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LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu la loi du 5 avril 1884; Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sieurs Ânsel et Pellerin ne figurent pas sur la liste des indigents secourus par le bureau de bienfaisance de la commune d'Helfaut, dressée pour l'année 1908, et que, s'ils ont reçu un secours en nature du bureau de bienfaisance, ce secours avait le caractère accidentel; que, dans ces circonstances, c'est par une fausse application de l'art 32 de la loi du 5 avril 1884 que le conseil de préfecture a annulé leur élection, et que, par suite, les requérants sont fondés à demander leur rétablissement en qualité de conseillers municipaux de ladite commune; - Art. ler. L'arrêté est annulé.

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n'en demeurait pas moins éligible. V. en ce sens, Cons. d'Etat, 21 avril 1893, Elect. de Blégiers (S. et P. 1895.3.19).

(1) Il s'agissait ici de l'allocation d'un secours unique, pour une circonstance déterminée, secours auquel ne s'applique pas l'art. 32 de la loi du 5 avril 1884. V. Morgand, La loi municipale, 6o éd., t. 1er, n. 158. Au contraire, est inéligible un candidat dont la femme participe régulièrement aux secours distribués par le bureau de bienfaisance de la commune. V. Cons. d'Etat, 16 déc. 1908, Elect. d'Oze, (Supra, 3 part., p. 41), et la note.

(2) La délivrance gratuite des fournitures scolaires a pour objet, non pas de subvenir aux besoins matériels de la famille, mais de faciliter

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LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu la loi du 5 avril 1884; - Considérant qu'en admettant que les enfants du sieur Claoué (Adolphe) soient au nombre des élèves de l'école primaire appelés à bénéficier de la subvention accordée par le bureau de bienfaisance en vue de la délivrance gratuite des fournitures scolaires, le sieur Claoué (Adolphe) ne saurait, à raison de cette circonstance, être considéré comme secouru par le bureau de bienfaisance, au sens de l'art. 32 de la loi du 5 avril 1884; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté par lequel le conseil de préfecture a rejeté sa protestation contre l'élection du sieur Claoué;... Art. 1er. La requête est rejetée.

Du 21 juill. 1909. Cons.' d'Etat. MM. Dugas, rapp.; Le Gouix, comm. du gouv.

CONS. D'ÉTAT 9 juin 1909. PATENTES, CESSION D'ÉTABLISSEMENT, TRANSFERT, CESSIONNAIRE, DEMANDE EN RÉDUCTION, CÉDANT, MISE EN CAUSE (Rép., vo Patentes, n. 2371 ets.; Pand. Rép., eod. verb., n. 2348 et s.).

Une demande en réduction des droits de patente, auxquels le cessionnaire d'un éta

l'instruction des enfants. Ce caractère ne saurait être modifié par le fait que la somme nécessaire pour faire face à une dépense de cette nature est acquittée par le bureau de bienfaisance.

(3) Il est de principe que le transfert de patente ne peut avoir pour effet, ni d'empêcher le recouvrement par le Trésor de la totalité de la cote régulièrement inscrite au nom du cédant, ni de faire mettre à la charge du cessionnaire une contribution plus élevée que celle à laquelle il est personnellement imposable. V. not., Cons d'Etat, 22 févr. 1906, Wolf (S. et P. 1908.3.57; Pand. pér., 1908.3.57) ; 28 mars 1906, De Lemercier (S. et P. 1908.3.80; Pand. pér., 1908.3.80), et les rervois ous ces arrêts. V. au surplus,

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M. Chabas, maître d'hôtel à Marseille, ayant cédé, au cours de l'année 1906, son fonds de commerce à M. Effantin, celui-ci a été imposé au rôle des patentes, par voie de transfert, pour une somme égale aux droits de patente restant dus par le cédant. Il a demandé réduction de son imposition, en soutenant qu'il avait diminué l'importance de l'établissement, et que, par suite, il ne pouvait être assujetti aux droits restant dus par son cédant. Le conseil de préfecture, sans mettre en cause M. Chabas, a rejeté la demande. Pourvoi par

M. Effantin.

LE CONSEIL D'ÉTAT; Vu la loi du 15 juill. 1880; - Considérant que la réclamation du sieur Effantin tendait à obtenir la réduction des droits de patente auxquels il a été assujetti par voie de transfert, et que la réduction de ces droits, prononcée au profit du sieur Effantin, aurait pour conséquence d'en faire supporter la différence par le sieur Chabas, son cédant; que, dès lors, c'est à tort que le conseil de préfecture a statué sur ladite réclamation, sans avoir ordonné la mise en cause du sieur Chabas;... Art. 1er. L'arrêté est annulé. Art. 2. Le sieur Effantin est renvoyé devant le conseil de préfecture pour être statué sur sa réclamation après instruction régulière.

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Du 9 juin 1909. Cons. d'Etat. MM. Fernet, rapp.: André Ripert, comm. du gouv.

notre Rép. gén, du dr. fr., v° Patentes, n. 2371 et s.; Pand. pér., eod. verb., n. 2348 et s. Il résulte de là que, si une demande en réduction des droits auxquels le cessionnaire a été assujetti par voie de transfert est accueillie, le cédant doit supporter la différence entre les droits auxquels il avait été imposé et ceux dont est passible le cessionnaire. Il y a lieu, dès lors, de le mettre en cause dans l'instance à fin de réduction de droits engagés par le cessionnaire, pour qu'il puisse discuter les moyens invoqués par ce dernier, et soutenir, s'il y échet. que le cessionnaire n'a pas droit à réduction, de même que, en matière de mutation de cote, celui au nom duquel la mutation est demandée doit être mis en cause.

FIN DE LA JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

QUATRIÈME PARTIE

JURISPRUDENCE ÉTRANGÈRE

TRIBUNAL ARBITRAL DE LA HAYE 22 mai 1909.

ETRANGER, CAPITULATIONS, MAROC, AUTORITÉ CONSULAIRE ALLEMANDE, FRANCE, CORPS D'OCCUPATION, LÉGION ÉTRANGÈRE, DÉSERTEURS, NATIONALITÉ ALLEMANDE, JURIDICTION COMPÉtente, Conflit, MILITAIRES NON ALLEMANDS, PROTECTION, SAUF-CONDUIT, CONSUL, FAUTE NON INTENTIONNELLE, ILLÉGALITÉ, SECRÉTAIRE DU CON

(1 à 3) Un protocole franco-allemand du 10 nov. 1908 est venu donner une solution définitive à l'incident du 25 septembre de la même année, en soumettant à la décision du Tribunal arbitral de La Haye les conséquences qu'il convenait d'attacher à cet incident.

On se rappelle sans doute ce que fut cette échauffourée de Casablanca, qui fit, il y a deux ans, tant de bruit dans le monde. Pendant que les troupes françaises occupaient la ville de Casablanca et la région voisine de la Chaouïa, six déserteurs de la légion étrangère tentèrent de s'embarquer sur un vaisseau allemand ancré dans le port de Casablanca, espérant échapper ainsi aux autorités militaires françaises dont ils relevaient. Ces déserteurs étaient protégés par un saufconduit signé du consul d'Allemagne, et ils avaient été accompagnés par le secrétaire du consulat et par un indigène, soldat marocain attaché lui-même à ce consulat. L'état de la mer ayant empêché ce projet d'être mis à exécution, et les déserteurs ayant regagné à la nage le rivage marocain, ils y furent saisis par une patrouille envoyée par l'autorité militaire à leur recherche. De là, une protestation immédiate du secrétaire du consulat, des menaces, une dispute, au cours de laquelle de nombreux coups furent échangés par les escortes des deux partis en présence.

Cet incident, qui, en temps ordinaire, eût passé peut-être inaperçu, fut vite envenimé, parce qu'il se produisit à une époque où une tension sensible existait dans les rapports de la France et de l'Allemagne, tension que les affaires marocaines avaient suffi à produire. L'exaspération fut grande en Allemagne contre ce que l'on appelait l'abus de pouvoir des autorités militaires françaises; elle se traduisit par la prétention d'exiger du gouvernement français des excuses préalables à tout règlement de l'incident; puis, par cette autre prétention, non moins inattendue, de déférer à l'arbitrage les points de fait qui se trouvaient contestés entre les parties, en gardant pour les points de droit une entière liberté d'appréciation. C'était bien ce que nous appelons en France traditionnellement une querelle d'Allemand » ; mais cette querelle faillit prendre des proportions inANNÉE 1911. 1er cah.

SULAT, FAUTE GRAVE, MILITAIRES FRANCAIS, MENACES, COUPS, FAUTE (Rép., vis Capitulations d'Orient, n. 174 et s., Justice militaire, n. 207 et s.; Pand. Rép., vis Echelles du Levant, n. 159 et s., Conseils de guerre et de revision, n. 343 et s.).

D'après le régime des capitulations en vigueur au Maroc, l'autorité consulaire allemande exerce, en règle générale, une juridiction exclusive sur tous les ressortis

quiétantes, et fut assez grave pour fixer pendant un temps l'attention des États intéressés.

Il fallut des négociations assez longues, il fallut enfin, de la part de la France, une résistance absolue aux demandes de l'Allemagne, pour que le gouvernement allemand se résolût à donner à cet incident ses véritables proportions et à remettre à la décision d'arbitres le jugement de tous les points contestés entre les deux nations. C'est avec un soulagement véritable que cette décision fut accueillie, et, en vérité, les craintes que la querelle avait pu susciter expliquaient assez ce sentiment.

Cette application de la procédure arbitrale n'est pas remarquable seulement par les circonstances de fait dans lesquel es elle s'est produite; elle est aussi, au pur point de vue juridique, tout à fait digne de notre attention, car c'est la première fois que des arbitres sont appelés à prononcer sur un litige de ce genre.

Remarquons, en effet, que la question existant entre les deux nations provoquait un conflit de souverainetés sur un point extrêmement délicat, et intéressait les États par un côté qui leur est infiniment sensible. Il y avait là à la fois une question de compétence pour les autorités en présence, et, chose plus grave, une question de susceptibilité nationale; il s'agissait de savoir qui, en la circonstance, avait le droit de commander et d'être obéi, de déterminer jusqu'où s'étend le droit qui appartient à un chef d'armée de faire respecter la discipline militaire sur le territoire qu'il occupe; et, d'autre part, pour l'Allemagne, l'intérêt consistait à obtenir le maintien des attributions et du prestige de l'autorité consulaire par elle établie à Casablanca.

