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sir de voir à une certaine époque ses lettres réunies en volume, et, par conséquent, de s'en réserver la propriété; qu'il semble au contraire que cet épistolier, qui fut exquis et abondant, comme le démontrent les recherches de Chambon, a toujours affiché, au point de vue de sa correspondance, le désintéressement le plus complet, bien qu'il n'ait pu ignorer, en sa qualité de litterateur connu et déjà très apprécié de son vivant, tout le parti qui en pourrait être tiré, tant au point de vue littéraire qu'au point de vue commercial; qu'en effet, il n'a jamais gardé copie de ses lettres, ce qui indique qu'alors qu'il savait très bien s'exposer par ce fait à se trouver dans l'impossibilité d'exercer jamais ses droits d'auteur, il se livrait tout entier à son correspondant, lequel pouvait détruire les lettres, ou les perdre, ou même se refuser à les restituer pour les publier; - Attendu qu'on trouve d'ailleurs la preuve de ce désintéressement de sa correspondance dans le testament que Mérimée a fait le 30 mai 1869, un peu plus d'un an avant sa mort, dans lequel il n'en parle pas, bien qu'après avoir institué deux légataires universels, il ait fait des legs particuliers, et nommé son exécuteur testamentaire M. du Sommerard; qu'on ne saurait concevoir que, si Mérimée ne s'était pas considéré comme définitivement dessaisi de la propriété littéraire de ses lettres, par suite, comme ne devant pas la compter dans son actif, il n'ait pas pris le soin d'en indiquer le sort dans ce testament, alors qu'il y réglait celui des objets auxquels il tenait, de ses tableaux, de ses dessins, de sa tabatiere, même de ses pipes; - Attendu, d'autre part, que Mérimée n'ignorait pas que Victor Cousin avait conservé avec soin des lettres nombreuses et intéressantes qu'il lui avait adressées durant la très longue période de leurs cordiales relations (1833-1867); que, cependant, il n'a jamais songé, bien qu'il ait survécu à Cousin pendant près de trois ans, à reven diquer aucune de ces lettres, après que la bibliothèque de ce dernier, dans laquelle elles figuraient, eût été léguée à l'Etat, sur ses prières, après de longues et délicates négociations de sa part entre l'empereur Napoléon III, l'impératrice Eugénie et Cousin; qu'on trouve encore dans ce fait la preuve la plus évidente que Mérimée, loin d'émettre aucune prétention sur sa correspondance, avait, au contraire, entendu se dépouiller de tous ses droits au profit de ses correspondants; Attendu qu'en conséquence, il ressort de toutes les circonstances qu'il y a eu de la part de Mérimée abandon de son droit de propriété littéraire sur toutes les lettres par lui écrites, et que les destinataires ou leurs héritiers ont pu en autoriser la publication sans le concours des représentants de cet écrivain;

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En ce qui concerne les lettres déposées dans les bibliothèques publiques: - Attendu que si, aux termes du décret du 20 févr. 1809, les manuscrits des bibliothèques nationales, départementales et communales sont la propriété de l'Etat et ne peuvent être imprimés et publiés sans autorisation, il n'en résulte nullement que tout dépôt du manuscrit d'un ouvrage

dans ces bibliothèques ait pour effet d'en enlever la propriété à l'auteur; que ce décret, qui a été inspiré, ainsi qu'on le voit d'après les travaux préparatoires, par une idée de censure préventive, et en vue de la conservation des secrets de l'Etat, ne s'applique, en effet, qu'aux écrits faits pour l'Etat par les fonctionnaires de l'Etat ou ses agents, dans l'exercice de leurs fonctions ou de leur mandat; qu'en conséquence, l'autorisation donnée à Chambon de puiser dans les bibliothè ques publiques les lettres de Mérimée qu'il a incorporées dans son livre ne saurait suffire, dans le cas où les droits de Mérimée ou de ses représentants subsisteraient sur ces lettres; Mais attendu que, par les mêmes motifs que ci-dessus, Mérimée doit être considéré comme ayant abandonné, sur ses lettres déposées dans les bibliothèques comme sur toute sa correspondance, son droit de propriété littéraire; Attendu qu'en conséquence de tout ce qui vient d'être dit, la dame Hémon, qui n'a pas plus de droits que son auteur, ne peut réclamer des dommagesintérêts à raison d'une publication pour laquelle Chambon n'avait pas à lui demander son autorisation; Par ces motifs, etc. ».

Appel par Mme Hémon.

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ARRÊT.

-

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LA COUR; Considérant que Prosper Mérimée a institué ses légataires universelles mistress Ewer et miss Lagden; que la dame Hémon est légataire de mistress Ewer, et que sa qualité de représentante du de cujus n'est pas contestée; Considérant qu'à ce titre, conformément à l'art. 1r du décret-loi du 19 juill. 1793, elle a la propriété littéraire des lettres missives de Prosper Mérimée, et que, si elle n'en détient pas la propriété matérielle, elle peut, du moins, en principe, s'opposer à leur publication, à défaut de son autorisation ou du consentement de l'auteur; Considérant que Chambon a cependant publié des lettres de Mérimée en 1900, et qu'il a été condamné, comme contrefacteur, par un arrêt correctionnel de la Cour d'appel de Paris du 15 juin 1901 (reproduit en sous-note, p. 90); — Considérant que, malgré cette énergique répression, il a publié à nouveau des lettres de Mérimée, sans que ces écrits portassent trace de la permission de l'auteur, et sans l'adhésion de la dame Hémon; que celle-ci a protesté, et a assigné Chambon en dommages-intérêts; Considérant que l'intimé prétend échapper à toute condamnation, en soutenant uniquement que Prosper Mérimée a tacitement abandonné, au profit des destinataires, tous ses droits sur sa correspondance; Considérant qu'une telle renonciation ne se présume pas, mais qu'elle doit être établie avec certitude; que la preuve en devra être d'autant plus complète que cet abandon si général porterait sur l'ensemble d'une correspondance considérable par le nombre des écrits, très variée par ses sujets et le caractère des destinataires, fort intéressante par une valeur littéraire sur laquelle le signataire ne se méprenait point; que, de

