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1793.

nouvellement levées, qui bivouaquaient au milieu des glaces; ce que Louis XIV, dans toute sa grandeur, n'eût osé concevoir, fut exécuté par les fondateurs de la république française. Les étendards républicains sont arborés sur le Rhin, depuis Bâle jusqu'à son embouchure dans la mer.

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C'est au milieu de la plus vaste tempête, c'est lorsque la France était changée en un immense cimetière, que cette convention terrible opérait ces choses extraordinaires ; elle aurait ravagé le monde, mais elle épuisa sur elle-même sa dévorante énergie.

Comment peindre tous les fléaux qui fondaient alors sur la France ? Son sol entier ne présentait que l'aspect redoutable d'un volcan immense dévorant la masse de cet empire, et le rejetant par lambeaux sur les empires voisins. La postérité ne croirait pas qué pour conserver ce volcan dans toute la force de son éruption, les jacobins voulaient réduire la France à huit millions d'habitans, si cette épouvantable vérité n'était sortie de la bouche des scélérats que les vacillations du mouvement révolutionnaire conduisaient à l'échafaud, pêle-mêle avec leurs victimes, et qui, dans ces derniers momens de la vie, où

l'homme n'a rien à dissimuler, dévoilaient les forfaits de leurs complices.

Pour parvenir à ce résultat, les désorganisateurs employaient les sociétés populaires répandues dans toutes les villes. On y combinait de prétendues conspirations, au moyen desquelles la hache révolutionnaire était promenée de province en province. Les gens menacés volaient en foule aux frontières pour éviter la mort qui les attendait dans leurs maisons. Paris, le foyer de la révolution, se croyait en vain à l'abri de la subversion générale; les Jacobins ménageaient l'immense population de cette capitale qu'ils soulevaient à leur gré, mais de temps en temps ils laissaient entrevoir le sort qui lui était destiné.

Déjà dans mille pamphlets on répétait que que les palais, somptueux asiles des arts, insultaient à la simplicité des mœurs républicaines; les grandes villes, disait - on, doivent être regardées comme la sentine de l'espèce humaine elle s'y dégrade par le luxe, la mollesse, et toutes les passions libidineuses. Il ne faut à des hommes libres que des cabanes répandues dans les champs, des armes, une charrue et quelques arpens de terre. Dans ces champêtres demeures, sans ambition, sans

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jalousie, sans craintes et sans désirs, on devait ramener en France les jours de l'âge d'or. Ces tableaux séduisaient les ouvriers, les manœuvres, les journaliers, et les autres individus qui, dans l'immensité de Paris, ne possédant dans une chambre habitée par leur famille, que quelques meubles de peu de valeur qu'il leur était aisé de transporter, ne prenaient aucun intérêt à la conservation d'un amas de maisons qui ne leur appartenaient pas. Ces hommes étrangers à Paris, regardaient même cette destruction comme pouvant leur procurer quelque bien en raison du pillage dont il était probable qu'elle serait accompagnée. Il était aisé aux Jacobins de faire naître l'occasion d'exécuter cette catastrophe.

CHAPITRE X V.

Projets des deux factions de la Montagne. Chute du parti Orléaniste, ou Cordelier.

Ox prétend qu'après avoir produit en France le bouleversement le plus universel, les Montaguards des deux sections espéraient de re

cueillir le fruit de leurs infernales ruses. L'anéantissement de tous les moyens de prospérité

que

renfermait la France, opéré par les armées révolutionnaires répandues dans les provinces, devait les réduire elles-mêmes aux plus affreuses extrémités. Qui vit de pillage ne vit pas long-temps. Les chefs ayant prévu cette chance, l'auraient tournée à leur avantage, pour envoyer sur les frontières une multitude d'hommes auxquels on aurait inspiré le désir d'aller chercher parmi leurs ennemis l'abondance qui n'était plus chez eux. L'anéantissement des finances nationales forçant les troupes à trouver leur subsistance et leur habillement au bout de leurs épées, leurs ravages extrêmes devaient forcer les monarques à faire la paix avec un gouvernement qui n'avait rien à perdre, et qui non - seulement dévorait les provinces sur lesquelles ses armées se répandaient, mais dont la politique tendait à prêcher l'anarchie, à verser sur les peuples voisins tous les fléaux qui le dévoraient lui-même.

Alors les Montagnards profitant de l'affaissement où l'excès du malheur, avait réduit tous les courages, et du besoin de police qui se faisait sentir, auraient régné en despotes sur un peuple malheureux, ignorant, faible et

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dispersé. La soif du pouvoir, cette terrible passion qui change les hommes en tigres, armant les Montagnards les uns contre les autres, garantit la France du dernier période d'opprobre.

Les Jacobins et les Cordeliers, fidèles à leur plan de rester étroitement unis pour écraser leurs ennemis communs, avaient à tenir les uns envers les autres une conduite d'autant plus délicate, que vivant ensemble avec la plus extrême défiance, il leur importait de la cacher à tous les yeux, pour ne pas décréditer devant leurs prosélytes communs les mesures prises de concert contre les audacieux qui auraient pu les démasquer.

Vers le temps de la mort de Louis XVI, le duc d'Orléans fut abandonné par une partie de ses fauteurs, soit parce que ses excessives profusions avaient absorbé sa fortune, ou que ce délaissement fut la suite de la haine universelle dont il s'enveloppa en votant la mort de son parent: ce fut le principe de son incarcération à Marseille; il ne fut tiré de cette prison que pour porter sa tête sur un échafaud.

Alors les chefs du parti orléaniste n'osaient plus se montrer; ils se déclaraient même les plus empressés courtisans de Roberspierre. Ce

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