Evidemment, des litiges de cette importance dépassent notablement le domaine ordinaire de l'arbitrage, domaine qui ne s'est guère étendu jusqu'ici qu'aux questions ayant un intérêt économique, questions d'industrie ou de finances, et qui, généralement, ne comprend pas les problèmes pouvant mettre en jeu l'autorité publique de l'Etat. C'est pourquoi le litige qui s'est décidé devant le Tribunal arbitral merite, à un point de vue purement juridique, de retenir toute notre

attention.

Le compromis fut signé entre les deux nations

sants allemands qui se trouvent dans ce pays (1).

D'autre part, un corps d'occupation exerce aussi, en principe, une juridiction exclusive sur toutes les personnes qui appartiennent à ce corps (2).

Et ce droit de juridiction doit être reconnu, même dans un pays soumis au régime des capitulations, et spécialement au Maroc (3).

Dans le cas où des ressortissants d'une

le 24 nov. 1908. Ce premier acte, indispensable, comme on sait, lorsqu'il s'agit de parvenir à un jugement arbitral, était conçu en termes brefs et bien choisis. On peut y remarquer tout d'abord une heureuse décision quant à la composition du Tribunal arbitral, chacune des parties devant nommer deux juges, dont un seul serait pour elle un national, et les quatre membres de ce tribunal étant appelés à choisir le tiers arbitre qui les présiderait et les départagerait au besoin. Cette façon de composer un tribunal arbitral est fort heureuse; elle a le double avantage d'introduire dans le banc des juges des éléments empruntés aux nations litigantes elles-mêmes, et, en même temps, de ne point donner à ces éléments la majorité, ce qui pourrait aboutir à faire de la salle des délibérations un champ clos, dans lequel les juges appartenant aux nations rivales poursuivraient le cours de leurs discussions.

Nous observerons ensuite que la procédure était simple, consistant simplement dans le dépôt de mémoires et dans des explications brèves que les agents des deux nations en cause pourraient être appelés à fournir. Du reste, pour tout ce que ne prévoyait pas ce compromis, les stipulations de la convention du 18 oct. 1907 pour le règlement pacifique des conflits internationaux, approuvée en France par la loi du 8 sept. 1910 (J. off. du 11) devaient être suivies, quoique, à l'époque où notre compromis a été signé, ces stipulations n'eussent pas encore été ratifiées.

Les débats devaient avoir lieu dans les deux langues, et le jugement devait être rédigé dans les deux langues également.

Enfin, nous remarquerons qu'il était dit expressément dans le compromis que les arbitres connaîtraient à la fois des questions de fait et de droit que la cause pourrait faire naître. Ceci était évidemment une réponse aux prétentions si longtemps maintenues par l'Allemagne.

La sentence rapportée au texte, et qui a été rendue après d'assez courts débats, a eu d'abord le mérite de bien dégager la nature de la question, qui était un conflit entre deux juridictions, c'est-àdire entre deux souverainetés, tirant leur compé tence respective de considérations différentes.

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puissance, qui bénéficie au Maroc du régime des capitulations, appartiennent au

Quant à la sentence elle-même, le sens dans lequel elle a été rendue ne peut pas manquer, croyons-nous, d'être approuvé; mais nous ajouterons de suite qu'en la lisant, on est frappé de la prudence constante, de la réserve extrême qui ont présidé à sa rédaction, et de voir qu'il s'en dégage presque à chaque ligne le souci de balancer aussi exactement que possible les responsabilités qui pouvaient se trouver engagées dans le débat; de là des hésitations voulues, de là des reticences calculées, qu'il serait sans doute excessif de reprocher au rédacteur de cette sentence, mais qui ne laissent pas de troubler un peu l'ordre général de l'argumentation qui s'y trouve développée.

Le Tribunal arbitral examine successivement les deux juridictions en cause dans l'affaire, et entre lesquelles le conflit s'était élevé; il constate que ce conflit ne saurait être résolu par une règle absolue qui donnerait la préférence à l'une de ces deux juridictions sur l'autre, et que cette préférence doit être avant tout réglée par les circonstances de fait.

En fait, la juridiction du corps d'occupation doit avoir la préférence à l'égard des militaires qui se trouvent dans le territoire occupé, et c'était bien le cas à Casablanca; les déserteurs demeuraient donc soumis à la juridiction militaire, mais le concours de cette juridiction et des droits reconnus au Maroc aux consuls des pays chrétiens donnait lieu à une situation assez compliquée et assez peu connue pour que l'on ne pût pas blâmer l'autorité allemande d'avoir accordé sa protection aux déserteurs de sa nationalité.

Les juges vont plus loin ; ils excusent même le consul allemand d'avoir, par une distraction singulière, compris, dans le sauf-conduit qu'il avait signé, trois déserteurs de la légion étrangère, qui n'étaient pas ses compatriotes et n'avaient aucun titre à la protection du consulat. Seul, le secrétaire du consulat, qui avait préparé le sauf-conduit et avait induit ainsi le consul en erreur, a engagé sa responsabilité et est trouvé digne de reproches.

Dans ces conditions (toujours d'après le jugement), l'autorité militaire française avait incontestablement le droit d'empêcher les déserteurs de réaliser l'embarquement qu'ils avaient prémédité; mais ce droit s'arrêtait là, et, loin de pouvoir revendiquer ces hommes par la force des armes, elle aurait dû, devant la question qui s'élevait, constituer le consul allemand séquestre de leur personne. En cela, le tribunal juge qu'elle a manqué de la modération qu'il aurait été sage de garder dans cette affaire. Mais, comme cette restitution n'aurait pu, à tout événement, être jamais que provisoire, il n'y avait pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Allemagne, d'après lesquelles les déserteurs de nationalité allemande auraient dû lui être remis.

