refuser la marchandise pour tout ou partie, en payant au vendeur, à titre d'indemnité, une somme convenue pour chaque quantité de marchandise refusée, ne peut être considérée comme renfermant une condition potestative, en faveur de l'acheteur. Cette convention constitue, de la part de l'acheteur, une obligation conditionnelle et alternative, essentiellement licite, à l'exécution de laquelle le vendeur ne peut se refuser (1). Enfin la convention par laquelle une chose est déclarée vendue, si, à telle époque, le vendeur n'a pas payé la somme qu'il reconnaît devoir, est valable, et ne peut être assimilée à une obligation contractée sous une condition potestative pure et simple de la part de celui qui s'oblige (2); de même qu'une vente peut être parfaite, encore qu'elle soit faite sous condition d'être non avenue, si le prix n'est pas payé dans un délai déterminé (3). Dans ces divers cas, le payement qui constitue la condition ne dépend pas complétement de la volonté du débiteur, parce que, pour payer, il ne suffit pas de le vouloir, il faut de plus. le pouvoir. C'est donc une grave erreur de la part d'Ansaldus, d'avoir considéré comme une condition purement potestative, celle qui dépend d'une chose que le débiteur doit donner ou faire, par exemple, d'un payement qu'il doit opérer, à solutione faciendâ per debitorem, bien que sa volonté à cet égard puisse être dominée par les circonstances: Quod conditio quæ consistit sive in dando, sive in faciendo, quamtumvis ob infortunium impediri queat datio vel factum, sit semper potestativa (4). C'est une condition mixte. Ansaldus objecte que dans ce système, il n'y aurait plus de condition potestative, parce qu'il peut toujours arriver quelque circonstance qui influe sur la volonté Si pro excludenda potestate vel transeundâ conditione potestativa in mixtam sat esset ponderatio possibilis infortunii, actum foret de omni conditione potestativa, nulla etenim conditio (1) Amiens, 25 avril 1826, S., 8, 2, 225; D., 29, 2, 218. potestativa est quæ non possit esse non potestativa. Mais on peut répondre que, si toute condition dans l'accomplissement de laquelle la volonté du débiteur entre pour quelque chose, devait être considérée comme une condition potestative pure, jamais une condition potestative ne pourrait devenir une condition mixte, ni produire aucun effet. Or, il est manifeste, et cela résulte de tous les principes consacrés par le Code, que dès qu'il y a quelque chose d'incertain et de livré aux chances de l'avenir, la condition est valable. Tant qu'il n'y a que l'incertitude de la volonté, comme lorsque je dis : je vous vendrai, si je veux, si je me décide à vendre, il n'y a pas d'obligation; mais dans tous les autre cas, où la condition dépend d'un fait que le débiteur peut accomplir ou ne pas accomplir, la condition n'est pas purement potestative, parce qu'à l'incertitude de la volonté se joint l'incertitude de l'avenir et de la possibilité. 1755. Il y a même une condition fréquemment et valablement stipulée dans le contrat de vente, qui, en matière civile surtout, a le plus ordinairement le caractère d'une condition potestative. C'est la condition d'essai ou de dégustation : la vente dépend alors de la volonté de l'acheteur, qui peut agréer ou refuser la chose vendue, suivant qu'elle lui convient ou qu'elle ne lui convient pas après qu'il l'a essayée ou goûtée. La condition est alors purement potestative de sa part, puisqu'il est maître d'agréer ou de refuser. