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DEUXIÈME PARTIE

JURISPRUDENCE DES COURS D'APPEL,

DES TRIBUNAUX ET DÉCISIONS DIVERSES

ALGER 1 février 1909.

1o ET 4° SUISSE, TRAITÉ FRANCO-SUISSE, TRIBUNAL FRANÇAIS, INCOMPÉTENCE, EXCEPTION, DOMICILE EN FRANCE, ACTION EN DIVORCE, CONVENTION DE LA HAYE DU 12 JUIN 1902, ETABLISSEMENT EN FRANCE (Rép., vo Etranger, n. 892 et s., 960 et s.; Pand. Rép., vis Compétence, n. 692, Etranger, n. 296, Suisse, n. 92). 2o ALGERIE, TRAITES INTERNATIONAUX, PROMULGATION SPÉCIALE, CONVENTION DE LA HAYE DU 12 JUIN 1902, APPLICABILITE, TERRITOIRE EUROPÉEN (Rép., v° Algérie, n. 1081 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 364). — 3o ETRANGER, DOMICILE EN FRANCE (ABSENCE DE), RÉSIDENCE, ETABLISSEMENT, TRIBUNAUX FRANÇAIS, COMPÉTENCE (Rép., v° Etranger, n. 382 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 296 et s.).

(1) V. en ce sens, Paris, 8 juill. 1870 (S. 1871. 2.177.-P. 1871.630); Trib. de la Seine, 10 mars et 23 avril 1888 (S. 1888.2.94. P. 1888.1.586; Pand. pér., 1888.2.211); Paris, 26 mars 1889 (S. 1889.2.116.-P. 1889.600); Paris, 28 mai 1884 (Journ. du dr. intern. privé, 1884, p. 614); Lyon, 5 juin 1886 (Pand. pér., 1886.2.331; Journ. du dr. intern. privé, 1887, p. 337); Paris, 30 juill. 1890 (Rev. prat, de dr. intern. privé, 1890-1891, 1o part., p. 105); Trib. féd. suisse, 17 sept. 1903 (Journ, du dr. intern. privé, 1904, p. 740); Weiss, Tr. theor. et prat. de dr. intern. privé, t. 5, p. 180; Glasson, Compétence des tribunaux français entre étrangers (Journ. du dr. intern. privé, 1881, p. 133); Lehr, Questions et solutions pratiques (Ibid., 1882, p. 62). Bien que nous ayions approuvé cette solution dans notre note sous Paris, 27 nov. 1900 (S. et P. 1903 2.201. V. aussi la note 3-4-5 sous Paris, 4 janv. 1910, S. et P. 1910.2.276; Pand. pér., 1910.2.276), nous croyons plus exact, après de nouvelles réflexions, de décider que le défendeur, cité, en Suisse ou en France, devant un tribunal incompétent aux termes du traité de 1869, doit en décliner la compétence in limine litis. L'incompétence ratione domicilii est, en règle générale, purement relative, et, si les règles du traité franco-suisse résultent d'un accord international, elles sont cependant établies dans l'intérêt du défendeur. Nous ne voyons pas pourquoi il ne pourrait pas renoncer

en bénéficier. L'art. 11 du traité, que la Cour d'Alger invoque en faveur de l'opinion qu'elle a adoptée, n'est pas décisif. D'après cet article, le tribunal doit se dessaisir d'office, lorsque le défendeur fait défaut, mais il ne résulte pas de là ANNÉE 1911. · 1r cah.

1° Lorsqu'un sujet suisse est assigné devant un ribunal français, incompétent aux termes du traité du 15 juin 1869, il peut opposer l'exception d'incompetence même in fine litis, le tribunal français, d'après l'art. 11 du traité, devant lui-même se déclarer d'office incompétent en tout état de cause (1) (Conv., 15 juin 1869, art. 11).

Les art. 1 et 2 de la convention francosuisse du 15 juin 1869, en réglant la compétence respective des tribunaux des deux pays dans les contestations en matière mobilière et personne le », désignent par ces expressions toutes les actions personnelles, quel qu'en soit l'objet, même celles qui sont relatives à l'état des personnes (2) (Conv., 15 juin 1869, art. 1 et 2).

En conséquence, un tribunal français est compétent, aux termes de l'art. 2 du traité, pour connaître d'une demande en

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qu'il ne puisse pas connaître du litige, lorsque le défendeur comparaît et accepte sa juridiction. · V. en ce sens, Rouen, 12 mai 1875 (S. 1877.2.105. P. 1877.463); Chambéry, 19 mars 1888 (S. 1888.2.195. P. 1888.1.1096); Trib. féd. suisse, 10 juill. 1895 (S. et P. 1898.4.10 ); Trib. féd. suisse, 27 déc. 1895 (S. et P. 1898.4.27), la note et les renvois. Adde, Trib. féd. suisse, 2 juill. 1875 (Journ. du dr. intern. privé, 1876, p. 226); Lyon, 12 avril 1881 (Ibid., 1882, p. 62); Lyon, 4 mars 1909 (Ibid., 1909, p. 1052); Surville et Arthuys, Cours élém. de dr. intern. privé, 5o éd., n. 399 in fine; Brocher, Cours de dr. intern privé, t. 3, n. 18, p. 106; Audinet, Princ. élém. du dr. intern. privé, 2° éd., n. 446; Gerbaut, Compét. des trib. français à l'égard des étrangers, n. 253.

(2 à 4) Le traité conclu entre la France et la Suisse, le 15 juin 1869 (S. Lois annotées de 1869, p. 429. P. Lois, décr., etc. de 1869, p. 735), a déterminé la compétence des tribunaux de chacun de ces Etats l'égard des nationaux de l'autre pays. D'autre part, la convention de La Haye du 12 juin 1902, promulguée en France par le décret du 21 juin 1904 (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 884), n'a pas réglé seulement les conflits de lois, mais aussi les conflits de juridiction en matière de divorce. Il faut donc tenir compte de ces deux traités pour décider si un tribunal français peut connaître d'une demande en divorce entre deux conjoints suisses domiciliés en France.

