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jetti par la loi à aucune forme particu lière (1) (C. civ., 1736).

En conséquence, lorsqu'un bail, conclu pour une durée de trois, six ou neuf années, au choix des parties, spécifie qu'il pourra prendre fin moyennant un avis donné par lettre recommandée avant l'expiration de chacune des deux premières périodes triennales, la clause relative à là recommandation n'étant pas substantielle, si elle n'était destinée qu'à fournir la preuve de la réception du congé, les juges du fond déclarent à bon droit valable le congé donné par le bailleur au preneur dans une lettre non recommandée, dès lors qu'ils constatent souverainement que non seulement le preneur a connu le congé à lui donne, mais qu'il l'a de plus accepté (2) (ld.).

Le preneur, qui, après le congé qui lui a été régulièrement donné, se maintient sans droit dans les biens loués, commet une faute, en réparation de laquelle les juges du fond peuvent le condamner à payer au bailleur, à titre d'indemnité, la différence entre le prix de son bail et le prix que devait payer le nouveau preneur auquel l'immeuble avait été loué (3) (C. civ., 1149 et s., 1382).

(Ben Mammar Mohamed ben Ali C. Sarfati).

ARRET.

LA COUR; Sur le premier moyen, pris de la violation de l'art. 1134, C. civ.; fausse application de l'art. 1736 du même Code, et violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le bail liti gieux, d'une durée de trois, six ou neuf années, au choix respectif des parties, pouvait prendre fin moyennant un avis donné par lettre recommandée avant l'expiration de chacune des deux premières périodes triennales; que les époux Sarfati ont usé de leur droit en dénonçant le bail plus de six mois avant la fin de la deuxième période, mais que Ben Mammar a contesté

(1-2) Le congé n'est soumis à aucune forme. V. Cass. 3 mai 1865 (S. 1865.1.249. P. 1865. 609, et la note de M. Boullanger; Pand. chr.); Caen, 16 juin 1903, sous Cass. 20 déc. 1905 (S. et P. 1907.1.116), la note et les renvois; adde, Aubry et Rau, 5o éd., t. 5, p. 358, § 369, texte et note 25; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 4° éd., t. 2, n. 1731; Baudry-Lacantinerie et Wahl, Tr. du louage, 3o éd., t. 1o, n. 1252. Et, s'il existe une controverse sur le point de savoir comment le congé peut être prouvé (V. les notes sous Cass. Florence, 28 déc. 1901, S. et P. 1905.4.17, et sous Cass. 20 déc. 1905, précité), on admet qu'il peut, sauf la difficulté de la preuve, être donné par avis verbal (V. Cass. Florence, 28 déc. 1901, précité, et la note; adde, Aubry et Rau, loc. cit.; Baudry-Lacantinerie et Wahl, op. et loc. cit.), ou par lettre. V. Caen, 24 déc. 1902 (S. et P. 1904.2.59); Aubry et Rau, loc. cit.; Baudry-Lacantinerie et Wahl, op. et loc. cit. V. aussi, Cass. 20 déc. 1905, précité. Ce point n'était pas discuté dans l'espèce ci-dessus, la convention elle-même, autorisant les parties à se donner respectivement congé par lettre. Mais il avait été stipulé que cette lettre serait recommandée, et il s'agissait de savoir si cette clause emportait nullité du congé donné par lettre non recommandée. La Cour de cassation fait à cet égard

la validité de ce congé, parce qu'il n'avait pas été donné par lettre recommandée; Attendu que le congé, en matière de bail, n'est assujetti par la loi à aucune forme particulière; que la clause relative à la recommandation n'est pas substantielle, si elle n'a été destinée qu'à fournir la preuve de la réception du congé par le preneur;

Attendu que l'arrêt attaqué a trouvé, dans la correspondance échangée entre les parties, la preuve certaine que non seulement Ben Mammar a connu le congé à lui donné par les époux Sarfati, mais qu'il l'a de plus accepté; que cette constatation est souveraine, et justifie la décision de la Cour d'Alger;

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Sur le deuxième moyen, pris de la violation des art. 1382, C. civ., 130, C. proc., 7 de la loi du 20 avril 1810, et défaut de base légale : Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Ben Mammar pouvait d'autant moins se méprendre sur la validité du congé qu'il avait reçu qu'après avoir proposé aux époux Sarfati de garder la ferme à un prix majoré, il a, sur le refus de cette proposition et l'avis que la location avait été faite à un autre fermier, écrit aux bailleurs qu'il était très heureux qu'ils eussent loué leur propriété avec 3.000 fr. de bénéfice; que, Ben Mammar, en se maintenant sans droit pendant plus d'une année dans les lieux loués, a causé un préjudice certain aux époux Sarfati, qui ont perdu, par le fait de la résistance, la différence entre le prix du bail payé par Ben Mammar (9.000 fr.) et celui que devait payer le nouveau fermier (12.000 fr.); Attendu que la faute de Ben Mammar est ainsi clairement établie; que, par suite, l'arrêt attaqué, régulièrement motivé, loin de violer les textes de loi visés au moyen, en a fait une exacte application; Rejette le pourvoi contre l'arrêt rendu le 14 déc. 1905 par la Cour d'Alger, etc. Ch. req. - MM. Ta

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Du 11 févr. 1907.

une distinction. Le défaut de recommandation entraînera nullité du congé, si la recommandation a été considérée par les parties comme étant la forme qu'elles entendaient exiger pour la validité du congé; au contraire, le congé sera valable, malgré le défaut de recommandation, si la recommandation, dans l'intention des parties, est uniquement destinée à fournir la preuve de la réception du congé. Tout se réduit donc à rechercher quelle a été l'intention des parties, lorsqu'elles ont inséré dans le bail la clause relative à la notification du congé par lettre recommandée. Après avoir posé ce principe, il semble que la Cour de cassation eût dû se préoccuper d'établir que, des constatations souveraines des juges du fond, ressortait l'intention des parties de ne donner aucun caractère irritant à la formalité de la recommandation. La Cour de cassation s'en est abstenue, vraisemblablement par la raison que les juges du fond avaient constaté, non seulement que le preneur avait connu le congé à lui donné, mais qu'il l'avait accepté. Or, si la connaissance acquise du congé lui aurait laissé le droit de se prévaloir de l'inobservation d'une formalité irritante dans la notification de ce congé, il n'en était pas de même de l'acceptation, qui, pour n'être pas nécessaire à la validité d'un congé régulier (V. Paris, 3 mars

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non, prés.; Duboin, rapp.; Feuilloley, av. gén. (concl. conf.); Bouchié de Belle,

av.

