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Lyon-Méditerranée un contrat de travail régulier et quotidien, effectivement exécuté par les deux parties contractantes, c'est le 1er de l'art. 10 de la loi du 9 avril 1898 qui doit recevoir son exécution, et régler le salaire de base de la pension de Mme veuve Churlet; qu'il résulte, en effet, aussi bien du texte que de l'esprit de cette loi que les $$ 1er et 2 de l'art. 10 s'appliquent à la continuité ou à la discontinuité du travail des ouvriers et de leurs conséquences, tandis que le $ 3, invoqué par Mme veuve Churlet, ne vise que la discontinuité du travail de l'entreprise; qu'il n'est donc pas permis d'en étendre l'application au cas où le travail de l'entreprise étant continu, l'ouvrier victime n'y est employé qu'un petit nombre d'heures par jour, et se trouve par là même obligé d'augmenter par ailleurs un gain insuffisant; qu'il suit que les offres de la Comp. étaient suffisantes, et que l'assignation et les actes qui l'ont suivie ont mal procédé; Attendu que Mme veuve Churlet doit être également tenue de restituer à la Comp. Paris Lyon-Méditerranée le supplément de rente de 150 fr. qu'elle a reçu en sus des 48 fr. auxquels elle avait droit; Par ces motifs; Donne défaut contre Mme veuve Churlet; Faisant droit à l'appel de la Comp. Paris-Lyon-Méditerranée envers le jugement du tribunal de Bourges du 7 mars 1905; Infirme ledit jugement, etc.

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Du 13 juin 1910. C. Riom, aud. sol. MM. Ducroux, 1er prés. ; Vermeil, av. gén.; Salvy, av.

PARIS 15 juillet 1910.

PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE OU ARTISTIQUE, PHOTOGRAPHIE, PROPRIÉTÉ DU CLICHÉ, PORTRAIT, REPRODUCTION, PUBLICATION, CONSENTEMENT DU MODÈLE, CONSENTEMENT TACITE (Rép., vo Propriété littéraire et artistique, n. 175 et s., 218 et s.; Pand. Rép., vo Propriété littéraire, artistique et industrielle, n. 222 et s., 631 et s.).

Un photographe n'a pas le droit de tirer des épreuves d'un cliché photographique reproduisant les traits d'une personne pour être exposées ou vendues, ni d'en céder le droit de reproduction, sans le consentement exprès ou tacite de la personne photographiée (1) (L. 19-24 juill. 1793, art. 1er).

Et ce consentement tacite ne saurait résulter nécessairement du fait que le photographe a opéré gratuitement ou à un prix réduit (2) (Id.);

...

Alors même que ses tarifs porteraient que l'acceptation d'un prix de faveur laisse au photographe le droit d'user des clichés comme bon lui semble, s'il n'est pas établi

(1 à 4) Il est généralement admis que les productions photographiques peuvent constituer une propriété artistique protégée par la loi des 19-24 juill. 1793, tout au moins lorsqu'elles constituent une ceuvre originale révélant chez leur auteur un effort intellectuel. V. Paris, 3 janv. 1908 (S. et P. 1908 2.238; Pand. pér., 1908.2.238), la

note et les renvois.

Mais le droit de propriété qui peut appartenir au photographe sur son œuvre subit une restriction lorsqu'il s'agit d'un portrait. Il est, en effet,

que ces conditions aient été portées à la connaissance de la personne photographiée (3) (Id.).

Spécialement, un photographe qui, dans un bal privé, a, de son consentement, photographié une personne à qui il a délivré des épreuves à un prix de faveur, n'est pas en droit de reproduire la photographie en cartes postales destinées à être exposées et vendues (4) (Id.).

(Boyer C. Dame Krauss).

Le 14 janv. 1909, jugement du tribunal civil de la Seine ainsi conçu : - Le Tribunal; Attendu que Emma Wekins, aujourd'hui épouse Krauss, expose qu'ayant assisté, le 8 avril 1905, avec sa sœur, à un bal costumé privé qui était donné au cercle des Escholiers, elles avaient accepté l'offre qui leur avait été faite par Boyer de les photographier dans leurs costumes de clowns; qu'elle ajoute qu'ayant payé les épreuves qu'elle désirait avoir de ces photographies, elle fut étonnée d'apprendre que, par un véritable abus, Boyer avait reproduit ces photographies en cartes postales; qu'elle se croit donc en droit de réclamer à Boyer une somme de 20.000 fr. à titre de dommages-intérêts, en se basant sur le droit, pour tout particulier, d'interdire l'exhibition de son portrait; - Attendu que le défendeur entend faire repousser la demande, en se prévalant de ce qu'il ne s'agissait pas d'un bal absolument privé, et de ce que le prix de faveur qu'il avait consenti pour les épreuves destinées à la dame Krauss lui donnait le droit de disposer à sa guise de ses clichés; Or, attendu que, si le photographe est propriétaire de ses clichés, il ne peut en faire usage qu'avec l'autorisation formelle de la personne dont les traits sont reproduits; -Attendu qu'en vain Boyer invoque-t-il qu'une mention à l'encre rouge, apposée sur ses tarifs, aviserait sa clientèle que l'acceptation de prix de faveur laisse à l'artiste le droit d'user de ses clichés comme bon lui semble; qu'il est de toute évidence qu'au cours de la fête du 8 avril 1905, Boyer n'a pas exhibé ses tarifs, et qu'il ne justifie même pas que, lors de la commande qui lui a été faite des épreuves au nom de la dame Krauss, il ait eu la précaution de porter ces conditions spéciales à la connaissance de l'envoyé de la demanderesse; qu'on s'explique, d'ailleurs, que, pour la circonstance, Boyer se soit prêté à un prix anormal; qu'il travaillait pour les membres

d'un cercle dont il allait être nommé membre honoraire, et que, d'ailleurs, il avait intérêt à mettre sous les yeux d'une clientèle mondaine et avide de plaisirs les résultats artistiques de sa maison; - Attendu

de principe que l'on ne peut exposer, publier, ou mettre en vente un portrait sans le consentement de la personne dont les traits sont reproduits. V. Cass. 14 mars 1900 (S. et P. 1900.1.489; Pand. pér., 1900.1.201); Rennes, 23 nov. 1903 (S. et P. 1904. 2.111), la note et les renvois; et la note sous Paris, 3 janv. 1908, précité. V. aussi cet arrêt. Ce consentement peut d'ailleurs être tacite (V. Rennes, 23 nov. 1903, précité; et les renvois de la note sous Paris, 3 janv. 1908, précité), et il a été jugé

