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CASS.-CIV. 5 août 1907. OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOI DU 9 AVRIL 1898, CONVERSION DU QUART EN RENTE, JUGEMENT SUR REQUÈTE, APPEL (Rép., v° Responsabilité civile, n. 2212 et s., 2215 et s.; Pand. Rép., vo Travail, n. 3036 et s.).

La décision rendue en chambre du conseil, qui, même sur simple requête, refuse d'ordonner la conversion du quart de la rente viagère en capital, demandée par la victime d'un accident en vertu de l'art. 9 de la loi du 9 avril 1898, est un acte de juridiction contentieuse (1) (L. 9 avril 1898, art. 9).

Par suite, l'art. 17 de la loi du 9 avril 1898 portant que les jugements rendus en vertu de cette loi sont susceptibles d'appel selon les règles du droit commun, et la voie

(1-2) Par arrêt du 26 nov. 1904 (S. et P. 1906. 2.97), la Cour de Paris a décidé que la procédure organisée par l'art. 9 de la loi du 9 avril 1898, qui permet à l'ouvrier, victime d'un accident, après l'expiration du délai de revision, de demander au tribunal, en chambre du conseil, que le quart du capital nécessaire à l'établissement de la rente viagère qui lui a été allouée lui soit versé en espèces, n'est pas une procédure contentieuse. Dans la note sous cet arrêt, nous avons fait observer que cette solution soulevait de sérieuses objections. Il était à prévoir que, lorsqu'elle serait saisie de la question, la Cour de cassation déciderait, comme elle le fait par l'arrêt ci-dessus, que la décision de la chambre du conseil, qui refuse d'ordonner la conversion demandée par l'ouvrier, est un acte de juridiction contentieuse.

Il en est ainsi, d'après l'arrêt ci-dessus, même lorsque la procédure a été engagée par voie de requête, sans qu'assignation ait été donnée au patron ou à la Comp. d'assurances pour défendre à la demande formée par l'ouvrier, qu'ils peuvent avoir intérêt à combattre, et lorsque la procédure se trouve ainsi avoir été engagée et suivie sans contradicteur. A ce point de vue, l'arrêt mérite d'attirer l'attention, car, si on ne peut pas en induire que la Cour de cassation ait entendu juger que la demande en conversion de l'art. 9 de la loi de 1898 est valablement engagée par voie de requête, cette question n'ayant pas été posée devant elle, du moins il en résulte que des actes de juridiction de la chambre du conseil peuvent avoir le caractère contentieux, bien que la procédure ait été suivie sans contradicteur. Notre arrêt contribuera ainsi à fixer la démarcation, très difficile à déterminer, entre la juridiction contentieuse et la juridiction gracieuse (V. sur le critérium qui doit être suivi en cette matière, la note de M. Tissier sous Bordeaux, 22 févr. 1888, S. 1891.2.57. — P. 1891.1.336), car il permet d'affirmer que l'on définit inexactement la juridiction gracieuse lorsqu'on dit que c'est celle qui, sur une requête, s'exerce en tête à tête entre le tribunal et le demandeur (V. Garsonnet, Tr. de proc., 2o éd., par Cézar-Bru, t. 8, 2 2960, texte et note 2. Comp. Cass. 25 oct. 1905, S. et P. 1909. 1.27; Pand. pér., 1909.1.27, et les renvois). La juridiction gracieuse a pour autre et plus essentiel caractère de ne pas trancher de litige (V. la note de M. Tissier sous Bordeaux, 22 fevr. 1888, précité; adde, Glasson, Précis de proc., 2a éd., par Tissier, t. 1o, n. 60; Bertin, Chambre du conseil, 3o éd., par Bloch et Breuillac, t. 1er, n. 13 et s.), c'est-à-dire de s'exercer sur des demandes qui, suivant la formule de M. Garsonnet (op. cit., t. 1o, 61, et t. 8, § 2960), paraissent ne pas devoir soulever de contradiction et

ANNÉE 1911.- 3 cah.

de l'appel, d'après ces règles, étant ouverte, dans les litiges qui excèdent le taux du dernier ressort, en faveur de la partie à laquelle un jugement fait grief, cetie decision, qui fait grief au requérant, est susceptible d'appel, lorsque rien n'indique en fait que le litige ait une valeur déterminee (2) (LL. 9 avril 1898, art. 9 et 17; 22 mars 1902).

(Lamalle C. Procureur général de Dijon).

Par ordonnance du président du tribunal civil d'Autun, la Société Schneider et Cie a été reconnue débitrice envers M. Lamalle d'une rente viagère de 210 fr., à raison d'un accident du travail ayant occasionné une incapacité permanente. Une demande en revision, formée par M. Lamalle, a été repoussée. Celui-ci à demandé alors, conformément à l'art. 9 de la loi du

n'ont point ainsi d'adversaire connu ou présumé, au contraire de la juridiction contentieuse, qui connaît des affaires impliquant une contradiction. V. Cass. 3 mai 1909 (S. et P. 1910.1.257; Pand. pér., 1910.1.257), et la note de M. Tissier.

On reconnait d'ailleurs généralement qu'en matière contentieuse, comme en matière gracieuse, la chambre du conseil peut être saisie par voie de requête. V. Bertin, op. cit., t. 1er, n. 54 et s.; Garsonnet, op. cit., t. 8, § 2969. La demande en conversion, fondée sur l'art. 9 de la loi du 9 avril 1898, paraît donc pouvoir être engagée dans cette forme. Mais on corrige ce que cette forme de procéder pourrait avoir de dangereux pour les adversaires éventuels du demandeur, en matière contentieuse, en décidant qu'après avoir présenté sa requête à la chambre du conseil, le demandeur est tenu de mettre son contradicteur en cause. V. Bertin et Garsonnet, eod. loc. C'est ce qui n'avait pas été fait dans l'espèce ci-dessus; mais la Cour de cassation n'a pas eu à se prononcer sur le point de savoir si la procédure n'était pas, de ce chef, irrégulière, cette irrégularité ne pouvant enlever à la demande son caractere contentieux.