CASS.-REQ. 21 décembre 1909. OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOI DU 9 AVRIL 1898, CALCUL DE L'INDEMNITÉ, SALAIRE DE BASE, POURBOIRES, CAMIONNEURS, USAGE (AUTORITÉ DE L'), FEUILLES DE LIVRAISON, MENTION, INTERPRÉTATION, POUVOIR DU JUGE (Rép., v Responsabilité civile, n. 2146 et s.; Pand. Rép., v Travail, n. 2454 et s.).

Les juges du fond, qui déclarent que, d'après un usage constant, les camionneurs chargés du factage des colis reçoivent des destinataires un pourboire, qui constitue un supplément de la somme fixe allouée par le patron, et qui entre en ligne de compte dans l'appréciation de leur salaire au moment où ils contractent leur engagement, décident à bon droit qu'il doit être tenu compte de ces pourboires pour le calcul du salaire devant servir de base à la fixation des rentes en cas d'accident du travail (4) (LL. 9 avril 1898, art. 10; 31 mars 1905).

Et ce, encore bien que le chef d'entreprise ait inséré en tête de ses feuilles de livraison une mention portant qu'il n'est rien du au facteur en dehors des sommes ci-dessous », alors que les juges du fond, interprétant souverainement cette mention, déclarent que, si elle avait pour objet d'éviter à la clientèle toute possibilité d'être induite en erreur, en la renseignant sur le montant exact de ses déboursés obligatoires, elle devait être sans influence sur les pourboires usuels, en telle sorte qu'elle ne pouvait modifier, à l'égard de la victime. l'usage des pourboires, ni leur enlever leur caractère de rémunération habituelle et accessoire de sa profession (5) (Id.).

1896, S. et P. 1898.2.247, et la note; adde, Aubry et Rau, 5o éd., t. 5, p. 358, § 369, texte et note 27; Planiol, op, et loc. cit.; Baudry-Lacantinerie et Wahl, op. cit., t. 1er, n. 1253. V. aussi, Cass. Florence, 28 déc. 1901, précité), avait cependant pour effet de couvrir les irrégularités commises dans la notification du congé. Comp. en ce qui concerne la résiliation par lettre chargée ou recommandée du contrat d'assurance mutuelle, Cass. 19 janv. 1904 (S et P. 1905.1.406), et les renvois.

(3) Le locataire qui se maintient en possession des biens loués après l'expiration du bail ne doit pas seulement les loyers pendant la durée de cette indue possession (V. Cass. 7 avril 1857, S. 1858. 1.51. P. 1857.930; 3 août 1876, S. 1877.1.311. P. 1877.791), mais encore des dommages-intérêts (V. Cass. 7 avril 1857 et 3 août 1876, précités), qui doivent être calculés suivant les données précisées par l'art. 1149 et s., C. civ.

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(4-5) La Cour de cassation a déjà décidé que, dans les entreprises où l'usage veut que l'ouvrier reçoive un pourboire du client, et où, par suite, le chef de l'entreprise ne lui paie qu'un salaire inférieur à celui qui est alloué aux ouvriers de même catégorie sans rapport avec le public, le pourboire devient un supplément de salaire, dont il doit être tenu compte pour déterminer la rémunération

(Métraille et Comp. d'assur. terr. la Mutuelle générale française C. Vve Gross). ARRÈT.

LA COUR; Attendu que Métraille et la Comp. la Mutuelle générale française soutenaient que les pourboires reçus par Gross, camionneur chargé du factage des colis, mort victime d'un accident du travail, ne devaient pas entrer en ligne de compte pour le calcul du salaire servant de base aux rentes dues à sa veuve et à son fils mineur; - Attendu que cette prétention était fondée sur ce qu'il n'était pas d'usage que les camionneurs, chargés du factage des colis, reçussent des pourboires des destinataires, et que, cet usage fût-il établi, le salaire fixé au contrat de louage avait été calculé normalement, sans envisager l'hypothèse de pourboires aléatoires;

Attendu qu'à l'appui de cette dernière prétention, les demandeurs en cassation, s'ils alléguaient que le salaire indiqué par le contrat de travail n'était pas inférieur au salaire des ouvriers de mêine catégorie, sans rapport avec le public, employés dans la même entreprise de camionnage, n'invoquaient en réalité, ainsi qu'en fait foi le dispositif de leurs conclusions d'appel, qu'une mention insérée en tête des feuilles de livraison, et ainsi conçue : « Il n'est rien du au facteur en dehors des sommes ci-dessous »; qu'ils prétendaient avoir ainsi informé leurs clients que les pourboires n'étaient pas dus, ce qui leur imprimait un caractère aléatoire, qui ne permettait pas de les comprendre dans le salaire; Attendu que l'arrêt attaqué déclare qu'il est d'usage constant que les camionneurs chargés du factage des colis reçoivent des destinataires un pourboire, qui constitue un supplément de la somme fixe allouée par le patron, et qui entre en ligne de compte dans l'appréciation de leur salaire au moment où ils contractent leur engagement; que, répondant ensuite à l'unique argument réellement produit par les demandeurs en cassation, il inter

effective de l'ouvrier, devant servir de base à la fixation des rentes en cas d'accidents du travail. V. Cass. 15 mars 1904 (S. et P. 1905.1.399, et les renvois de la note; Pand. pér., 1905.1.66). Comp. Paris, 31 mai 1910 (Infra, 2o part., p. 85). Il appartient d'ailleurs aux juges du fait de constater les usages locaux et d'apprécier l'influence qu'ils ont pu avoir sur les conventions des parties. V. Cass. 13 nov. 1901 (S. et P. 1902.1.164), et les renvois.