I. D'apres l'art. 2 du traité du 15 juin 1869, combiné avec l'art. 1, les tribunaux français et suisses sont resp ctivement compétents pour juger les contestations en matière mobiliere et per

divorce entre deux époux suisses domiciliés en France (3) (Id.).

Au surplus, la compétence des tribunaux français résulte, dans ce cas, d'une façon certaine, de la convention conclue à La Haye, le 12 juin 1902, pour régler les conflits de lois et de juridiction en matière de séparation de corps et de divorce, convention à laquelle la France et la Suisse ont adhéré, et dont l'art. 5 dispose que la demande en divorce peut être formée devant la juridiction compétente du lieu où les époux sont domiciliés (4) (Conv., 12 juin 1902, art. 5).

2o La convention de La Haye du 12 juin 1902, sur le règlement des conflits en matière de séparation de corps et de divorce, s'applique en Algérie comme dans la métropole, l'Algérie devant être considérée comme un territoire européen, au sens de ladite

sonnelle, civile et de commerce, entre Suisses domiciliés en France et entre Français domiciliés en Suisse, sans que les juges puissent se déclarer incompétents, en raison de l'extranéité des parties. Toutefois, l'on s'est demandé si la compétence dont bénéficient ainsi les tribunaux de chaque Etat n'est pas limitée aux litiges qui offrent un intérêt pécuniaire, ou si, au contraire, elle doit s'étendre aux contestations concernant l'état des personnes et les relations de famille. C'est dans ce dernier sens que l'arrêt ci-dessus rapporté s'est, avec raison, prononcé. On peut dire, sans doute, que, dans une terminologie exacte, les questions d'état ne sont ni des actions personnelles, ni surtout des actions mobilières, puisqu'elles ne sont pas fondées sur un droit de créance et n'ont pas les biens pour objet, et que, par suite, les art. 1 et 2 du traité leur sont inapplicables. Mais le traité a reproduit les termes et la nomenclature du Code de procédure français, qui ne fait pas une catégorie à part des questions d'état, et les range, au point de vue de la compétence, parmi les actions personnelles. Par suite, dès lors que le traité ne fait pas d'exception, la règle qu'il établit s'applique aux questions d'état comme aux autres actions personnelles; les tribunaux français sont donc, en vertu de son art. 2, compétents pour connaître d'une demande en di. vorce entre deux conjoints suisses domiciliés en France. V. en ce sens, Cour de just. civ. de Genève, 21 janv. 1878 (S. 1879.2.1. - P. 1879.78), et la note de M. Renault; Cass. 1er juil. 1878 (S. 1888.2.94, ad notam. — P. 1888.1.586, ad notam); Paris, 29 mars 1898 (S. et P. 1898.2.240; Pand. pér.,

Ile PART. 1

convention (1) (Conv., 12 juin 1902, art. 10).

Les traités internationaux conclus par la France sont-ils applicables en Algérie

1898.5.45), et les renvois; adde, C. de just. civ. de Genève, 6 mai 1871, (Journ, du dr. intern. privé, 1876, p. 227); Aix, 27 avril 1903 (Ibid., 1904, p. 382); Weiss, Tr. théor. et prat. de dr. intern. privé, t. 5, p. 306; Surville et Arthuys, Cours élém. de dr. intern. privé, 5o éd., n. 412; Gerbaut, Compét. des trib. français à l'égard des étrangers, n. 274 ter; Demangeat, Des demandes en séparation de corps entre étrangers (Journ. du dr. intern. privé, 1878, p. 450). Contra, Angers, 20 févr. 1861 (S. 1861.2.409. P. 1862.83); Trib. de la Seine, 10 mars et 23 avril 1888 (S. 1888.2.94. P. 1888.586; Pand. pér., 1888.2.211), et la note; Paris, 26 mars 1889 (S. 1889.2.116. - P. 1889,600); Trib. féd. suisse, 18 oct. 1878 (Journ. du dr. intern. privé, 1879, p. 96); Paris, 28 avril 1882 (Ibid., 1882, p. 546); Trib. féd. suisse, 15 nov. 1886 (Ibid., 1887, p. 111); C. de just. civ. de Genève, 16 déc. 1893 (Ibid., 1895, p. 671); Trib. de la Seine, 2 nov. 1899 (Ibid., 1900, p. 840); Despagnet, Précis de dr. intern. privé, 5o éd., par de Boeck, n. 181, p. 566; Brocher, Cours de dr. intern. privé, t. 3, n. 13, p. 84; Roguin, Conflits des lois suisses en matière internationale, n. 77, et Du régime matrimonial des Suisses mariés en France (Journ. du dr. intern. privé, 1886, p. 560, note 1); Lehr, Des demandes en séparation de corps entre érangers (Ibid., 1878, p. 247); X..., Le traité franco-suisse du 15 juin 1869 (Rev. prat. de dr. intern. privé, 1890-1891, 2o part., p. 45).