L'arrêt ci-dessus appelle une autre observation. On peut se demander s'il était nécessaire que la Cour de cassation se prononçât sur le caractère, contentieux ou non, de la demande en conversion pour reconnaître à l'ouvrier, dont la requête avait été rejetée, le droit de former appel. Il semble résulter de sa décision que le droit d'appel de l'ouvrier, demandeur en conversion, est lié au caractère contentieux, reconnu à l'acte de juridiction de la chambre du conseil. Telle n'a pu être évidemment la pensée de la Cour de cassation. Une pareille solution serait contraire à l'opinion couramment admise ; en matière gracieuse aussi bien qu'en matière contentieuse, le requérant qui succombe dans sa demande, et qui par suite en éprouve grief, a le droit d'interjeter appel, s'il n'y a pas, dans la loi, une disposition contraire. V. Garsonnet, op. cit., t. 8, § 2973; Bertin, op. cit., t. 1er, n. 65 et s.; Buteau, Notes prat. sur les fonctions et ordonnances des présidents de trib. civils et la chambre du conseil, n. 312; notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et LouicheDesfontaines, t. 1er, 1er appendice au tit. 8, p. 693, n. 37. Les art. 357, C. civ., en matière d'adoption, et 858, C. proc., en matière de rectification d'actes de l'état civil, font application expresse de ce principe à la juridiction gracieuse, et la Cour de cassation elle-même l'a consacré, implicitement tout au moins, dans plusieurs affaires (V. Cass. 24 nov. 1897, S. et P. 1900.1.336; Pand. pér., 1898.1.123; 23 janv. 1900, S. et P. 1900.1.336; Pand. pér., 1900.1.86; 25 févr. 1907, S. et P. 1910.1.551; Pand. pér., 1910.

9 avril 1898, la conversion du quart de la rente en capital. Cette demande ayant été rejetée, le 25 janv. 1906, par le tribunal civil d'Autun, M. Lamalle a interjeté appel de ce jugement. Le 26 févr. 1906, arrêt de la Cour de Dijon, ainsi conçu : « La Cour, Attendu que les seules décisions judiciaires susceptibles d'appel sont celles qui ont le caractère de jugements proprement dits, c'est-à-dire qui sont rendues sur des difficultés qui, par leur nature, sont susceptibles d'un débat contradictoire entre parties ayant des intérêts contraires; que ce recours n'est donc pas admis contre des actes par lesquels T'autorité judiciaire statue sur une demande, pour y faire droit ou pour la rejeter, sans aucune contestation possible;

Attendu que ce dernier caractère appartient certainement à la décision du

P. 1878.

1.551), où la question se posait de savoir quel devait être le point de départ des voies de recours accordées au requérant contre les décisions rejetant une demande présentée en forme de requête et sans contradicteur, et spécialement en cas de demande d'autorisation à l'effet d'aliéner des biens dotaux (V. Cass. 24 nov. 1897, précité), c'est-à-dire dans une hypothèse où l'on ne peut pas mettre en doute le caractère purement gracieux du jugement de la chambre du conseil. V. aussi la note (IV) de M. Tissier sous Cass. 3 mai 1909, précité. C'est seulement au point de vue des tiers qui pourraient être lésés par un jugement favorable au requérant qu'il y a lieu de distinguer entre les jugements gracieux et les jugements contentieux, le droit d'appel ne pouvant appartenir aux tiers en matière gracieuse. V. Cass. 10 juin 1874 (S. 1878.1.157. 389), et la note; Garsonnet, op. cit., t. 8, § 2973, p. 255; Bertin, op. cit., t. 1o, n. 67; et notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, loc. cit., n. 39. Au contraire, cette distinction n'a pas d'intérêt en ce qui concerne le requérant qui succombe. En matière gracieuse, aussi bien qu'en matière contentieuse, la décision lui fait grief; il faut donc lui appliquer le droit commun, c'est-à-dire lui reconnaître le droit d'appel, qui trouvera d'autant plus souvent à s'exercer en matière gracieuse que les intérêts sur lesquels la chambre du conseil est appelée à statuer ont presque toujours une valeur indéterminée, V. Garsonnet, op. cit., t. 8, § 2973, p. 253; Bertin, op. cit., t. 1, n. 64 et s. Mais, nous le répétons, il n'y a aucune raison de penser que, dans l'arrêt ci-dessus, la Cour de cassation ait voulu s'écarter de cette doctrine; si la Cour suprême a cru nécessaire d'affirmer le caractère contentieux du jugement qui rejette la demande en conversion présentée en forme de requête par la victime d'un accident, en vertu de l'art. 9 de la loi du 9 avril 1898, c'est seulement pour rectifier à cet égard l'erreur qu'avait commise la Cour d'appel, mais non pour rattacher le droit d'appel de l'ouvrier au caractère contentieux reconnu au jugement.

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Il convient d'ailleurs de faire remarquer que, non seulement la loi du 9 avril 1898 ne contient aucune disposition qui, dérogeant au droit commun, permette de refuser à l'ouvrier le droit d'appel; mais, comme le fait justement observer l'arrêt ci-dessus, l'art. 17 de cette loi dispose expressément que les jugements rendus en vertu de la loi du 9 avril 1898 sont susceptibles d'appel suivant les règles du droit commun, et, d'après le droit commun, dans les tiges excédant le taux du dernier ressort, la voie de l'appel est un droit en faveur de la partie à laquelle un jugement fait grief.

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tribunal civil, intervenant, conformément aux prévisions de l'art. 9 de la loi du 9 avril 1898, au sujet d'une demande formée par la victime d'un accident du travail pour se faire attribuer le quart du capital utilisé pour l'établissement de la rente viagère par elle obtenue à titre d'indemnité; qu'en effet, le juge, dans ce cas, n'est appelé à intervenir que pour protéger le demandeur contre un emploi irréfléchi de ressources que la diminution de sa capacité pour le travail ne lui permet pas de compromettre; que personne, autre que l'ouvrier lui-même, n'est intéressé à sa décision, laquelle constitue, en conséquence, un acte de juridiction purement gracieuse, et, à ce titre, n'est pas susceptible d'appel, à défaut de disposition contraire de la loi; - Par ces motifs, etc. ».