Dans l'espèce, le chef d'une entreprise de camionnage, pour soutenir que les pourboires donnés librement à ses cochers par les clients ne pouvaient entrer en compte dans la détermination du salaire de base, excipait d'une mention insérée dans ses feuilles de livraison, mention qu'il prétendait devoir être interprétée comme un avis donné à ses clients que des pourboires n'étaient pas dus. Il s'agissait, par suite, de savoir si telle était bien l'interprétation que comportait la mention litigieuse, et si elle avait eu pour effet de déroger à l'usage du pourboire; et c'était là une question d'appréciation des faits et de l'intention des parties qui rentrait dans les pouvoirs souverains des juges du fond. V. Cass. 2 mai 1906 (S. et

prète souverainement la mention insérée en tête des feuilles de livraison en ce sens que, si elle avait pour objet d'éviter à la clientèle la possibilité d'être induite en erreur, en la renseignant sur le montant exact de ses déboursés obligatoires, elle devait être sans influence sur les pourboires usuels; - Attendu qu'il résulte de cette interprétation que la mention invoquée ne pouvait modifier, à l'égard de Gross, l'usage des pourboires, ni leur enlever leur caractère de rémunération habituelle accessoire de sa profession, et, par suite, qu'ils devaient entrer en ligne de compte dans le calcul de son salaire;

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CASS.-CIV. 23 mai 1911. PRUD'HOMMES, APPEL, DÉLAI, JUGEMENT PAR DÉFAUT, DÉLAI D'OPPOSITION, APPEL PRÉMATURÉ (Rép., v° Prud'hommes, n. 210 et s.; Pand. Rép., v Conseils de prud'hommes, n. 687 et s.).

L'art. 34, § 2, de la loi du 27 mars 1907, d'après lequel, en matière prud'homale, l'appel n'est recevable ni avant les trois jours qui suivent celui de la prononciation, ni après les dix jours qui suivent la signification, n'a apporté aucune dérogation à la règle de l'art. 455, C. proc., rendue applicable à la juridiction des prud'hommes par l'art. 43 de la loi du 27 mars 1907, et d'après laquelle est non recevable, pendant les délais d'opposition, l'appel des jugements par défaut (1) (C. proc., 20, 455; L. 27 mars 1907, art. 34, § 2, et art. 43).

En conséquence, le délai d'opposition à un jugement par défaut en matière pru

P. 1909.1.131; Pand. pér., 1909.1.131), et la note. (1-2) L'art. 20, C. proc., qui fixe à trois jours à compter de la signification le délai pour former opposition aux jugements par défaut rendus par les juges de paix, et l'art. 455 du même Code, qui porte que les appels des jugements susceptibles d'opposition ne seront point recevables pendant la durée du délai imparti pour l'opposition, sont au nombre des dispositions que l'art. 43 de la loi du 27 mars 1907 déclare applicables à la juridiction des prud'hommes. Mais ces textes ne doivent régir la juridiction prud'homale qu' « en ce qu'ils n'ont pas de contraire » à la loi du 27 mars 1907 (art. 43, précité).

Dans l'espèce, le pourvoi soutenait que la disposition de l'art. 455, C. proc., est contraire au § 2 de l'art. 34 de la loi du 27 mars 1907, aux termes duquel l'appel n'est recevable, ni avant les trois jours qui suivent celui de la prononciation du jugement, à moins qu'il n'y ait lieu à exécution provisoire, ni après les dix jours qui suivent la signification. Suivant le pourvoi, l'appel, en matière prud'homale, aussi bien pour un jugement par défaut que pour un jugement contradictoire, pourrait être formé à partir du quatrième jour

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LA COUR; Sur le moyen tiré de l'inapplicabilité de l'art. 455, C. proc., en matière prud'homale: Attendu qu'aux termes de l'art. 455, C. proc., les appels des jugements susceptibles d'opposition ne sont point recevables pendant la durée du délai pour l'opposition »; que cet article figure dans l'énumération de ceux que l'art. 43 de la loi du 27 mars 1907 déclare applicables à la juridiction des prud'hommes, en tout ce qu'ils n'ont pas de contraire à la loi nouvelle ; Attendu, d'autre part, que, d'après l'art. 34, § 2, de ladite loi, l'appel ne sera recevable, ni avant les trois jours qui suivront celui de la prononciation du jugement, ni après les dix jours qui suivront la signification »; que ces dispositions n'impliquent aucune dérogation à la règle inscrite dans l'art. 455;

Attendu, dans l'espèce, que Vitors avait interjeté appel, à la date du 21 janv. 1911, d'un jugement rendu par défaut contre lui par le conseil des prud'hommes de la Seine, le 22 déc. 1910; que, ce jugement ayant été signifié le 18 janv. 1911, l'appel avait été formé avant l'expiration du délai de trois jours imparti pour l'opposition;

- Attendu qu'en l'état de la procédure, le tribunal de la Seine, en déclarant l'appel irrecevable, a fait une exacte application de l'article susvisé; - Rejette le pourvoi formé contre le jugement rendu par le tribunal de la Seine le 3 févr. 1911, etc.

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depuis la prononciation du jugement jusqu'au dixième jour inclus après la signification, l'appel pouvant ainsi être interjeté dès avant l'expiration du délai d'opposition. La chambre civile de la Cour de cassation en a jugé autrement; et nous croyons que c'est avec raison. Le législateur de 1907 a reproduit dans l'art. 34, § 2, le texte de l'art. 13 de la loi du 25 mai 1888, sur les justices de paix, en réduisant seulement le délai d'appel à dix jours, au lieu de trente, à compter de la signification du jugement. Or, d'après la doctrine et la jurisprudence, la règle inscrite dans l'art. 455, C. proc., suivant laquelle les jugements par défaut ne peuvent être frappés d'appel pendant la durée du délai d'opposition, s'applique aux sentences des juges de paix comme aux jugements des tribunaux civils. V. Cass. 22 juill. 1875 (S. 1875.1.465.

