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bonne foi, par le débiteur d'un effet de commerce, qui s'est engagé par erreur ou qui a été victime du dol ou de la violence (1). /

1525. Par les mêmes raisons, si le vice d'un endossement résultant de ce que la signature de l'endosseur lui a été surprise par dol, ou extorquée par la violence, est opposable par l'endosseur à celui qui s'est rendu coupable de violence ou de dol (2), il n'est pas opposable à celui qui est porteur de l'effet, en vertu d'un endossement ultérieur, quand celuici est reconnu porteur de bonne foi. C'est ce qui a été jugé, quant au dol, par un arrêt de la Cour de cassation du 6 août 1807 (3).

1526. Tout ce qui précède s'applique, non-seulement aux lettres de change et aux billets à ordre, mais aussi aux autres obligations commerciales qu'il est permis de faire à ordre, tels que les connaissements (4) et les contrats à la grosse (5). Ainsi le porteur d'un connaissement ou d'un contrat à la grosse n'est passible d'aucune des exceptions d'erreur, de violence et de dol qui pouraient être opposées aux porteurs qui le précèdent (6).

1527. Plaçons-nous maintenant dans l'hypothèse, où l'exception d'erreur, de violence ou de dol, au lieu d'être opposée au porteur, est opposée par le porteur même. S'il a été dans l'erreur en recevant l'effet; si le dol et la violence ont été commis sur lui-même, nul doute qu'il ne puisse y puiser une exception contre son cédant immédiat qui s'en est rendu coupable, et faire prononcer la nullité de l'endossement avec dommages-intérêts sans attendre l'échéance du titre.

Mais si le cédant immédiat était de bonne foi, le cessionnaire pourrait-il faire annuler l'endossement sous le prétexte, soit de l'erreur de l'un des précédents endosseurs, soit du

(1) Cass., 3 fév. 1817, S., 47, 1, 209; M. Alauzet, t. II, n. 785; MM. Bravard et Demangeat, t. III, p. 257 et suiv.

(2) Cass., 14 mars 1842; S., 42, 1, 665. (3) S., 2, 1, 420; D., 6, 633.

(4) C. com., 281.

(5) C. com., 313.

(6) Cass., 17 août 1859, S., 60, 1, 61:,

dol ou de la violence qui auraient été employés pour lui faire recevoir l'effet?

Pour résoudre la question, il faut se faire une idée exacte des droits du porteur d'une obligation à ordre contre les précédents endosseurs. Ces droits consistent uniquement dans l'action en garantie que le porteur non payé à l'échéance par le souscripteur ou l'accepteur de l'effet, peut exercer collectivement ou individuellement contre tous les endosseurs qui le précèdent. Le même droit appartient également à tout endosseur qui, actionné en garantie, a été obligé de rembourser le montant de l'effet (1).

Il suit de là que le porteur qui n'a aucune action pour erreur, dol ou violence contre son endosseur immédiat, quand celui-ci est de bonne foi, et qui n'a d'autre action contre les endosseurs précédents que le recours en garantie qui ne lui est ouvert qu'autant qu'il n'est pas payé à l'échéance par le souscripteur ou par l'accepteur de l'effet, n'a jamais d'intérêt, et par conséquent n'a jamais d'action pour faire annuler l'endossement à raison de l'èrreur, du dol ou de la violence dont un des précédents endosseurs aurait été victime; si l'effet est payé à l'échéance par le souscripteur ou l'accepteur, le porteur n'a plus rien à demander; il en est de même si, l'effet n'étant pas payé, le porteur, sur son action en recours collectif ou individuel contre les endosseurs, est remboursé par l'un d'eux ; et il est manifeste qu'il en doit encore être ainsi, lorsque, tous les endosseurs étant insolvables, le porteur ne peut être remboursé par aucun d'eux, parce que l'action en nullité de l'endossement pour erreur, dol ou violence, ne pourrait tendre à un autre but qu'au remboursement, et que le porteur n'aurait aucun intérêt à demander par cette voie ce qu'il n'a pu obtenir par voie d'action en garantie.

Ce qui vient d'être dit du porteur peut également être dit de chacun des endosseurs, qui, après avoir remboursé le porteur, exercent un recours en garantie contre les endosseurs qui les précèdent : ils n'ont d'autre droit que de se faire rembourser; et quand l'insolvabilité de leurs garants rend ce (1) C. com., 164.

droit illusoire, ils sont sans intérêt pour faire prononcer la nullité ou la rescision de l'endossement, puisque cette rescision ne ferait que leur donner un nouveau droit au rémboursement qu'en fait ils ne peuvent obtenir.

Quant à l'endosseur qui a été victime du dol et de la violence commis par celui qui le précède, lorsque l'effet revient dans ses mains par suite des remboursements successifs, comme il peut avoir souffert un préjudice du dol et de la violence commis envers lui personnellement, il est fondé à en exciper pour obtenir, outre le remboursement qui lui est dû, des dommages-intérêts.

Peu importe, dans tous les cas qui précèdent, que le dol ou la violence aient été commis, non par l'un des endosseurs, mais par le souscripteur de l'effet à l'égard du porteur, ou des endosseurs qui l'ont remboursé, le souscripteur est assimilé à un endosseur (1).

