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complis; il terminait en déclarant que des considérations de haute convenance lui interdisaient en ce moment de s'expliquer davantage; qu'au surplus, il n'avait pas abandonné l'importante mission que le roi lui avait confiée.

Sans avoir jamais eu la prétention d'imposer au maréchal l'obligation de répondre au sujet de la situation des négociations ministérielles, M. le baron Pelet pensait que le devoir de la Chambre était d'examiner les causes de cette situation, et de rechercher les moyens de prévenir le retour si fréquent de crises semblables. Suivant l'honorable pair, la crise actuelle remontait à la formation du ministère du 15 avril, composé de membres qui avaient pris parti pour des lois rejetées, et qui avaient laissé en dehors les principales influences de la Chambre élective. L'habileté du président du Conseil n'avait pu triompher de ce vice originel; une première dissolution avait été essayée dans l'espoir de se faire une majorité; elle était restée sans effet, comme on pouvait s'y attendre, et la Chambre était revenue à peu près telle qu'elle était avant les réélections. Seulement, il en était résulté un peu plus d'animosité dans les esprits; de là, les efforts de la coalition, l'Adresse, la dissolution nouvelle, et par suite de nouveaux sujets de dissentiment. L'orateur, déplorant l'espèce d'agonie d'un Cabinet intérimaire qui avait publié dans les Moniteur qu'il ne se mêlerait pas de politique, demandait par qui seraient traitées les grandes affaires au dedans et celles du dehors? Il finissait en manifestant l'espérance de voir les choses arriver à bonne fin, et le ministère nouveau, représentant toutes les sommités, prévenir le retour d'un pareil malaise politique.

Selon M. Brézé, la situation était inconstitutionnelle, et mettait en péril tous les intérêts. Ne devait on pas, confor mément à ce qui se passait en Angleterre, dans des circon stances beaucoup moins importantes, voter une Adresse

pour réclamer la cessation d'un état de choses qui compromettait au plus haut degré tous les intérêts?

M. le duc de Montebello, ministre des affaires étrangères, en réponse à M. Dreux Brézé, maintint que la formation du ministère et l'ouverture des Chambres avaient eu lieu légalement, et que la royauté n'avait pas abdiqué entre les mains des Chambres. Il assurait que la responsabilité du Cabinet était aussi entière que l'avait jamais été celle d'aucun Cabinet appelé aux affaires. Quant à l'état respectif des partis, le ministre ajoutait :

■S'il y a quelque chose d'étrange dans la situation, ce n'est pas la formation du ministère actuel, ce sont les circonstances qui ont amené cette formation; mais tout s'est passé suivant les formes constitutionnelles le roi a appelé un illustre maréchal, il l'a chargé de composer un Cabinet définitif: nul plus que nous n'appelle de ses vœux le moment où nous pourrons déposer entre les mains du roi ou des ministres qu'il aura nommés le fardeau du pouvoir. Les Chambres n'ont en cela que la part d'action constitutionnelle qu'elles doivent avoir dans la formation de toute administration: car vous ne prétendez pas que le roi puisse composer une administration sans les Chambres, pas plus que les Chambres sans le roi. A chacun sa part, et chaque pouvoir restera dans les limites de ses devoirs constitutionnels. Je le répète, l'expression dont on s'est servi n'est qu'un abus de mots.

M. le duc de Cadore expliquait la conduite de M. Pelet de la Lozère à l'égard du Cabinet par le sentiment profond de la dignité de la Chambre des pairs qui prétendait faire acte d'existence politique. D'ailleurs, le ministère avait sans doute la bonne volonté, mais non la prétention de couvrir sérieusement la royauté, et il était évident que, dans l'opinion générale, son insuffisance était reconnue. Cependant le noble pair conseillait à la Chambre de ne pas intervenir, mais d'attendre.

Là, s'arrêtèrent les explications.

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Chambre des députés. Le 14 avril, eut lieu la vérification des pouvoirs, qui ne fut signalée que par l'incident auquel donna' lieu la nomination de M. Emile de Girardin

à Bourganenf. M. Amilhau, rapporteur, après avoir analysé les procès-verbaux du collége électoral de la Creuse (Bourganeuf), constatait que le résultat du scrutin avait donné, sur 106 votants, 85 suffrages à M. Emile de Girardin; 4 suffrages à M. de Girardin sans autre désignation, etc. En conséquence, le quatrième bureau proposait à la Chambre de déclarer valides les opérations du collége électoral.

« M. de Girardin, disait le rapporteur, paie le cens; il a l'âge voulu par la loi. A-t-il la nationalité? on la lui conteste, on lui conteste le plus cher intérêt de chacun de nous, la qualité de Français. M. de Girardin répond qu'il a la nationalité, qu'il le prouve par ses actes, par sa possession d'état civil et politique, et par l'autorité des précédents..

Le long rapport de M. Amilhau mentionnait également que M. Emile de Girardin, après avoir fait déclarer par 7 témoins, à l'occasion de son mariage, qu'il était né en 1806 ou en 1807, avait, plus tard, pour se présenter à la députation, invoqué un autre jugement rectifiant le premier, et reportant l'époque approximative de sa naissance à 1802 ou 1805. Il n'y avait qu'une difficulté, c'était le manque d'énonciation dans ces deux actes du lieu de sa naissance, omission grave qui mettait en question sa nationalité, malgré la possession d'état et trois admissions comme député. On arguait également contre la validité de l'élection de M. Emile de Girardin de ce qu'il n'avait pas satisfait à la loi du recrutement. Après quelques explications de M. de Girardin, relatives à ce dernier fait par lesquelles il déclarait s'être présenté luimême pour se faire inscrire sur les registres de la mairie, et que, dès-lors, l'omission ne devait lui être aucunement imputée, la Chambre alla aux voix et le scrutin secret, réclamé par plusieurs membres, ayant donné 209 boules noires contre 184 suffrages, l'élection de M. Emile de Girardin ne fut pas validée.

Après la vérification des pouvoirs, la Chambre pro

céda à la nomination des présidents. Les suffrages se partagèrent entre M. H. Passy et M. Odillon-Barrot, qui obtinrent, le premier 227 voix, le second 195. En conséquence, M. Passy fut appelé aux fonctions de la présidence.

Pendant que les premières séances de la Chambre des pairs étaient consacrées aux interpellations nécessitées par l'état de choses'; et que, d'autre part, la Chambre des députés procédait aux actes préliminaires de sa constitation, le ministère provisoire du 31 mars, incapable par position de rien entreprendre de définitif et de nature à calmer les inquiétudes du pays, laissait par cela même subsister un malaise qui amena bientôt une émeute sérieuse dont nous donnerons plus loin les détails. Pendant deux jours, l'ordre fut troublé, et le sang coula dans la capitale.

12 Mai. Ces déplorables événements décidèrent le maréchal Soult à se rendre enfin à l'appel réitéré de la

couronne.

:

Le maréchal eut la présidence du Conseil et le département des affaires étrangères, et s'adjoignit comme collègues à la justice, M. Teste; à la guerre, M. Schneider; à la marine, M. l'amiral Duperré; M. Duchâtel, à l'intérieur; M. Cunin-Gridaine, au commerce; M. Dufaure, aux travaux publics; M. Passy, aux finances; et M. Villemain, à l'instruction publique.

A la suite de l'entrée de M. Passy dans le Conseil, la Chambre, dans la séance du 14 mai, appela au fauteuil de la présidence, M. Sauzet qui, au deuxième tour de scrutin, obtint 213 suffrages en concurrence avec M. Thiers qui en avait eu 206.

13 Mai. -Le président du Conseil se rendit d'abord à la Chambre des pairs et de là à la Chambre des députés, où il donna les explications suivantes sur la formation du Cabinet, et exposa les principes qui devaient diriger sa politique.

• Messieurs, un ministère est constitué, le roi m'en a confié la présidence, et je dois sans doute en grande partie cette marque de sa haute confiance au bonheur que j'ai eu de pouvoir présenter à S. M., pour former son Conseil, des noms qui répondaient d'avance aux vœux des Chambres et du pays. Je m'honore d'avoir réuni de tels collègues, et de partager avec eux la responsabilité devant la couronne et devant vous. J'ose compter sur votre appui pour un Cabinet dont la réunion a élé déterminée par des motifs, et dans des circonstances qui manifestent assez son dévouement au trône et aux lois.

« Le roi a choisi, pour former son gouvernement, neuf ministres d'accord entre eux sur les principes qui doivent diriger leur action. Ces principes, acceptés par la couronne, seront la règle du Cabinet: action libre d'un Conseil responsable et solidaire; la paix fondée sur la dignité nationale, l'ordre garanti par les lois; la protection la plus active pour tous les intérêts qui concourent à la prospérité du pays; et dans nos rapports avec les Chambres, la franchise et la fermeté, qui sont le meilleur moyen d'amener la conciliation des esprits.

Messieurs, en consacrant mon dévouement au service du roi dans un nouveau département, où les questions d'honneur national ont tant de prépondérance, je n'ai pas besoin de vous assurer que la France retronvera toujours, dans les discussions de si chers intérêts, les sentiments du vieux soldat de l'empire, qui sait que le pays veut la paix, mais la paix noble et glorieuse.

A la suite de chacune de ces séances, les deux Chambres se rendirent successivement auprès du roi pour protester de leur indignation contre la tentative révolutionnaire qui avait surpris et consterné Paris. Dès le lendemain, M. Teste, garde-des-sceaux, déposa sur le bureau du président de la Chambre des pairs, l'ordonnance royale qui la constituait en cour de justice.

Chambre des députés.-16 Mai.-Le premier acte du ministère fut la présentation d'un projet de loi portant demande d'un crédit extraordinaire de 1,200,000 fr. pour complément des dépenses secrètes. Le cabinet s'assurait ainsi des chances de vitalité qu'il pouvait avoir.

Le 28 mai commença la discussion.

M. Gauguier attribuait l'état de malaise politique à l'esprit d'envahissement du pouvoir royal, et prétendait en

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