Ainsi, des torts réciproques sont reconnus par les arbitres aux deux parties en cause, et, finalement, les choses sont laissées en l'état, sans qu'aucune condamnation puisse être considérée par l'une des parties comme l'indice d'un succès trop marqué. Ajoutons que cette procédure s'est terminée par un procès-verbal de regrets mutuels, que les gouvernements français et allemand ont échangés à la date du 29 mai 1909. Leurs regrets ont été exactement calqués sur les torts que le jugement arbitral leur avait reconnus à l'un ou à l'autre.

Nous sommes très loin de l'intention de blâmer les éminentes personnalités qui ont rédigé le jugement arbitral dont nous venons de donner

corps d'occupation envoyé dans ce pays par une autre puissance, le conflit qui se

l'analyse. Sa forme, un peu enveloppée, et, à ce qu'il nous semble, compliquée à dessein, avait sans doute une raison d'être; mais, à l'époque où nous sommes, alors que le souvenir même de cet incident commence à disparaître, et que, du reste, nous n'avons pas personnellement de mesure aussi grande à garder, il nous paraît utile de dégager plus nettement les questions que l'incident de Casablanca a suscitées, et d'indiquer les raisons pour lesquelles elles devaient être résolues en somme à peu près comme le Tribunal arbitral les a décidées.

Sur la question de droit, nous n'hésiterons pas à être beaucoup plus affirmatif que ne l'a été notre sentence, car nous croyons qu'il existe bien une règle, sinon absolue, du moins certaine, qui établit une préférence entre les deux juridictions concurrentes, et, sur ce point, même en rejetant bien loin tout préjugé que pourrait nous inspirer notre nationalité, nous serons plus absolu que les juges ne l'ont été.

Pour établir cette prééminence, que possédait, d'après nous, la juridiction militaire sur la juridiction consulaire, il suffit de réfléchir aux motifs pour lesquels ces deux juridictions ont été admises.

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Lorsqu'une armée occupe régulièrement un territoire étranger, il est indiscutable que cette armée possède, en matière criminelle, une juridiction, soit sur les lieux qui en font partie, soit sur les habitants mêmes du pays, dans le cas où le délit par eux commis nuirait à l'armée d'occupation ou aux hommes la composant. Cela est reçu sans la moindre difficulté, en ce qui concerne l'occupation militaire pratiquée au cours d'une guerre. V. Cass. 24 août 1865 (S. 1865.1,466. P. 1865.1208); Piédelièvre, Précis de dr. intern. public., t. 2, n. 1013; Rivier, Principes du dr. des gens, t. 2, n. 197; Pillet, Le ir. de la guerre, 2 part.,. p. 227; Bonfils, Manuel de dr. intern. public, 4 éd., par Fauchille, n. 1170; Despagnet, Cours de dr. intern. public, 4o éd., par de Boeck, n. 574, p. 908; De la juridict. des armées d'occupation en matière de délits commis par des étrangers contre les militaires (Journ. du dr. intern. privé, 1882, p. 511); et notre Rép. gén. du dr. fr., vo Justice militaire, n. 207; Pand. Rép., ° Conseils de guerre et de revision, n. 343.

Nous ne dirons pas, sans doute, que tel fut le cas dans notre espèce, car la France n'était pas en guerre avec le Maroc; elle agissait, au contraire, comme auxiliaire du sultan, et n'avait envoyé ses troupes dans la Chouaïa que pour rétablir l'ordre sur un point où la puissance du souverain légitime se trouvait complètement annulée, et cette expédition et la présence des troupes françaises à Casablanca étaient non seulement connues, mais approuvées par toutes les puissances intéressées.

Ce n'était pas, sans doute, une conséquence de l'acte d'Algésiras, signé le 7 avril 1906, approuvé en France par la loi du 22 déc. 1906, et promulgué par le décret du 18 janv. 1907 (S. et P. Lois annotées de 1907, p. 470; Pand. pér., 1907.3.81), car l'acte d'Algésiras ne prévoyait que l'organisation d'une milice locale; mais c'était une application faite du droit qu'a chaque Etat de protéger ses nationaux, et l'exercice de ce droit, de la part de la France, dans la circonstance à laquelle nous nous reportons, avait ceci de particulièrement sacré que nos troupes etaient intervenues, non seulement pour protéger les Français établis à Casablanca, mais pour sauver de la mort et de la ruine des

produit entre la juridiction du consul de leur nationalité d'origine et celle du corps

étrangers de toutes nationalités qui y faisaient le

commerce.