que la dame Krauss est donc fondée à faire grief à Boyer du sans-gêne avec lequel il s'est permis de céder à des tiers, qui en ont profité pour faire tirer des cartes postales, des clichés où se retrouvaient les traits de la demanderesse, alors surtout que, quoi qu'il en puisse prétendre, le bal des Escholiers n'avait pas perdu son caractère de soirée privée; qu'elle a droit à partie des réparations qu'elle réclame, bien qu'elle n'ait pas fait des démarches personnelles auprès du défendeur, qui, se trouvant en demeure d'avoir à lui donner satisfaction par l'assignation, avait toutes facilités pour lui faire des offres; - Mais attendu que, dans l'appréciation des dommages-intérêts, il ne faut pas perdre de vue que, ne sachant à qui il avait affaire, et croyant qu'il se trouvait en présence de personnes plutôt désireuses de réclame, Boyer s'était jugé dans une certaine mesure autorisé à se passer du consentement de la demanderesse; que ce sentiment s'explique d'autant mieux qu'à côté du cliché où elle figure seule en compagnie de sa sœur, la dame Krauss avait posé dans un groupe de clowns, dont certaines des attitudes devaient paraître au moins assez singulières; Par ces motifs; Condamne le sieur Boyer, etc. ». Appel par Boyer.

ARRÊT.

LA COUR; Considérant que, bien que le cliché qui a été reproduit en carte postale ait été exécuté gratuitement, Boyer, auquel il appartient, n'avait le droit ni d'en tirer des épreuves pour être exposées ou vendues, ni de céder le droit de reproduction, sans le consentement exprès ou tacite de la dame Krauss; que celle-ci n'a pas donné expressément son autorisation; que son consentement tacite ne résulte d'aucune des circonstances de fait dans lesquelles ce cliché a été exécuté; que Boyer a donc commis une faute en reproduisant ladite photographie en cartes postales, ou en cédant à un tiers le droit de reproduction qui ne lui appartenait pas: que sa responsabilité est engagée; qu'il doit réparer le préjudice qu'il a causé, et être tenu de prendre, même en l'absence de toute offre de la part des époux Krauss, les mesures nécessaires pour opérer le retrait des cartes postales litigieuses et leur remise aux époux Krauss ou leur destruction; Adoptant, en outre, les motifs non contraires des premiers juges; Par ces motifs; Confirme, etc. Du 15 juill. 1910. C. Paris, 4e ch. MM. Valabrègue, prés.; Rambaud, av. gén.; Lamarre et Ölagnier, av.

que le consentement tacite pouvait être présumé résulter notamment du fait que le portrait avait été exécuté gratuitement. V. Paris, 25 mars 1867 (S. 1868.2.41. P. 1868.216), et les renvois de la note sous Paris, 3 janv. 1908, précité. Mais ce ne peut être, en tous cas, qu'une simple présomption de fait, que les juges sont libres d'admettre ou d'écarter, suivant les circonstances de la cause. V. la note et les renvois sous Paris, 3 janv. 1908, précité.

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(1 à 3) Une mineure de dix-huit ans vit dans un hôtel garni, à l'insu de ses parents. Elle tire ses ressources de la prostitution. Pouvait-elle, avant la loi du 11 avril 1908, sur la prostitution des mineurs (S. et P. Lois annotées de 1908, p. 748; Pand. pér., Lois annotées de 1908, p. 748), être poursuivie pour vagabondage? Si l'on admet l'affirmative, cette poursuite est-elle encore possible, depuis la loi précitée du 11 avril 1908, pour les mineurs de dix-huit ans que vise cette loi? Telles sont les deux questions qui se posaient dans l'espèce de l'arrêt ci-dessus de la Cour de Paris du 18 nov. 1909 (1 espèce); l'arrêt de la même Cour du 22 déc. 1909 (2o espèce) n'a eu à résoudre que la première question, les faits sur lesquels il a statué étant postérieurs à la loi du 19 juill. 1909 (S. et P. Lois annotées de 1910, p. 977; Pand. pér., Lois annotées de 1910, p. 977), qui a reporté à un ou deux ans, à dater de sa promulgation, suivant qu'il s'agit de mineurs de moins de seize ans, ou de mineurs de seize à dix-huit ans, la date de la mise à exécution de la loi du 11 avril 1908.

I. Une mineure qui vit dans un hôtel garni, et n'a d'autres ressources que la prostitution, peutelle, abstraction faite de l'influence que peut avoir sur la question la loi du 11 avril 1908, être poursuivie pour vagabondage?

Pour qu'un individu soit en état de vagabondage, il faut : 1° qu'il n'ait pas de domicile certain; 2 qu'il n'ait pas de moyens de subsistance; 3o qu'il n'exerce habituellement ni métier ni profession. Le délit n'est constitué que si tous ces éléments se trouvent réunis. V. Cass. 10 août 1906 (S. et P. 1910.1.51; Pand. per., 1910.1.51), et les renvois. Adde, Chauveau et Faustin-Hélie, Théor. du C. pén., 6o éd., par Villey, t. 3, n. 1096 et s., p. 298; Blanche, Ét. prat. sur le C. pin., t. 4, n. 304; Garraud, Tr. du dr. pén. fr., 2o éd., t. 4, n. 1455. Adde, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 269 à 273, n. 28 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Vagabondage, n. 28 et s.; Pand. Rép., eod. verb.,

n. 18 et s.

a) Domicile. Il faut que le prévenu soit sans domicile certain. Ici se pose une première question un mineur peut-il être vagabond, puisque, en droit, il a toujours un domicile, celui de ses parents ou de son tuteur? La jurisprudence des Cours et tribunaux avait hésité à admettre qu'un mineur pût être vagabond. V. Colmar, 10 et 11 nov. 1831 (S. 1832.2.345. - P. chr.). Cependant, même avant la réforme de 1832, la Cour de cassation avait statué dans le sens de l'affirmative. V. Cass. 21 mars 1823 (S. et P. chr.). Depuis la réforme de 1832, qui a introduit dans l'art. 271, C. pén., une disposition visant d'une façon expresse le vagabondage des mineurs, la question ne peut plus être discutée. Il est d'ailleurs évident que le législateur, en exigeant qu'un individu, pour échapper à la prévention de vagabondage, justifie d'un domicile certain, n'a pas voulu parler d'un domicile de droit purement fictif, mais d'une habitation réelle et effective, qui soit la garantie et le témoignage d'une vie régulière. V. ChamANNÉE 1911. 2° cah.