II. La convention de La Haye a-t-elle apporté quelque changement à cette solution, et dans quel sens l'aurait-elle modifiée? S'il fallait en croire la Cour d'Alger, cette convention aurait mis fin à la controverse soulevée, ainsi que nous venons de le voir, par l'interprétation du traité de 1869. La compétence des tribunaux français, pour connaître d'une demande en divorce entre conjoints suisses domiciliés en France, serait désormais hors de doute. Cette solution passe à côté de la difficulté, sans même l'apercevoir. L'art. 5 de la convention de La Haye est, en effet, ainsi conçu : • La demande en divorce ou en séparation de corps peut être formée : 1o devant la juridiction compétente d'après la loi nationale des époux; 2o devant la juridiction compétente du lieu où les époux sont domiciliés. Toutefois, la juridiction nationale est réservée dans la mesure où cette juridiction est seule compétente pour la demande en divorce ou en séparation de corps ». Autrement dit, le tribunal du domicile ne peut être régulierement saisi que si la loi nationale des conjoints en reconnaît la compétence. Or, aux termes de l'art. 43 de la loi fédérale du 24 déc. 1874 (Ann. de législ. étrangère, 1876, p. 7 et s.), la demande en divorce, entre conjoints suisses, doit, en principe, être intentée devant le tribunal du domicile du mari. Mais, lorsque le mari n'a pas de domicile dans la Confédération, l'action peut être intentée au lieu d'origine ou au dernier domicile du mari en Suisse », et l'on a interprété ce texte en ce sens que le demandeur ne peut intenter son action devant un tribunal étranger; il doit nécessairement saisir un tribunal suisse, mais il peut choisir entre celui de l'origine et celui du dernier domicile. V. Trib. sup. de Dresde, 28 nov. 1905 (Journ. du dr. intern. privé, 1907, p. 447); Roguin, Conflit des lois suisses en matière intern., n. 74. Cela étant, on en a conclu que, depuis la convention de La Haye, les tribunaux suisses seraient seuls compétents

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pour juger une demande en divorce entre Suisses domiciliés en France; les tribunaux français seraient incompétents, parce que la loi nationale des conjoints refuserait de reconnaître leur juridiction. V. Travers, La convention de La Haye relative au divorce et à la séparation de corps, no. 37, p. 48.

Cette opinion nous paraît très contestable. D'abord, il n'est pas certain que l'art. 43 de la loi fédérale de 1874 réserve aux tribunaux suisses, à l'exclusion des tribunaux étrangers, le droit de statuer sur une demande en divorce entre conjoints de nationalité suisse. V. not. en sens contraire, Despagnet, op. cit., n. 266, p. 814; Pélicier, Le divorce et la séparation de corps en dr. intern. privé, p. 183; Barilliet, Du divorce des époux étrangers en Suisse et des époux suisses à l'étranger (Journ, du dr. intern. privé, 1880, p. 357). Admettons cependant que tel soit le sens de cette disposition; elle ne s'appliquera pas aux Suisses domiciliés en France. La compétence, dans les rapports entre la France et la Suisse, a, en effet, été réglée par le traité de 1869, et si, comme nous l'avons dit, ce traité s'applique même aux questions d'état, la loi fédérale de 1874 n'a pas pu y porter atteinte. Pour que l'on pût désormais refuser de reconnaître, en matière de divorce et à l'égard des Suisses domiciliés en France, la compétence des tribunaux français, il faudrait que le traité de 1869 eût été abrogé, sur ce point, par la convention de La Haye. Or, cette convention n'a abrogé, ni expressément, ni implicitement, le traité qui lui était antérieur. En signant, à La Haye, diverses conventions relatives au droit international privé, les Etats contractants n'ont pas manifesté l'intention de mettre fin aux traités particuliers qui existaient déjà, sur les mêmes matières, entre certains d'entre eux, pas plus qu'ils ne se sont interdit d'en conclure à l'avenir. Sans doute, s'il y avait incompatibilité entre les clauses des traités particuliers précédemment conclus et la convention de La Haye, on serait fondé à dire que cette dernière convention, étant la plus récente, a implicitement modifié les autres, et qu'elle doit seule s'appliquer; mais il n'en est pas ainsi dans le cas présent. La convention de La Haye permet à chacun des Etats qui y ont pris part de réserver à ses tribunaux le jugement des instances en divorce intéressant ses nationaux, mais sans leur en imposer l'obligation. Elle reconnaît elle-même, en principe, la compétence du tribunal du domicile, et un traité qui admet cette compétence, loin de contredire la convention de La Haye, se trouve en parfaite harmonie avec elle.

Mais si, contrairement à notre opinion, le traité de 1869 ne s'appliquait pas aux questions d'état, il serait alors vrai que les tribunaux français sont incompétents, à l'égard des Suisses, en matière de divorce, du moins, si l'on attribue à l'art. 43 de la loi de 1874 le sens restrictif, et d'ailleurs très discutable, que nous avons indiqué.

Ainsi la compétence des tribunaux français pour connaître, entre conjoints suisses, d'une demande en divorce, dépend toujours de l'interprétation que l'on donne au traité de 1869. La convention de La Haye ne leur accorde pas cette compétence, si le traité de 1869 la refuse; elle ne la retire pas, si le traité l'a accordée. Au reste, cette difficulté est. destinée à disparaître prochainement. Le nouveau Code fédéral suisse (titre final, art. 61, § 7 ) recon

domicilié en France, lorsqu'il y est établi et y reside depuis longtemps, bien qu'il n'ait pas été autorisé par décret du chef de

naît expressément les effets du divorce prononcé entre époux suisses, par le tribunal compétent d'après la loi de leur domicile. Lorsque cette nouvelle législation sera entrée en vigueur, c'est-àdire le 1er janv. 1912, la compétence des tribunaux français, à l'égard des conjoints suisses domiciliés en France, deviendra indiscutable. En admettant qu'elle ne soit pas fondée sur le traité de 1869, elle résultera de la convention de La Haye, qui, ainsi qu'on l'a vu, attribue compétence au forum domicilii toutes les fois que la loi nationale des conjoints ne contient aucune disposition contraire.

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(5-6) La question examinée à la note qui précède se présente, en Algérie, dans des conditions particulières. L'art. 10 de la convention de La Haye dit expressément qu'elle ne s'applique qu'aux territoires européens des Etats contractants. La Cour d'Alger, cependant, a cru pouvoir l'invoquer pour apprécier la compétence d'un tribunal algérien. Aux termes de son arrêt, cette convention doit s'appliquer en Algérie comme en France. Le territoire de l'Algérie, en effet, n'est, en réalité, tant au point de vue judiciaire qu'au point de vue administratif, qu'un prolongement du territoire continental français, qui est un territoire européen, et il doit, dès lors, être considéré luimême comme territoire européen». Au reste, les règles de compétence ne sauraient être autres pour les tribunaux d'Algérie que pour ceux de la métropole, et, par conséquent, la convention de La Haye doit, sous ce rapport, régir les uns comme les autres.