plus, Mérimée avait, sur les droits des auteurs, des principes absolument favorables à ceux-ci, et qu'il a manifesté l'intransigeance de ses idées sur cette question, au cours de la discussion, au Sénat, de la loi du 16 mai 1866 (S. Lois annotées de 1866, p. 22, 3 col. - P. Lois, décr., etc. de 1866, p. 39, 2o col.); Considérant que, néanmoins, Chambon entend fournir toute sa démonstration avec les circonstances purement négatives dont le tribunal a fait état : Mérimée n'a pas compris sa correspondance dans son testament; - il n'a jamais indiqué le désir de sa publication posthume; il n'en a point gardé copie; il n'a point réclamé, après la mort de Victor Cousin, les lettres qu'il avait adressées à son ami; Sur la première circonstance: Considérant que Mérimée n'avait pas besoin de tout préciser, puisqu'il léguait toute sa fortune, rentes, actions, argent comptant, argenterie, meubles, et cætera, et que tous ses droits de propriété étaient compris dans cette large énumération, suivie de et cætera »; qu'il n'a pas non plus visé ses oeuvres éditées, et qu'alors, en adoptant le raisonnement du premier juge, on devrait exclure du legs la Chronique de Charles IX et Colomba;

Sur la seconde circonstance: - Considérant que, s'il n'a pas indiqué le désir d'une publication posthume, il n'en a pas moins choisi un exécuteur testamentaire très capable de la surveiller, et qui, d'après les pièces produites, a collaboré à l'édition des lettres de Mérimée à Panizzi; - Sur la troisième circonstance : - Considérant qu'on n'a point retrouvé les brouillons de ses lettres, mais que le genre épistolaire a ses titres de propriété dans la loi, sans distinguer le style laborieux et le style spontané; que l'un n'a pas plus de droit à la protection que l'autre, et qu'on ne saurait tirer du défaut de copie une présomption d'abandon au destinataire, puisque cette omission peut être due seulement à la verve de l'écrivain, et le brouillon à la seule difficulté de sa rédaction; -- Sur la quatrième circonstance :- - Considérant que Mérimée a négocié, lui-même, d'accord avec Napoléon III, le legs à l'Etat de la bibliothèque de Victor Cousin; que cette bibliothèque était riche d'autographes divers, et que, si Mérimée n'a pas revendiqué les siens, ce peut être parce qu'il n'avait envoyé au philosophe que soixante lettres en trente-quatre ans, ou parce qu'il n'était plus propriétaire des manuscrits et ne voulait pas se heurter à des difficultés, ou parce qu'il n'entendait point priver l'Etat d'une partie de ce qu'il avait tant contribué à lui faire donner; Considérant, dès lors, que la démonstration tentée par Chambon est tout à fait insuffisante, et qu'en conséquence, c'est sans droit, et au mépris des droits de l'appelante, qu'il a fait éditer les lettres dont la publication est incriminée, et exploité ainsi une œuvre littéraire dont il n'est pas propriétaire; qu'il a causé à l'appelante un préjudice dont il lui doit réparation; Par ces motifs; - Infirme; Condamne, ete. Du 13 juill. 1910. C. Paris, 1re ch, MM. Forichon, 1er prés.; Séligman, av. gén.; Masse et Bordier, av.

C. D'APPEL DE L'INDO-CHINE 24 juin 1910.

10 TRAITÉS DIPLOMATIQUES OU POLITIQUES, INTERPRÉTATION, AUTORITÉ JUDICIAIRE, JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES (Rép., vo Traité international, n. 160 et s.; Pand. Rép., vo Traités internationaux, n. 111 et s.).

2o PAYS RÉUNIS, ANNAM, TONKIN, ANNEXION DE TERRITOIRE, CONCESSION, CESSION DE SOUVERAINETÉ, INDIGENES ANNAMITES, SUJETS FRANÇAIS, TRIBUNAUX FRANÇAIS, COMPÉTENCE (Rép., vo Tonkin, Annam et Cambodge, n. 548 et s., 582; Pand. Rep., vis Annam, n. 157 et s., Colonies, n. 1969 et s.).

1o Les tribunaux de l'ordre judiciaire comme les juridictions administratives ont compétence pour interpréter les traités diplomatiques régulièrement promulgués, en tant du moins que cette interprétation est nécessaire à la solution des questions litigieuses d'intérêt privé dont ils sont saisis (1).

2° L'ordonnance du roi d'Annam, en date du 3 oct. 1888, qui a érigé en concessions françaises les territoires des villes d'Hanoi, Haiphong, au Tonkin, et Tourane, en Annam, et cédé au gouvernement français, « en toute propriété », ces territoires, sur

(1) La jurisprudence paraît fixée en ce sens que, si les tribunaux doivent se refuser à donner l'interprétation des traités, alors qu'il s'agit d'en fixer le sens et la portée au point de vue du droit international (V. en ce sens, Cass. 30 juin 1884, S. 1886.1.174. P. 1886.1.402, et les renvois; C. d'appel de l'Afrique occidentale française, 1er mars 1907, S. et P. 1908.2.209; Pand. pér., 1908.2.209, et les renvois. V. aussi, Cass. Rome, ch.-réun., 28 févr. 1899, S. et P. 1902.4.2), il leur appartient, au contraire, d'interpréter les traités, lorsque cette interprétation se rapporte à des intérêts privés. V. en ce sens, Aix, 19 déc. 1906 (S. et P. 1908.2.13; Pand. pér., 1908.2.13), et les renvois.

(2 à 5) La question résolue par l'arrêt ci-dessus recueilli se rattache à la question plus générale de la compétence des tribunaux français à l'égard des Annamites en Indo-Chine. Aux termes de l'art. 1er du décret du 1r déc. 1902 (S. et P. Lois annotées de 1904, p. 690; Pand. pér., 1903.3.29): Dans toute l'étendue des territoires du Tonkin, de l'Annam et du Laos, la juridiction française est seule compétente, en matière civile ou commerciale, toutes les fois qu'un Européen, un sujet français ou un étranger quelconque sera partie ou en cause ».

De là il résulte notamment, sans difficulté, que si un procès s'élève en Annam-Tonkin entre un Annamite originaire de ce pays et un Annamite originaire de Cochinchine, ce sont les tribunaux français qui sont compétents, parce que cet Annamite originaire de Cochinchine est sujet français.