de la prostitution ne constituent pas des moyens de subsistance, au sens de l'art. 270,. C. pén., suivant lequel sont réputés vagabonds ceux qui n'ont ni domicile certain, ni moyens d'existence, et qui n'exercent habituellement ni métier ni profession (1) (C. pén., 270). Tre et 2o espèces

Par suite, peut être poursuivie pour vagabondage une fille mineure qui vit dans un hôtel garni, et qui n'a d'autres ressources

béry, 27 déc. 1888 (S. 1890.2.213. P. 1888.1. 1198), et la note. Adde, Chauveau et Faustin-Hélie, op. cit., t. 3, n. 1097; Blanche, op. cit., t. 4, n. 301; Garraud, op. cit., t. 4, n. 1456; notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 269 à 273, n. 31; et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 33 et s.; Pand. Rép., verb. cit., n. 28 et s. V. spécialement en ce qui concerne les mineurs, Trib. de la Seine, 17 avril 1907, sous Paris, 7 mai 1907 (S. et P. 1908.2.98; Pand. pér., 1908.2.98), la note et les renvois; et en ce qui concerne la femme mariée, Poitiers, 6 janv. 1875 (S. 1876.2.81. P. 1875.433). Bien que nos deux arrêts ne se soient pas expliqués sur ce point, il en ressort implicitement que la fille mineure, qui a quitté ses parents pour aller habiter un hôtel, alors qu'elle ne travaille pas et vit de la prostitution, ne peut être considérée comme domiciliée, au sens de la loi. Le domicile certain est, en effet, celui qui par sa notoriété et sa fixité offre des garanties de surveillance et de répression. V. Toulouse, 15 juill. 1881 (S. 1882 2.218.-P. 1882.1.1097). C'est ainsi qu'il a été jugé que doit être tenu pour vagabond l'individu qui n'a qu'une résidence de hasard dans une chambre louée par une fille publique, et occupée par elle pour l'exercice de son métier, et qui n'a d'autres ressources que celle du partage souvent extorqué du produit de la prostitution de cette fille; dans ce cas, l'individu n'a ni domicile certain ni moyens de subsistance, au sens de la loi. V. Cass. 23 août 1883 (S. 1885.1.513. - P. 1885.1.1204). Il a été jugé également que ne peut être considéré comme ayant un domicile certain, le mineur qui a quitté le domicile paternel, et qui n'a qu'une résidence de hasard dans un hôtel meublé, payé par un tiers avec lequel il a des relations inavouables. V. Cass. 17 juill. 1908 (Bull. crim., n. 315).

b) Moyens de subsistance. Celui qui n'a ni domicile ni profession, mais qui possède des ressources personnelles, ne peut être tenu pour vagabond : il ne peut, en effet, être considéré comme dangereux, puisqu'il n'a pas besoin, pour vivre, de recourir au délit ou au crime. V. sur ce point, Chauveau et Faustin-Hélie, op. cit., t. 3, n. 1099; Blanche, op. cit., t. 4, n. 302; Garraud, op. cit., t. 4, n. 1457; notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 269 à 273, n. 54 et s.; et notre Rép. gén. du dr. fr., Vagabondage, n. 54 et s.; Pand. Rep., eod. verb.,

n. 51 et s.

Mais qu'est-ce que l'art. 270, C. pén., entend par ces mots : « moyens de subsistance »? La loi ne les définit pas c'est une question de fait laissée à l'appréciation du juge. V. Garraud, op. et loc. cit. Ainsi, un individu qui n'a pas d'argent sur lui peut être considéré comme ayant des moyens de subsistance, s'il a du travail assuré pour dix ou quinze jours. V. Lyon, 21 mars 1898 (Gaz. Trib., 1898, 2. 2o part., p. 343). Inversement, un individu peut avoir en sa possession des marchandises ou de l'argent, et être cependant en état de vagabondage, comme n'ayant pas en réalité de moyens de subsistance. V. notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 269 à 273, n. 86.

que le produit de sa prostitution (2) (Id.). Id.

Il en est ainsi même depuis la loi du 11 avril 1908, sur la prostitution des mineurs, cette loi n'ayant pas entendu modifier les caractères du délit de vagabondage, ni l'interprétation jusque-là donnée à l'expression & moyens de subsistance », employée par l'art. 270, C. pén. (3) (C. pén, 270; L. 11 avril 1908). 1re espèce.

Le juge a-t-il à se préoccuper de l'origine des moyens de subsistance? Doit-il écarter la prévention de vagabondage dans tous les cas où l'inculpé justifie qu'il a des ressources suffisantes, même si elles sont d'origine immorale, même si elles sont d'origine illicite?

Dans une première opinion, on décide que le juge n'a pas rechercher l'origine de ces ressources. Le vagabondage, dit-on, n'est un délit que parce que le vagabond est voué fatalement, pour pouvoir vivre, à commettre des infractions, à se livrer au vol ou à la mendicité; dès qu'il a des ressources, quelle que soit leur provenance, il cesse d'être dangereux. Si 'un individu arrêté pour vagabondage est trouvé en possession de ressources provenant d'un délit, de mendicité, par exemple, on le poursuivra pour ce délit, mais on devra écarter la prévention de vagabondage. Le juge ne doit se préoccuper de l'origine des ressources que dans les cas spéciaux de l'art. 278, C. pén., et de l'art. 4 de la loi du 27 mai 1885. V. en ce sens, Garraud, op. et loc. cit. Adde sur la question, notre Rép. gen. du dr. fr., v° Vagabondage, n. 55 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 61 et s.

D'autres auteurs distinguent entre les ressources immorales et les ressources illicites. Les ressources illicites ne pourraient pas être considérées comme des moyens de subsistance; au contraire, ne pourrait être retenu pour vagabondage un individu qui posséderait des ressources d'origine seulement immorale. V. en ce sens, notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 269 à 273, n. 63, 67. C'est ainsi que, contrairement aux décisions cidessus rapportées, une fille trouvée en possession d'une somme d'argent provenant de sa prostitution ne pourrait être considérée comme étant en état de vagabondage.