P. 1875.1177), et la note; 12 nov. 1902 (S. et P. 1902.1.484, et la note; Pand. pér., 1903.1.207). Adde, Garsonnet, Tr. de proc., 2o éd., par CézarBru, t. 6, p. 333, § 2279, texte et note 5. V. aussi, Glasson, Précis de proc., 2" éd., par Tissier, t. 2, p. 63, n. 974. Le même texte ne peut comporter une interprétation différente en matière prud'homale.

CASS.-REQ. 25 octobre 1909.

COMMUNAUTÉ CONJUGALE, COMMUNAUTÉ D'ACQUETS, PROPRES, FONDS DE COMMERCE, AUGMENTATION DE VALEUR, ACQUÊT (Rép., vo Communauté conjugale, n. 2554 et s.; Pand. Rép., vo Mariage, n. 6459 et s.).

Si les propres mobiliers de chaque époux demeurent à ses risques, et s'il doit seul profiter de l'augmentation de leur valeur, comme il en supporterait seul la perte ou la diminution, on ne saurait confondre avec la plus-value qui s'incorpore au bien origi

(1-2-3) Le problème posé par l'espèce qui a donné lieu à l'arrêt ci-dessus de la Cour de cassation a une portée générale, et mérite, à ce titre, un examen attentif. Il ne s'agit de rien moins que de déterminer quels sont exactement les principes qui régissent la composition de la communauté d'acquêts.

La communauté d'acquêts comprend deux éléments les acquêts provenant des économies faites sur les fruits et revenus, et ceux provenant de l'industrie de l'un ou de l'autre des époux (C. civ., 1498).

I. Pour ce qui concerne les fruits et revenus, la situation de la communauté est identique à celle d'un usufruitier. Il faut donc, pour savoir si les choses acquises sont tombées dans la communauté, rechercher si elles ont été achetées avec les fruits des biens propres aux époux.

Des difficultés assez sérieuses se sont présentées à ce sujet à propos des béréfices commerciaux. Doivent-ils être considérés comme des fruits? En principe, et abstraction faite du cas où la propriété est divisée en nue propriété et usufruit, il appartient au commerçant de déterminer la part des bénéfices qui prendra le caractère de fruits et celle qui prendra le caractère de capital. Les bénéfices destinés à servir de revenus, c'est-à-dire à être consommés, seront des fruits; les bénéfices destinés à être économisés, c'est-à-dire à grossir le capital, seront des capitaux. C'est là un point qui a été mis en pleine lumière dans une remarquable note de M. Labbé sous Cass. 14 mars 1877 (S. 1878.1.5. P. 1878.5).

Si, maintenant, un usufruit a été constitué, le droit du nu propriétaire d'attribuer le caractère de fruits ou de capitaux aux bénéfices réalisés va être limité par le droit concurrent de l'usufruitier. Il serait inadmissible, par exemple, que le propriétaire, qui a l'habitude d'économiser la moitié des bénéfices de son commerce, pût, au lendemain de la constitution de l'usufruit, en économiser les trois quarts, et enlever ainsi à l'usufruitier une fraction de ces bénéfices, sur laquelle il a dû légitimement compter. Pour concilier les intérêts rivaux, la règle à suivre sera de s'attacher à l'état de choses préexistant. C'est seulement dans la mesure où le propriétaire capitalisait les bénéfices avant la constitution de l'usufruit que cette capitalisation pourra être réalisée après que l'usufruit aura été établi. V. la note précitée de M. Labbé ; et Cass. 23 févr. 1881 (S. 1882.1.79.-P. 1882.1.164). La question se complique quelque peu, lorsque, au lieu d'un commerce purement individuel, on (a) (Ve Danmanville C. Danmanville). ARRÊT. LA COUR; Sur le moyen pris de la violation des art. 1407, 1408, 1433, 1498, 1499 et 1504, C. civ. :- Attendu qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que Danmanville était propriétaire d'actions d'origine de la Société du gaz de Rouen; que c'est en vertu d'un droit de préemption attaché à ces actions qu'il a souscrit des actions nouvelles libérées jusqu'à concurrence de 250 fr., ANNÉE 1911. 70-8° cah.

naire, et ne constitue pas un objet distinct, les sommes ou valeurs, même quand elles sont des produits de ce même bien, qui sont employées à en développer l'importance et le rendement, par un acte de la volonté personnelle de celui qui est appelé à les percevoir (1) (C. civ., 1498).

En conséquence, lorsqu'un fonds de commerce, exploité des avant le mariage par le futur mari en société avec un tiers, a augmenté de valeur pendant le cours de la communauté réduite aux acquêts, la plusvalue acquise au fonds de commerce proprement dit, c'est-à-dire à la firme et à la

suppose une société avec des obligations et des actions.

L'émission des obligations se fait, le plus souvent, au-dessous du pair, en sorte que les créanciers reçoivent, lorsqu'ils sont remboursés, une somme supérieure à celle qu'ils ont prêtée; c'est ce qu'on appelle la prime de remboursement. Cette prime a-t-elle le caractère de fruits? On décide, avec raison, qu'elle n'a pas ce caractère. En effet, les créanciers, quand ils souscrivent à des obligations, ne destinent pas la prime future, et presque toujours éloignée, à leur servir de revenu. Sic, Cass. 14 mars 1877, précité; Lyon, 29 mai 1884 (S. 1885.2.79. P. 1885.1.445).

La société est tenue, d'après la loi, d'avoir un fonds de réserve, et, à côté d'un fonds de réserve obligatoire, les statuts sociaux prévoient toujours un fonds de réserve facultatif. Quand, usant de son droit, la société prélève une part des bénéfices qu'elle a réalisés pour les verser aux fonds de réserve obligatoire ou facultatif, peut-on dire que cette part de bénéfices doit être considérée comme participant de la nature des fruits? Cela serait inadmissible. C'est le capital social qui est augmenté, ce ne sont pas les revenus de chaque actionnaire, puisque aucune distribution n'a été faite des bénéfices réservés. V. Cass. 5 févr. 1890 (S. et P. 1893.1.471; Pand. pér., 1890.1.336), et la note.

