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peut-être pas occasionné une telle explosion de mécontentement, des regrets aussi éclatants, que ne le fit l'annonce de la suspension de M. Rumann. C'était, aux yeux des populations, la loyauté elle-même destituée. En effet, M. Rumann avait été le plus lent à prendre parti pour le système opposé au gouvernement. Aujourd'hui, il était, en quelque sorte, le chef du mouvement qui tendait à ramener les choses au point où elles se trouvaient en 1833; la conviction d'un magistrat, que la passion n'avait sans doute point entraîné, devait donc être bien profonde! Les collègues de M. Rumann attaquèrent, dans une pétition au roi, la décision qui avait frappé le directeur de la ville; ils la trouvaient contraire à tous les principes : en effet, indépendamment de ce qu'elle avait eu lieu en même temps et presque avant l'accusation, elle constituait encore, selon les pétitionnaires, une grave atteinte aux droits de la ville qui avait le droit incontestable de nommer ses magistrats, et conséquemment ceux-ci ne pouvaient être suspendus ou destitués que par arrêt du tribunal compétent.

En réponse à ces réclamations, le roi déclara dans un nouveau rescrit, que les membres du collége des magistrats devaient être considérés comme serviteurs de l'état, et comme tous les autres employés publics, être subordonnés aux autorités supérieures gouvernementales; qu'un collége de magistrats tout à fait indépendant et pouvant se soustraire à l'action suprême du pouvoir et à une influence quelconque venant de plus haut, serait entièrement incompatible avec la sécurité et le bien-être publics; enfin, que c'était le droit incontestable du gouvernement de punir les membres de la commune qui s'écartaient de leurs devoirs, et même de les destituer, et qu'il s'agissait en effet, dans le cas présent, moins d'une punition que d'une mesure d'ordre public. Le gouvernement avait d'abord annoncé l'intention de traduire M. Rumann devant le conseil privé, mais on dut se borner à le renvoyer devant ses juges naturels, et ceux-ci, après une longue instruction, ne trouvèrent pas la suspension suffisamment justifiée. Dans l'intervalle, on avait essayé de remplacer le magistrat suspendu par un autre, au choix du pouvoir; mais ici la population se montra si animée, l'agitation fut si vive, si menaçante, qu'il fallut renoncer à cette tentative, et ce fut un substitut de M. Rumann, le syndic Evers, qui fut chargé de diriger les affaires de la ville, c'est à dire qu'en réalité il y eut changement de personne, plus encore que de système. En cette occasion seulement, la tranquillité publique, qui n'avait pas encore été sérieusement compromise, le fut un instant par des menaces de sédition. Des troupes furent appelées dans la capitale; la garnison renforcée, et le pouvoir parut tout à fait disposé à combattre par les armes toute tentative de résistance.

Comme on l'a vu, les villes et les états provinciaux avaient porté leurs réclamations constitutionnelles devant la Diète. En statuant sur leur demande, en la rejetant même (10 septembre), la confédération ne laissa pas moins s'accomplir un grave précédent. Il se trouva, en effet, que ce ne furent plus seulement le roi et les Chambres, c'està-dire les pouvoirs exécutif ou législatif qui correspondirent directement avec elle, mais encore les populations ou les états provinciaux qui les représentaient immédiatement.

Le rejet de l'appel des villes hanovriennes était au surplus, ainsi motivé :

Il ne peut être donné suite aux propositions qui ont été faites à la Diète, dans sa cinquième séance du 26 avril, attendu que, dans l'état actuel des choses, il n'existe aucun motif fondé sur le droit fédéral d'intervenir dans cette affaire de politique intérieure. Cependant, la Diète espère avec confiance que S. M. le roi de Hanovre, voudra bien, conformément a ses intentions paternelles, antérieurement manifestées, amener, aussi promptenient qu'il sera possible avec les Etats, un arrangement de la constitution qui soit conforme à ce qu'exige le droit de la couronne et des Etats.a

Il y avait, dans l'invitation faite au roi Ernest-Auguste, quelque chose de rassurant pour l'avenir. En effet, elle témoignait des dispositions des états confédérés, pour le maintien de la paix intérieure, bien qu'on ne parût pas vouloir s'immiscer dans un débat particulier. La Diète, il est vrai, se contentait d'inviter; mais il y avait dans ce terme, adouci en apparence, quelque chose d'impérieux en réalité. Toutefois, le roi (proclamation du 10 septembre) pensa que la base fondamentale du droit public du royaume (dans la pensée de Sa Majesté, la constitution de 1819), avait obtenu une nouvelle consécration. Sa Majesté s'associait au vœu de la Diète, et ajoutait que l'espoir de le voir s'accomplir était singulièrement justifié par les propositions récentes de l'assemblée générale des états. Venait ensuite l'annonce de la mission confiée à des hommes spéciaux pour ouvrir la voie aux arrangements. Mais jusque-là, c'était toujours (le roi appuyait sur cette conclusion), le statut de 1819 qui constituait la loi de l'État.