POURVOI en cassation par M. Lamalle. Moyen unique. Violation et fausse application des art. 9 et 17 de la loi du 9 avril 1898, modifiée par la loi du 22 mars 1902, ainsi que des principes généraux qui régissent l'appel; violation de la loi du 11 avril 1838, et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non recevable l'appel interjeté contre un jugement rendu en chambre du conseil, lequel avait rejeté une demande d'attribution en espèces du quart du capital de la rente allouée à la victime d'un accident du travail, sous le prétexte que sont seules susceptibles d'appel les décisions judiciaires qui ont le caractère de jugements proprement dits, c'est-à-dire qui sont rendues sur des difficultés qui, par leur nature, sont susceptibles d'un débat contradictoire entre parties ayant des intérêts contraires, et que, dans l'espèce, la décision rendue constituait un acte de juridiction purement gracieuse, alors que, l'appel étant, en matière d'accidents du travail, expressément soumis aux règles du droit commun, d'après l'art. 17 de la loi susvisée, il n'aurait pu être déclaré non recevable qu'en vertu d'un texte formel, qui n'existe pas.

ARRET (ap. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi : Vu l'art. 17 de la loi du 9 avril 1893; Attendu qu'aux termes de cet article, les jugements rendus en vertu de la loi du 9 avril 1898 sont susceptibles d'appel selon les règles du droit commun»; Attendu que, selon les règles du droit commun, dans les litiges excédant le taux du dernier ressort, la voie de l'appel est ouverte en faveur de la partie à laquelle un jugement fait grief; - Attendu que l'art. 9 de la loi du 9 avril 1898 dispose que la victime d'un accident du travail peut, lors du règlement définitif de la rente viagère, après le délai de revision prévu à l'art. 19, demander que le quart au plus du capital nécessaire à l'établissement de cette rente... lui soit attribué en espèces, et que le tribunal, en chambre

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CASS.-CIV. 21 novembre 1910. CHEMIN DE FER, DESTINATAIRE, LIVRAISON A DOMICILE, CHANGEMENT DE DESTINATION, RESPONSABILITÉ (Rép., v° Chemins de fer, n. 3329 et s., 3363 et s.; Pand. Rép., v° Chemins de fer, n. 6398 et s.).

La mention « livrable à domicile », inscrite par l'expéditeur sur la déclaration d'expédition, n'est qu'une simple indication de la volonté présumée du destinataire (1).

A moins de convention contraire, le destinataire reste maitre de prendre livraison en gare, ou de donner à l'expédition une autre direction (2).

Et aucune disposition réglementaire n'impose à la Comp. de chemins de fer l'obligation d'aviser l'expéditeur, lorsque le destinataire use de cette faculté (3).

Par suite, la Comp. de chemins de fer, qui, sur l'ordre du destinataire, lui a livré les marchandises à un domicile autre que celui indiqué sur la feuille d'expédition, ne peut, à raison de ce fait, être rendue responsable, vis-à-vis de l'expéditeur, du non-paiement de ces marchandises (4) (C. civ., 1382). (Chem. de fer de l'Ouest C. Halbout et Cie).

MM. Halbout et Cie, industriels à Flers, ont expédié de cette ville, le 3 oct. 1904, une balle de cotonnades à M. Ludovic Plaud fils, 28, rue du Marchix, à Nantes. Le 4 oct. 1904, M. Ludovic Plaud fils a transmis à la gare de Nantes l'ordre de lui livrer la marchandise, 4, rue Olivier-de-Clisson. La livraison a été faite à cette dernière adresse, le 7 octobre, entre les mains de M. Ludovic Plaud fils. La traite tirée en paiement de la marchandise n'ayant pas été réglée, MM. Halbout ont prétendu que la Comp. des chemins de fer de l'Ouest avait commis une faute en faisant la livraison à un autre domicile que celui indiqué par la lettre de voiture. Ils ont exposé, en effet, qu'il existe à Nantes deux négociants, le père et le fils, portant le nom de Plaud et le prénom de Ludovic au n. 28 de la

rue de Marchix habite M. Ludovic Plaud père; au n. 4 de la rue Olivier-de-Clisson demeure M. Ludovic Plaud fils. Ce dernier, qui est insolvable, donnait à ses fournisseurs l'adresse de son père, très honorablement connu, puis il se faisait livrer les expéditions à son adresse per

1903 (S. et P. 1904.1.291), et les notes. Au contraire, la Comp. de chemins de fer serait en faute, si elle remettait les marchandises à un destinataire autre que celui qui lui a été exactement

sonnelle par la Comp. de l'Ouest. - 14 mars 1905, jugement du tribunal de commerce de Flers, condamnant la Comp. de l'Ouest à payer à MM. Halbout le prix de la marchandise livrée, soit 623 fr. 35.

POURVOI en cassation par la Comp. des chemins de fer de l'Ouest. Moyen unique. Violation des art. 101, 102, C. comm., 1121, 1134, 1382, 1383, 1384, C. civ., 52 du cahier des charges de la Comp., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué a condamné là Comp. à payer le coût d'un colis expédié sans clause de remboursement, et livré au destinataire insolvable, sous le prétexte qu'elle aurait dù demander l'assentiment de l'expéditeur avant de remettre la marchandise à un autre domicile que celui indiqué dans la lettre de voiture, alors que la Comp., ayant livré, sur la demande du véritable destinataire, au domicile que lui désignait ce dernier, ne pouvait engager sa responsabilité vis-à-vis de l'expéditeur, la mention de livraison à domicile étant toujours inscrite, à moins d'une clause spéciale contraire, dans l'intérêt du destinataire, qui peut, soit retenir la marchandise en gare, soit, a fortiori, la faire camionner par la Comp. à une adresse autre que celle primitivement donnée.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique : Vu l'art. 1382, C. civ.; Attendu que la mention livrable à domicile, inscrite par l'expéditeur sur la déclaration d'expédition, n'est qu'une simple indication de la volonté présumée du destinataire; qu'à moins de convention contraire, le destinataire reste maitre de prendre livraison en gare, ou de donner à l'expédition une autre direction, et qu'aucune disposition réglementaire n'impose à la Comp, de chemins de fer l'obligation d'aviser l'expéditeur, lorsque le destinataire use de cette faculté; Attendu, en fait, que, le 3 oct. 1904, L. Halbout et Cie ont remis à la gare de Flers une balle de cotonnades, pour être expédiée, en port dû, par petite vitesse, à Ludovic Plaud fils, 28, rue du Marchix, à Nantes, livrable à domicile; qu'avant l'arrivée de l'expédition, Ludovic Plaud fils a donné l'ordre à la Comp. d'opérer le camionnage du colis à un autre domicile, dans la même ville, 4, rue Olivier-de-Clisson, où il en a pris livraison; - Attendu que, pour condamner la Comp. à payer la somme de 623 fr. 35, représentant la valeur de la marchandise, dont L. Halbout et Cie n'ont pu obtenir le paiement du destinataire insolvable, le jugement attaqué se fonde sur ce qu'elle a commis une faute en ne se conformant pas aux instructions formelles de la feuille d'expédition, et en ne prévenant pas l'expéditeur du changement de direction qu'elle donnait à sa marchandise, et a, par ce fait, engagé sa responsabilité à son égard »; Attendu qu'en statuant ainsi, le tribunal