Il peut se faire aussi qu'une société achète, en vertu d'une clause de ses statuts, et au fur et à mesure que l'occasion se présente, ses propres actions, que certains associés mettent en vente, et que cet achat soit effectué, en tout ou en partie, avec des réserves accumulées; ce ne sera encore qu'une nouvelle forme donnée aux réserves, et les actions acquises constitueront un accroissement du capital. Il est possible également que ce droit de préemption soit exercé par les associés eux-mêmes. Ainsi les statuts d'une société prévoient la faculté par les associés de souscrire, par préférence à tous autres, aux actions nouvelles qui pourront être émises; si cette faculté est exercée et le prix des actions nouvelles acquitté au moyen des réserves de la société ancienne, ces actions nouvelles devront-elles être traitées comme des fruits? Non encore, car les actions ne sont pas destinées à servir de revenus. V. Cass. 24 juin 1903, rapporté en sous-note (a).

II. Le second élément de l'actif de la communauté d'acquêts consiste dans les produits de l'industrie, c'est-à-dire du travail manuel ou intellectuel de chacun des époux. Il n'est pas nécessaire, au moyen du capital des réserves de ladite société ; qu'en déclarant, d'après ces constatations, que l'usage par le mari d'un droit de souscription qui lui était personnel n'avait fait qu'accroître des biens qui lui étaient propres, et que la circonstance qu'il avait pris sur la communauté d'acquêts la somme nécessaire pour compléter sa sous. cription, si elle donnait ouverture à récompense, ne pouvait avoir pour effet d'attribuer à cette communauté la propriété de ces actions, issues de titres primitifs et pour

clientèle y attachée, reste propre au mari, comme l'apport initial du mari dans la société, dont elle ne peut être distinguée ni détachée (2) (Id.).

Mais la plus-value représentant l'augmentation du capital social formée par les apports successifs des associés, et qui provient de l'emploi de partie des bénéfices sociaux ayant, d'après les constatations souveraines des juges du fond, le caractère de revenus de biens propres au mari, tombe, comme ces revenus eux-mêmes, dans la communauté (3) (Id.).

quoique l'art. 1498 semble dire le contraire, que ce travail soit commun aux deux époux; le travail du mari seul profite à la communauté, bien que la femme n'y ait pas contribué, et réciproquement. Tout le monde est d'accord sur ce point. V. Aubry et Rau, 4o éd., t. 5, p. 448, § 522, texte et note 3; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 23, n. 132; Guillouard, Contr. de mar., t. 3, n. 1454; Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, Contr. de mar., 3o éd., t. 2, p. 669, n. 1270; notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1498, n. 21; et notre Rép. gén. du dr. fr., v° Communauté conju gale, n. 2496; Pand. Rep., vo Mariage, n. 3861 et s.

L'application de ce principe aux fonds de commerce ne va pas sans quelque difficulté. L'un des époux est propriétaire d'un fonds de commerce. Au moment de la liquidation de la communauté, il se trouve que la valeur de ce fonds de commerce s'est accrue. La communauté devra-t-elle profiter de cet accroissement? Il est rationnel d'admettre que la plus-value résultant de circonstances générales, de l'augmentation naturelle des fonds de commerce, demeure propre à l'époux propriétaire de ce fonds, en vertu de la règle : res perit vel crescit domino. Faut-il aller plus loin et décider qu'on doit attribuer au propriétaire du fonds la plus-value provenant de son activité commerciale? Quid, en particulier, si cette plus-value découle en partie des apports effectués par l'époux propriétaire du fonds avec les bénéfices produits par ce fonds luimême ? C'était l'espèce soumise à la Cour de cassa tion. Elle l'a tranchée en déclarant que les bénéfices ainsi employés avaient le caractère de revenus de biens propres, et que, par suite, comme ces revenus eux-mêmes, l'augmentation du fonds social qu'ils ont servi créer est acquise à la communauté. V. en sens contraire, Paris, 30 avril 1891 (S. 1891.2. 189.-P. 1891.1.1046). Nous sommes d'accord avec la Cour suprême quant à la solution, mais pas quant au motif qu'elle en donne.

Si ce qui a été dit précédemment est exact, les bénéfices commerciaux ne sont pas nécessairement et en totalité des revenus, la sagesse commandant qu'une partie de ces bénéfices soit capitalisée, et la capitalisation pouvant se faire normalement par l'extension du fonds de commerce lui-même. Il aurait donc fallu, en se plaçant sur le terrain où s'est placée la Cour de cassation, rechercher queile était la pratique suivie par le propriétaire avant le mariage (le fonds existait antérieurement au mariage). Supposons, par hypothèse, qu'il économisât à cette époque la moitié de ses bénéfices :

partie de leurs produits capitalisés, sur lesquels elle n'avait aucun droit, l'arrêt attaqué, loin de violer les articles de loi visés par le pourvoi, en a fait une juste application; Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour de Rouen du 25 juin 1901, etc. Du 25 juin 1903, Ch. req. MM. Tanon, prés.: Denis, rapp.; Mérillon, av. gen. (concl. conf.); de Valroger, av.

1re PART. 46

(Pellisson C. Pellisson).

Le 22 oct. 1881, M. Emile Pellisson formait avec son fils Alexandre une société pour le commerce des vins et eaux-de-vie. Le capital social était de 8.160 fr., fournis : 7.500 fr. par M. Pellisson père, et 660 fr. par M. Alexandre Pellisson. Deux mois après, M. Alexandre Pellisson contractait mariage, et les futurs époux stipulaient le régime de la communauté réduite aux acquêts. Le pacte social a été renouvelé entre les susnommés et M. Georges Pellisson, second fils de M. Pellisson père, en 1884, 1893 et 1896. Puis, M. Pellisson père étant décédé, la désunion s'est mise entre les deux frères, et la société a été dissoute.

on aurait dû dire que, s'il a eu le droit, dans la même mesure, de capitaliser les bénéfices après le mariage contracté, il n'a pas pu augmenter la proportion des bénéfices capitalisés sans nuire aux droits légitimes de la communauté usufruitière.

Mais, et ceci est un autre aspect de la question, faut-il donc, en face d'une communauté d'acquêts, se borner à examiner si les bénéfices ont ou n'ont pas le caractère de revenus?