La même solution doit-elle être adoptée, si, au lieu d'un Annamite originaire de Cochinchine, nous supposons un Annamite originaire des territoires urbains de Hanoï, de Haïphong ou de Tourane? A cette question, l'arrêt ci-dessus répond par l'affirmative, et il en donne cette raison que, la souveraineté de ces territoires ayant été cédée à la France, les indigènes qui en sont originaires sont sujets français, au même titre que ceux de la Cochinchine et de toutes nos colonies en général. La négative avait, au contraire, été adoptée par le jugement du tribunal civil d'Haiphong du 15 mai

lesquels le gouvernement annamite renonçait à tous ses droits, a eu pour effet de confèrer au gouvernement français, non seulement les droits de propriété que pouvait avoir sur les territoires cédés, suivant la nature des biens, le gouvernement annamite, mais encore le droit de souveraineté politique (2).

Vainement on objecterait qu'aux termes de l'art. 8 de la loi constitutionnelle du 16 juill. 1875, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi, l'adjonction au territoire français des villes d'Hanoi, Haiphong et Tourane ayant été ratifiée par anticipation par la loi du 15 juin 1885, approuvant le traité franco-annamite du 6 juin 1884, en vertu duquel a été rendue l'ordonn. du 3 oct. 1888, et qui, en prescrivant l'ouverture au commerce de certains ports, ajoutait que d'autres ports pourraient être ultérieurement ouverts, après entente préalable, et que

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des conférences ultérieures régleraient les limites des concessions dans chacun de ces ports (3) (L. 16 juill. 1875, art. 8; Tr. franco-annamite, 6 juin 1884; L. 15 juin

1885).

En conséquence, un sujet annamite, né et domicilié dans la ville d'Hanoï, est devenu sujet français par l'effet de la cession de

1909, que la Cour a infirmé (V. le texte de ce jugement dans le Rec. de législ., de doctr. et de jurispr. colon., 1910.3.189).

La question de savoir quelle est la nature et quelle est l'étendue des droits de la France sur les territoires urbains de Hanoï, de Haïphong et de Tourane n'est pas nouvelle, et s'était déjà posće avant le décret du 1er déc. 1902. Un arrêt de la Cour d'appel de Hanoï, du 17 nov. 1897 (S. et P. 1899.2.17, avec la note de M. Appert), avait décidé que ces territoires sont français, et qu'en conséquence, les indigènes qui les habitent sont sujets français. V. égal., dans le même sens, un arrêt de la Cour d'appel de l'Indo-Chine du 6 nov. 1908 (Rec. de législ., de doctr. et de jurispr. colon., 1910.3.179), qui tire de l'idée que ces villes sont territoire français cette conséquence que les immeubles qui y sont situés sont soumis à la loi française. On invoque quelquefois en sens contraire, il est vrai, un arrêt de la Cour d'appel de l'Indo-Chine du 16 oct. 1908 (Rec. de législ., de doctr. et de jurispr. colon., 1909.3.85). Mais cet arrêt, loin de trancher la question, se garde bien de la préjuger. Il se borne, en effet, à dire qu'il n'y a pas lieu de rechercher si les indigènes nés ou domiciliés sur les territoires urbains de Hanoï, Haïphong et Tourane sont ou non sujets français », et qu'il suffit de constater que l'art. 13 du décret du 1er déc. 1902 n'attribue pas compétence à la juridiction criminelle française pour juger les indigènes de cette catégorie ». Effectivement, cet art. 13 parle, non pas des sujets français, mais des indigènes de Cochinchine, et, en interprétant ce texte littéralement, on peut soutenir qu'il ne s'applique pas aux Annamites nés et domiciliés sur les territoires urbains des villes de Hanoï, Haiphong et Tourane. Mais le soin même que les magistrats ont pris d'écarter la question de principe, dans l'espèce de l'arrêt du 16 oct. 1908, prouve que, sur ce terrain purement juridique, ils ne se sentaient pas sûrs de pouvoir justifier la solution vers laquelle ils inclinaient.

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On peut donc considérer que la jurisprudence de la Cour d'appel de l'Indo-Chine s'est finalement

territoire contenue dans l'ordonn. du 3 oct. 1888 (4) (Id.).

au

Par suite, la juridiction française ayant compétence exclusive, en Annam ei Tonkin, en matière civile et commerciale, aux termes de l'art. 1er du décret du 1er déc. 1902, toutes les fois qu'un Européen, un sujet français, ou un étranger quelconque sera en cause, le tribunal d'Hanoi est compétent pour connaître d'une contestation de nature civile, dans laquelle est en cause un Annamite né et domicilié à Hanoï, et qui est dès lors sujet français (5) (Tr. francoannamite, 6 juin 1884; L. 15 juin 1885; Décr., 1er déc. 1902, art. 1er et 7). (Trân-gia-Muu C. Nguyên-Quang-Mẫu). –

ARRÊT.

LA COUR; En ce qui touche la compétence: Attendu qu'aux termes de l'art. 1er du décret du 1er déc. 1902, le ressort du tribunal de première instance de Haiphong comprend le territoire de cette. ville et celui des provinces de Haiphong, Quang-Yên, Haiduong et Thai Binh; Attendu qu'il résulte de l'art. 1er du même décret que, dans toute l'étendue du territoire du Tonkin, de l'Annam et du Laos, la juridiction française est seule compé