Une partie de la jurisprudence est en ce sens. Il a été jugé, par exemple, que ne peut être condamné comme vagabond l'individu trouvé nanti d'une somme importante, alors même qu'une partie de cette somme proviendrait du jeu, s'il n'a été relevé contre lui aucune fraude (V. Chambéry, 27 déc. 1888, précité, et la note) et qu'il en serait autrement si cette somme provenait de la contrebande. V. en ce sens, Chambéry, 27 déc. 1888, précité. Adde, Trib. de Romorantin, 9 mars 1901 (Pand. pér., 1903.2.38). Comp. Cass. 17 juill. 1908, précité. V. aussi, Chauveau et Faustin-Hélie, op. cit., t. 3, n. 1099; et notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 269 à 273, n. 63 et s.

Il nous paraît certain que des ressources ayant une origine illicite ne peuvent mettre à l'abri du vagabondage. Ce que la loi veut, c'est que celui qui n'a ni profession ni domicile ait du moins des moyens d'existence, afin qu'il ne soit pas tenté de se procurer des ressources par des moyens illicites. Or, si un individu, poursuivi pour vagabondage, ne peut justifier que de ressources ayant une origine illicite, il apporte lui-même la preuve qu'il est précisément un de ceux qui ne peuvent vivre qu'en commettant des délits, c'est-à-dire un de ceux que la loi veut frapper; on ne peut donc concevoir II PART. 8

Ire Espèce. - (Beauvillain). - ARRÊT.

LA COUR; Considérant que le tribunal a acquitté la fille Beauvillain, âgée de dix-sept ans, poursuivie pour vagabondage, comme n'ayant ni domicile certain, ni moyens d'existence, et n'exerçant habituellement ni métier ni profession, en se fondant sur ce que, selon lui, depuis la loi du 11 avril 1908, les moyens d'existence résultant de la prostitution ne pourraient plus étre considérés comme « inavouables », c'est-à-dire insuffisants pour soustraire la fille mineure, qui vit de son racolage sur la voie publique, aux pénalités prévues pour le délit de vagabondage;

Mais

que de telles ressources mettent le prévenu à l'abri d'une condamnation, alors que le délit par lequel il s'est procuré ces ressources peut n'entraîner qu'une sanction insignifiante, ou même échapper à toute répression.

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La question est évidemment plus délicate si les ressources sont d'origine seulement immorale. Le caractère immoral de telles ou telles ressources peut prêter à discussion. Cependant il est des cas où le doute n'est pas possible: celui où les ressources proviennent de la prostitution est du nombre. Et il faut, à notre avis, décider qu'une femme, qui tire ses moyens d'existence de la prostitution, n'a pas de moyens de subsistance, au sens de l'art. 270, C. pén. C'est en ce sens que se prononcent les deux arrêts de la Cour de Paris ci-dessus rapportés. V. égal., Paris, 10 mars 1893, rapporté en sous-note (a). V. aussi, Cass. 23 août 1883 (S. 1885.1.513. P. 1885.1.1204), arrêt décidant que les souteneurs, qui n'ont d'autres ressources que le produit de la prostitution de leur maîtresse, doivent être considérés comme n'ayant pas de moyens de subsistance. L'expression même : « moyens de subsistance peut-elle comprendre des ressources illicites ou immorales? Elle est beaucoup moins compréhensive que ne le serait le mot ressources » lui-même. Ni dans le langage usuel, ni, à plus forte raison, dans le langage juridique, on ne peut considérer comme moyens de subsistance des moyens contraires à la loi ou à la morale. Cette expression exclut les ressources, qui, par cela seul qu'elles proviennent de moyens punis par la loi ou réprouvés par les mœurs, sont nécessairement précaires; on doit entendre par moyens de subsistance des ressources ayant un caractère certain, régulier, permanent; elles doivent, en un mot, mettre l'individu en état de subsister. Les travaux préparatoires du Code pénal, et notamment le rapport au Corps législatif, marquent nettement cette intention du législateur : les vagabonds y sont définis : des gens sans aveu qui n'ont ni domicile certain ni moyens d'existence assurés ». Cela n'implique d'ailleurs nullement que les tribunaux aient tort d'acquitter des individus non domiciliés, mais trouvés porteurs de sommes d'argent parfois très minimes: ces acquittements sont justifiés, si le juge a considéré que ces sommes minimes, au lieu de constituer en soi des moyens de subsistance suffisants, sont seulement la preuve que le prévenu travaille au (a) (S...). ARRÊT.

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a

LA COUR; Considérant, en fait, que la jeune S... avait moins de seize ans, lorsqu'elle a été arrêtée dans le bois de Vincennes se livrant à la prostitution; - Considérant que la fille S... avait quitté sa mère depuis plusieurs mois; que celle-ci, au cours de l'instruction, a refusé de reprendre sa fille; que la jeune S... a avoué n'avoir, en réalité, d'autres ressources pour vivre que la prostitution; -- Considérant qu'à raison de ces faits, la jeune S... a été

considérant que la loi de 1908 n'a en rien modifié le caractère du délit ci-dessus spécifié, tel qu'il est prévu par les art. 269, 270 et 271, C. pén.: qu'elle n'a nullement entendu modifier l'interprétation donnée jusque-là à l'expression moyens d'existence, employée par l'article précité, ni soustraire les filles mineures à l'application de ces articles du Code pénal, quand le délit de vagabondage est caractérisé; qu'il convient seulement donc de rechercher, dans notre espèce, comme dans toutes poursuites du chef de vagabondage, si les éléments constitutifs du délit sont réunis;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et des débats, et des propres aveux de

moins de temps à autre, et qu'il a, par conséquent' un moyen régulier de gagner sa vie.