désigné par l'expéditeur. V. Cass. 30 mars 1903 (S. et P. 1906. 1.462; Pand. pér., 1907.1.328), et la note.

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CASS.-CIV. 16 novembre 1910.

ÉLECTIONS (EN GÉNÉRAL). JUGEMENT PAR DÉFAUT, SIGNIFICATION, NOTIFICATION ADMINISTRATIVE, AGENT MUNICIPAL ASSERMENTÉ (Rép., vo Elections, n. 1462 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1698 et s.).

La disposition de l'art. 22 du décret organique du 2 févr. 1852, suivant laquelle le juge de paix statue sans frais ni formes de procédure, a pour conséquence de rendre inapplicables, en matière électorale, les prescriptions de l'art. 20, C. proc., relatives à la signification des jugements de défaut à la partie défaillante par l'huissier du juge de paix ou par tout autre commis par lui (1) (C. proc., 20; Décr. organ., 2 févr. 1852, art. 22).

Il suit de là que la signification des jugements de défaut peut être faite, comme celle de tous les autres actes de procédure électorale, par un agent assermenté ayant droit de verbaliser et relevant de l'autorité municipale (2) (Id.).

(Prospert C. Ferval). — ARRÈT.

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(1-2) Le droit de former opposition aux jugements rendus par défaut en matière électorale n'est plus contesté, depuis l'arrêt rendu par la chambre des requêtes, le 11 mai 1863 (S. 1864.1. 520. P. 1864.1280). Adde conf. Cass. 22 mai 1883 (S. 1885.1.31. P. 1885.1.50), et les renvois; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Elections, n. 1462 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1698 et s. La question était cependant délicate. On pouvait soutenir que le législateur, en organisant une procédure rapide, en indiquant avec détails, dans les art. 19 à 24 du décret organique du 2 févr. 1852, les modes de réclamation et les voies de recours réservés aux électeurs, en prescrivant des avertissements qui mettent les intéressés à même de comparaître, avait entendu exclure et avait exclu l'opposition. Il semble même que telle a été, en effet, la pensée du législateur. Mais la Cour de cassation, dans le silence de la loi, a maintenu le droit commun, tel qu'il résulte de l'art. 20, C. proc.; et elle a reconnu aux électeurs intéressés le droit d'opposition contre les jugements rendus par défaut par les juges de paix. Elle a affirmé que le droit de former opposition dans les trois jours de la signification du jugement par défaut tenait à la liberté de la défense, et reposait sur le principe que nul ne doit être jugé sans avoir été entendu ; que cette règle était dès lors applicable à toutes les matières de la compétence des juges de paix, toutes les fois qu'il n'y avait pas été dérogé par la loi. V. dans le même sens, Hérold, Le dr. élect. devant la C. de cass., n. 205; Faye, Man. de dr. élect., n. 202, p. 241; Chante-Grellet, Tr. des élect., t. 1, n. 204.

C. proc., relatives à la signification d'un jugement de defaut à la partie défaillante par l'huissier du juge de paix ou par tout autre commis par lui; qu'il suit de là que la signification d'un jugement de défaut peut être faite, comme celle de tous les autres actes de procédure électorale, par un agent assermenté ayant droit de verbaliser et relevant de l'autorité municipale; Attendu que le jugement attaqué à déclaré nulle et inefficace pour faire courir les délais de l'opposition la signification faite au tiers électeur Ferval, à la requête de Prospert (François), par le garde champêtre de la commune de Portel, par le motif que cette notification administrative n'était autorisée par aucune dispo sition légale; qu'en statuant comme il Ta fait, le jugement a faussement appliqué et par suite violé l'article de loi ci-dessus visé; Casse le jugement du juge de paix de Ginestas du 12 juill. 1910, etc.

Du 16 nov. 1910. Ch. civ. MM. Ballot-Beaupré, 1er prés.; Douarche, rapp.; Mérillon, av. gén.

CASS.-CIV. 25 juillet 1910. EXPROPRIATION POUR UTILITÉ PUBLIQUE, CASSATION, RENVOI, NOUVEAU JURY, MÊME MAGISTRAT-DIRECTEUR, NULLITÉ (Rép., vo Expropriation pour cause d'utilité publique, n. 3621 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 3241 et s.).

Lorsque, après cassation d'une décision du jury, les parties ont été renvoyées devant un autre jury du même arrondissement, composé d'autres membres et présidé par un autre magistrat, doivent être cassées la décision du jury et l'ordonnance

Aux termes de l'art. 20, C. proc., la signification du jugement par défaut doit être faite par l'huissier du juge de paix, ou autre qu'il aura commis. Cette prescription est-elle applicable en matière électorale? On ne peut qu'approuver, croyons-nous, la solution négative, donnée par l'arrêt que nous rapportons. Elle était imposée par les termes impératifs de l'art. 22 du décret organique du 2 févr. 1852. Le juge de paix doit statuer sans frais ni formes de procédure; on ne peut donc obliger les électeurs à recourir au ministère d'un huissier, ce qui entraînerait des frais. Il suit de là que la signification des jugements par défaut peut être faite, comme celle de tous les autres actes en matière électorale, par un agent assermenté ayant droit de verbaliser, et relevant de l'autorité municipale. V. d'ailleurs en ce sens, un précédent arrêt de la Cour de cassation, du 14 avril 1908, cité par M. Faye, Appendice au Man. de dr. élect., n. 205.