C'est, à notre avis, sous un autre angle qu'il convient de voir les choses. Nous estimons, pour notre compte, que toute augmentation de valeur du fonds provenant de l'industrie des époux tombe dans la communauté, par application de l'art. 1498, qu'elle constitue ou non des fruits. En effet, les produits de l'industrie ne se confondent pas toujours avec des fruits ou revenus. Un ingénieur fait un travail très important qui va lui permettre de réaliser, pendant l'année, des honoraires très supérieurs à ses dépenses annuelles, ou bien c'est un avocat qui plaide un très gros procès dont les honoraires exceptionnels doublent ses honoraires annuels ordinaires. Dans ces cas, une fraction des honoraires de l'ingénieur ou de l'avocat sera vraisemblablement capitalisée, et ne devra pas recevoir la destination de fruits. Est-ce à dire qu'elle devra rester en dehors de la communauté ? Il ne le semble pas, puisque cette valeur est le résultat de l'industrie de l'un des époux. Ici toutefois apparaît, au point de vue du moins de l'état de la jurisprudence, une objection difficile à écarter, et tirée des décisions admises en matière d'office ministériel. La jurisprudence admet que l'augmentation de valeur de l'office reste entièrement propre au titulaire de l'office. V. Cass. 14 avril 1893 (S. et P. 1893.1.416), et le renvoi. Adde, Aubry et Rau, 4o éd., t. 5, p. 448 et 449, § 522, texte et note 7 ; Guillouard, Contr. de mar., t. 3, n. 1467; et notre Rép. gen. du dr. fr., v° Communauté conjugale, n. 2528 et s.; Pand. Rép., v° Mariage, n. 4017. Comp. Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, Contr. de mar., 3e éd., t. 2, n. 1288. V. au surplus, en ce qui concerne les droits de la communauté sur la valeur ou les produits de l'office, Aix, 10 mai 1906 (S. et P. 1908.2.61; Pand. pér., 1908.2.61), la note et les renvois. S'abritant derrière cette jurisprudence, le demandeur au pourvoi disait que le motif allégué pour déclarer propre la plus-value de l'office s'applique exactement à la plus-value du fonds de commerce. Il ajoutait qu'il était équitable d'attribuer l'augmentation de valeur au propriétaire du fonds, puisque le propriétaire devrait supporter la dépréciation de valeur qui pourrait advenir.

Nous sommes d'accord avec le pourvoi sur ce point qu'il n'y a pas de raison pour distinguer en

La part revenant à M. Alexandre Pellisson a été évaluée à 2.350.000 fr., lesquels lui ont été remboursés par son frère Georges, qui a repris la maison de commerce. D'un autre côté, et par jugement du 28 janv. 1904, la séparation de corps et de biens été prononcée entre les époux Alexandre Pellisson, et des liquidateurs ont été nommés pour procéder au partage de la communauté. Mme Pellisson a demandé que les 2.350.000 fr. figurassent à la communauté, abstraction faite du capital initial fourni par M. Alexandre Pellisson (660 fr.).

Par jugement du 4 mars 1907, le tribunal de Cognac a accueilli sa prétention, sauf en ce qui concerne la plus-value acquise à la firme cédée, qui représentait

tre la plus-value d'un office et celle d'un fonds de commerce. Nous reconnaissons, d'autre part, que le principe, adopté par rapport à l'office, de l'incorporation de la plus-value, est logique. Cette plusvalue est, en effet, un accessoire, qui doit suivre le sort du principal, et qui ne peut en être détaché pour former une propriété distincte. Mais nous ne saurions souscrire à l'idée que l'attribution de cette plus-value à l'époux titulaire de l'office est conforme à l'équité. On dit en ce sens qu'il doit profiter de l'augmentation de valeur de l'office, parce qu'il subit les conséquences de sa dépréciation. Mais il convient de remarquer que la charge de la dépréciation a sa contre-partie dans le droit de bénéficier de l'augmentation découlant de l'accroissement général de la valeur des offices, et qu'en fait, la valeur des offices ministériels, bien loin de diminuer ou d'avoir des fluctuations, s'élève d'une façon non interrompue. On peut supposer, sans doute, très exceptionnellement, une dépréciation résultant de la négligence du mari; mais n'est-il pas juste que le mari supporte les suites de sa faute? - Il est vrai que les fautes du mari peuvent nuire à la communauté, quand elles consistent dans une mauvaise administration des biens communs, mais il s'agit ici, au sens large du mot, de l'administration d'un propre et non d'un bien commun. Il est vrai aussi que les dettes contractées par le mari tombent, en principe, dans la communauté, mais cela tient à ce qu'elles sont présumées faites dans l'intérêt de la communauté, et cette présomption ne pent trouver à s'appliquer dans l'espèce. Il ne s'agit pas d'ailleurs de dettes.

Néanmoins, et si nous refusons d'accorder créance à la considération de prétendue équité qui vient d'être analysée, il reste que la raison de droit donnée par la Cour de cassation pour attribuer la plus-value des offices au titulaire de cet office s'applique exactement à la plus-value d'un fonds de commerce. Si les éléments d'un office ne peuvent être divisés pour constituer des propriétés distinctes, l'on peut se refuser à comprendre que les éléments d'un fonds de commerce puissent être dissociés.

Devons-nous donc conclure de ce qui précède que notre arrêt est sujet à critique, et que le pour

voi était fondé dans son raisonnement? Telle n'est pas notre conclusion. Mais, si nous approuvons la solution adoptée par la Cour de cassation à l'égard des fonds de commerce, nous croyons que cette approbation entraîne la désapprobation de la jurisprudence relative aux offices.

Pour nous, la question ne doit pas être posée comme elle l'a été jusqu'ici.

Il n'y a pas à se demander si la plus-value d'un propre reste propre ou tombe dans la communauté.

pour M. Alexandre Pellisson la somme de 75.000 fr.

