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dont se compose l'ensemble du droit commercial, et spécialement la partie de ce droit qui régit les obligations conventionnelles. C'est ce que reconnaît un avis du Conseil d'État du 13 décembre 1814, en ces termes: « Le Conseil d'État est d'avis que les tribunaux de commerce doivent juger les questions particulières qui se présentent suivant leur conviction, d'après les termes et l'esprit du Code, et, en cas de silence de sa part, d'après le droit commun el les usages du commerce. » Cet avis, quoique approuvé par l'empereur, p'ayant pas été inséré au Bulletin des lois, je ne le cite pas comme ayant force de loi et devant résoudre la difficulté par voie d'autorité législative; mais je le cite comme expression rationnelle d'un fait, et comme autorité doctrinale qui doit avoir d'autant plus de poids, qu'à l'époque où il a été émis, le Conseil d'État, dans le sein duquel se trouvaient les auteurs du Code civil et du Code de commerce, était en présence de ces deux Codes alors terminés et en pleine exécution, et pouvait prononcer en connaissance de cause sur leur autorité respective.

1442. Cependant, je l'ai déjà dit, ce système, qui, en 'maintenant le principe du pouvoir légal, laisse aux coutumes et aux usages une large place que la liberté des conventions ́peut élargir encore, adopté par la jurisprudence (1) et la piupart des auteurs, a été combattu par d'autres, a la fête desquels il faut placer MM. Delamarre et Lepoitvin, dans leur traité du Contrat de commission (2). Suivant ces auteurs, l'usage est la grande loi, on pourrait même dire la seule loi du commerce, puisqu'ils lui donnent pour effet de prévaloir pon-seulement sur le droit civil, mais encore sur le droit commercial, quand il est très-ancien et persévérant (3). C'est l'équité fondée sur le droit naturel dont ces usages sont l'ex

(1) Cass., 5 juil. 1820, S., 6, 1, 272.

(2) T. I, n. 361 et suiv.; t. II, n. 19 et suiv. ; t. III, n. 22 et suiv. aussi Fremery, Etudes du droit commercial, p. 12 et suiv.

- Voy.

(3) T. I, n. 366. « Non-seulement, disent ces auteurs, l'usage commercial prévaut sur le droit civil, mais quand il est très-ancien et persévérant, il prévaut même sur la loi du commerce. »

pression, à moins qu'ils n'aient été virtuellement ou spécialement prohibés par la loi commerciale, qui, doit servir de règle et il n'y a lieu de recourir au Code civil que pour tenir compte de celles de ses dispositions qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs; de telle sorte que le Code civil ne serait plus rien en matière commerciale: le Code de commerce lui-même n'y occuperait qu'une place secondaire; l'usage et l'équité se partageraient la première, et y régneraient d'une manière à peu près absolue....

Il y a dans une pareille opinion quelque chose de hardi et qui surprend; il était permis de penser qu'après une codífication laborieuse qui a eu pour objet principal de fonder l'unité dans la législation comme dans l'État, de faire disparaître les coutumes, et les usages dont la variété divisait le sol national pour leur substituer une législation uniforme, l'autorité de nos Codes ne serait plus combattue par des usages plus fugitifs encore que les coutumes écrites que le législateur a abolies sans retour; il était permis de penser qu'en présence de lois que leurs auteurs se sont sans doute efforcés de rendre justes et équitables, on ne viendrait plus parler d'une équité abstraite plus équitable que la loi elle-même. Cette opinion, du reste, est développée d'une manière assez spécieuse pour faire illusion aux intelligences prises au dépourvu, et qui sont habituellement tentées de se laisser séduire par les idées paradoxales, précisément parce qu'elles sont paradoxales, sans songer qu'elles unissent le plus souvent le danger à l'erreur.

Suivant MM. Delamarre et Lepoityin qui ont développé ce système avec une habileté peu commune, le commerce se faisant au moyen de négociations qui unissent les différents. pays et même les différentes parties du, monde; étant le même partout, et servant de lien à tous les peuples civilisés, ne peut être soumis à toutes les lois civiles indistinctement qui ne régissent qu'une seule nation; d'où ils concluent qu'il faut « le laisser sous l'empire de la convention, et laisser la convention sous l'empire du droit naturel qui n'est étranger nulle part, et qui, chez toutes les nations commerçantes, est le régulateur des

opérations commerciales. » A l'appui de ces prémisses et de cette conclusion si absolue, ces auteurs cítent plusieurs passages, soit des exposés des motifs du Code civil et du Code de commerce, soit de la discussion à laquelle ces Codes ont donné lieu dans le sein du Conseil d'Etat, et ils invoquent l'autorité de docteurs les plus respectés en droit commercial, qui auraient toujours fait reposer ce droit sur l'usage et sur l'équité naturelle.