(3) Lorsqu'une décision du jury d'expropriation est cassée, l'affaire, aux termes de l'art. 43 de la loi du 3 mai 1841, est renvoyée, soit devant un nouveau jury, choisi dans le même arrondissement que l'ancien jury, soit devant le jury d'un arrondissement voisin. La Cour de cassation a décidé, par un arrêt du 21 mars 1855 (S. 1855.1.449.

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du magistrat-directeur, si le nouveau jury a été présidé par le même magistrat directeur (3) (L. 3 mai 1841, art. 43).

(Bure C. Comm. de Saint-Cyprien).

A la suite de l'arrêt de cassation du 2 juill. 1908, rapporté S. et P. 1910.1.47; Pand. per., 1910.1.47, un nouveau jury d'expropriation a été constitué dans l'arrondissement de Cahors, et a rendu sa décision, le 5 oct. 1908, dans la cause entre M. Bure et la commune de Saint Cyprien. POURVOI en cassation par M. Bure contre cette décision.

-

LA COUR;

ARRÊT.

Sur le premier moyen : Vu l'art. 43 de la loi du 3 mai 1841; Attendu que, par jugement du 14 déc. 1906, le tribunal civil de Cahors a, conformément à l'art. 16 de la loi du 21 mai 1836, commis M. Laval, juge de paix du canton de Montcuq, pour remplir les fonctions de magistrat-directeur du jury chargé de fixer les indemnités dues à raison de l'expropriation des terrains nécessaires à la construction d'un chemin rural de Saint-Cyprien à La Nauze; - Attendu que, le jury s'étant réuni sous la présidence du magistrat commis, sa décision a été cassée par arrêt du 2 juill. 1908, et les parties renvoyées devant un autre jury du même arrondissement, composé d'autres membres, et présidé par un autre magistrat-directeur; Attendu que, par suite

de cette cassation, le sieur Laval s'est trouvé sans qualité pour diriger les opérations du nouveau jury; qu'il l'a cependant réuni le 5 oct. 1908, qu'il l'a présidé, et a rendu sa décision exécutoire; en quoi il y a eu violation de l'art. 43, susvisé;

Daffry de la Monnoye, Théor. et prat. de l'expropr. pour util. publ., 2° éd., t. 2, sur l'art. 43 de la loi du 3 mai 1841, n. 2; Crépon, C. annoté de l'expropr. pour util. publ., sur l'art. 43 de la loi du 3 mai 1841, n. 10; et notre Rép. gén. du dr.fr.,

Expropriation pour cause d'utilité publique, n. 3622; Pand. Rép., eod. verb., n. 3252.

L'arrêt précité du 21 mars 1855 n'avait pas tranché la question pour le premier cas, - celui de renvoi devant un nouveau jury choisi dans le même arrondissement; mais il l'avait au moins préjugée, en déclarant dans ses motifs « que le jury et le magistrat qui le dirige forment, par leur réunion, une seule et même juridiction », et qu'il était impossible de rendre à un juge, dont l'ordonnance a été annulée par la Cour de cassation, le pouvoir de connaître une seconde fois de la même affaire ». V. d'ailleurs la note sous l'arrêt au Journal du Palais.

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Toutefois, un doute pouvait subsister. V. la note de M. Carette au Sirey. La décision de l'arrêt ci-dessus rapporté est donc intéressante, parce qu'elle fixe la jurisprudence. V. conf., de Lalleau, Jousselin, Rendu et Périn, op. cit., t. 1er, n. 658; Daffry de la Monnoye, loc. cit.; Crépon, loc. cit.; et notre Rép. gén, du dr. fr., loc. cit.

Il y a lieu au surplus de faire remarquer que l'arrêt de la Cour de cassation du 2 juill. 1908 (S. et P. 1910.1.47; Pand. pér., 1910.1.47), en annulant la décision du premier jury, avait renvoyé les parties devant un autre jury, « présidé par un autre magistrat-directeur ». C'est la formule usitée. V. Daffry de la Monnoye, loc. cit.

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CASS.-CIV. 1er août 1910. EXPROPRIATION POUR UTILITÉ PUBLIQUE, INDEMNITÉ, Date de la prise de POSSESSION (Rép., v° Expropriation pour cause d'utilité publique, n. 2678 et s., 2713 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 3403 et s., 3433 et s., 3480 et s.).

L'indemnité due à l'exproprié doit être fixée d'une manière ferme, eu égard à l'état de choses existant au moment de la décision, et non eu égard à la prise de possession, qui dépend uniquement de l'Administration expropriante, et dont le jury n'a pas à se préoccuper, à moins du consentement exprès des parties (1) (L. 3 mai 1841, art. 38, 3).

Par suite, lorsque l'expropriant offre une certaine somme à raison d'un petit batiment compris dans l'expropriation, avec cette indication qu'il n'en réclame pas la démolition immédiate, la décision du jury, qui alloue l'indemnité en tenant compte de cette offre, doit être cassée, alors qu'il n'apparait, ni du procès-verbal, ni des pièces produites, que l'exproprié ait consenti à ce retard dans la prise de possession (2) (Id.). (Marchal-Brocard C. Ville de Saint-Dizier). ARRÈT.

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LA COUR; Sur le moyen unique du pourvoi: Vu l'art. 38, § 3, de la loi du 3 mai 1841; Attendu que l'indemnité due à l'exproprié doit être fixée d'une manière ferme, eu égard à l'état de choses existant au moment de la décision, et non eu égard à la prise de possession, qui dépend uniquement de l'Administration expropriante, et dont le jury n'a pas à se préoccuper, à moins de consentement exprès des parties; Attendu, en fait, que, sur l'une des parcelles expropriées contre le demandeur, se trouvait un petit bâtiment, également compris dans l'expropriation; que, par acte du 23 oct. 1908, la ville expropriante avait fait offre d'une somme de 547 fr., avec cette indication qu'elle ne réclamait pas la démolition immédiate de ce bâtiment; Attendu qu'il n'apparaît, ni du procès-verbal, ni des pièces produites, que l'exproprié ait consenti à ce retard dans la prise de possession; que, cependant, le jury lui a alloué une somme de 1.400 fr., < en tenant compte, a-t-il dit, de l'offre faite par la ville de Saint-Dizier de ne pas exiger la démolition immédiate du petit batiment situé parcelle n. 1323; qu'en statuant ainsi, le jury a violé l'article de loi susvisé;

Casse la décision du jury de SaintDizier, du 9 janv. 1909, etc.

(1-2) V. en ce sens, Cass. 11 juill. 1881 (S. 1882. 1.36. P. 1882.1.57), et la note; adde, de Lalleau; Jousselin, Rendu et Périn, Tr. de l'expropr. pour util. publ., 8o éd., t. 1or, n. 597; Crépon, ('. an• noté de l'expropr. pour util. publ., sur l'art. 39 de la loi du 3 mai 1841, n. 54; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Expropriation pour cause d'utilité publique, n. 2678; Pand. Rép.,eod. verb., n. 3480 et s.

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CASS.-REQ. 5 janvier 1909. ENREGISTREMENT, CONTRAT, CARACTÈRES, INTERPRÉTATION, CESSION DE DROITS INDIVIS, RENTE VIAGERE, DONATION DÉGUISÉE (Rép., v Enregistrement, n. 134 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 213 et s., 220 et s.). Un tribunal reconnaît à bon droit qu'une prétendue cession à titre onéreux, par laquelle une sœur abandonne à son frère tous ses droits dans les immeubles indivis entre eux, et, en outre, diverses autres valeurs, moyennant une rente viagère à son profit, l'acquit de quelques autres charges de peu d'importance, et une somme payable comptant, présente les caractères d'une donation dissimulée sous la forme d'une cession à titre onéreux, s'il déclare notamment que la somme stipulée payable comptant n'a jamais été payée, ainsi qu'il résulte du fait que ladite somme ne s'est pas retrouvée dans la succession de la cédante, décédée dans la nuit qui a suivi la rédaction de l'acte qu'en admettant même que cette somme eût été payée, la rente viagère et les charges stipulées étaient loin de représenter, àraison de l'importance des biens cedés et de l'âge de la cédante, une valeur équivalente à celle qui lui avait été transmise, et que, malgré les charges alléguées, la cédanté aurait pu prétendre, de l'aveu même du cessionnaire, à une rente double de celle fixée au contrat (3) (LL. 22 frim. an 7, art. 69, § 5, n. 2, SS 6 et 8; 28 avril 1816, art. 54; 21 avril 1832, art. 33; 18 mai 1850. art. 10; 25 févr. 1901, art. 18).

(Le Moign C. Enregistrement). M. Le Moign s'est pourvu en cassation contre un jugement rendu le 10 avril 1907 par le tribunal civil de Saint-Lô au profit de l'Administration de l'enregistrement.

Moyen unique. Violation des art. 69 de la loi du 22 frim. an 7, 1167, 1319, 1322, 1328, 1349, 1353, 1354, 1355, C. civ., et 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que, pour refuser toute valeur à un acte de vente sous seing privé, ayant acquis date certaine par le décès de l'une des parties, et pour décider qu'il dissimulait une donation entre vifs, le jugement attaqué n'a invoqué que de simples présomptions, alors que la foi due à cet acte ne pouvait être détruite que par la preuve contraire, basée sur des écrits ou sur des faits précis de fraude, en vue d'échapper à la perception des droits de mutation à titre gratuit; qu'en fait, l'acte s'expliquait et se justifiait, sans qu'il fut nécessaire de prêter aux parties l'intention de frauder le fisc, et alors, d'autre part, qu'il n'y avait pas une

(3) La doctrine soutenue par le pourvoi, d'après laquelle le caractère véritable d'un contrat ne pourrait être établi par la Régie sur de simples présomptions, est contraire à une jurisprudence constante. La Régie peut établir par des présomptions tous les faits qui lui permettent d'asseoir ou de corriger une perception (V. Cass. 4 nov. et 26 nov. 1907, S. et P. 1909.1.401 et 406; Pand.

lésion de plus des 7/12, susceptible d'entrainer la rescision de ladite vente, qui dès lors ne pouvait juridiquement être considérée comme une donation déguisée passible des droits de mutation à titre gratuit. ARRÊT.

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LA COUR; Sur le moyen unique : Attendu qu'il résulte du jugement attaqué que, par acte sous seings privés, en date du 15 juin 1904, la demoiselle Le Moign a abandonné à son frère, Georges Le Moign, demandeur en cassation, tous ses droits, estimés à 575.449 fr., dans les immeubles indivis entre elle et lui, et, en outre, diverses autres valeurs, moyennant une rente viagère à son profit de 18.000 fr., l'acquit de quelques autres charges de peu d'importance, et une somme de 213.450 fr., déclarée payable comptant; Attendu que le droit de mutation à titre onéreux fut perçu sur cet acte; que, plus tard, l'Administration a soutenu que cette convention contenait une libéralité déguisée sous la forme d'un contrat à titre onéreux, laquelle forme n'avait été employée que pour éviter le paiement du droit applicable aux mutations à titre gratuit; Attendu que le jugement déclare notamment que la somme, stipulée payable comptant, n'a jamais été payée; que, parmi les circonstances qui amènent à en décider ainsi, il convient de remarquer que ladite somme ne s'est pas retrouvée dans la succession de la demoiselle Le Moign, bien que celle-ci soit décédée dans la nuit qui a suivi la rédaction de l'acte; qu'en admettant même que cette somme ait été payée, la rente viagère et les charges stipulées étaient loin de représenter, à raison de l'importance des biens cédés et de l'âge de la cédante, une valeur équivalente à celle qui était transmise, et que, malgré les charges alléguées, la demoiselle Le Moign aurait pu prétendre, de l'aveu même du demandeur, à une rente double de celle fixée au contrat; Attendu que cette décision est fondée sur une saine appréciation de l'acte du 15 juin 1904, ainsi que des faits et des circonstances qui l'ont accompagné; que, dans ces conditions, le tribunal a reconnu à bon droit que le véritable caractère du contrat contenu en cet acte était celui d'une donation dissimulée sous la forme d'une cession à titre onéreux; Rejette, etc.

