnaître ainsi l'esprit, provoquer des difficultés presque inextricables, et ouvrir la porte à de graves dangers.

ALBERT WAHL.

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soir, avec un ordre du jour appelant cette nouvelle assemble à délibérer sur les sujets suivants : 1 modification à l'art. 2) des statuts; 2° fixa ion des jetons de présence; 3° renouvellement du conseil de surveillance; Attendu que, le premier article de l'ordre du jour ayant été mis en discussion, le gérant Bonnardel a proposé de supprimer l'ancien texte de l'art. 26 des statuts, et de lui substituer le texte suivant : « Les membres du conseil de surveillance sont nommés par l'assemblée générale. La nomination a lieu à la majorité des voix et des membres présents, conformément aux dispositions de l'art. 37 ci-après »; Attendu que cette

proposition, passée aux voix, alors qu'un certain nombre des membres opposants, en signe de protestation, s'étaient déjà retirés, sans cependant laisser l'assemblée en nombre insuffisant pour délibérer, a réuni l'unanimité des votes exprimés par les membres restés en séance, à l'exception du président Fréty, qui s'est abstenu;

Attendu que l'assemb ée générale, après avoir statué sur la valeur des jetons de présence destinés aux membres du conseil de urveillance, a passé à l'examen de la troisième question de son ordre du jour, relative au ren uvellement des meintres du conseil de surveillance; Attendu que M. Bourgier, seul membre resté en fonctions de l'ancien conseil de surveillance, ayant démissionné avant qu'il ait été passé au vote, le conseil a dù ere renouvelé en entier, et que l'élection à laquelle il a été procédé a eu lieu, non à la majorité des voix des membres délibérants, et par tête, mais avec le mode de votation adopté par la nouvelle rédaction de lart. 26 des statuts, c'est-à-dire à la majorité des voix des membres présents, chaque votant ayant autant de voix qu'il possédait de fois dix actions;

Attendu qu'en adoptant le mode d'élection ci-dessus énoncé, l'assemblée

(1-2) La Cour de cassation a déjà reconnu que les modifications aux dispositions des statuts qui sont d'organisation intérieure ne sont pas sujettes à publicité. V. Cass. 22 févr. 1892 (S. et P. 1893.1.49), et la note. Les modifications relatives à la gérance doivent être publiées (V. le même arrêt, motifs, et la note), parce que les tiers sont intéressés à savoir quels sont les personnes qui représentent la société leur égard et dans quelle mesure ils la représentent. Mais le conseil de surveillance n'est organisé que dans l'intérêt des commanditaires et n'a aucun pouvoir à l'égard des tiers. Aussi, tandis que les clauses des statuts relatives à la gérance doivent figurer, d'après l'art. 56 de la loi de 1867, dans l'extrait inséré par les journaux, ce texte ne parle pas des clauses relatives à la surveillance, et, d'après la jurisprudence, il est limitatif. V. - P. Cass. 2 mars 1885 (motifs) (S. 1885.1.362. 1885.1.891), et la note. V. cep. en sens contraire, Houpin, Tr. gén. des soc., 4° éd., t. 2, n. 1016; Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm., 4° éd., t. 2, 1re part., n. 99, et 2° part., n. 775. Il serait inadmissible que la modification à une clause, dont la publication n'est pas exigée, fût ellemême sujette à publication.

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