La présence des troupes françaises était donc internationalement régulière, leur action était légitime, et cela suffisait pour qu'un droit de juridiction incontestable leur appartînt. Sans qu'il y ait besoin de recourir à des autorités nombreuses sur ce point, nous rappellerons qu'il a été jugé plusieurs fois, notamment par notre Cour de cassation, que, même en dehors du temps de guerre, l'occupation d'un territoire étranger par les troupes d'un Etat ami confère à l'autorité militaire occupante les mêmes droits de juridiction qu'elle posséderait, si c'était à la suite d'une action hostile qu'elle avait décidé cette occupation. V. not., Cass., 19 janv. 1865 (S. 1865.1.53. P. 1865. 186); 23 juin 1865 (S. 1865.1.428. P. 1865. 1089); 14 et 28 déc. 1865 (S. 1866.1.84.-P. 1866. 185); adde dans le même sens, Despagnet, op. cit., n. 575, p. 911; De la juridict. des armées d'occupation, etc. (Journ, du dr. intern. privé, 1882, p. 515 et s.); et notre Rép. gén. du dr. fr., verb. cit., n. 213 et s.; Pand. Rep., verb. cit., n. 353.

Il est vrai que la juridiction consulaire existait aussi de la façon la plus certaine au profit du consul allemand sur ses nationaux; mais cette juridiction ne procède pas d'une nécessité aussi forte que celle qui appartient au chef d'un corps d'occupation. C'est par des motifs de convenance, parce que la justice locale, trop éloignée par ses idées et ses habitudes des mœurs des étrangers, ne serait pas apte à protéger véritablement leurs intérêts, qu'une coutume séculaire remet au consul le droit d'exercer cette protection, et de faire, en cas de besoin, acte de juridiction.

Pour une armée, au contraire, c'est une question d'existence ou de non-existence de pouvoir se protéger à l'aide de ses propres règlements, et, au besoin, au moyen de la loi martiale, contre les excès de ses troupes ou contre les excès dont celles-ci souffriraient de la part des habitants du pays par elles occupé.

Entre ces deux ordres de considératicns, aucun parallèle n'est possible, et nous croyons bien avoir le droit d'affirmer que là où la juridiction d'une armée d'occupation et la juridiction consulaire sont en conflit, la seconde doit céder le pas à la première.

Du reste, la circonstance que les soldats déserteurs dont il s'agissait n'étaient pas, pour le gouvernement occupant, des nationaux, mais bien des étrangers servant sous ses drapeaux, ne doit pas nous arrêter un instant, car cette situation est connue du droit international, et a été réglée par l'adoption d'un principe qui n'a jamais été discuté. Il est admis, on le sait, que des étrangers peuvent s'engager à servir sous les drapeaux d'un belligérant (V. Bonfils, op. cit., n. 1095; Piédelièvre, op. cit., t. 2, n. 1180; Despagnet, op. cit., n. 522, p. 834); ils sont eux-mêmes des combattants réguliers, ayant droit à la protection du droit des gens; mais, par contre, lorsque ces étrangers ont embrassé un pareil parti, il est admis aussi qu'ils perdent toute espèce de titre à la protection de leur gouvernement. V. Piédelièvre, op. et loc. cit. Donc, si l'on suit sur ce point les traditions les mieux établies de notre science, on sera fondé à dire que les déserteurs allemands, par leur engagement dans la légion étrangère, avaient perdu la possibilité de réclamer la protection de leur gou

vernement.

Enfin, nous ferons valoir une dernière considé

d'occupation doit être tranché en tenant compte des circonstances de fait qui sont de nature à déterminer la préférence entre ces deux juridictions (1).

Spécialement, la juridiction du corps d'occupation doit, en cas de conflit, avoir la préférence, lorsque les personnes appar tenant à ce corps, et qui, par leur nationalité, ressortissent à une puissance bénéficiant du régime des capitulations, n'ont pas quitté le territoire placé sous la domination immédiate, durable et effective de la force armée (2).

Si donc une ville marocaine (en l'espèce, Casablanca) était occupée militairement et gardée par des forces françaises, qui se trouvaient, soit dans la ville, soit dans les camps environnants, les déserteurs de nationalité allemande appartenant aux forces militaires de l'un de ces camps et étant dans l'enceinte de la ville, restaient exclusivement soumis à la juridiction militaire (3). Toutefois, la question de la compétence respective, en pays de capitulations, de la juridiction consulaire et de la juridiction militaire étant très compliquée, et n'ayant pas reçu de solution expresse, nette et universellement reconnue, l'autorité consulaire allemande ne saurait encourir aucun blâme pour avoir accordé sa protection à ces déserteurs, qui l'avaient sollicitée (4).

Le fait par le consul allemand d'avoir

ration. A supposer que les déserteurs étrangers eussent, vis-à-vis de l'armée d'occupation, certains droits, et en oubliant pour un moment que leur qualité d'engagés dans une armée qui n'était pas la leur leur faisait perdre le bénéfice de la protection diplomatique, il reste ce fait que la protection accordée au Maroc par les consuls chrétiens à leurs nationaux ne peut pas, si étendue qu'elle soit, être supérieure à celle que, dans un Etat, le souverain territorial peut dispenser à ses sujets. Or, on sait qu'entre la juridiction du souverain territorial sur ses nationaux et la juridiction d'une armée d'occupation, là où les intérêts de cette armée sont en jeu, aucune hésitation n'a jamais été permise; compétence a toujours été donnée à la justice de l'armée d'occupation. V. not., Cass, 24 août 1865, précité.

Si cela a été admis contre les nationaux mêmes du pays occupé, à plus forte raison cette même solution doit-elle être reçue à l'encontre d'étrangers qui ne jouissent que par une faveur tout à fait particulière du bénéfice de la protection et de la juridiction de leur ministre.