Je ne sais si je me trompe; mais il me semble que les jurisconsultes que je combats sont en principe les adversaires de la codification. Il me semble qu'ils appartiennent à cette école dont on connaît les représentants illustres, qui considèrent un code comme une vaine tentative qui n'a d'autre résultat que d'arrêter les développements naturels de la législation. Si telle était leur opinion, elle expliquerait jusqu'à un certain point leur doctrine, mais ne la justifierait pas. En effet, ce n'est pas le Code civil seulement qu'il faudrait mettre de côté lorsqu'il est contraire aux usages de toutes les nations commerçantes, sous prétexte que fait pour une nation, il gênerait le commerce qui, fait par toutes et entre toutes, doit en tous lieux être soumis aux mêmes règles; il faudrait encore rejeter le Code de commerce qui, fait pour la France, ne régit que les actes faits ou réputés faits en France, et qui peut par conséquent se trouver en opposition avec les lois ou les usages des autres pays. C'est sans doute une grande et belle idée que de soumettre toutes les nations commerçantes aux mêmes règles et aux mêmes lois; mais c'est là une idée difficilement réalisable; et assurément le meilleur moyen d'arriver à sa réalisation, ce n'est pas de s'en tenir à des usages variables et mobiles: c'est de faire des lois positives et stables assez parfaites pour que toutes les nations s'empressent de les adopter. C'est ce qui est arrivé pour notre Code de commerce, qui est devenu celui de presque toute l'Europe (1); et la même fortune est advenue au Code civil. Voilà dans quelles

(1) Le Code de commerce de Hollande, qui est calqué sur le Code français, porte même, art. 1, que le Code civil est applicable aux affaires commerciales, en tant qu'il n'y est pas dérogé par le Code de com

merce.

limites il faut tendre à l'unité de législation; mais y tendre en se plaçant sous l'empire de principes non formulés qui seraient admis par tous les peuples commerçants, c'est une utopie fort dangereuse, parce que si certains principes d'équité et leurs conséquences immédiates sont ou doivent être les mêmes partout, là multiplicité des affaires humaines exige que le législateur intervienne pour faire l'application de ces principes et de leurs conséquences, et sauver les contractants de l'arbitraire des opinions et des systèmes.

Peu importe donc que, dans les discours préliminaires du Code civil et du Code de commerce, quelques phrases plus ou moins expresses énoncent d'une manière abstraite, en comparant les lois commerciales aux lois civiles, que celles-ci n'exercent leur influence que sur la nation qu'elles régissent, tandis que les lois du commerce ont une influence universelle (1). C'est là une de ces vérités générales et incontestables dont on ne peut rien conclure en faveur de l'autorité qu'on revendique pour les usages fondés sur l'équité, Loin de là, s'il y a une conclusion à tirer du discours préliminaire du Code de commerce, elle est contraire à l'autorité des usages qu'on présente aujourd'hui comme universels; car on ne peut croire que les auteurs de ce Code de commerce, aient entendu parler des usages commerciaux pour les faire prévaloir sur les lois commerciales qu'ils promulguaient, ni qu'ils se soient ainsi rendus les démolisseurs de leur œuvre. Il est évident au contraire qu'en disant que « les lois du commerce sont universelles, qu'elles intéressent toutes les nations commerçantes, qu'elles doivent être en harmonie avec les grandes habitudes du commerce », ils ont cédé à un amour-propre d'auteurs: ils entendaient faire indirectement l'éloge des lois qu'ils présentaient au pays et dont ils annonçaient la tendance, en indiquant d'une manière générale qu'elle devait être le caractère des lois du commerce. Comment d'ailleurs des hommes qui se montraient si bien instruits des nécessités com

1

(1) Voy. les passages cités par MM. Delamarre et Lepoitvin, t. I, n. 19, et t. III, n. 17.

merciales, auraient-ils pu avouer qu'ils n'avaient pas su les satisfaire, et déclarer qu'il fallait s'en remettre à l'usage du soin de rectifier leurs erreurs? Il y a à cet égard quelque chose de plus précis que les discours préliminaires, ce sont les paroles de M. Panvilliers, orateur du Tribunat, qui disait au au Corps législatif, dans son rapport sur le livre Ier du Code: « L'uniformité des lois en matière de commerce était devenue l'objet du vœu général de la nation, plutôt que celle de la législation civile, parce que l'empire de ces lois s'étendant sur les contestations d'un plus grand nombre d'individus de pays différents, la variété de leurs dispositions, dans diverses places de commerce pour des cas ou des engagements absolument semblables, avait des inconvénients beaucoup plus graves, en ce qu'elle induisait souvent en des erreurs préjudiciables à leurs intérêts des négociants même régnicoles qui ne pouvaient pas toujours en être instruits. Il était donc nécessaire de faire disparaître ces différences de principes ou d'usages locaux qui ne pouvaient favoriser que la mauvaise foi (1). »

Qu'on juge maintenaint si les discours préliminaires ébranlent l'autorité du Code de commerce au profit de celle de l'usage.

Ils n'ébranlent pas non plus l'autorité du Code civil en matière commerciale, pour tous les cas sur lesquels la loi commerciale n'a pas statué. Les auteurs du traité du Contrat de commission, qui portent principalement sur ce point tous les efforts de leur argumentation, voient une preuve de l'inapplicabilité du Code civil dans la distinction établie, tant par les auteurs du Code civil que par ceux du Code de commerce, entre le Droit civil qui, par sa nature, n'est appelé à exercer son influence que sur la nation qu'il régit, et le Droit commercial dont l'influence est universelle. Mais énoncer cette différence entre les caractères généraux des lois commerciales et des lois civiles proprement dites, ce n'est pas dire que les lois civiles ne puissent jamais devenir des lois commer

(1) Locré, t. XVII, p. 66.

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