. Casaregis (1) et par un grand nombre d'auteurs et de tribunaux, utpote æquior et communior. Aujourd'hui, indépendamment de la généralité des termes de l'article 1153, qui dispose sans distinction que les intérêts moratoires sont dus à partir de la demande, et qui ne suppose pas qu'ils puissent n'être dus qu'à partir du jugement de condamnation, il est manifeste qu'il n'y aurait aucune justice à priver le créancier des intérêts courus à partir de la demande, sous prétexte de la bonne foi du débiteur, qui croyait qu'il ne devait pas. Si, en définitive, les tribunaux jugent qu'il doit, ou si lui-même, mieux éclairé, finit par reconnaître la dette, l'erreur dans laquelle il a été ne peut préjudicier au créancier qui ne se trompait pas dans ses prétentions, et qui était par conséquent également de bonne foi dans sa demande. Ce serait donc se laisser prendre à un semblant d'équité que de refuser d'allouer au créancier les intérêts moratoires, à partir de la demande, sous prétexte que le débiteur a pu justement croire qu'il ne devait pas. 1687. Il y avait du reste autrefois un penchant très-prononcé à favoriser,à cet égard, le débiteur aux dépens du créancier. Ainsi Ansaldus (2) et Casaregis (3) décidaient encore qu'une demande formée pour une somme qui excédait le montant de la créance ne constituait pas le débiteur en demeure, même pour la somme réellement due interpellationem factam pro summá verum debitum excedente aptam non esse constituere debitorem in morâ, nec etiam pro summâ vere debitâ. Une telle décision n'a rien d'équitable ni de logique, car le moins est évidemment contenu dans le plus ; et le débiteur, à qui on demande plus qu'il ne doit, pouvant, en offrant de payer ce qu'il doit, satisfaire immédiatement le créancier ou le mettre dans son tort, il n'y a aucune raison pour refuser à la demande l'effet ordinaire qui y est attaché, jusqu'à concurrence de la somme due : l'excès de la demande n'en détruit pas le fondement. (1) Disc. 30, n. 40 et suiv. (2) Disc. 34, n. 47. (3) Dise. 199, n. 85. 1688. Par les mêmes raisons, je pense qu'encore bien qu'une dette ne soit pas liquide, le débiteur est mis en demeure par la demande de la somme due, quelle qu'elle soit, et des intérêts, ou bien encore par une demande à fin de compte, s'il y a un compte à faire entre les deux parties; et qu'il doit les intérêts de la somme dont, en définitive, il est reconnu débiteur, à partir de la demande, et non à partir de la liquidation. La rote de Gênes (1), Roccus (2) décident encore le contraire Rationes et computa dùm sunt incerta et intricata, non potest debitor constitui in morâ, et interesse non debetur nisi factá liquidatione; mais c'est à tort. En effet, le débiteur pouvait faire liquider la créance sans attendre la demande ; la demande le met donc en demeure de faire ce qu'il pouvait, et par conséquent ce qu'il devait faire. Rien ne l'empêche d'ailleurs de faire, après la demande, des offres de la somme qu'il estime devoir, et d'arrêter ainsi le cours des intérêts moratoires (3). 1689. Mais il est manifeste qu'il en serait autrement, si la créance non liquide n'était pas encore exigible, puisque, avant l'exigibilité, le débiteur n'est tenu ni de liquider ni de payer (4). 1690. Il y a un cas particulier où la demande et la mise en demeure qui en résulte ne produisent pas les effets ordinaires qu'y attache l'article 1153. C'est celui où le débiteur est en faillite. Aux termes de l'article 445 du Code de commerce, le jugement déclaratif de faillite arrête, à l'égard de la masse seulement, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilége, par un nantissement ou par une hypothèque. Par conséquent, une mise en demeure, postérieure au jugement déclaratif, ne fait pas courir les intérêts moratoires relativement à la masse des créanciers chirographaires. Mais, comme d'après l'article 445 précité, la déclaration de faillite n'arrête (1) Décis. 164, n. 1. (2) De societate mercatorum, notab. 95, n. 202. (3) Cass., 21 nov. 1820, S., 6, 1, 42; D., 7, 668; Paris, 26 mars 1831, S., 31, 2, 249; D., 31, 2, 138. (4) Ansaldus, Disc. 7, n. 9 et 10; Disc., 8, n. 22. le cours des intérêts qu'à l'égard de la masse, de telle sorte que le créancier ne peut prendre part dans l'actif de la faillite pour les intérêts courus depuis le jugement déclaratif, il faut en conclure que ces intérêts continuent cependant de courir contre le failli qui en reste personnellement débiteur, et que la mise en demeure, postérieure à la déclaration de faillite, les fait courir contre le failli, bien qu'elle ne puisse les faire courir à l'égard de la masse. Quant aux créanciers garantis par un privilége, par un nantissement ou par une hypothèque, que la loi place dans une position exceptionnelle, et qui, ne faisant pas partie de la masse chirographaire, sont régis par des règles particulières, ils peuvent, nonobstant la faillite, faire courir les intérêts moratoires par une demande judiciaire, mais ils ne peuvent réclamer ces intérêts que sur les sommes provenant des biens affectés au privilége, à l'hypothèque ou au nantissement (1). Ces règles de notre droit actuel tranchent la difficulté d'une manière plus précise que ne l'avaient fait les anciens docteurs en droit commercial, qui décidaient tantôt que la faillite n'arrêtait pas le cours des intérêts dus en vertu d'une convention: contrà