Voilà donc quelles sont, à notre avis, les raisons pour lesquelles il nous semble qu'aucun doute sérieux ne pouvait naitre sur la prééminence à établir entre les deux juridictions en présence c'était la juridiction de l'armée d'occupation qui devait être préférée.

Dirons-nous, avec le jugement arbitral, que la conduite du consul allemand a été sans reproche, et que les procédés employés par l'autorité française tombaient au contraire sous la critique?

Ici encore, nous hésiterons beaucoup à approuver les termes de notre jugement. On excuse le consul allemand en disant que c'est par mégarde qu'il a signé un sauf-conduit, sans s'assurer que c'était bien à des nationaux qu'il s'appliquait. Il faut avouer que cette distraction est une faute singulièrement lourde, et que, puisque l'intervention du consul était uniquement motivée par ce fait qu'il s'agissait de soldats déserteurs apparte

signé sans les lire des sauf-conduits pour des déserteurs de la légion étrangère française dont trois seulement étaient de nationalité allemande, et en omettant dans le sauf-conduit l'indication de la nationalité allemande, qu'il avait lui-même prescrit d'y faire figurer, ne peut d'ailleurs lui être imputé que comme une faute non intentionnelle (5).

Mais un agent consulaire allemand (en l'espèce, le secrétaire du consulat) est incontestablement sorti des limites de sa compé tence, et a commis une violation grave et manifeste de ses devoirs, en tentant de faire embarquer sur un vapeur allemand des déserteurs de la légion étrangère française qui n'étaient pas de nationalité allemande (6).

Les déserteurs de nationalité allemande s'étant trouvés, au port de Casablanca, où ils se disposaient à s'embarquer sur un navire allemand, sous la protection de fait de l'autorité consulaire allemande, et cette protection n'étant pas manifestement illégale, cette situation de fait aurait dù, dans la mesure du possible, être respectée par l'autorité militaire française, qui, au lieu de procéder de vive force à l'arrestation de ces déserteurs, aurait pu et dù se borner à empêcher l'embarquement et la fuite desdits déserteurs, et, avant de procéder à leur arrestation et à leur emprisonnement,

nant à sa nationalité, son premier soin devait être de spécifier dans le sauf-conduit qu'il s'agissait de nationaux auxquels il croyait pouvoir accorder sa protection. L'oubli de cette mention est la faute la plus lourde que l'on puisse imaginer.

Dirons-nous, par contre, que les procédés de l'autorité française ont été trop vifs, qu'il lui suffisait de s'opposer à l'embarquement, qu'il eût été plus correct de remettre ces mauvais soldats, ceux au moins qui étaient de nationalité allemande, aux mains du consul allemand?

Sur ce point encore, nous avons peine à nous ranger à l'opinion exprimée par la sentence.

Si l'autorité militaire française a un droit, ce que le jugement lui-même reconnaît, et ce que nous croyons tout à fait au-dessus de la contestation, il faut bien lui reconnaître le pouvoir d'user de son droit et d'employer la force à cet effet, lorsqu'elle rencontre une résistance. Ce sont là des procédés courants en temps d'occupation militaire. Sans doute, l'emploi de ces procédés a pu nuire au prestige du consul allemand, mais la déférence qui aurait été montrée aux exigences de ce fonctionnaire n'aurait-elle pas nui au prestige de l'armée française? Et, à cette époque de désordre, ne convenait-il pas de maintenir avant tout le prestige des soldats qui étaient venus rétablir la tranquillité et la paix dans le pays?

Puis, ce qui nous empêche de donner raison au consul allemand, c'est qu'il semble bien qu'il y avait pour lui un moyen beaucoup plus simple de faire valoir ses prétentions. Alors même qu'il aurait été permis à l'autorité française de s'emparer de ces militaires déserteurs, son intervention ne devenait pas impossible par le fait ; pourquoi n'eût-il pas simplement remis sa protestation au général commandant l'armée française, en la faisant appuyer, en cas de nécessité, par son gouvernement? Certainement, on n'eût pas passé outre à cette protestation, et la question aurait eu son dévelop. pement juridique normal, sans que l'on eût encouru le reproche de délier provisoirement des

offrir de les laisser en séquestre au consulat allemand, jusqu'à ce que la question de la juridiction compétente eût été résolue (7).

En admettant même la légalité de l'arrestation des déserteurs de nationalité allemande par l'autorité militaire française, cette circonstance ne justifiait, de la part des militaires français, ni le fait d'avoir menacé d'un revolver le secrétaire du consulat d'Allemagne, ni le fait d'avoir continué à frapper, même après que sa résistance avait pris fin, un soldat marocain attaché au consulat, qui accompagnait le secrétaire du consulat (8).

(Aff. de Casablanca).

Pendant l'occupation par les troupes françaises de la région marocaine de la Chaouia, six soldats déserteurs de la légion étrangère, dont trois étaient de nationalité allemande, un quatrième, allemand d'origine, mais naturalisé français, le cinquième, russe, et le sixième, suisse, ont tenté, le 25 sept. 1908, de s'embarquer dans le port de Casablanca, sous la conduite et la protection du secrétaire du consulat d'Allemagne, M.Just, et d'un soldat marocain attaché à ce consulat, sur un navire allemand qui stationnait en rade. Ils ont, à cet effet, pris place dans une embarcation légère, qui, après s'être éloignée de quelques mètres, a chaviré sous l'action de

soldats de leur devoir d'obéissance à l'autorité militaire, au commandement de laquelle ils avaient essayé de se soustraire par la fuite.