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fixée dans ce sens que les villes de Hanoï, Haïphong et Tourane sont territoires français, et que les Annamites qui y sont nés et domiciliés sont sujets français. Pour la démonstration juridique de cette proposition, il suffirait de renvoyer ici à la note précitée de M. Appert. Cependant, à l'appui de l'opinion soutenue dans cette note, on peut encore ajouter la considération suivante. En matière de protectorats, le texte primitif du traité a soulvent moins d'importance que le parti qui en est tiré dans la pratique. Deux traités, rédigés dans les mêmes termes, peuvent donner naissance à deux situations de fait absolument dissemblables. Or, il y a ce fait, c'est que le gouvernement français et le gouvernement annamite se sont toujours entendus pour considérer comme français les territoires urbains de Hanoï, Haïphong et Tourane. L'arrêt ci-dessus ne va pas assez loin en disant que cette interprétation a, du reste, été acceptée, tacitement du moins, par le gouvernement annamite, qui a toujours soigneusement évité, depuis cette époque, d'y faire le moindre acte de souveraineté, soit directe, soit même indirecte En réalité, il serait difficile de trouver une reconnaissance plus formelle de la souveraineté française que celle qui résulte de l'ordonn. royale du 3 oct. 1888, portant que les territoires de ces trois villes sont cédés en toute propriété au gouvernement français par le gouvernement annamite, qui renonce à tous ses droits sur ces mêmes territoires ». Qui donc, mieux que le gouvernement annamite lui-même, avait qualité pour préciser le caractère et l'étendue des concessions qu'il a entendu faire au gouvernement français? Ce dernier, naturellement, a fait sienne cette interprétation, et il convient de souligner la distinction faite, au point de vue de la compétence des tribunaux français, par le décret du 1er déc. 1902, entre les territoires des trois villes ci-dessus citées et le reste de l'Annam-Tonkin (V. not., l'art. 8). Cette distinction prouve bien que le gouvernement français se considérait comme étant chez lui dans ces trois villes, et cela sans que le gouvernement annamite ait fait entendre la moindre protestation.

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Mais at

tente en matière civile et commerciale, toutes les fois qu'un Européen, un sujet français ou un étranger quelconque sera partie en cause; Attendu, il est vrai, que Nguyên-Quang-Mẫu n’est ni Européen, ni sujet français, ni étranger; tendu que, d'une part, il est domicilié à Binh-Giang, dans la province de Haïduong; que, d'autre part, son affaire est évidemment une affaire civile, et qu'enfin, son adversaire, Trân-gia-Muu, serait né et domicilié sur le territoire de la ville de Hanoï, ce qui n'est pas contesté, et ce qui lui donnerait la qualité de sujet français, d'où il suit que l'unique question à résoudre, pour solutionner le point particulier en litige, est celle de savoir si Trân-gia-Muu est bien sujet français, ainsi qu'il le prétend et soutient; que, pour ce faire, il y a lieu de rechercher si le territoire de la ville de Hanoï, où il est né et domicilié, serait ou non devenu territoire français, en vertu du traité du 6 juin 1884, de la loi du 15 juin 1885, et de l'ordonn. du roi d'Annam, en date du 3 oct. 1888; Attendu qu'il n'est pas douteux que les tribunaux, de l'ordre judiciaire ou administratif, ont qualité pour interpréter les traités diplomatiques régulièrement promulgués, en tant du moins que, comme dans l'espèce, cette interprétation est nécessaire à la solution des questions litigieuses d'intérêt privé dont ils sont saisis;

Attendu que le traité du 6 juin 1884 dispose, dans ses art. 4 et 18: « Art. 4. Dans les limites ci-dessus indiquées, le gouvernement annamite déclarera ouverts au commerce de toutes les nations, outre le port de Qui-Nhon, ceux de Tourane et de Xuân-Day; d'autres ports pourront être ultérieurement ouverts, après entente préalable.... Art. 18. Des conférences ultérieures régleront les limites des concessions françaises dans chacun de ces ports >>; Attendu que, par la loi du 15 juin 1885, le Président de la République française a été autorisé à ratifier et à faire exécuter le traité précité; — Attendu qu'en vertu de cette loi, et en exécution dudit traité, le roi d'Annam prenait, à la date du 3 oct. 1888, une ordonnance dont l'art. 1er est ainsi conçu : « Art. 1er. Les territoires des villes d'Hanoi, Haiphong et Tourane sont érigés en concessions françaises, et cédés, en toute propriété, au gouvernement français par le gouvernement annamite, qui renonce à tous ses droits sur ces mêmes territoires »; Attendu qu'il parait certain que le mot de propriété » a été pris, par l'ordonnance précitée, comme synonyme de celui de souveraineté; que, sans cette interprétation, il deviendrait impossible de donner une

-

(1-2) Les concierges sont tenus de remettre exactement aux locataires les lettres, papiers ou autres objets qui leur sont destinés. V. sur ce principe, Lyon, 25 déc. 1887 (S. 1889.2.31. P. 1889.1.212), et le renvoi ; Trib. de paix de Paris (14° arr.), 7 juin 1901 (S. et P. 1902.2.116), la note et les renvois; adde, Agnel et Pabon, Code des propr. et locat., 9o éd., n. 1187. V. spécialement, en ce qui concerne l'obligation de la remise des lettres, Trib. de la Seine, 2 févr. 1889 (S. 1889.

signification plausible à la renonciation faite par le gouvernement annamite, au profit du gouvernement français, de tous ses droits sur les territoires en question; qu'en effet, la majeure partie de ces territoires était, à l'époque, déjà détenue, à titre privé, et par la population indigène et par un certain nombre d'Européens, ayants cause, soit d'indigènes, soit du gouvernement annamite lui-même, et ce, en conformité de l'art. 12 d'un précédent traité, en date du 15 mars 1874, et de l'article additionnel du traité de commerce du 31 août 1874; que l'art. 12 du traité du 15 mars 1874 décidait que les sujets français pourraient, en respectant les lois du pays, s'établir, posséder et se livrer librement à toutes opérations commerciales dans les villes de Hanoï, Ninh-Haï et Thinh-Naï; que le gouvernement annamite mettrait à leur disposition les terrains nécessaires à leur établissement »; que, d'après l'article additionnel du traité de commerce du 31 août 1874, il est stipulé

qu'il est entendu que la ville de Hanoï est ouverte au commerce étranger; que les terrains nécessaires pour batir les habitations des consuls et de leurs escortes seront cédés gratuitement au gouvernement français par le gouvernement annamite...; que les terrains nécessaires aux Européens pour bâtir leurs maisons seraient achetés par eux-mêmes aux propriétaires;