La commission dont il était parlé dans cette proclamation, s'occupa, en effet, d'un projet qui devait, disait-on, concilier les prétentions diverses; mais elle n'était pas sonnée l'heure d'une conciliation si nécessaire à la prospérité d'un pays où les débats politiques semblaient avoir absorbé tous les autres intérêts. Aussi vit-on se renouveler, plus opiniâtres que jamais, les refus de payer l'impôt, de procéder aux élections; en un mot, d'exercer les droits ou de remplir les devoirs politiques.

BAVIÈRE.

La tendance du gouvernement à ressusciter les institutions d'un autre âge, devenait de plus en plus mani

feste. Déjà les couvents avaient été rétablis, et l'on rappelait les jésuites qui, conjointement avec les bénédictins, allaient être chargés de l'instruction publique. Cependant, la royauté ne renonçait pas à l'espérance de se placer en tête de l'alliance que formaient les petits états de l'Allemagne méridionale; seulement, on peut dire que cette voie de réaction catholique dans laquelle elle avait définitivement résolu de marcher, ne semblait pas devoir la conduire à ce but. En effet, bien que le catholicisme domine dans le midi de l'Allemagne, le protestantisme y conserve toujours une grande influence; dans quelques pays même, il est au pouvoir, et s'effraie à bon droit de ce retour au passé qui se réalise en Bavière. Les vues des hommes qui dirigent les affaires ont trop évidemment changé à l'égard des dissidents dont les croyances, respectées dans les commencements du règne actuel, se trouvent chaque jour en butte aux pamphlets des exaltés catholiques.

Là, est en résumé l'histoire du royaume pendant l'année qui nous occupe. En dehors de ce travail rétrograde des idées, nous avons à signaler peu de faits politiques d'une haute portée, peu de déterminations influentes et significatives de la part du pouvoir. Il faut pourtant remarquer l'attitude que prit le gouvernement vis-à-vis du roi de Hanovre à la Diète germanique. En 1858, dans la question de savoir si les corporations avaient le droit de pétition, le représentant de la Bavière, chargé de faire le rapport, avait censuré fort énergiquement la conduite du roi ErnestAuguste, tout en concluant à une sorte de compromis. Mais cette année il se prononça d'une manière plus explicite, et proposa dans le sein de la Diète de déclarer que le roi de Hanovre avait violé l'acte final du congrès de Vienne, qui garantit le maintien des constitutions.

Pendant que le ministre des relations intérieures portait de ce côté son attention, une grande activité régnait

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au département du commerce et des travaux publics. On s'occupait avec ardeur d'étendre le service de la navigation à vapeur sur le Danube. Des communications régulières devaient être établies entre Ratisbonne et Ulm ; ainsi, avec la navigation à vapeur sur le Rhin, celle du Danube formerait à l'avenir la route la plus directe de Londres à Constantinople. On conçoit dès-lors quelle était l'importance d'une pareille entreprise.

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En outre, le chemin de fer de Munich à Augsbourg; mis en voie d'exécution, s'avançait avec une admirable promptitude. Il couvrit bientôt un espace de dix milles allemands, et les deux premières sections furent immédiatement livrées à la circulation.

Le dernier acte politique de quelque importance fut la publication de l'ordonnance royale qui convoquait les colléges électoraux pour la nomination des députés de la prochaine législature.

Dans le préambule, on lisait les déclarations suivantes :

• De même que nous attendons de la part des autorités l'accomplissement de leurs devoirs constitutionnels, concernant la liberté des électeurs et l'éloignement de toute influence illicite, nous espérons aussi que les électeurs apprécieront la gravité et la sainteté de leurs mission, afin qu'il ne soits de l'urne électorale que les noms d'hommes qui sauront seconder loyalement nos efforts, ayant pour objet le maintien consciencieux de la constitution et des lois..

Ce fut sous l'impresssion de ce vœu impartial du chef de l'Etat que les colléges procédèrent aux élections et que leurs mandataires se disposèrent à remplir leur mission.

BADE.

Le Grand Duc ouvrit, le 6 avril, la session des états dé Bade. S. A. R. n'aborda point les questions qui préoccupaient plus particulièrement les Chambres, telles que les

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