Nous n'insisterons pas sur la discussion de cette thèse, qui est certainement inexacte. L'argumentation de la Cour d'Alger serait justifiée, si le traité dont il s'agit ne contenait aucune clause destinée à en limiter l'application territoriale. On serait alors fondé à soutenir que la compétence reconnue aux tribunaux français doit appartenir à tous, sans distinguer entre ceux de l'Algérie ou des colonies et ceux de la métropole. Il ne serait même pas nécessaire que le traité eût été expressément promulgué en Algérie. En effet, si, en principe, les lois ne sont applicables en Algérie qu'en vertu d'une promulgation spéciale, il a été jugé plusieurs fois que les traités diplomatiques y sont, au contraire, applicables de plein droit. V. Trib. de Tlemcen, 6 mars 1885 (Rev. algérienne, 1885.2.243); Alger, 27 oct. 1885 (Ibid., 1886.2.195). Adde, notre Rep. gen. du dr. fr., v° Algérie, n. 1081 à 1087; Pand. Rép., eod. verb., n. 864. Mais cette théorie, dans le cas présent, est expressément contredite par le texte de la convention de La Haye. Les expressions : « territoires européens des Etats contractants » soat claires et ne laissent aucune place au doute ni à l'interprétation. Il est permis de penser, et précisément pour les raisons données par l'arrêt, que la convention aurait pu et peut-être dû assimiler le territoire de l'Algérie au territoire métropolitain de la France; mais il est certain qu'elle ne l'a pas fait. Les territoires auxquels elle est applicable ne peuvent s'entendre que de ceux qui sont géographiquement situés en Europe; l'Algérie ne s'y trouve donc pas comprise. Ainsi, dans cette colonie, il n'y a aucun compte à tenir de la convention de La Haye; le traité de 1869 est le seul qui regle, en matière de divorce, la compétence des tribunaux français à l'égard des Suisses; il suffit,

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merce;

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Attendu qu'à la date du 25 sept. 1906, la dame Bosshardt a assigné son mari en divorce devant le tribunal de Constantine; que Bosshardt, de son côté, a introduit devant le même tribunal une action reconventionnelle en divorce contre sa femme; que, par jugement avant dire droit, le tribunal de Constantine a ordonné, sur la demande réciproque des parties, une enquête et une contre-enquête, auxquelles il a été régulièrement procédé en présence de Bosshardt, qui a ensuite conclu au fond; que ce n'est qu'à la dernière heure, quand l'affaire est revenue devant le tribunal pour être plaidée, que Bosshardt a décliné la compétence des tribunaux français, et soutenu que les tribunaux suisses étaient seuls compétents pour connaître de l'action en divorce pendante entre sa femme et lui;

-

Attendu que, par jugement en date du 13 nov. 1907, le tribunal de Constantine, faisant droit à l'exception ainsi soulevée in fine litis par Bosshardt, s'est déclaré incompétent; que la dame Bosshardt a interjeté appel de ce jugement; Attendu qu'en même temps qu'il déclinait la compétence des tribunaux français, Bosshardt saisissait le tribunal, puis la Cour d'appel de Zurich, de sa demande en divorce contre sa femme; que, par arrêt du 10 oct. 1908, la Cour d'appel de Zurich, confirmant le jugement du tribunal de première instance de la même ville, du 6 mai 1908, a rejeté « le recours » de Bosshardt pour cause de litispendance;

Attendu que c'est dans cet état de choses que la Cour d'Alger se trouve actuellement saisie; Attendu que la question qui se pose de

d'ailleurs, comme nous l'avons dit plus haut, pour justifier leur compétence (V. la note qui précède).

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(1-2) On discute la question de savoir si un étranger peut, sans autorisation du gouvernement, avoir en France un domicile légal. V. not., la note sous Cass. 5 mai 1875 (S. 1875.1.409. P. 1875.1036). Rien ne s'oppose, croyons-nous, à ce qu'un étranger ait en France un domicile, au sens légal du mot, lorsqu'il a fixé dans ce pays son principal établissement. V. comme application, Paris, 1er août 1905, et Pau, 11 juin 1906 (S. et P. 1908.2.257; Pand. pér., 1908.2.257), la note et les renvois; Aix, 25 janv. 1910 (S. et P. 1910.2.281; Pand. pèr., 1910.2.281), la note de M. Naquet et les renvois. Comp. Demolombe,

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vant elle est, par conséquent, celle de savoir si le tribunal de Constantine était ou non compétent pour connaitre de l'instance réciproque en divorce pendante devant lui entre les époux Bosshardt, tous deux sujets suisses, la femme devant, aux termes de l'art. 19, C. civ., suivre la condition de son mari, mais mariés en France, et y ayant résidé presque constamment depuis leur mariage; Attendu que, pour contester la compétence des tribunaux français, Bosshardt invoque les termes de la convention franco-suisse du 15 juin 1869 (S. Lois annotées de 1869, p. 429.-P. Lois, décr.,etc. de 1869, p. 735), qui, dans ses art. 1, 2 et 11, est ainsi conçue: «Art. 1er. Dans les contestations en matière mobilière et personnelle, civile ou de commerce, qui s'éleveront entre Suisses et Français, le demandeur sera tenu de poursuivre son action devant les juges naturels du défendeur. Art. 2. Dans les contestations entre Suisses, qui seraient tous domiciliés ou auraient un établissement commercial en France, et dans celles entre Français, tous domiciliés en Suisse, le demandeur pourra saisir le tribunal du domicile ou du lieu de l'établissement du défendeur, sans que les juges puissent refuser de juger et se déclarer incompétents à raison de l'extranéité des parties contestantes. Art. 11. Le tribunal français ou suisse, devant lequel sera portée une demande qui, d'après les articles précédents, ne serait pas de sa compétence, devra d'office, et même en l'absence du défendeur, renvoyer les parties devant les juges qui en doivent connaître »; Attendu qu'il ressort de ce dernier article que Bosshardt était dans son droit rigoureux en déclinant la compétence du tribunal de Constantine, même in fine litis, et bien qu'il l'eût acceptée jusque-là, puisque ce tribunal pouvait d'office, et en tout état de cause, se déclarer incompétent;