Attendu que, dans ces conditions, la propriété ainsi cédée par le roi d'Annam à la République française n'est certainement pas la propriété ordinaire, de droit commun, qu'il n'avait plus lui-même, en grande partie, sur les territoires dont s'agit, mais la propriété royale, qui comporte, en droit annamite, le domaine éminent, et comprend, non seulement certains droits éventuels, d'ordre privatif, variables avec la nature des biens, tels que le droit de propriété particulière sur les biens du domaine public, le droit d'établir destaxes et contributions, de prononcer certaines confiscations, mais encore la souveraineté politique;-Attendu qu'en d'autres termes, le roi d'Annam semble bien, par l'ordonn. du 3 oct. 1888, avoir abdiqué tous ses droits, y compris par conséquent le droit de souveraineté, sur les territoires des villes de Hanoi, Haiphong et Tourane; Attendu que c'est d'ailleurs l'interprétation qui en a été faite par le gouvernement français, interprétation résultant d'une série de décrets, notamment des décrets des 28 févr. 1890, 15 sept. 1896, 8 août 1898 et 1er déc. 1902, organiques de la justice au Tonkin, lesquels supposent l'existence, pour la France, d'un droit de souveraineté sur les territoires des concessions de Hanoï,

2. 71. P. 1889.1.350), et la note. V. aussi, pour la remise des catalogues, prospectus et journaux, Trib. de paix de Paris (14° arr.), 7 juin 1901, précité; et pour la remise des paquets, Trib. de paix de Paris (14 arr.), 9 janv. 1902 (S. et P. 1902.2. 116).

L'usage constant à Paris est aujourd'hui que les lettres ou autres objets doivent être montés par les concierges à l'appartement du locataire au moins trois fois par jour. V. Trib. de paix de Paris

Haiphong et Tourane, puisque les tribunaux de ces concessions y sont compétents même à l'égard des sujets annamites; Attendu que cette interprétation a, du reste, été acceptée, tacitement du moins, par le gouvernement annamite, qui a toujours soigneusement évité, depuis cette époque, d'y faire le moindre acte de souveraineté, soit directe, soit même indirecte; - Attendu que l'objection tirée des dispositions finales de l'art. 8 de la loi constitutionnelle du 16 juill. 1875, qui décide que nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi, n'a, dans l'espèce, aucune portée, parce que l'adjonction au territoire français des villes d'Hanoï, d'Haïphong et Tourane a été ratifiée, par anticipation, par la loi du 15 juin 1885, qui approuvait le traité du 6 juin 1884, en vertu duquel a été rendue l'ordonn. du 3 oct. 1888; Attendu que, de ce qui précède, il résulte surabondamment que Trân-gia-Muu doit être considéré comme sujet français, et que cette qualité entraîne pour lui et pour Nguyên-Quang-Mẫu la juridiction française; Par ces motifs; Infirme le jugement du tribunal d'Haïphong, en date du 15 mai 1909; — Se déclare compétente, etc.

Du 24 juin 1910. C. d'appel de l'IndoChine, 3 ch. MM. Raffray, prés.; Delestrée, av. gén.; Gueyffier, av.

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TRIB. DE LA SEINE 12 janvier 1910. 1o BAIL A LOYER, CONCIERGE, LOCATAIRE, REMISE DES LETTRES, RETARD, FAUTE, PRÉRESPONSABILITÉ JUDICE, PROPRIÉTAIRE, (Rép., vo Bail à loyer, n. 115 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 73 et s.). - 2o POSTES, LETTRE, REMISE AU DESTINATAIRE, TIMBRE DE LA POSTE, PRÉSOMPTION, PREUVE CON

TRAIRE.

10 Un concierge, qui a remis à un locataire, vingt-quatre heures après sa distribution par le service des postes, une lettre adressée à ce locataire, est responsable envers celui-ci du préjudice qui lui a été causé par ce retard, et résultant de ce qu'il n'a pu bénéficier d'une place que la lettre avait pour objet de lui offrir, à la condition de venir prendre son service dans un délai qui s'est trouvé expiré lors de la remise tardive de la lettre, en telle sorte que, lorsque le locataire s'est présenté chez l'expéditeur de la lettre, il avait été déjà pourvu à son remplacement (1) (C. civ., 1382, 1719).

Et le propriétaire doit être déclaré civi lement responsable de la condamnation à des dommages-intérêts prononcée contre le concierge, son préposé (2) (C. civ., 1382, 1384).

(14° arr.), 7 juin 1901 et 9 janv. 1902, précités, et la note. Adde, Agnel et Pabon, op. et loc. cit. L'inexécution de cette obligation peut entraîner condamnation du concierge à des dommages-intérêts (V. Trib. de paix de Paris, 14° arr., 7 juin 1901 et 9 janv. 1902, précités), et le propriétaire peut être déclaré civilement responsable des fautes de son préposé. V. les mêmes décisions et les renvois. Adde, Agnel et Pabon, op. et loc. cit.

Dans le jugement ci-dessus, le tribunal de la

2o Le timbre apposé par l'Administration des postes sur une lettre fait foi jusqu'à preuve contraire des mentions qui y sont contenues, et, notamment, du jour et de l'heure de la distribution (1) (C. civ., 1349, 1350). (Dile Appietto C. Epoux Rey et Biolley).

Le 17 févr. 1909, jugement du tribunal de paix de Paris (17 arr.), ainsi conçu : Le Tribunal; Attendu que la demoiselle Appietto occupait, en qualité de locataire, un appartement dans un immeuble sis à Paris, 9, rue Jacquemont, appartenant à Biolley, dans lequel les époux Rey sont concierges; qu'au cours de la location, une lettre, datée du 20 déc. 1908, émanant du directeur régional de la Société l'Epargne mutuelle française, lui fut remise par les concierges le 22 décembre dernier, alors qu'elle aurait dû lui parvenir au plus tard le 21; que cette lettre lui accordait un emploi dans les bureaux de la Société l'Epargne mutuelle française, à la condition qu'elle se présenterait le lendemain 21 au bureau de ladite société pour commencer son service; qu'elle devait toucher, pour ce service, un traitement mensuel de 180 fr.; Attendu que, par suite du retard dans la remise de la lettre, la demoiselle Appietto n'a pu se présenter aux bureaux de l'Epargne française que le 23 décembre, mais que, dans l'intervalle, du 20 au 23, elle avait été déjà remplacée; qu'en conséquence, elle a perdu l'emploi obtenu par elle, à cause du retard dans la remise de la lettre émanant du directeur de la Société l'Epargne mutuelle française; que c'est en raison du préjudice. qu'elle a ainsi subi qu'elle réclame aux époux Rey et au propriétaire de l'immeuble, le sieur Biolley, comme civilement responsable de ses concierges, la

Seine ne précise pas à quel moment et dans quelles conditions le concierge doit remettre les lettres aux locataires; mais les faits de la cause le dispensaient de s'expliquer sur ce point, la remise d'une lettre par le concierge vingt-quatre heures après sa distribution ayant incontestablement le caractère d'une faute, qui engageait la responsabilité du concierge, et, par suite, celle du propriétaire, la faute ayant été commise par le concierge dans l'exercice de ses fonctions.