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Du 5 janv. 1909. Ch. req. non, prés.; Malepeyre, rapp.; Feuilloley, av. gén. (concl. conf.); de Rainel, av.

CASS.-CIV. 2 décembre 1908. IMPÔT SUR LE REVENU, SOCIÉTÉ ÉTRANGÈRE, EXPLOITATION EN FRANCE, OBLIGATIONS, EMISSION A L'ÉTRANGER, CIRCULATION, REPRÉSENTANT RESPONSABLE, OBLIGATION

per., 1909.1.401 et 406, et les notes), et notamment prouver par présomptions qu'un prétendu acte à titre onéreux dissimule une donation. V. Cass. 26 mai 1903 (S. et P. 1904.1.295), et le renvoi. Comp. Cass. 9 nov. 1903 (S. et P. 1904.1. 529, et la note de M. Wahl; Pand. pér., 1904.6.12). Dans l'espèce, les présomptions admises par le tribunal justifiaient pleinement sa décision.

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(1-2-3) Il a déjà été décidé qu'en vertu du décret du 6 déc. 1872 (art. 3), selon lequel une société étrangère, qui a pour objet des biens mobiliers ou immobiliers en France, est soumise à la taxe sur le revenu, d'après une quotité de son capital social fixée par le ministre des finances, la société étrangère qui se trouve dans cette situation doit la taxe sur ses obligations, aussi bien que sur ses actions. V. Cass. 10 févr. 1903 (S. et P. 1904.1.52); 11 nov. 1903 (S. et P. 1904.1.368; Pand. pér., 1904.6.31); 14 déc. 1904 (S. et P. 1905.1.471; Pand. pér., 1905. 6.27), les notes et renvois. Comp. Wahl, Tr. du régime fiscal des soc. et des val. mob., t. 2, n. 2786, texte et note 3, p. 559 et 560. On ne peut trouver, à cet égard, d'autre différence entre l'arrêt ci-dessus recueilli et les précédents que dans la mention faite aujourd'hui par la Cour de cassation du décret du 10 août 1896 (S. et P. Lois annotées de 1896, p. 191; Pand. pér., 1897.3.961), modifiant celui du 6 déc. 1872. Le changement introduit par ce décret a trait, d'ailleurs, à une autre disposition du décret de 1872, celle qui obligeait les sociétés ayant pour objet des biens situés en France à faire agréer par le ministre des finances un représentant responsable; le décret de 1896 (art. 1er et 2) porte que ce représentant responsable doit être agréé par le ministre des finances, ou, sur sa délégation, par le directeur général de l'enregistrement.

L'arrêt ci-dessus recueilli est intéressant en ce qu'il décide nettement que les sociétés visées par le décret de 1872 sont celles qui ont une exploitation en France, à l'exclusion de celles qui y ont des biens étrangers à leur exploitation. En effet, la Cour de cassation fait ressortir que la société, dont l'objet était de faire des prêts fonciers, faisait des prêts à des personnes domiciliées en France et sur la garantie d'immeubles situés en France, et qu'elle possédait des immeubles rentrant accessoirement dans l'objet de son exploitation. Du reste, la Régie, qui a toujours adopté le même point de vue (V. Sol. Régie, 16 juin 1893, Journ. de l'enreg., n. 24262), l'a également admis dans le mémoire présenté devant la Cour de cassation (V. Journ. de l'enreg., n. 27628). « Le législateur, disait le mémoire, s'est préoccupé uniquement de frapper les sociétés étrangères, exerçant en France une industrie quelconque, d'une taxe équivalente à celle qui atteint les société françaises... L'art. 3 du décret ne considère qu'un seul point: celui de savoir si de cette société dépendent des valeurs françaises servant à l'exploitation d'une manière quelconque, et constituant un des éléments productifs du revenu social». Les arrêts précités de la Cour de cassation adoptent un langage analogue. V. également en ce sens, Wahl, La situation fiscale des sociétés étrangères qui ont pour objet des biens situés en France (Journ. du dr. intern. privé, 1908, p. 975 et s.), et Tr. du régime fiscal des soc. et des val. mob., t. 2, n. 2788.

En même temps qu'ils contestaient, par des ar

tion, et des créances hypothécaires sur des débiteurs domiciliés et sur des biens situés en France, est assujettie, dans la proportion arrêtée par le ministre des finances, à la taxe du revenu, non seulement sur les dividendes distribués à ses actionnaires, mais encore sur les intérêts des obligations foncières émises par elle (2) (Id.).

En effet, l'art. 4, $ler, de la loi du 29 juin 1872, et l'art. 3 du décret du 6 déc. 1872, modifié, en son $ 3, par le décret du 10 août 1896, qui établissent l'égalité fiscale entre les valeurs françaises et les valeurs étrangères, s'appliquent aux revenus de tous les litres d'une société, étrangère; on ne sau

guments déjà antérieurement produits, l'assujettissement des obligations des sociétés visées par le décret de 1872, les adversaires de la Régie essayaient, dans l'espèce, de le limiter.