Appel principal par M. Pellisson, et appel incident par Mme Pellisson; mais, le 28 juill. 1908, arrêt confirmatif de la Cour de Bordeaux, ainsi conçu : — « La Cour; Attendu qu'il n'existe, entre les parties, aucune difficulté en ce qui concerne la nature de propre de l'apport de 660 fr., fait par Alexandre Pellisson dans la société en nom collectif du 22 oct. 1881, et de la part sociale lui revenant en sa qualité d'héritier de son père ; Attendu qu'Alexandre Pellisson, au soutien de l'appel dont il a frappé le jugement, prétend que la somme de 2.350.000 fr., moyennant laquelle il a cédé à son frère

Elle doit rester propre, qu'il s'agisse d'un office, d'un fonds de commerce ou de toute autre propriété. Ce qu'il faut rechercher, c'est si, de ce chef, la communauté a droit à une récompense. Ainsi envisagé, le problème s'éclaircit. L'idée maîtresse qui anime le régime de la communauté d'acquêts, c'est qu'elle s'enrichit de tous les produits de l'industrie des époux. Elle s'enrichit directement par l'acquisition des produits, quand la nature des droits s'y prête. Mais elle doit, si la nature des droits y fait obstacle, s'enrichir par compensation en obtenant une créance contre l'époux qui conserve dans son patrimoine propre les produits de son industrie. C'est ce qui a lieu quand les produits de l'industrie ne peuvent pas, à raison de leur dépendance étroite avec l'élément principal auquel il sont liés, constituer une propriété distincte qui soit acquise à la communauté. Refuser à la communauté une créance dans ce cas, c'est violer d'une façon manifeste l'art. 1498, C. civ.

Nous disons, en dernière analyse, que l'arrêt du 25 oct. 1909 est bien rendu au fond, mais qu'il est inexactement motivé. D'une part, en effet, il n'est point établi que l'augmentation de valeur du fonds de commerce provenant de l'industrie du mari dût recevoir en totalité le caractère de fruits, puisque c'est seulement dans la mesure où les bénéfices réalisés avant le mariage étaient considérés par le mari comme jouant le rôle de revenus qu'on pouvait leur attribuer ensuite le caractère de fruits; et il semble bien qu'en fait, les bénéfices avaient été, dès le début, capitalisés pour la plus grande partie. D'autre part, même dans la mesure où on pourrait vouloir les considérer comme fruits, leur qualité de fruits était impuissante à les ériger en propriété distincte de celle du fonds de commerce, puisque, loin d'avoir été versés dans la communauté, ils étaient restés, sous forme de réserves ou de développement commercial, strictement incorporés au fonds de commerce.

Nous répétons, en terminant, que le système consacré en matière de fonds de commerce ne peut se concilier avec celui qui a été adopté pour les offices ministériels. Si la plus-value d'un fonds de commerce provenant de l'industrie des époux tombe dans la communauté, il n'y a aucune bonne raison pour que la plus-value d'un office ministériel, ayant la même provenance, n'y tombe pas, car, dans les deux cas, la plus-value ne peut être séparée de la propriété principale. La vérité juridique, c'est que la plus-value des offices et des fonds de commerce reste propre pour le tout, mais assure le droit à une récompense au profit de la communauté. Comp. Gaudemet, Rev. trim, de dr. civ., 1910, p. 162 et s.

E. NAQUET.

sa part dans la maison Pellisson père et Cie, représente des droits sociaux qui lui appartiennent en propre, et qu'elle doit, par suite, lui être, en liquidation, attribuée Attendu que la dame pour sa totalité;... Alexandre Pellisson a elle-même fait appel incident, et soutient que, sous la réserve de la somme de 660 fr., apport social primitif de son mari, et de la part sociale qui lui revient comme héritier de son père, elle doit, en vertu de leur communauté d'acquêts, partager avec lui l'intégralité de la somme de 2.350.000 fr., par lui reçue Sur l'appour les causes susénoncées; pel principal d'Alexandre Pellisson : Attendu que les premiers juges ont à bon droit estimé que l'association commerciale qui avait existé, dès 1881, entre Alexandre Pellisson et Emile Pellisson, son père, se rattachait à celles qui furent, en 1884 et 1893, formées entre eux et George Pellisson, et se sont continuées jusqu'après. le décès de Pellisson père, survenu en 1896;

--

Attendu que, par suite, Alexandre Pellisson, quelle que fût la modicité de son apport dans la société de 1881, a, dès ce moment, recueilli, par l'effet de son travail et de son industrie, des bénéfices auxquels ne saurait être légitimement déniée là nature d'acquêts dépendant de la communauté stipulée à son contrat de mariage; que ces bénéfices, en conservant leur nature d'acquêts, se sont accrus dans les transformations successives de la maison de commerce exploitée par Pellisson père et ses deux fils, et ont, au profit commun des époux Alexandre Pellisson, fructifié dans les conditions de prospérité qui, lors du pacte social de 1893, ont permis à Alexandre Pellisson de fixer son apport en créances, marchandises, matériel et deniers, à un chiffre excédant un million; Attendu que les bénéfices qui se sont ainsi accumulés au profit de la société d'acquêts, pendant un long exercice commercial, ont été par les premiers juges très justement distingués de la plus-value acquise par la marque Pellisson père et Cie et de la clientèle de la maison de commerce exploitée Sur l'appel sous cette dénomination;... incident de la dame Alexandre Pellisson :

Attendu qu'Alexandre Pellisson, en devenant en 1881 l'associé d'Emile Pellisson, son père, a acquis, sur le fonds de commerce qu'ils exploitaient ensemble, avec des avantages et des attributions particulières pour Pellisson père, un droit propre dont les premiers juges ont justement limité l'étendue et déterminé la valeur; que les acquêts, dont la moitié revient à la dame Alexandre Pellisson, ne peuvent, dans la somme de 2.350.000 fr., qui fait l'objet de la difficulté soulevée devant les notaires liquidateurs, recevoir une extension plus ample que celle qui a

• par le (1-2) D'après l'art. 441, C. comm., jugement déclaratif de la faillite, ou par jugement ultérieur..., le tribunal déterminera... l'époque à laquelle a eu lieu la cessation de paiements. A défaut de détermination spéciale, la cessation de paiements sera réputée avoir eu lieu à partir du jugement déclaratif de la faillite ». Cette disposition doit être appliquée en matière de liquidation ju

JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION.

été fixée par le jugement déféré à la Cour;
Adoptant, au surplus, les motifs des
Par ces motifs;
premiers juges;
Confirme, etc. ».