(1) La question de savoir quelle est la force probante des mentions apposées sur les lettres par le service des postes se présente surtout

propos de l'application des dispositions de l'art. 1328, C. civ., relatives aux circonstances qui sont de nature à conférer date certaine aux actes sous seings privés, et l'on s'accorde à reconnaître que l'apposition sur un acte du timbre de la poste ne saurait suffire pour conférer à cet acte date certaine. V. en ce sens, Aubry et Rau, 4o éd., t. 8, p. 260, § 756, texte et note 133; Laurent, Princ. de dr. civ., t. 19, n. 287; Huc, Comment. du C. civ., t. 8, n. 255; Planiol, Tr. élém. de dr. civ., 4o éd., t. 2, n. 79; Baudry-Lacantinerie et Barde, Tr. des oblig., 3 éd., t. 4, n. 2369; et notre Rép. gén. du dr. fr., v Date certaine, n. 48; Pand. Rép., v° Lettre missive, n. 1078.

Bien que, dans l'espèce, pour établir le retard imputé au concierge dans la remise d'une lettre à son destinataire, le jugement ci-dessus se soit appuyé exclusivement sur les mentions du timbre

somme de 600 fr., à titre de dommagesintérêts; Attendu que, le retard allégué par la demoiselle Appietto dans la remise de la lettre ayant été nié par les défendeurs, la demanderesse a été autorisée, par jugement du 27 janvier dernier, à en rapporter la preuve par témoins; qu'en exécution de ce jugement, il a été procédé à l'enquête à l'audience publique du 13 de ce mois, suivant procès-verbal qui sera enregistré avec le présent jugement; Attendu qu'il résulte de la déposition du témoin entendu que la lettre, écrite le 20 décembre dernier par le directeur de l'Epargne mutuelle française à la demoiselle Appietto pour lui offrir un emploi, et la convoquant pour commencer son service le lendemain, n'a été remise à la demoiselle Appietto, par la concierge, que le 22 décembre, à 9 heures et demie du soir; que, cependant, l'enveloppe de la lettre porte le timbre de la poste établissant que la lettre a été distribuée et remise au concierge le 21 décembre; - Attendu que le timbre apposé par un service public fait foi, jusqu'à preuve contraire, des mentions qui y sont contenues, et certainement du jour et de l'heure de la distribution; que, s'il en était autrement, l'Administration des postes se refusant, à raison du secret professionnel, à donner le nom du facteur qui a délivré la lettre et à le laisser déposer en justice, la demanderesse se trouverait dans l'impossibilité d'établir le jour et l'heure de la remise de la lettre au concierge, ce qui est absolument inadmissible; qu'il est donc certain que la concierge a reçu la lettre le 21; qu'elle aurait dù la remettre à la demanderesse le jour même; que, si cette remise avait été faite, la demoiselle Appietto aurait pu se présenter le même jour aux bureaux de la

apposé par l'Administration des postes sur l'enveloppe de la lettre, il ne contredit pas directement ce principe. Il n'en contient pas moins une affirmation critiquable, en ce qu'il porté que les indications du timbre de la poste font « foi jusqu'à preuve contraire des mentions qui y sont contenues »>, et en ce que les juges ont ainsi tiré des mentions dont il s'agit une véritable présomption légale juris tantum. Il est, en effet, de l'essence de ces présomptions de faire foi jusqu'à preuve contraire (C. civ., 1852); et comme il n'existe, en fait de présomptions de cette nature, que celles qui sont nommément inscrites dans la loi (V. Laurent, op. cit., t. 19, n. 608; Huc, op. cit., t. 8, n. 302, p. 381; Planiol, op. cit., t. 2, n. 15; Demolombe, Tr. des contr. ou oblig., t. 7, n. 251; Baudry-Lacantinerie et Barde, op. cit., t. 4, n. 2653; Larombière, Theor. et prat. des oblig., t. 7, sur l'art. 1350, n. 2, p. 4; notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, sur l'art. 1350, n. 7; et notre Rep. gén. du dr. fr., v Présomptions, n. 15; Pand. Rep., vo Preuve, n. 814 et s.), le jugement, en tirant une présomption légale juris tantum des mentions inscrites par le service des postes sur les lettres, a méconnu cette règle. Le jugement est d'autant plus critiquable qu'une négligence ou un oubli du facteur peut faire que l'heure de la distribution d'une lettre ne concorde nullement avec les mentions qui y sont portées. Le tribunal de la Seine aurait été mieux inspiré en n'invoquant les mentions du timbre de la poste, non contredites par les faits de la

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JUGE DE PAIX, REPRÉSENTATION DES PARTIES, LOI DU 12 JUILL. 1905, AVOUÉ, PROCURATION (ABSENCE DE), COSTUME (Rep., vo Avocat, n. 343 et s., 613 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 708 et s., 887 et s., 1080 et s.).

L'avoué, chargé de représenter une partie en justice de paix, qui s'est présenté à l'audience sans être revêtu du costume de sa profession, n'est pas fondé à se prévaloir, en l'absence de son client, de l'art. 26 de la loi du 12 juill. 1905, s'il n'est pas porteur d'une procuration de ce dernier à l'effet de le représenter régulièrement (2) (L. 12 juill. 1905, art. 26).

(Canler C. Bourbon et Lasfargue).

JUGEMENT.

LE TRIBUNAL; Attendu que Canler, quoique demandeur, n'a pas comparu aux

cause, qu'à titre de présomption simple (C. civ., 1353), sur laquelle il pouvait asseoir sa conviction pour établir un fait matériel, à savoir le moment de la remise de la lettre au concierge.