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Il est si vrai que la loi ne considère nullement une somme ou des valeurs trouvées sur un vagabond comme constituant nécessairement des moyens de subsistance qu'elle tient, au contraire, comme suspectes a priori les ressources trouvées sur lui, dès qu'elles ont une certaine importance; l'art. 275, C. pén., impose, en effet, au vagabond, trouvé porteur d'un ou de plusieurs effets d'une valeur supérieure à 100 fr., l'obligation de prouver que leur origine est légitime; si cette origine reste inconnue, la peine du vagabondage est aggravée. Comprendrait-on, dès lors, l'acquittement d'un individu trouvé porteur de ressources dont l'origine frauduleuse ou immorale serait établie?

c) Profession. Nous retrouvons ici les mêmes opinions contraires. Certains estiment que le juge n'a pas à apprécier la nature ou la moralité du métier. V. Chauveau et Faustin-Hélie, op. cit., t. 3, n. 1100. - D'autres décident que le juge doit exiger la justification d'une profession avouable. V. notre C. pén. annoté, par Garçon, sur les art. 269 & 273, n. 84. V. également en ce sens, pour le cas d'exercice d'une profession délictueuse, Cass. 8 mars 1897 (S. 1890.2.213. P. 1890.1. 1198). Il semble que les mêmes motifs imposent de décider ici comme en matière de moyens de subsistance. En effet, celui qui n'a pas de ressources constitue un danger social s'il ne travaille pas; or, se prostituer n'est pas travailler. Les mots « profession », métier », désignent un état auquel la loi fait produire des effets légaux; elle n'a pas pu vouloir donner une portée juridique à un métier qui, en lui-même, constituerait une violation de la loi pénale ou de la loi morale. La prostitution ne peut donc être tenue pour une profession, au sens de l'art. 270, C. pén. Comp. Aix, 9 janv. 1884 (Journ. du minist. public, 1884, p. 102); Chambéry, 27 déc. 1888, précité, et la note.

II. Si le délit de vagabondage peut être en principe relevé à la charge de la mineure qui vit de la prostitution, en est-il ainsi pour les mineurs de dix-huit ans auxquels s'applique la loi du 11 avril 1908 ?

Pour soutenir que, depuis la loi de 1908, les mineurs de dix-huit ans prostitués ne peuvent plus être condamnés pour vagabondage, on raisonne ainsi la loi du 11 avril 1908 a entendu régletraduite devant le tribunal correctionnel sous prévention de vagabondage, qu'elle a été acquittée comme ayant agi sans discernement, mais qu'elle a été renvoyée dans une maison de correction jusqu'à sa vingtieme année; Considérant qu'à l'appui de l'appel porté de ce jugement, on prétend que la filie S... ne se trouve pas en état de vagabondage dans les conditions prévues par l'art. 270, C. pén.; que, si elle ne justitie pas d'un travail régulier, elle trouvait au moins dans la prostitution des moyens d'existence; Considérant que la prostitution publique

la fille Beauvillain, qu'elle avait abandonné le domicile de sa mère, depuis trois mois, pour aller vivre en hôtel avec son amant, quand elle fut arrêtée sur la voie publique, le 5 avril dernier; que, depuis lors, elle subvient à ses besoins personnels à l'aide du produit de sa prostitution, sans exercer régulièrement son métier de rempailleuse; Considérant que, dans ces conditions, la prévenue se trouve bien en état de vagabondage; qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision des premiers juges; Par ces motifs; - Infirme; Déclare la prévenue coupable du délit de vagabondage ci-dessus spécifié, prévu et puni par l'art. 271, C. péñ., etc.

menter, d'une manière complète et exclusive, la prostitution des mineurs de dix-huit ans; elle a voulu les soustraire à la juridiction répressive, leur éviter la comparution devant le tribunal correctionnel et l'envoi en correction, pour ne les soumettre qu'à des mesures de préservation appliquées dans des établissements spéciaux. Elle a défendu d'arrêter les mineurs qui se prostituent; sauf en cas de récidive, il ne peut que leur être dressé procès-verbal. Il en est ainsi, soutient-on, dans tous les cas, que le mineur soit ou non sans domicile et sans ressources. Permettre de l'arrêter pour vagabondage serait permettre de tourner la loi, et réduire singulièrement l'étendue de son domaine d'application, car les mineurs prostitués sont le plus souvent vagabonds. V. en ce sens, Trib. corr. de la Seine (8° ch.), 10 mai 1909 (Gaz. Trib., 1909.1., 2° part., p. 477); Nast, Le vagabondage et la prostitution des mineurs et la loi du 11 avril 1908 (Rev. crit., 1909, p. 482 et s.).

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Il semble bien certain que telle n'a pas été la pensée du législateur, qui a voulu assurer la répression de la prostitution des mineurs, et non supprimer les armes qui servaient déjà à la combattre. Pour qu'on pût soutenir avec quelque chance de succès que les art. 269 et s., C. pen., ont été supprimés en ce qui concerne les mineurs prostitués, il faudrait que le législateur de 1908 l'eût dit expressément, et on ne peut, en invoquant l'esprit de la loi, rayer une disposition du Code. Ira-t-on jusqu'à dire que, pour se conformer à l'esprit de la loi de 1908, il faudra interdire d'arrêter un mineur prostitué qui aura commis un outrage public à la pudeur? 11 n'y a pas plus de raison, dans le silence de la loi de 1908, pour supprimer l'application aux mineurs de dix-huit ans des art. 269 et s., C. pén., alors qu'on ne prétend pas toucher à l'art. 330. Ce que la loi de 1908 a voulu, c'est combler les lacunes de la législation antérieure, qui ne pouvait être appliquée dans tous les cas. Auparavant, on ne pouvait poursuivre les mineurs prostitués que lorsqu'ils étaient sans domicile et sans ressources. Depuis la loi de 1908, il est possible d'atteindre les autres, même ceux qui ont u domicile, même ceux qui vivent chez leurs parents, même ceux qui exercent un métier. V. d'ailleurs, sur l'application de la loi du 11 avril 1908, Prévost, Etudes juridiques et sociales, La loi du 11 avril 1908; Garçon, De la prostitution des enfants (Rev. pénitentiaire, 1909, p. 770).

ne saurait procurer à une fille mineure de seize ans des moyens d'existence qui lui permettent d'échapper à l'application des art 270 et 271, C. pén.; qu'en effet, la corruption et la débauche d'un enfant ne sauraient lui constituer un moyen de se soustraire à l'obligation que la loi impose à tous les citoyens d'avoir un domicile certain et de se livrer à un travail régulier dans la limite de leurs facultés; - Par ces motifs; - Confirme, etc,

Du 10 mars 1893. - C. Paris, ch. corr. M. Dupont, prés.

Du 18 nov. 1909. C. Paris, ch. corr. MM. Bidault de l'Isle, prés.; Deshayes, subst.

2o Espèce.

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(Ruffin).