Mais attendu qu'il échet, au regard de la Cour, de rechercher si, d'après les art. 1 et 2 de la convention franco-suisse susvisée, combinés entre eux, les actions en divorce faisaient partie des contestations qui pouvaient être portées devant les tribunaux français par des Suisses domiciliés ou ayant leur établissement en France; qu'il importe peu que la dame Bosshardt n'ait pas soulevé cette question dans ses conclusions, la compétence étant d'ordre. public, et la Cour pouvant, dès lors, tant d'après les règles générales du droit que d'après l'art. 11 de la convention précitée,

Tr. de la publ. des lois..., du domicile, n. 268. V. cep., Cass. 12 janv. 1869 (S. 1869.1.138. P. 1869.311); 5 mai 1875, précité. Mais, bien entendu, ce domicile ne produit pas les effets attachés à l'autorisation prévue par l'art. 13, C. civ., et ne confère pas la jouissance des droits civils. V. Cass. 19 mars 1872 (S. 1872.1.238. - P. 1872. 560); 7 juill. 1874 (S. 1875.1.19.— P. 1875.28).

En tous cas, il est unanimement admis que l'établissement d'un étranger en France constitue un domicile de fait, qui produit, en matière de procédure, les effets ordinaires du domicile légal, et qui détermine, en particulier, la compétence du tribunal, pour les actions personnelles ou mobilières. Il n'est pas douteux que le traité de 1869, en parlant

se prononcer d'office sur toutes les questions qui s'y rapportent; - Attendu que Bosshardt soutient que les termes : « dans les contestations en matière mobilière et personnelle, civile ou de commerce, dont s'est servi l'art. 1er de ladite convention, termes auxquels l'art. 2 se réfere évidemment, ne s'appliquent qu'aux contestations représentant, un intérêt, pécuniaire; que, par conséquent, les actions en divorce s'en trouvent exclues, et que, touchant au statut personnel, elles doivent être exclusivement portées devant les tribunaux suisses, conformément à la loi fédérale du 24 dec. 1874; Attendu que cette question, loin d'avoir été, comme le prétend Bosshardt, tranchée par une jurisprudence constante et unanime dans le sens de ses conclusions, a été l'objet d'une vive controverse, tant dans la doctrine que dans la jurisprudence; Attendu que, par arrêt en date du 1er juill. 1878 (S. 1888.2.94, ad notam. - P. 1888 1.586, ad notam), la Cour de cassation a formellement retenu, dans une séparation de corps concernant des étrangers mariés en France et y résidant, la compétence des tribunaux français, en vertu de l'art. 2 de la convention francosuisse de 1869; que, si le tribunal de la Seine et plusieurs Cours d'appel ont postérieurement jugé dans un sens contraire, la Cour de Paris a, dans son arrêt du 29 mars 1898 (S. et P. 1898.2.240; Pand. pér., 1898.5.45), décidé que les art. 1 et 2 de la convention susvisée s'appliquent aux questions personnelles aussi bien qu'aux questions mobilières, et, par conséquent, aux questions relatives à l'état des personnes, notamment aux actions en divorce; qu'il n'apparait pas que la pensée des rédacteurs de la convention ait été d'exclure de l'application de l'art. 1er les contestations qui seraient personnelles sans être mobilières; que la conjonctive

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eta, dans l'espèce, le même sens que la disjonctive ou; que le sens de la disposition litigieuse est qu'à la différence des actions réelles immobilières, où, d'après l'art. 4 de la même convention, l'action sera suivie devant le tribunal du lieu de la situation des immeubles, les actions personnelles, quel qu'en soit l'objet, doivent être suivies devant le tribunal du lieu du domicile; Attendu qu'il échet, au regard de la Cour, d'adopter pour les mêmes motifs cette dernière doctrine; Attendu, au surplus, que cette interprétation est la plus conforme aux intérêts de la bonne administration de la justice; que

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des Suisses domiciliés en France et réciproquement, ne se soit contenté de ce domicile de fait. V. Cass. 19 mars 1872, précité; 7 juill. 1874, précité; 28 juill. 1902 (S. et P. 1907.1.114, et la note; Pand. pér., 1902.7.13); adde, Aubry et Rau, 5 éd., t. 1, p. 884, § 141, note 5, in fine; Demolombe, loc. cit; Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, Tr. des personnes, 3° éd., t. 2, n. 1021; Weiss, Tr. theor, et prat. de dr. intern. privé, t. 2, p. 370; Despagnet, Précis de dr. intern. privé, 5 éd., par de Boeck, n. 167; Surville et Arthuys, Cours élém. de dr. intern. privé, 5° éd., n. 127; Audinet, Princ. élém. de dr. intern. privé, 2e éd., n. 231.