(2) Aux termes de l'art. 26 de la loi du 12 juill. 1905 (S. et P. Lois annotées de 1905, p. 988; Pand. pér., 1905.3.227), sur les justices de paix, les avocats régulièrement inscrits à un barreau, et les avoués dans le ressort du tribunal auprès duquel ils exercent leurs fonctions, sont dispensés de présenter une procuration devant les juges de paix. Mais les juges de paix sont en droit d'exiger que les uns et les autres se présentent à l'audience revêtus du costume professionnel. V. en ce sens, la note 5 de M. Tissier sous Trib. de simple police de Paris, 17 oct. 1905, et Trib. de paix des Sables-d'Olonne, 21 nov. 1908 (S. et P. 1910.2.89; Pand. per., 1910.2.89); et Lancien, Comment. de la loi du 12 juill. 1905 (Lois nouvelles de 1905, 1r part., p. 408). L'art. 6 de l'arrêté du 2 niv. an 11 dispose, en effet, que les gens de loi porteront la toge de laine aux audiences de tous les tribunaux ». V. aussi le décret du 30 mars 1808, art. 105. Il a été jugé en ce sens qu'un avocat n'est pas recevable, en justice de paix, à conclure, sans procuration, à l'augmentation de la demande principale formée par son client, alors surtout qu'il se présente à l'audience sans être revêtu du costume de sa profession. V. Trib. de paix des Sables-d'Olonne, 21 nov. 1908, précité.

Π

audiences des 17 et 31 mars dernier, et 7 avril courant; qu'il ne comparait pas l'audience de ce jour; Attendu, il est vrai, que Canler avait chargé Me Négrier, avoué, de le représenter à l'audience du 3 mars dernier, mais que Me Négrier, contrairement à l'art. 105 du décret du 30 mars 1808, ainsi concu Les avocats, les avoués et les greffiers porteront dans toutes leurs fonctions, soit à l'audience, soit au parquet, soit aux comparutions devant le commissaire, le costume prescrit», s'est présenté devant le tribunal sans robe, sans être revêtu lui-même des insignes de ses fonctions; qu'il n'a pu bénéficier des privilèges attachés à son ordre: Attendu, en outre, qu'en l'absence de son client, Me Négrier ne pouvait se prévaloir de l'art. 26 de la loi du 12 juill. 1905; qu'il eût dû être nanti d'une procuration de Canler pour le représenter régulièrement; Attendu que Canler s'obstine à ne pas vouloir se présenter à l'audience, même par mandataire régulier; qu'il l'explique du reste en ces termes dans une lettre à nous adressée, à la date du 5 avril présent mois : « Me Négrier ne pense pas pouvoir se représenter devant vous

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(1 à 4) L'art. 69, § 3, n. 3, de la loi du 22 frim. an 7 soumet au droit de 1 p. 100 les reconnaissances de dette. La Régie estime qu'elles sont as sujetties au droit, même si elles ne sont pas ac2 ceptées par le créancier. V. Sol. Régie, 13 oct. 1877 (Journ. de l'enreg., n. 20868; Rép. pér. de Garnier, n. 4935). Cette doctrine est généralement acceptée par les auteurs. V. G. Demante, Princ. de l'enreg., 4° éd., t. 1, n. 411; Naquet, Tr. theor. et prat. des dr. d'enreg., t. 2, n. 457. V. aussi, Wahl, Tr. de dr. fiscal, t. 1o, n. 190, p. 188.

Dans tous les cas, la Régie, qui se base, pour exiger le droit de 1 p. 100, sur l'idée, exacte ou non, que le débiteur a entendu constituer un titre au créancier, et que ce dernier peut se prévaloir de l'engagement, reconnaît que le droit n'est pas exigible, si le débiteur a simplement mentionné la dette, sans vouloir constituer un titre au créancier, et pour le règlement de ses intérêts avec des tiers.

Le droit de délégation est un droit tout différent, bien qu'il soit également de 1 p. 100; le texte précité de la loi de l'an 7 vise, à côté des reconnaissances de dette, les transports, cessions et délégations de créances à terme ». La délégation est donc assimilée aux cessions de créance; déléguer son débiteur à son créancier, c'est transmettre à ce dernier le bénéfice de la créance qu'on a sur le premier. Aussi la délégation, comme la cession de créance, et comme toute autre convention, n'est-elle passible du droit de 1 p. 100 que si elle est acceptée par le créancier; jusque-là, il n'y a qu'une offre de transmission; la transmission ne s'effectue que par le concours du créancier. V. la note de M. Wahl sons Cass. 29 juill. 1901 (S. et P. 1902.1.529); et la note sous Cass. 23 oct. 1902 (S. et P. 1903.1. 481). Adde, Wahl, op. cit., t. 1er, n. 189. Cependant, la Cour de cassation a décidé le contraire. V. Cass. 29 juill. 1901, précité (Pand. për., 1902.6.12). Comp. la note, in fine, de M. Wahl sous Cass. 8 déc. 1902 (S. et P. 1904.1.97).

Une autre différence entre la délégation et la reconnaissance de dette est la suivante : si la dette a été reconnue une première fois, dans un acte

avant que la question de discipline, qui, parait-il, est née à l'audience du 31 mars, à laquelle Me Négrier s'est présenté devant vous, sans robe, n'ait été réglée dans un sens ou dans l'autre, ce qui lui importe, dit il, très peu, soit par M. le procureur général, soit par le garde des sceaux... Je ne veux point assumer seul la charge de ma défense dans une question qui est, en droit et en fait, délicate, et je ne puis faire à Me Négrier l'injure de lui retirer ma confiance, en le faisant remplacer... ;Par ces motifs; Donnons défaut contre Canler, faute de comparaître en personne ou par mandataire régulier, etc. Du 14 avril 1910. Trib. de paix de Mussidan. M. Lafon, juge de paix.

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TRIB. DE LA SEINE 18 mai 1909. ENREGISTREMENT, DÉLÉGATION, CRÉANCIER, DÉLÉGATION IMPARFAITE, SOCIÉTÉ, INDICATION DE PAIEMENT, LETTRE DE CHANGE (Rép., v Délégation, n. 92 et s.; Pand. Rép., vo Obligation, n. 8997 et s.).