POURVOI en cassation par M. Alexandre Pellisson. Moyen unique. Violation des art. 1470 et 1498, C. civ., 582 et s. du même Code, en ce que l'arrêt attaqué, après avoir reconnu le caractère de propres aux droits Sociaux appartenant au mari marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, fait tomber dans la communauté une part de la plus-value acquise par ces droits sociaux, sous le prétexte que cette plus-value serait due pour partie à l'intelligence et au travail du mari, alors que les parts sociales propres à l'un des époux conservent, avec leur plus-value, le caractère légal de propre, que la plus-value soit due à des circonstances fortuites ou au travail du mari.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique :
Attendu que, si les propres mobiliers de
chaque époux demeurent à ses risques, et
s'il doit seul profiter de l'augmentation de
leur valeur, comme il en supporterait seul
la perte ou la diminution, on ne saurait
confondre avec la plus-value qui s'incor-
pore au bien originaire, et ne constitue pas
un objet distinct, les sommes ou valeurs,
même quand elles sont des produits de ce
même bien, qui sont employées à en dé-
velopper l'importance et le rendement,
par un acte de la volonté personnelle de
celui qui est appelé à les percevoir; - At-
tendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que
le fonds de commerce, dans l'exploitation
duquel Alexandre Pellisson a été l'associé
en nom collectif de son père, puis de ce-
sa part initiale,
lui-ci et de son frère,
constituée antérieurement à son mariage
avec la défenderesse éventuelle, lui étant
- avait acquis, au jour de la dis-
propre,
solution de la société qui a précédé celle
de la communauté d'acquêts ayant existé
entre les parties, une valeur considérable-
ment supérieure à celle que constatait le
premier pacte social; que, d'après le même
arrêt, dans l'ensemble des droits et valeurs
composant l'avoir de la société dissoute, le
fonds de commerce proprement dit, c'est-
à-dire la firme Pellisson et Cie et la
clientèle y attachée, a été évalué par ar-
bitre à 150.000 fr., d'où, pour Alexandre
restants, une valeur de 75.000 fr., compre-
Pellisson, qui est l'un des deux associés
nant la plus-value de sa part initiale, qui
ne saurait être détachée ni distinguée de
celle-ci, et reste propre au demandeur,
comme cette part elle-même; et que le
surplus de ce même avoir, représentant
l'augmentation du capital social formée par

diciaire. V. Lyon-Caen et Renault, Tr. de dr. comm.,
3e éd., t. 8, n. 1027. Ainsi, c'est dans le cas seu-
lement où le tribunal ne s'est pas prononcé expressé-
ment sur la date de cessation des paiements que
cette date est fixée légalement au jour du jugement
déclaratif. Il résulte des mots sera réputée » que
c'est là une fiction, qui n'est d'ailleurs amais con-
forme à la vérité, puisqu'il s'écoule toujours néces-

es apports successifs des associés, pro-
vient de l'emploi de partie des bénéfices
l'arrêt constate,
Attendu
sociaux;
que
en se référant aux stipulations des actes
de société et à la comptabilité de la maison.
de commerce, que ces apports, qui étaient,
non point imposés aux sociétaires, mais
facultatifs pour chacun d'eux, ont été ef-
fectués, spécialement par Alexandre Pel-
lisson, volontairement, au cours de la com-
munauté d'acquêts: qu'il considère, à bon
droit, dans les conditions qu'il a détermi-
nées souverainement, que les bénéfices
qui ont été ainsi employés avaient le ca-
ractère de revenus de biens propres au
mari, et que, par suite, comme ces reve-
nus eux-mêmes, l'augmentation du fonds
social qu'ils ont servi à créer est acquise
à la communauté quant à la part revenant
Attendu qu'une
à Alexandre Pellisson;

telle décision ne viole aucune des disposi-
Rejette, etc.
MM. Ta-
tions visées au pourvoi;
Du 25 oct. 1909.
non, prés.; Fochier, rapp.; Lombard, av.
gén. (concl. conf.); Mornard, av.

Ch. req.

CASS.-CIV. 29 novembre 1905. FAILLITE, LIQUIDATION JUDICIAIRE, JUGEMENT DÉCLARATIF, CESSATION DES PAIEMENTS, DATE, DÉTERMINATION SPÉCIALE, MOTIF, DISPOSITIF, CHOSE JUGÉE (Rép., vis Faillite, n. 467 et s., Liquidation judiciaire, n. 369 et s., 609 et s.; Pand. Rép., vo Faillite, liquidation judiciaire, etc., n. 1816 et s.).

Lorsque, saisi d'une requête à fin de liquidation judiciaire, un tribunal' de commerce, se fondant, d'une part, sur ce que la liquidation judiciaire ne peut être admise que sur requéte présentée dans la quinzaine de la cessation des paiements, et, d'autre part, sur ce qu'en fait, ces prescriptions n'ont pas été observées, le requérant ayant été l'objet d'un protêt à une date déterminée, antérieure à cette quincaine, en déduit expressément, dans les motifs de son jugement passé en force de chose jugée, comme une conséquence nécessaire, tout à la fois le rejet de la demande de liquidation judiciaire et la déclaration de faillite, qu'il prononce dans son dispositif, il détermine ainsi la date du protet visé comme étant celle de la cessation des paiements (1) (C. comm., 441; L. 4 mars 1889, art. 2).

Et, par suite, en décidant qu'une hypotheque, consentie à une date postérieure pour dettes antérieurement contractées, devait être annulée, en vertu de l'art. 446, C. comm., une décision ultérieure fait une exacte application de la chose jugée et ne viole pas l'art. 441, C. comm. (2) (C. civ., 1351; C. comm., 441).

sairement un certain temps entre la cessation des paiements effective et le jugement déclaratif. V. Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 7, n. 117. Cette fiction doit donc être écartée chaque fois qu'elle ne s'impose pas. C'est ainsi qu'on s'accorde à la déclarer inapplicable dans le cas où la faillite d'un commerçant est prononcée après son décès. V. Lyon-Caen et Renault, op. cit., t. 7, n. 117; Renouard, Tr. des

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