EUGENE AUDINET.

le tribunal du lieu du domicile ou de l'établissement des époux, en l'espèce le tribunal de Constantine, où il a été procédé sur place aux enquêtes ordonnées, est bien plus à même de connaître utilement de leur action en divorce qu'un tribunal étranger, sis dans un pays et dans une ville que le mari a quittés depuis longtemps, et où la femme est inconnue; que l'admission du système contraire pourrait avoir pour résultat de laisser des plaideurs sans juridiction, si, de son côté, le tribunal étranger, ainsi que cela pourrait arriver en l'espèce, d'après les motifs mêmes de l'arrêt de la Cour de Zurich, relevés plus loin, se déclarait incompétent; - Attendu, enfin, que telle a été, au moins le plus généralement, l'opinion des tribunaux suisses eux-mêmes, notamment dans un arrêt de la Cour de Genève, du 21 janv. 1878 (S. 1879.2.1. P. 1879.78), et même dans l'arrêt de la Cour de Zurich, rendu dans l'affaire actuelle et visé plus haut; qu'il résulte clairement, en effet, des motifs de cet arrêt que, précédemment à la convention de 1869, les actions en divorce concernant des Suisses établis en France étaient, d'après la jurisprudence la plus récente des tribunaux helvétiques, considérées comme ressortissant à la compétence des tribunaux français, et qu'au regard de la Cour de Zurich, ladite convention franco-suisse de 1869 n'avait pas paru entendre exclure les actions en divorce dont elle ne s'était pas occupée;

Attendu, d'autre part, qu'en admettant même que la convention franco-suisse du 15 juin 1869 puisse rester douteuse sur le point dont s'agit, la convention internationale de La Haye, en date du 12 juin 1902 (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 884), à laquelle la France et la Suisse ont adhéré, et qui s'est évidemment inspirée des considérations qui précèdent, résout définitivement la question; que l'art. 5 de cette convention est, en effet, ainsi conçu La demande en divorce ou en séparation de corps peut être formée : 1° devant la juridiction compétente d'après la loi nationale des époux; 2o devant la juridiction compétente du lieu où les époux sont domiciliés »;

Attendu que l'art. 10 de la même convention ajoute, il est vrai: « La présente convention, qui ne s'applique qu'aux territoires européens des Etats contractants, sera ratifiée... »; que Bosshardt en conclut que, l'Algérie n'étant pas géographiquement un territoire européen, la convention de La Haye n'est pas applicable pour les tribunaux algériens; Attendu

-

que cette prétention est inadmissible; que l'on ne saurait concevoir, en effet, que les rédacteurs de la convention de La Haye aient pu vouloir viser l'Algérie dans la restriction contenue dans l'art. 10, précité; que cela aurait été de leur part une méconnaissance flagrante de la situation faite à l'Algérie par les lois en vigueur, qu'ils ne pouvaient ignorer; - Attendu, en effet, qu'aux termes du décret du 24 oct. 1870, l'Algérie fait partie intégrante du territoire de la République française; qu'elle est, en conséquence, divisée en trois départements, qui comp

tent parmi les départements français portés au nombre de quatre-vingt-douze ; qu'au point de vue administratif et politique, elle est directement rattachée au pouvoir central; Attendu qu'il en est de même au point de vue judiciaire; qu'en effet, un autre décret du 24 oct. 1870, réorganisant les Cours d'assises en Algérie, et y instituant le jury, pose en principe que l'assimilation du régime administratif et politique de l'Algérie à celui de la métropole comporte l'assimilation de leurs institutions judiciaires; - Attendu que c'est dans le même esprit qu'a été conçue la loi du 30 août 1883, sur la réforme de l'organisation judiciaire, qui s'applique aussi bien à l'Algérie qu'à la France continentale; que la Cour d'Alger y est comprise, dans les tableaux législatifs qui y sont annexés, parmi les vingt-sept Cours d'appel de France; que, de même, les tribunaux d'Algérie sont, dans lesdits tableaux, comptés et énumérés parmi les tribunaux de France; Attendu que la Cour d'Alger et les tribunaux d'Algérie relèvent directement du ministre de la justice, absolument comme les tribunaux de la métropole et d'après les mêmes règles; Attendu que, dans ces conditions, le territoire de l'Algérie n'est donc en réalité, tant au point de vue judiciaire qu'au point de vue administratif, que le prolongement du territoire continental français, qui est un territoire européen, et qu'il doit être, dès lors, considéré lui-même comme territoire européen; Attendu

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que la convention de La Haye n'a pu vouloir porter atteinte à cette situation législative, incontestable et incontestée, contre laquelle une simple inexactitude de style ne saurait prévaloir; que les termes dont elle s'est servie peuvent, d'ailleurs, s'expliquer par le fait qu'elle a évidemment voulu viser les « colonies des Etats contractants, situées hors d'Europe, ce qui ne saurait s'appliquer à l'Algérie, puisque, ainsi qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, elle ne peut pas être considérée comme une colonie proprement dite, mais bien comme une continuation du territoire métropolitain; - Attendu que, dans ces conditions, les règles de compétence ne sauraient en aucun cas être autres pour les tribunaux d'Algérie que pour ceux de la métropole; que, par conséquent, la compétence facultative que la convention de La Haye a entendu attribuer aux tribunaux français doit être considérée comme s'appliquant aux tribunaux de l'Algérie, puisqu'ils font partie des tribunaux français; que la solution contraire ne tendrait à rien moins qu'à refuser aux tribunaux de l'Algérie le caractère de tribunaux français, ce que la Cour d'appel d'Alger ne saurait admettre ni consacrer par ses arrêts; Attendu qu'il ressort de tout ce qui précède que, soit que l'on se place sous l'empire de la convention francosuisse du 15 juin 1869, soit que l'on considère comme applicable la convention internationale de La Haye du 12 juin 1902, le tribunal de Constantine était compétent pour connaître de la demande en divorce de la dame Bosshardt contre son mari et de la demande reconven