Ces raisons nous déterminent à aller plus loin que les juges de La Haye dans la voie que ceuxci ont eux-mêmes adoptée; mais, encore une fois, nous ne prétendons critiquer en rien leur jugement; autre chose est la liberté du juriste, autre chose la position du juge; et, si la sentence rendue à La Haye encourt quelques critiques au point de vue des principes théoriques du droit, elle a eu cet incontestable mérite de mettre fin d'une façon pacifique et satisfaisante à une querelle qui, à un moment, avait paru singulièrement menaçante.

Un dernier fait, qui n'a point passé inaperçu, achève de donner à toute cette procédure son véritable caractère : quelques mois après que la conduite des autorités françaises eût été ainsi, en principe au moins, approuvée par le Tribunal de La Haye, le gouvernement français faisait mettre en liberté les déserteurs à l'occasion desquels s'était élevée la question dont nous venons de parler. Ainsi il fournissait à l'Allemagne, de son propre gré et par l'effet d'une grâce, le résultat que celle-ci avait réclamé au point de vue du droit.

Ce dernier acte de la pièce nous paraît lui donner son véritable caractère, et, dans le jugement de La Haye, nous verrons volontiers un acte plus diplomatique encore que juridique, une décision qui, sans sacrifier rien d'essentiel en matière de droit, a surtout tendu à rendre possibles des relations meilleures entre les Etats intéressés. Un pareil acte paraît tenir au moins autant de la transaction amiable que du jugement véritable, et il est difficile que l'intervention d'arbitres n'ait pas un semblable caractère, quand elle s'applique à mesurer les conséquences d'actes ayant surexcité à un haut degré l'opinion de deux pays. Il est déjà remarquable que le procédé de l'arbitrage ait pu être employé à trancher un pareil différend. A. PILLET,

(18) V. la note qui précède.

la houle, assez forte à ce moment. Les déserteurs et leur escorte, empêchés ainsi d'atteindre le vapeur allemand, ont été contraints de regagner la terre à la nage. Au moment où ils rejoignaient le rivage, les déserteurs ont été appréhendés par des soldats et marins français. Cette arrestation a provoqué, entre les déserteurs et les soldats et marins français, une rixe au cours de laquelle un conflit s'est élevé entre les officiers français et le secrétaire du consulat d'Allemagne. Le lieutenant de port, M. de Tournemin, ayant donné l'ordre de saisir les déserteurs, malgré les protestations du secrétaire du consulat d'Allemagne et du drogman de ce même consulat, envoyé par le consul, M. Luderitz, pour appuyer cette protestation, et les Allemands s'étant opposés à l'arrestation, un officier de marine français, M. de Soria, a menacé de son revolver le secrétaire du consulat d'Allemagne. D'autre part, le soldat marocain, qui accompagnait le secrétaire du consulat, a été frappé. Finalement, force est restée à l'autorité française, qui a fait incarcérer les déserteurs. Ces incidents ont provoqué en France et en Allemagne une vive émotion; le désaccord qui s'est révélé entre le gouvernement français et le gouvernement allemand, tant sur la légalité de l'arrestation des déserteurs que sur la matérialité des faits imputés aux agents allemands et aux militaires français, au cours de l'arrestation des déserteurs, a amené entre les deux pays une tension diplomatique, qui a rendu impossible tout règlement amiable et direct de l'affaire entre les deux pays. Néanmoins, après de longues négociations, les gouvernements francais et allemand sont convenus de soumettre leur différend à l'arbitrage du Tribunal arbitral de La Haye. Après avoir, dans un protocole. signé à Berlin le 10 nov. 1908, adopté la proposition du gouvernement français, tendant à soumettre, non seulement les points de fait, mais aussi les points de droit, à l'arbitrage du Tribunal de La Haye, les deux gouvernements ont signé, le 24 nov. 1908, un compromis réglant la procédure de l'arbitrage devant le Tribunal arbitral, qui a rendu la sentence suivante :

SENTENCE.

tions sus-indiquées; Considérant que le
gouvernement français n'a pas fait con-
naitre la composition du corps expédition-
naire, et n'a pas déclaré que le fait de
l'occupation militaire modifiait la juridic-
tion consulaire exclusive découlant du
régime des capitulations; que, d'autre part,
le gouvernement allemand n'a pas ré-
clamé au sujet de l'emploi au Maroc de la
légion étrangère, qui, notoirement, est,
pour une certaine partie, formée de ressor-
tissants allemands; Considérant qu'il
n'appartient pas à ce tribunal d'émettre
une opinion sur l'organisation de la légion
étrangère ou sur son emploi au Maroc;

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Considérant que le conflit de juridictions dont il a été parlé ne saurait être décidé par une règle absolue qui accorderait d'une manière générale la préférence soit à l'une, soit à l'autre des deux juridictions concurrentes; que, dans chaque cas particulier, il faut tenir compte des circonstances de fait qui sont de nature à déterminer la préférence; Considérant que la juridiction du corps d'occupation doit, en cas de conflit, avoir la préfé rence, lorsque les personnes appartenant à ce corps n'ont pas quitté le territoire placé sous la domination immédiate, durable et effective de la force armée; -Considérant qu'à l'époque dont il s'agit, la ville fortifiée de Casablanca était militairement occupée et gardée par des forces militaires françaises, qui constituaient la garnison de cette ville, et se trouvaient, soit dans la ville même, soit dans les camps environnants; Considérant que, dans ces conditions, les déserteurs de nationalité allemande, appartenant aux forces militaires de l'un de ces camps et étant dans l'enceinte de la ville, restaient soumis à la juridiction militaire exclusive;