1528. Cependant il est un cas particulier où le porteur peut demander la nullité, non pas de l'endossement, mais du titre même, à raison du dol pratiqué par le souscripteur lors de la création de l'obligation: c'est lorsqu'il s'agit d'un prêt à la grosse, et qu'il y a eu de la part de l'emprunteur exagération frauduleuse de la valeur des objets sur lesquels l'emprunt est affecté. Aux termes de l'article 316 du Code de commerce, tout emprunt à la grosse fait pour une somme excédant la valeur des objets sur lesquels il est affecté peut être déclaré nul à la demande du prêteur, s'il est prouvé qu'il y a fraude de la part de l'emprunteur. Or, il n'est pas douteux que cette nullité puisse être demandée, non-seule. ment par le prêteur lui-même, mais aussi par celui à qui il a transmis le billet de grosse par voie d'endossement (2). La raison en est que le contrat à la grosse ouvre au prêteur ou à celui qui le représente, non-seulement une action personnelle à la fin de remboursement de la somme prêtée, mais aussi une action réelle sur les objets affectés au prêt, et que si la fraude de l'emprunteur, en exagérant la valeur de ces

(1) G. com., 164.

(2) Boulay-Paty, sur Émérigon, ch. vi, sect. II.

objets, diminue la garantie qui résulte de cette action réelle, et réduit les droits du prêteur à une action personnelle, le porteur a le même intérêt que le prêteur à faire annuler un contrat que le dol a dépouillé de ses garanties légales ; et cet intérêt est d'autant plus vif que le porteur d'un contrat de prêt à la grosse n'a d'action en garantie contre les endosseurs qui le précèdent, que pour le remboursement du capital prêté et non pour le profit maritime, lequel n'est dû que par l'emprunteur (1), de telle sorte que le porteur est en danger de perte, s'il ne trouve pas chez l'emprunteur toutes les sûretés auxquelles il a droit.

1529. Nous devons faire remarquer ici que tout ce qui précède relativement à la violence ou à l'erreur en matière d'endossement, ne s'applique pas aux faux endossements. Un endossement faux n'est pas translatif de propriété, parce qu'un endossement faux n'est pas à proprement parler un endossement, et ne peut dès lors produire aucun effet, même vis-à-vis du porteur de bonne foi, dès que la fausseté lui en est opposée. Le porteur ne peut donc agir en vertu de cet endossement ni contre le souscripteur, ni contre l'accepteur, ni contre les endosseurs qui précèdent le faux endossement, parce que, vis-à-vis de tous ces coobligés la transmission de propriété s'arrête au faux ordre, et que, en ce qui les concerne, tout ceux qui à partir du faux sont devenus porteurs de l'effet n'en ont jamais été les légitimes propriétaires (2).

Mais il est bien évident que le porteur de bonne foi peut recourir contre les endosseurs qui le précèdent et qui sont postérieurs aux faux, puisque, vis-à-vis de ces derniers, le faux n'est plus qu'une circonstance indifférente, et qu'en ayant profité, soit qu'ils en eussent, soit qu'ils n'en eussent pas connaissance, ils ne peuvent être admis à s'en prévaloir pour conserver la valeur qu'ils ont reçue de celui à qui ils ont transmis les billets à ordre ou la lettre de change.

Toutefois les coobligés antérieurs au faux endossement

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(2) Cass., 30 mars 1853, S., 53, 1, 470; trib. d'Angers, 20 juin 1853, S., 53, 2, 565; M. Alauzet, t. II, n. 906.

qui ont payé le porteur en l'absence d'une opposition formée par le véritable propriétaire de l'effet au préjudice duquel le faux a été commis (1), n'ont aucune action en répétition contre ce porteur, parce qu'ils étaient obligés de faire honneur à leur signature, et que n'étant exposés à aucune action. de la part du véritable propriétaire, ils n'ont rien à réclamer du porteur auquel ils n'ont fait que payer ce qu'ils devaient (2).

1530. Il ne faut pas, du reste, assimiler au faux l'abus de confiance commis par un mandataire qui aurait disposé de l'effet au profit d'un tiers porteur de bonne foi. L'endossement fait par un mandataire infidèle n'en serait pas moins un endossement, et par conséquent serait translatif de propriété d'où la conséquence qu'aucune exception ne pourrait être opposée de ce chef au porteur de bonne foi (3).

1531. Rappelons, en terminant ce qui est relatif à l'erreur, au dol et à la violence, que la convention contractée par erreur, violence ou dol, n'est point nulle de plein droit: elle donne seulement lieu à une action en nullité ou rescision de la manière et dans les délais qui seront ci-après expliqués (4).

1532. Nous avons déjà dit qu'il y avait un quatrième vice du consentement, participant de l'erreur, la lésion. La lésion consiste dans le préjudice résultant d'une appréciation erronée de la valeur des choses qui font l'objet du contrat. Ses effets dissolvants ne sont admis que dans certains contrats et à l'égard de certaines personnes. En exposant les droits des mineurs (5), nous avons vu comment ils sont restituables pour cause de lésion contre les actes par eux faits. Nous verrons plus tard, en traitant des actions en nullité ou rescision, les cas et les délais dans lesquels l'action en rescision pour cause de lésion peut être exercée (6).

(1) C. com., 149.

(2) M. Locré, t. XVIII, p. 68; M. Alauzet, t. II, n. 906; Cass., 30 janv. 1850, S., 50, 1, 189.

(3) Voy. Anal. Caen, 19 mars 1846, S., 47, 2, 299; Paris, 7 mars 1851, ibid., 52, 2, 38; et Cass., 22 juin 1858, ibid., 58, 1, 591.

(1) Voy. inf., ch. v, sect. VII.

(5) T. II, n. 1031, 1053 et suiv. (6) Voy. inf., ch. v, sect. VII.

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