ARRÈT. LA COUR; En fait : Considérant qu'il résulte non seulement des déclarations de l'inculpée au cours de l'information, mais aussi des pièces admises au dossier, que la fille Ruffin ne travaillait pas, et, pour subvenir à ses besoins, se livrait à la prostitution; - En droit : - Considėrant qu'on ne saurait admettre comme ayant le domicile certain », exigé par l'art. 270, C. pén., une enfant de dix-sept ans, qui vit, à l'insu de ses parents, dans un hôtel garni, à la semaine, alors qu'elle ne tire ses ressources que de la débauche clandestine; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a déclaré constant le délit de vagabondage; Par ces motifs; Confirme, etc.

Du 22 déc. 1909. - C. Paris, ch. corr. - MM. Courot, prés.; Peysonnié, av. gén.

TRIB. DE LA SEINE 8 juin 1909. BAIL A LOYER, EXPIRATION DU BAIL, CESSATION DE LA JOUISSANCE, PREMIÈRE QUINZAINE DU TRIMESTRE, PARIS (VILLE DE), USAGE (AUTORITÉ DE L'), PROPRIÉTAIRE, REPRISE DE POSSESSION, RÉPARATIONS LOCATIVES, FAUTE (Rép., vo Bail à loyer, n. 335, 336 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 622 et s.).

Encore bien que, d'après le bail, la location expire le 1er du mois, le locataire d'un appartement dont le prix de location annuel dépasse 400 fr. a le droit, en vertu des usages de la ville de Paris, de conserver la complète jouissance de l'appartement jusqu'au 15 du mois (1).

Et, les renonciations ne se présumant pas, le locataire, en déménageant une partie de son mobilier avant le 15, et en laissant une des deux clefs de l'appartement au concierge pour le faire visiter, ne peut être présumé avoir tácitement renoncé à ses

(1 à 3) A Paris, les baux portent, en général, comme date d'entrée en jouissance du locataire, et comme date de paiement des loyers, le premier jour des trimestres de janvier, avril, juillet et octobre; mais on sait que l'usage s'est introduit de n'exiger le paiement des loyers que le 8, pour les loyers ne dépassant pas 400 fr., et le 15, pour les loyers au-dessus de cette somme. Et. quel qu'ait été, à l'origine, le caractère de cette dérogation aux clauses du bail, qui paraît bien avoir eu pour but d'accorder un délai de grâce au locataire (V. à cet égard, la note sous Paris, 10 nov. 1896, et Trib. de la Seine, 13 nov. 1895 et 11 févr. 1896, S. et P. 1898. 2.249), il est bien certain que l'usage lui a donné un effet obligatoire, et qu'elle s'est substituée, pour la date d'exigibilité des loyers, la date indiquée par le bail, en telle sorte que le bailleur ne peut réclamer le paiement des loyers avant le 8 ou le 15, suivant l'importance de la location. V. Paris, 10 nov. 1896, et Trib. de la Seine, 13 nov. 1895 et 11 févr. 1896, précités, et la note; Trib. de la Seine, 3 mai 1907 (S. et P. 1909.2.296; Pand. pér., 1909.2.296), et le renvoi. Par une corréla

droits et autorisé le propriétaire à reprendre possession de son appartement avant la date normale de l'expiration de la location (2).

En conséquence, il y a faute de la part du propriétaire, dans le fait de pénétrer, à l'insu du locataire, dans son appartement, avant le 15, pour faire dresser un état des réparations locatives, et d'empêcher le locataire, qui avait d'ailleurs payé son terme, d'achever son déménagement, afin d'obtenir de lui, par celle voie de fait, le paiement de réparations non encore exigibles, et dont, d'autre part, le montant n'avait pas été évalué contradictoirement (3).

(Penin et Mézin C. Griffoulières).

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JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que Griffoulières, locataire de Penin, en vertu d'un bail expirant le 1er oct. 1908, avait le droit, d'après l'usage certain de Paris, de conserver la complète jouissance de son appartement jusqu'au 15 oct., époque à laquelle seulement il était tenu de le remettre à la dispo-ition du propriétaire en bon état de réparations locatives, ou de payer le montant de celles-ci, après évaluation contradictoire; Attendu qu'en déménageant une partie de son mobilier avant cette date, et en laissant une des deux clefs des lieux au concierge pour les faire visiter, Griffoulières ne peut être présumé avoir tacitement renoncé à ses droits, et autorisé Penin à reprendre possession de son appartement avant l'époque où, dans la réalité, prennent fin les locations supérieures à 400 fr.; que les renonciations ne se présument pas; Attendu que Penin a donc commis une faute en pénétrant chez Griffoulières à son insu pour faire, avant le 15 oct. 1906, dresser un état des réparations locatives, et en empêchant son locataire, qui avait, d'ailleurs, payé son terme, d'achever son déménagement, afin d'obtenir de lui, par cette voie de fait, le paiement de réparations non encore exigibles, et dont, d'autre part, le montant n'avait pas été évalué contradictoirement; Par ces motifs - Confirme la sentence rendue

tion nécessaire, l'usage qui, en dépit des stipulations des baux, a retardé jusqu'au 8 ou au 15 la date de paiement des loyers, a eu pour effet de reporter aux mêmes dates l'entrée en jouissance du locataire et sa cessation de jouissance. V. Usages locaux de la Ville de Paris, 1840-1898, n. 81; et la note sous Paris, 10 nov. 1896 et autres décisions précitées. Le locataire a donc le droit de demeurer en jouissance jusqu'au 8 ou au 15, suivant l'importance de la location. V. en ce sens, la note sous Trib. de la Seine, 3 mai 1907, précité, et les renvois. Adde, Agnel et Pabon, Code des propr. et locat., 9° éd., n. 1101, p. 106. Il s'ensuit que, avant cette date, le bailleur ne peut reprendre possession des lieux loués (V. Trib. de la Seine, 19 mai 1904, Journ. Le Droit, 13 oct. 1904; Agnel et Pabon, op et loc. cit.), même pour faire des réparations. V. Trib. de la Seine, 19 mai 1904, précité. (4 à 6) Suivant la jurisprudence de la Cour de cassation, si la loi du 9 avril 1898 ne s'applique pas, en principe, aux accidents dus à l'action des forces de la nature, même quand ils sont survenus pendant le travail, il en est autrement, lorsqu'il est

le 20 mars 1909 par le juge de paix du 15e arr. de Paris, etc.

Du 8 juin 1909. Trib. civ. de la Seine, 70 ch. MM. François-Poncet, prés. ; Bonnet, subst.: de Las Cases et Le Barazer,

av.

TRIB. DE CAHORS 2 mars 1910. OUVRIER, ACCIDENTS DU TRAVAIL, RESPONSABILITÉ, LOI DU 9 AVRIL 1898, ACCIDENTS DONNANT LIEU A INDEMNITÉ, FORCE MAJEURE, FORCES DE LA NATURE, FOUDRE, CONDITIONS DU TRAVAIL DANGEREUSES, Proximité de fils TÉLÉGRAPHIQUES (Rép., vo Responsabilité civile, n. 1675 et s.; Pand. Rép., vo Travail, n. 2128 et s.).

L'accident qui a sa cause dans un cas de force majeure absolument indépendant du travail échappe à l'application de la loi du 9 avril 1898 (4) (L. 9 avril 1898, art. 1er).

Mais, lorsque des ouvriers sont obligés par leur travail à rester pendant un orage en contact ou à proximité d'un ou de plusieurs objets généralement considérés comme bons conducteurs d'électricité, tels que les poteaux et les fils télégraphiques, ces ouvriers se trouvant ainsi exposés plus que les autres au danger d'être foudroyes, ce danger devient pour eux un risque professionnel garanti par la loi du 9 avril 1898, et l'accident, dont est victime un de ces ouvriers, frappé par la foudre, doit être considéré, non comme un cas de force majeure, mais comme un accident du travail (5) (Id.).

Spécialement, lorsqu'un ouvrier, qui travaillait sur un chantier (en l'espèce, une ligne de chemin de fer), particulièrement exposé aux coups de foudre, à raison de la proximité de poteaux et de fils telegraphiques, s'étant, au cours d'un violent orage, réfugié dans une guérite au-dessus de laquelle passaient, à un mètre de hauteur, des fils télégraphiques, a été mortellement atteint par la foudre, ses ayants droit sont fondés à se prévaloir des dispositions de la loi du 9 avril 1898 pour réclamer indemnité (6) (Id.).

constaté que le travail a contribué à mettre ces forces en mouvement, ou qu'il en a aggravé les effets. V. Cass. 2 mars 1904 (S. et P. 1905.1.399, et la note; Pand. pér., 1905.1.217); 8 juin 1904 (S. et P. 1907.1.351; Pand. pér., 1906.1.16). Adde dans le même sens, Lyon, 3 mai 1910 (S. et P. 1910.2.247; Pand. pér., 1910.2.247), la note et les renvois. Il suit de là qu'un accident causé par la foudre donne ouverture à l'indemnité prévue par la loi du 9 avril 1898 en cas d'accident du travail, si les circonstances dans lesquelles cet accident est survenu révèlent que la victime était exposée par son travail à un risque particulier. V. not., Paris, 11 janv. 1902 (S. et P. 1906.2.124), et la note; Lyon, 3 mai 1910, précité, et la note. La jurisprudence de l'Office impérial d'assurances d'Allemagne, comme le rappelle le jugement ci dessus, est différente. Elle décide que, lorsqu'un ouvrier est frappé par la foudre sur le lieu et au moment de son travail, ce concours de circonstances suffit à constituer la preuve du rapport de causalité entre l'accident et le travail. V. Office impérial d'assurances d'Allemagne, 25 mai 1905 et 29 mai 1906

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LE TRIBUNAL; Attendu qu'à la date du 9 sept. 1909, Marty, ouvrier terrassier du sieur Lacoste, entrepreneur de travaux publics à Cahors, travaillait avec son camarade Ausset et son chef de chantier Cornille, sous la surveillance de Crayssac, chef d'équipe à la Comp. d'Orléans, sur la voie du chemin de fer de Cahors à Montauban, au kilomètre 616-500, au lieu dit Brigaille, et à une faible distance de la gare de Salbenque; que, vers les 3 h. 50 du soir, un orage allant éclater, Crayssac se réfugia avec lesdits ouvriers dans une guérite, située sur la droite de la voie, lorsqu'on se dirige sur Montauban, et dont les dimensions sont les suivantes : 3 m. 80 de long, 3 m. 30 de large et 2 m. 40 de haut; que cette guérite, recouverte d'une toiture en ardoise, avec deux tombants d'eau, a sa porte d'entrée au sud, du côté de la gare de Salbenque, et qu'elle se trouve munie, au nord et en face de la porte d'entrée, d'une ouverture sans vitres à un mètre au-dessus du sol; que ladite construction est, de plus, située à l'extrémité d'une tranchée profonde, par endroits, de 10, 12 et 17 mètres; que, du meme côté que celui de la guérite ou cabane, et au nord et au sud de cette construction, se trouvent, longeant la voie, plusieurs poteaux télégraphiques, dont deux, parmi ceux du sud, à 8 mètres de la cabane, en avant de la porte d'entrée, et qu'enfin, les trois derniers fils télégraphiques, c'est-à-dire les fils les plus bas desdits poteaux, passent à une distance de un mètre environ au-dessus du toit de la cabane dont s'agit; Attendu que les quatre personnes susvisées étaient à peine arrivées dans la guérite en question qu'un grand coup de tonnerre se fit entendre; que Crayssac, chef d'équipe à la Comp. d'Orléans, et Cornille, chef de chantier au service de l'entrepreneur Lacoste, ressentirent, en même temps que se produisit l'éclat de tonnerre, un violent choc, et que, lorsque ces derniers eurent repris leurs sens, ils virent les ouvriers Ausset et Marty renversés l'un sur l'autre sur la porte de la cabane, Ausset se plaignant seulement d'une douleur au bras gauche, mais non grièvement blessé, et Marty tombé mort foudroyé; Attendu que Marty laisse une veuve et trois enfants, àgés, l'aîné de dix ans, le cadet de cinq ans, et le troisième de deux ans, et que ladite veuve, se prévalant aujourd'hui des termes de l'art. 3 de la loi du 9 avril 1898, demande à l'entrepreneur Lacoste et à la Comp. d'assurances la Préservatrice une rente viagère égale à 20 p. 100 du salaire annuel de son mari pour elle-même, et une rente calculée sur ce même salaire, à raison de 35 p. 100, pour ses enfants; Atiendu qu'aux termes de l'art. 1er de la loi du 9 avril 1898, les accidents survenus par fait ou à l'occasion du travail donnent seuls

le

(S. et P. 1909.4.25; Pand. pér., 1909.4.25). V. au surplus, la note de M. Sachet sous ces arrêts; et la note sous Lyon, 3 mai 1910, précité.