Considérant, d'autre part, que la question de la compétence respective, en pays de capitulations, de la juridiction consulaire et de la juridiction militaire étant très compliquée et n'ayant pas reçu de solution expresse, nette et universellement reconnue, l'autorité consulaire allemande ne saurait encourir aucun blâme pour avoir accordé sa protection aux déserteurs susnommés, qui l'avaient sollicitée; - Considérant que le consul allemand à Casablanca u'à pas accordé la protection du LE TRIBUNAL ARBITRAL; Consi- consulat aux déserteurs de nationalité dérant que, d'après le régime des capitu- non allemande, et que le drogman du lations en vigueur au Maroc, l'autorité consulat n'a pas non plus dépassé à ce suconsulaire allemande exerce, en règle jet les limites de sa compétence; - Consigénérale, une juridiction exclusive sur dérant que le fait que le consul a signé, tous les ressortissants allemands qui se sans le lire, le sauf-conduit portant six trouvent dans ce pays; Considérant personnes au lieu de trois, en omettant l'inque, d'autre part, un corps d'occupation dication de la nationalité allemande, telle exerce aussi, en règle générale, une juri- qu'il l'avait lui même prescrite, ne peut diction exclusive sur toutes les personnes lui être imputé que comme une faute non appartenant audit corps d'occupation; intentionnelle; Considérant que le que ce droit de juridiction doit être re- soldat marocain du consulat, en contriconnu toujours, en règle générale, même buant à l'embarquement des déserteurs, dans un pays soumis au régime des capi- n'a fait qu'agir d'après les ordres de ses tulations; Considérant que, dans le cas supérieurs, et que, à raison de sa situation où des ressortissants d'une puissance qui inférieure, aucune responsabilité personbénéficie au Maroc du régime des capitu- nelle ne saurait peser sur lui, Consilations appartiennent au corps d'occupa- dérant que le secrétaire du consulat a tion envoyé dans ce pays par une autre intentionnellement cherché à faire empuissance, il se produit, par la force des barquer des déserteurs de nationalité non choses, un conflit entre les deux juridic-allemande, comme jouissant de la protec

tion du consulat; qu'à cette fin, il a, de propos délibéré, amené le consul à signer le sauf-conduit mentionné ci-dessus, et que, dans la même intention, il a pris des mesures, tant pour conduire au port que pour faire embarquer ces déserteurs; qu'en agissant ainsi, il est sorti des limites de sa compétence et a commis une violation grave et manifeste de ses devoirs; Considérant que les déserteurs de nationalité allemande se sont trouvés au port sous la protection de fait de l'autorité consulaire allemande et que cette protection n'était pas manifestement illégale; Considérant que cette situation de fait aurait dù, dans la mesure du possible, être respectée par l'autorité militaire française; Considérant que les déserteurs de nationalité allemande ont été arrêtés par cette autorité, malgré les protestations faites au nom du consulat;

Considérant que l'autorité militaire aurait pu, et, par conséquent, dù se borner à empêcher l'embarquement et la fuite de ces déserteurs, et, avant de procéder à leur arrestation et à leur emprisonnement, à offrir de les laisser en séquestre au consulat allemand, jusqu'à ce que la question de la juridiction compétente eût été résolue; que cette manière de procéder aurait aussi été de nature à maintenir le prestige de l'autorité consulaire, conformément aux intérêts communs de tous les Européens vivant au Maroc; Considé

rant que, même si l'on admet la légalité de l'arrestation, les circonstances ne justifiaient, de la part de militaires français, ni la menace faite à l'aide d'un revolver, ni la prolongation des coups portés au soldat marocain du consulat, même après que sa résistance avait été brisée; Considérant que, quant aux autres outrages ou voies de fait allégués de part et d'autre, l'enchaînement et la nature exacte des événements sont impossibles à établir; Considérant que, conformément à ce qui a été dit plus haut, les déserteurs de nationalité allemande auraient dû être remis au consulat pour rétablir la situation de fait troublée par leur arrestation; que cette restitution aurait aussi été désirable en vue de maintenir le prestige consulaire; -Mais considérant que, dans l'état actuel des choses, ce tribunal étant appelé à déterminer la situation définitive des déserteurs, il n'y a plus lieu d'ordonner la remise provisoire et temporaire qui aurait dû s'effectuer; — Par ces motifs; Déclare et prononce ce qui suit:

C'est à tort et par une faute grave et manifeste que le secrétaire du consulat impérial allemand à Casablanca a tenté de faire embarquer, sur un vapeur allemand, des déserteurs de la légion étrangère française, qui n'étaient pas de nationalité allemande; le consul allemand et les autres agents du consulat ne sont pas responsables de ce chef; toutefois, en signant le sauf-conduit qui lui a été présenté, le consul a commis une faute non intentionnelle; le consulat allemand n'avait pas, dans les conditions de l'espèce, le droit d'accorder sa protection aux déserteurs de nationalité allemande; toutefois, l'erreur de droit commise sur ce point

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