Ils soutenaient d'abord que, tant pour les actions que pour les obligations, une société étrangère n'est pas soumise à l'impôt, si elle n'est pas établie en France, c'est-à-dire si elle n'y a pas une succursale ou une agence; et ils s'appuyaient sur l'art. 12 de la loi du 13 avril 1898 (S. et P. Lois annotées de 1898, p. 600), d'après lequel les sociétés étrangères doivent déposer au bureau de l'enregistrement,

a

préalablement à leur établissement en France », un exemplaire de leurs statuts. Le dépôt ayant précisément pour objet d'assurer la recherche et le recouvrement des taxes fiscales, ces taxes, disait le pourvoi, ne peuvent être dues que dans les cas où le dépôt des statuts est obligatoire. La Régie réfutait l'objection en faisant observer que le mot «établissement » ne doit pas être pris à la lettre ; qu'il s'entend de toute manifestation de l'existence d'une Comp. étrangère se livrant en France au commerce, à l'industrie ou à d'autres opérations quelconques ; que, d'ailleurs, la loi de 1898 impose aux sociétés le dépôt de leurs statuts au bureau de l'enregistrement dans le ressort duquel se manifeste pour la première fois leur existence », montrant ainsi que toute, société qui, au point de vue industriel ou commercial, existe en France, c'est-àdire y fait des opérations, doit effectuer ce dépôt.

Cette réponse laisse beaucoup à désirer. Le mot « établissement » a un sens très clair; une société ne s'établit en France que quand elle y a une installation, un siège, et, si l'art. 12 de la loi de 1898, après avoir indiqué d'une manière précise les cas dans lesquels le dépôt des statuts doit avoir lieu, ajoute qu'il sera fait au bureau où la société manifeste pour la première fois son existence, ce n'est pas dans cette disposition, relative au lieu du dépôt, qu'on peut chercher une correction à la partie du texte qui indique les hypothèses où le dépôt doit avoir lieu, et qui seule importe. V. Wahl, Tr. du régime fiscal des soc. et des val. mob., t. 2, n. 2888. Mais ce n'est pas une raison pour limiter l'application du décret de 1872 aux sociétés qui ont un établissement en France. Le texte ne fait pas cette restriction. L'explication qu'il faut en donner, c'est que la société qui a une exploitation en France y fait concurrence aux sociétés françaises, et profite de la protection des lois françaises; c'est moins sur les termes du décret, dont la légalité est contestable, ce décret étant rendu pour l'exécution de la loi du 29 juin 1872, qui vise exclusivement les sociétés étrangères dont les titres circulent en France, que sur le principe de l'équivalence que s'appuie la Cour de cassation pour assujettir les sociétés dont l'exploitation est en France à l'impôt sur le revenu. Dans les premiers de ses arrêts qui discutent la question de l'assu

rait faire une distinction, que la loi ne comporte pas, entre les actions et les obligations, alors même que ces dernières auraient été émises à l'étranger et ne circuleraient pas sur le marché français, puisque les produits des opérations hypothécaires que la société fait en France, et les produits des biens qu'elle y possède, servent en partie à payer les intérêts des obligations (3) (Id.).

Le représentant responsable des droits et amendes dus par une société étrangère, tenu personnellement envers le Trésor, est obligé en qualité de débiteur principal (et non point seulement en qualité de simple cau

jettissement des actions de ces sociétés à l'impôt, cette argumentation est très nette. V. Cass. 29 août 1881 (S. 1882.1.181. - P. 1882.1.414); 2 août 1886 (S. 1887.1.329. P. 1887.1.788; Pand. pér., 1886.1.203); 4 mai 1887 (S. 1888.1.338.

P. 1888.1.805; Pand. pér., 1887.6.24); 15 nov. 1899 (S. et P. 1900.1.420; Pand. per., 1901.6.12); 10 févr. 1903 et 11 nov. 1903, précités. Enfin, il n'est pas permis d'interpréter la loi et le décret de 1872 par une loi postérieure, et qui n'a aucun rapport direct avec eux. Il est donc certain qu'une société qui exerce une industrie en France est soumise à l'impôt dans le cas même où elle n'y a pas d'établissement, et c'est ce que reconnaissent explicitement le jugement et implicitement l'arrêt ci-dessus recueillis. V. dans le même sens, Wahl, Journ. du dr. intern. privé, 1908, p. 980 et s., et Tr. du régime fiscal des soc. et des val. mob., t. 2, n. 2790. Le pourvoi prétendait, d'autre part, que les prêts faits à des personnes domiciliées en France par une société étrangère ne sont pas des biens situés en France, la situation des créances se déterminant par la nationalité du créancier, et non par celle des débiteurs; quant à ses immeubles, la société soutenait que, tout achat d'immeubles diminuant les capitaux disponibles pour les prêts, les immeubles acquis en France, loin de servir à poursuivre l'objet de son exploitation, entravaient cette exploitation. La Régie n'a pas eu de peine à répondre, sur le premier point, que, d'après les principes du droit international, toujours appliqués en matière fiscale, les créances sont situées dans le pays auquel appartient le débiteur. V. Cass. 15 nov. 1869 (S. 1870.1.134. P. 1870.303); 21 mai 1873 (S. 1873.1.424. - P. 1873.1015); Trib. de la Seine, 4 mai 1900 (Rev. de l'eureg., n. 2484); Naquet, Tr. des dr. d'enreg., 2° éd., t. 1, n. 39; Wahl, Des dr. d'enreg. dans les rapports internationaux (Journ, du dr. intern. privé, 1891, p. 1074 et s.), et Tr. de dr. fiscal, t. 2, n. 893. Au reste, la question n'est pas là. Une exploitation a une valeur commerciale, et constitue ainsi un bien; par suite, toute société qui a une exploitation en France y est soumise à l'impôt sur le revenu, sans qu'il y ait à se préoccuper de la situation des valeurs que crée cette exploitation. Cela justifie l'assujettissement d'une société qui cherche à réaliser des prêts sur le territoire français. V. Wahl, Tr. du régime fiscal de soc, et des val. mob., t. 2, n. 2790 et 2791.

Cette considération suffirait aussi à expliquer l'arrêt ci-dessus recueilli, alors même que la société, en ce qui concerne ses immeubles en France, n'aurait pas dû être considérée comme ayant pour objet des biens situés en France. Mais, sur ce point encore, la prétention du pourvoi n'était pas exacte. Les immeubles étaient acquis pour être exploités et produire un revenu qui servait aux opérations sociales. Sans doute, une société qui emploie simplement ses capitaux à acheter des immeubles en France, en vue

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