appartemens du roi, il se contenta de lui dire : «Rends grâce, malheureux, aux murs de ce palais, qui te dérobent en ce moment à ma vengeance: mais sois sûr que tu ne m'échapperas pas. » Depuis lors, le duc épiait les occasions d'immoler à sa vengeance ce domestique téméraire. Le roi sortait ordinairement durant la nuit dans une voiture toute unie, sans gardes, accompagné de Texeira et d'un autre domestique. La reine d'Espagne, sœur de ce prince, était morte le 27 août. Les circonstances de ce deuil exigeaient un surcroît de ménagement; c'est ce qui détermina le roi à se servir, durant la nuit du 3 septembre, de la voiture de Texeira, qu'il mena, à l'ordinaire, avec lui. Il se rendit chez dona Teresa, fille du comte d'Albor, épouse du jeune marquis de Tavora. En revenant de l'hôtel de Tavora, le roi fut attaqué par trois hommes à cheval. L'un d'eux, qu'on prétendit être le duc d'Aveiro, tira sur le cocher avec une carabine, qui ne fit pas feu, un second cavalier fit féu derrière la voiture, et blessa légèrement le roi à l'épaule. Lorsqu'on réfléchit aux circonstances de cet événement, on est convaincu que le duc n'avait d'autre intention que celle de tuer Texeira, dont il 1775.-1783. 1775.-1783. avait reconnu la voiture. Le cocher entendant : des coups de fusil autour de lui, s'écrie dans son effroi «< Malheureux! que, faites-vous? je conduis le roi. » A ces cris, les prétendus conjurés, au lieu d'achever leur entreprise, prennent précipitamment la fuite. Le marquis de Pombal, parvenu au comble du crédit et de la faveur, souffrait impatiėmment le ton de supériorité que prenaient avec lui les grands du royaume. Il avait surtout à se plaindre du vieux marquis de Tavora, beaufrère du duc d'Aveiro, qui avait refusé de donner pour épouse au comte d'Oyeras, fils aîné du premier ministre, une sœur de la jeune mar quise de Tavora, et qui avait accompagné son refus de propos méprisans. Dans toutes les cours, les grands ne voient pas sans peine au-dessus d'eux des ministres que la naissance plaçait dans un rang inférieur. Si le soin de leur fortune et le désir de faire leur cour leur arrachent en présence du souverain quelques marques publiques de considération, ils trouvent ensuite occasion de s'en dédommager dans les sociétés particulières. Le marquis de Pombal n'ignorait pas surtout avec quel mépris le duc d'Aveiro parlait sans cesse de sa personne et de son administration : il attendait, depuis long-temps, l'occasion de l'en faire repentir. Telles furent les véritables sources de la haine du premier ministre, elle ne fut assouvie que par la destruction entière des familles d'Aveiro et de Tavora. Il vint aisément à bout de persuader au crédule monarque qu'il s'était formé contre sa vie une conjuration, à la tête de laquelle étaient le duc d'Aveiro, le marquis de Tavora et le comte Ataïde d'Atouguia; que le projet des conjurés était de mettre sur le trône l'infant don Pèdre, dans l'espoir de gouverner eux-mêmes sous son nom. Il donnait plus de force à ses perfides insinuations, en remettant sans cesse sous les du roi la triste destinée de son yeux grand oncle, le roi Alphonse, détrôné par les intrigues de quelques-uns de ses sujets, aussi audacieux que puissans. Il en concluait la nécessité de contenir, par un grand exemple, l'esprit inquiet et remuant de la haute noblesse, de mettre un frein à son orgueil, et de renfermer dans ses véritables bornes une puissance qui menaçait l'autorité, la vie même des souverains. Un prince faible, soupçonneux, et déjà subjugué, ne devait pas éviter le piége qui lui était tendu. Il crut aveuglément 1775.-1785. tout ce que lui disait son ministre, et l'investit d'un plein pouvoir, pour punir les auteurs et les complices d'une conspiration imaginaire. On sait que le due d'Aveiro et toute la famille de Tavora périrent dans les plus affreux supplices, et que les jésuites, qui avaient donné au premier ministre des sujets de mé contentement, enveloppés dans ce procès, furent déclarés criminels de lèze - majesté, et expulsés de Portugal. Le pape Clément XIII s'était déclaré le protecteur des jésuites; il multipliait ses efforts pour détourner cette catastrophe. Ce fut le sujet de plusieurs brefs dans lesquels il exhortait le roi de Portugal d'observer, dans cette affaire, toutes les règles de la justice, et surtout de ne point confondre l'institut des jésuites avec quelques particuliers qui pouvaient être criminels. Le marquis de Pombal, craignant les effets des lettres du pape sur l'esprit du prince pusillanime, trouva le secret de les retirer. Mais la cour de Rome pouvait écrire de nouveau : le ministre, pour prévenir cet événement, rompit les liaisons. existantes entre la cour de Lisbonne et celle de Rome. 1775.-1783° CHAPITRE X I X. Circonstances de cette rupture. pape. ON prit l'occasion du mariage de l'infant don Le pape, vivement blessé de la conduite tenue par la cour de Lisbonne, cachait son mécontentement sous le voile de la modération. Les armes spirituelles n'auraient pu être mises en usage sans augmenter un incendie qu'il lui importait d'éteindre ; cependant le |