-

tionnelle de Bosshardt contre sa femme;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter davantage à l'objection tirée par Bosshardt de ce qu'il n'aurait pas son domicile en France, aux termes de l'art. 13, C. civ, objection retenue à tort par le jugement dont est appel; que l'art. 13 ne se rapporte qu'au domicile politique conférant les droits civils, pour l'acquisition duquel l'autorisation par décret du chef de l'Etat est nécessaire, et dont il n'est pas question en l'espèce; mais qu'en fait, l'étranger peut être considéré comme domicilié en France quand il y réside depuis longtemps et y a son établissement; qu'il a été ainsi jugé, notamment par l'arrêt de cassation du 1er juill. 1878, cité plus haut ;Attendu, d'ailleurs, que l'art. 2 de la convention franco-suisse du 15 juin 1869 précité assimile expressément l'établissement du sujet suisse en France au domicile en ces termes : « Dans les contestations entre Suisses qui seront domiciliés ou auront un établissement commercial en France...», et plus loin : « ... le demandeur pourra saisir le tribunal du domicile où du lieu de l'établissement du défendeur... ; Attendu que Bosshardt, qui s'est marié en France en 1897, a depuis, sauf une courte absence, constamment résidé en France ou en Algérie; qu'il habite, depuis 1902, Constantine, où

est, ce qui n'a pas été contesté, caissiercomptable dans une maison de commerce, avec participation aux bénéfices; Attendu que, dans ces conditions, il peut être considéré comme domicilié en France, aux termes de la jurisprudence précitée, et en tous cas comme ayant son établissement à Constantine, dans le sens de la convention de 1869; Attendu, donc, qu'à tous les points de vue, c'est à tort que le tribunal de Constantine s'est déclaré incompétent; Par ces motifs; Infirmant le jugement du tribunal civil de Constantine, en date du 13 nov. 1907; Dit que le tribunal de Constantine était compétent pour connaître de la demande en divorce formée par la dame JeanneMarie-Gabrielle Paillé, épouse Bosshardt, contre son mari, etc.

Du 1er févr. 1909. C. Alger, 1re ch. - MM. Vacher, ler prés.; Perrin, subst.;. Guérin et Gouttebaron, av.

TOULOUSE 16 mars 1910.

JUGE DE PAIX, COMPÉTENCE, LOI DU 12 JUILL. 1905, ANIMAUX DOMESTIQUES, VICES RÉDHIBITOIRES, COMMERÇANTS, TRIBUNAL DE COMMERCE (Rép., vis Juge de paix, n. 232, Vices rédhibitoires, n. 301; Pand. Rép., vo Compétence, n. 281, 423).

L'art. 6, § 4, de la loi du 12 juill. 1905, sur la compétence des juges de paix, qui attribue à ceux-ci, sans appel jusqu'à la valeur de 300 fr., et, à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse s'élever, la connaissance des actions relatives aux vices rédhibitoires, n'a pas entendu enlever aux tribunaux de commerce la connaissance des contestations relatives aux vices rédhibitoires, lorsque ces contestations

s'élèvent entre deux commerçants au sujet d'une convention (dans l'espèce, un échange) ayant un caractère commercial à l'égard de chacun d'eux (1) (C. comm., 631; L. 12 juill. 1905, art. 6, 4°).

(Boudet C. Ruffel). — ARRÊT.

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LA COUR; Attendu que, par jugement du 19 oct. 1909, le tribunal de commerce d'Albi a prononcé la nullité de l'échange intervenu le 4 septembre précédent entre le sieur Ruffel, marchand de chevaux, et le sieur Boudet, maître d'hôtel; - Attendu, en effet, qu'à la date précitée, Boudet rendit à Ruffel un cheval que ce dernier lui avait vendu quelques mois auparavant, et en prit un autre en échange, Attendu que, Ruffel ayant fait officiellement cons tater que le cheval qui lui était remis par Boudet était atteint d'un vice rédhibitoire (la fluxion périodique des yeux), le tribunal a prononcé la résolution de l'échange, et condamné Boudet à reprendre son cheval, et à payer en outre 140 fr. à titre de domAttendu mages; Boudet a relevé que appel de cette décision, et qu'il invoque deux moyens à l'appui de son appel; Sur le premier moyen : Attendu que la loi du 12 juill. 1905, dans son art. 6, § 4, a placé les actions relatives aux vices rédhibitoires dans la compétence des juges de paix; que l'appelant soutient que le texte susvisé est général, qu'il s'applique à toutes les actions ayant trait aux vices rédhibitoires, et qu'ainsi le jugement du tribunal de commerce, qui a statué dans le litige actuel, doit être annulé pour cause d'incompétence ratione materiæ; Mais attendu que le procès est né entre deux commerçants, au sujet d'une convention ayant au regard de chacun d'eux un caractère commercial, et qu'il s'agit de savoir si la loi du 12 juill. 1905, relative à la compétence civile des juges de paix, a entendu

-

(1) La question est controversée. V. dans le sens de l'arrêt ci-dessus recueilli, Besançon, 16 janv. 1907 (S. et P. 1907.2.137, la note de M. Beauchet et les renvois; Pand. pér., 1907.2.221); adde, Watrin et Bouvier, Code rural, 3o éd., n. 400; et notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, 3 appendice, Compét. des juges de paix, n. 103. Mais V. en sens contraire, Trib. de Bourgoin, 8 août 1906 (S. et P 1907.2.253). (2-3) La loi du 17 juill. 1907 (S. et P. Lois annotées de 1908, p. 599; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 599), qui permet au juge des référés, en tout état de cause, et quel que soit l'état de l'affaire, de donner mainlevée de la saisie-arrêt moyennant consignation d'une somme suffisante pour répondre des causes de la saisie (V. sur les controverses qu'avait soulevées cette question avant la loi du 17 juill. 1907, la note sous Paris, 4 août 1908, S. et P. 1909.2.77; Pand. pér., 1909. 2.77, et les renvois), s'applique-t-elle aussi bien au cas de saisie-arrêt pratiquée en vertu d'un titre qu'au cas de saisie-arrêt pratiquée sans titre, en vertu d'une autorisation du juge? L'affirmative paraît bien résulter tant des termes mêmes de la loi du 17 juill. 1907, qui ne fait aucune distinction, que des travaux préparatoires. En effet, la portée de la loi nouvelle a été nettement précisée dans ce sens par M. Raynaud, auteur de la proposition de loi, dans l'exposé des motifs de

modifier la compétence des tribunaux de commerce; Attendu que les opinions différentes, émises à ce sujet par les rapporteurs de la loi, ne permettent pas de dégager clairement l'intention du législateur, qu'il faut donc s'en rapporter aux principes généraux; que les justices de paix sont des juridictions civiles, et que, si la loi avait voulu leur attribuer une compétence commerciale au cas particulier, elle aurait pris soin de l'exprimer en termes formels (Besançon, 16 janv. 1907, S. et P. 1907.2.137; Pand. pér., 1907.2.221); que l'exception d'incompétence ratione materiæ soulevée par l'appelant doit donc être rejetée;

Sur le second moyen

Par ces motifs, etc.