(1-2) Les art. 717 et 772, C. proc., ont reconnu

droit au profit de la victime ou de ses représentants à une indemnité; qu'il est unanimement admis, à cet égard, que les conséquences dommageables de la force majeure qui a sa cause dans un fait absolument indépendant du travail ne doivent pas être comprises dans la loi de 1898; et qu'il y a lieu de rechercher si, en l'espèce, la chute de la foudre doit être considérée comme un événement de force majeure; que cette question a soulevé jusqu'à présent, en notre matière, des contestations si subtiles qu'on est à se demander s'il n'y aurait pas lieu, dans l'intérêt supérieur de la justice, de décider, ainsi que le fait aujourd'hui la jurisprudence de l'Office impérial d'Allemagne, en se basant sur des principes analogues à ceux posés par le législateur de 1898, que l'ouvrier atteint par la foudre, alors qu'il était à son poste de travail, a été, dans tous les cas, victime, non pas d'un événement de force majeure, mais d'un véritable accident de travail; que la jurisprudence française ne paraît pas, il est vrai, s'être prononcée encore dans ce sens; mais qu'il est certain cependant que, pour qu'il y ait lieu en France à l'application de la loi de 1898, il suffit que les conditions dans lesquelles a travaillé l'ouvrier aient aggravé, pour lui, les risques d'être atteint par l'accident dont il a été victime; que. partant de ce principe, et sans aller jusqu'à enseigner que tout ouvrier qui se trouve atteint par la foudre, lorsqu'il est sur son chantier, est victime d'un accident de travail, la doctrine francaise paraît admettre que les ouvriers, obligés par leur travail à rester pendant un orage en contact ou à proximité d'un ou de plusieurs des objets généralement considérés comme bons conducteurs d'électricité, tels que les poteaux et les fils télégraphiques, se trouvent exposés plus que les autres au danger d'être foudroyés, et que ce danger devient pour eux un risque professionnel garanti par la loi de 1898; que, dans l'espèce, le chantier sur lequel s'est produit l'accident était bordé, d'un côté, de fils et de poteaux télégraphiques, dont plusieurs, et notamment l'un, situé à 8 mètres de la cabane susvisée, ont été atteints et ravagés par la foudre, au moment et presque au lieu même où Marty a été mortellement frappé, et qu'il est certain que ce chantier devait présenter, à raison même de la proximité où il se trouvait desdits objets, un danger tout spécial à cet égard; qu'il y a donc lieu de dire que, si Marty a succombé, c'est parce qu'il se trouvait, à raison de son travail, sur un chantier particulièrement dangereux au point de vue des atteintes de la foudre, et qu'il doit par cela même pouvoir invoquer le bénéfice de la loi de 1898; qu'au surplus Lacoste et la Comp. la Préservatrice paraissent admettre, dans leurs conclusions du 4 févr. 1910, que les employés de chemins de fer, victimes de la foudre, ou leurs représentants, peuvent invoquer le bénéfice de la loi dont s'agit,

aux créanciers à hypothèques légales dispensées d'inscription, et qui ne se sont pas fait inscrire dans le délai à eux imparti par les sommations de l'art. 692, C proc., au cas de saisie, ou par les

parce que l'obligation où se trouvent ces employés de rester à proximité des fils et poteaux télégraphiques, pendant les orages, constitue pour eux une aggravation de risques; mais que si, comme le pense le tribunal, cette thèse doit être admise, il faudrait sans doute dire alors, d'après les défendeurs même, que, si le chef d'équipe qui se trouvait dans la même guérite que Marty avait été, lui aussi, mortellement atteint par la foudre, sa veuve pourrai: aujourd'hui invoquer les dispositions de la loi de 1898, et qu'il est évident que, si l'on doit admettre que la proximité des fils et poteaux télégraphiques eut pu constituer une aggravation de risques pour le chef d'équipe en question, il faut également admettre que cette même proximité desdits objets a dû augmenter aussi les risques de danger pour les autres ouvriers, et notamment pour la victime du 9 sept. 1909; que toute décision qui établirait une différence à cet égard entre les divers ouvriers travaillant dans un même lieu serait illogique et injuste, et que le tribunal ne saurait en aucune manière l'adopter; Par ces motifs, etc.

Du 2 mars 1910. Trib. civ. de Cahors. MM. Daurenson, prés.; Villotte, proc. de la Rép.; Lacaze et Gisbert, av.

TRIB. D'AURILLAC 23 novembre 1910. HYPOTHÈQUE LÉGALE, FEMME MARIÉE, DIS

SOLUTION DU MARIAGE, INSCRIPTION (DÉFAUT D'), NOTIFICATION A FIN DE PURGE, OUVERTURE DE L'orɔre, DÉLAI DE TROIS MOIS, DROIT DE PRÉFÉRENCE (Rép., v Hypothèques, n. 824 et s.; Pand. Rép., vo Privilèges et hypothèques, n. 9120 et s.).

La disposition de l'art. 8 de la loi du 23 mars 1855, aux termes de laquelle la femme mariée est tenue, pour conserver le rang de son hypothèque légale, de l'inscrire dans l'année qui suit la dissolution du mariage, ne s'applique pas, si, avant l'expiration de ce délai d'une année, l'acquéreur de l'immeuble greve d'hypothèque notifie son contrat, en vertu de l'art. 2194. C. civ., pour purger l'immeuble des hypothèques légales non inscrites (1) (C. civ., 2194; L. 23 mars 1855, art. 8).

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En pareil cas, la femme mariée, bien que n'ayant pris aucune inscription dans l'année qui a suivi la dissolution du mariage, peut se prévaloir de l'art. 772, C. proc., aux termes duquel les créanciers à hypothèques légales, qui n'ont pas fait inscrire leurs hypothèques dans le délai fixe par l'art. 2195, C. civ., ne peuvent exercer leur droit de préférence sur le prix qu'autant qu'un ordre est ouvert dans les trois mois qui suivent l'expiration de ce délai, et sous les conditions déterminees par la dernière disposition de l'art. 717, C. proc. ». pour produire, en vertu de son hypothèque legale, à l'ordre ouvert dans le délai fixé par l'art. 772 (2) (C. civ., 2135; C. proc., 717, 772).

notifications à fin de purge de l'art. 2194, C. civ., au cas d'aliénation volontaire ou d'adjudication n'entraînant pas purge virtuelle, le droit de se présenter à l'ordre pour y faire valoir leur droit

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