La délégation d'une somme est passible

enregistré, une nouvelle reconnaissance ne donnera pas lieu à un second droit d'enregistrement, à moins, bien entendu, qu'elle ne constitue une novation, ou ne contienne des clauses nouvelles; car une même convention ne peut donner lieu deux fois à un droit proportionnel. Au contraire, la cession ou délégation, étant un contrat indépendant de l'acte constitutif de la créance, donne lieu au droit de cession de créance, dans le cas même où cet acte constitutif a été enregistré.

De tout cela il résulte qu'une délégation, en certains cas, donnera lieu à deux droits de 1 p. 100: droit de reconnaissance de dette à raison du titre qu'elle confère au créancier; droit de cession de créance ou de délégation. La dette est reconnue et elle est déléguée; ce sont là deux dispositions indépendantes l'une de l'autre, et qui doivent être envisagées distinctement.

Dans l'espèce, la société avait contracté l'engagement de payer la dette, comme charge de l'apport effectué par un associé. Il y avait là un apport à titre onéreux, passible du droit de mutation jusqu'à concurrence de la dette, qui constituait le prix de l'apport. V. Cass. 6 mai 1903 (S. et P. 1904. 1. 363, et la note; Pand. pér., 1904.6.1); Trib. de la Seine, 13 juill. 1908 (8. et P. 1910.2.94; Pand. pér., 1910.2.94), la note et les renvois; Wahl, Tr. du rẻgime fiscal des soc., t. 1, n. 167 et s. Le droit de mutation était dû, bien que le créancier ne fût pas présent à l'acte, car il suffit que l'engagement soit pris envers l'apporteur pour qu'il constitue le prix de la mutation. V. la note sous Cass. 14 nov. 1893 (S. et P. 1894.1.517); Wahl, Tr. du rég. fiscal des soc., t. 1, n. 173. Sur ce point, il ne s'était pas élevé de difficulté. Comme le créancier n'avait pas accepté la délégation, il ne pouvait être question de percevoir, en outre, le droit de délégation. La Régie n'a réclamé que le droit de reconnaissance de dette. D'après une jurisprudence constante, le droit de reconnaissance de dette, dû, comme nous l'avons dit plus haut, sur les engagements ne résultant pas d'un titre enregistré, est exigible notamment sur la clause d'un acte de société portant que la société est chargée de payer une somme due à un tiers par l'apporteur, et pour laquelle il

du droit de 1 p. 100, alors même qu'elle est imparfaite, c'est-à-dire n'est pas acceptée par le créancier délégataire, la délégation imparfaite impliquant une reconnaissance de dette de la part du délégant, et le droit étant établi à raison de cette reconnaissance (1) (L. 22 frim. an 7, art. 69, $ 3, n. 3).

Spécialement, est passible du droit de 1 p. 100 la clause d'un acte de société, par laquelle la société s'engage à payer, en l'acquit d'un apporteur, des sommes dues par ce dernier à des tiers, non acceptants (2) (Id.).

Mais l'indication de paiement n'est pas passible du droit proportionnel (3) (Id.). — Sol. implic.

Le droit de 1 p. 100 est dû, alors même que la créance a fait l'objet de traites tirées par le créancier sur le débiteur, et exemptes d'enregistrement tant qu'elles n'ont pas été protestées; en effet, le titre du créancier résulle, non pas des lettres de change, mais de l'acte intervenu entre le débiteur et le créancier, et d'ailleurs les traites pouvaient n'avoir pas été créées au moment de l'acte, et, en tout cas, n'avoir pas acquis date certaine (4) (Id.).

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n'y a pas de titre enregistré. V. Cass. 24 avril 1893 (S. et P. 1894.1.195); 16 juin 1902 (S. et P. 1903.1.364), et les notes sous ces arrêts; Wahl, Tr. du rég. fiscal des soc., t. 1er, n. 334. Il se cumule avec le droit de mutation. V. Cass. 24 avril 1898, précité, et la note; Wahl, Tr. du rég. fiscal des soc., t. 1, p. 168, note 3. La jurisprudence, en pareille matière, n'a jamais considéré l'énonciation de la dette comme purement énonciative et ne donnant pas lieu au droit de reconnaissance de dette. Du reste, on peut invoquer ici une disposition spéciale de l'art. 69, § 3, n. 3, de la loi du 22 frim. an 7, qui soumet au droit de 1 p. 100 les délégations de prix stipulées dans un contrat, pour acquitter des créances à terme envers un tiers, sans énonciation de titre enregistré ». C'est donc à tort que les parties objectaient que le créancier n'avait pas été présent à l'acte de société ; cela n'était pas nécessaire, puisqu'il s'agissait d'un droit de reconnaissance de dette, et non d'un droit de délégation. Le droit, auquel le texte que nous venons de citer fait allusion, est le droit de reconnaissance de dette; ce qui le prouve, c'est que le texte subordonne le droit à la condition que le titre du créancier n'ait pas été enregistré. V. en ce sens, les notes sous Cass. 29 juill. 1901 et 23 oct. 1902, précités; et Wahl, Tr. de dr. fiscal, t. 1o, n. 344.

Les parties objectaient aussi à tort qu'en fait, il y avait, non délégation, mais indication de paiement. D'abord, l'indication de paiement est l'acte par lequel un débiteur désigne à son créancier un tiers qui payera à sa place, mais qui n'est pas delégué, c'est-à-dire qui n'est pas engagé; or, dans l'espèce, la société s'engageait à payer la dette, et le créancier ne figurait même pas à l'acte, de sorte qu'on ne pouvait dire qu'un tiers lui eût été indiqué pour le paiement. Ensuite, à supposer même qu'il y eût indication de paiement, le droit de 1 p. 100 n'en eût pas moins été dû, car la reconnaissance de dette, qui résultait de ce que l'apporteur avait constaté ses obligations vis-à-vis de son créancier, n'en subsistait pas moins. Au point de vue fiscal, l'indication de paiement ne diffère de la délégation qu'en ce qu'elle ne contient pas transmission de la créance du débiteur sur le tiers

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