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(sans intérêt);

Du 16 mars 1910. C. Toulouse, 2 ch. - MM. Martin, prés.; Reverdin, av. gén.; de Laportalière, av.

PARIS 30 juin 1908.

SAISIE-ARRÊT, LOI DU 17 JUILL. 1907, EFFETS, LIMITATION, CONSIGNATION, TITRE, EVALUATION PROVISOIRE, RÉFÉRÉ, POUVOIR DU JUGE (Rép., v Saisie-arrêt, n. 1165 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1661 et s.).

La loi du 17 juill. 1907, qui a modifié l'art. 567, C. proc., en attribuant au juge des référés le pouvoir de donner mainlevée de la saisie-arrêt moyennant la consignation d'une somme suffisante pour répondre éventuellement des causes de cette saisie, s'applique sans distinction entre le cas où la saisie-arrêt a été faite sans titre et celui où elle a été faite en vertu d'un titre (2) (C. proc., 567; L. 17 juill. 1907).

Par suite, le juge des référés n'est pas lié, pour l'évaluation du chiffre de la somme saisie-arrêtée qui sera affectée à la

cette proposition et dans le rapport qu'il a fait à la Chambre. Après avoir rappelé l'usage qui s'était introduit de spécifier dans l'ordonnance portant autorisation de saisir-arrêter qu'il en serait référé au juge en cas de difficulté (V. sur la légalité de cette pratique, les notes sous Paris, 3 oct. 1891, S. et P. 1892.2.209, et sous Paris, 4 août 1908, S. et P. 1909.2.77; Pand. pér., 1909. 2.77, avec les renvois), M. Raynaud faisait remarquer que, d'une part, des circonstances de fait pouvaient empêcher la partie saisie de faire usage des réserves de l'ordonnance; que, d'autre part, cette partie était dans l'impossibilité de se pourvoir en référé et de faire limiter les effets de la mesure prise contre elle, quand la saisiearrêt était prononcée, en vertu non plus d'une ordonnance, mais d'un titre quelconque (J. off., avril 1907, doc. parl., de la Chambre des députés, p. 208).

L'arrêt tire du principe par lui posé cette conséquence que, dans le cas de saisie-arrêt formée en vertu d'un titre, non seulement le juge des référés a compétence pour cantonner les effets de la saisie-arrêt moyennant consignation ou séquestre de somme suffisante pour répondre des causes de la saisie, mais qu'il n'est pas lié, pour l'évaluation de cette somme, par le chiffre qui figure au titre invoqué par le saisissant. En effet, dit l'arrêt, le pouvoir de cantonner les effets de la saisie et

créance du saisissant, par les allégations du saisissant relativement au montant de sa créance, et il peut fixer telle somme qu'il jugera suffisante, sous réserve de la décision definitive à intervenir au principal (3) (Id.).

(Z... et J... C. consorts W...).

MM. Z... et J..., se prétendant créanciers des consorts W... pour avances, honoraires, frais et déboursés, ont formé opposition entre les mains du notaire chargé de la liquidation et du partage d'une succession échue aux consorts W... Sur la demande des consorts W..., le juge des référés a cantonné les effets de l'opposition, et a ordonné le dépôt à la Caisse des dépôts et consignations d'une somme destinée à répondre éventuellement des causes de la saisie-arrêt. - Appel par MM. Z... et J... ARRÊT.

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LA COUR; Considérant que l'art. 567, C. proc., modifié par la loi du 17 juill. 1907, donne compétence au juge des référés pour cantonner les effets de la saisiearrêt et arbitrer la somme qui sera retenue pour répondre éventuellement des causes de cette saisie; Considérant que ce pouvoir est donné au juge des référés, sans distinction entre le cas où la saisie est faite sans titre et celui où elle est faite en vertu d'un titre; que le magistrat saisi n'était donc pas lié, pour son évaluation provisoire, par le chiffre de la rémunération que les opposants soutenaient leur avoir été promise; Considérant qu'en fait, ladite évaluation est justifiée par les circonstances de la cause, réserve faite de la décision définitive qui appartient aux juges du principal; Par ces motifs, etc. Du 30 juin 1908. C. Paris, 2 ch. MM. Landry, prés.; Landowski et BilhautDurouyet, av.

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d'arbitrer la somme à consigner lui a été donné par la loi indistinctement dans tous les cas. Dans l'espèce, il semble bien que, si la saisie-arrêt avait été faite en vertu d'un titre, ce titre, d'où ressortait le principe de la créance du saisissant, n'en établissait pas le quantum, puisque le saisissant, pour pratiquer la saisie-arrêt, avait dù, d'après les constatations de l'arrêt, en faire une évaluation. Mais le principe est posé par l'arrêt en termes très généraux, et il en résulte que la loi du 17 juill. 1907 aurait conféré au juge du référé le pouvoir d'arbitrer, en toute circonstance, et quelles que soient les énonciations du titre de créance, le montant de la somme que le débiteur saisi devra consigner pour obtenir mainlevée de la saisiearrêt. Les termes dans lesquels est rédigée la loi du 17 juill. 1907 semblent bien favorables à cette interprétation. Toutefois, on peut se demander si ce texte, en disposant que la somme dont le juge des référés est autorisé à ordonner la consignation doit être suffisante pour répondre des causes de la saisie, a attribué au juge des référés, en cas de saisie-arrêt pratiquée en vertu d'un titre, un pouvoir aussi étendu, et s'il ne préjudicierait pas au principal, contrairement à la règle de son institution, en prescrivant la main levée de la saisie-arrêt moyennant la consignation d'une somme inférieure à celle que porte le titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée.

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