decoctum usuras adhuc currere, quandò ex conventione vel stipulatu debitæ sunt (2); et tantôt que les intérêts moratoires cessaient au moment de la faillite, quia debitor non potest dici in morâ dùm adhuc si vellet solvere non posset (3), sans faire d'ailleurs aucune distinction entre les droits généraux de la masse et ceux du failli. Il y avait une contradiction évidente à refuser les intérêts moratoires, sous prétexte que le failli ne pouvait payer, et à faire courir les intérêts conventionnels d'un capital qu'il lui était également impossible de payer. Le mieux assurément était de faire comme la loi actuelle, d'arrêter le cours des intérêts relativement à la masse dans un but d'équité, afin que les intérêts des grosses créances n'absorbassent pas le capital des petites; mais en même temps, et pour (1) C. com., art, 445; Cass., 14 juill. 1829, S., 9, 1, 231; D., 29, 1, 303; et 2 avril 1833, S., 33, 1, 278; et D., 33, 1, 160. (2) Casaregis, Disc. 120, n. 30. (3) Ansaldus, Disc. 87, n. 21 et suiv. ne pas ajouter aux pertes que la faillite impose aux créanciers, de les maintenir dans leurs droits contre le failli personnellement, en leur laissant la faculté d'en faire usage quand les circonstances le leur permettraient. 1691. En règle générale, c'est donc la demande judiciaire. qui fait courir les intérêts moratoires, qui constitue le débiteur en demeure, ex personâ, et qui remplace dans cette matière spéciale l'interpellation ou la sommation dont la loi se contente, quand il s'agit de l'exécution des obligations de donner ou de faire. Cependant il est un cas particulier, en matière commerciale, où les intérêts moratoires courent par l'effet d'une simple sommation, sans qu'il soit besoin d'une demande judiciaire. C'est le cas prévu par les articles 185 et 187 du Code de commerce, aux termes desquels l'intérêt d'une lettre de change ou d'un billet à ordre, protestés faute de payement, est dû à compter du jour du protêt (1). Mais il faut bien remarquer que cette disposition exceptionnelle n'est applicable que dans le cas où il s'agit d'un protêt faute de payement, c'est-à-dire quand la lettre de change ou le billet à ordre sont protestés après leur échéance. Si, au contraire, il s'agissait d'un protêt, faute d'acceptation, c'est-à-dire de celui qui est fait quand avant l'échéance le tiré refuse d'accepter la lettre de change, il est de toute évidence que le principal de la lettre de change ne pouvant produire d'intérêts avant l'échéance, le défaut d'acceptation et le protêt qui le constate ne peuvent constituer le débiteur, quel qu'il soit, en retard de payer, conséquemment rendre le principal de la lettre productif d'intérêts. Si donc à l'échéance le tiré qui n'avait pas accepté paye, il ne doit que le capital sans intérêts; s'il ne paye pas, et qu'il y ait protêt faute de payement, les intérêts ne courent que du jour de ce protêt. Il ne peut y avoir aucune difficulté sur ce point: le texte de l'article 185 est formel. Mais la question peut se compliquer. L'article 120 du Code de commerce porte que, sur la notification du protêt, faute d'acceptation, les endosseurs et le tireur (1) C. Com., art. 184 et 185. Voy. Cass., 29 nov. 1852, S, 1, 792. sont respectivement tenus de donner caution pour le payement de la lettre de change à son échéance, ou d'en effectuer le remboursement. Cette notification, qui emporte avec elle demande de caution ou de remboursement, fait-elle courir les intérêts du capital de la lettre de change, et à partir de quelle époque les fait-elle courir ? Pour résoudre la question, il faut ne pas oublier que jusqu'à son échéance le capital de la lettre de change, pas plus que tout autre capital non échu, ne peut produire des intérêts moratoires; il y a même ici cette raison particulière que le change payé par celui à qui a été fournie la lettre de change représente les intérêts du capital pour tout le temps qui doit s'écouler entre la création de l'effet et son échéance, de telle sorte qu'allouer des intérêts pour ce capital, avant qu'il soit échu, serait lui faire produire deux fois des intérêts. Si donc la caution est fournie, ou le remboursement obtenu avant l'échéance, l'un et l'autre ne peuvent comprendre que le capital sans intérêts. Mais si le cautionnement ou le remboursement n'ont lieu qu'après l'échéance, les intérêts sont dus à partir de cette époque, parce que la demande en justice, qui a la vertu de faire courir les intérêts, et dont les effets à cet égard étaient suspendus tant que le capital n'était pas échu, obtient ses effets légaux, lorsque l'échéance rend le capital productif (1). 1691 bis. Il a été jugé, et avec raison, je le crois, que la dispense du protêt qui a pour effet de conserver tous les droits du porteur de la même manière que s'il y avait eu protêt, a pour résultat, comme le protêt lui-même, de faire courir les intérêts du jour où la lettre de change a été présentée au tiré pour être payée. La convention fait alors produire à la présentation sans protêt, l'effet que la loi attribue à la présentation suivie de protêt (2). 1692. Il faut d'ailleurs remarquer que la règle qui fait courir les intérêts, à partir du protêt faute de payement, ne s'applique qu'aux intérêts du capital; quant à l'intérêt des frais (1) Cass., 11 juil. 1815, S., 44, 1, 379. (2) Cass., 2 juil. 1856, et 5 janv. 1864, S., 64, 1, 84. |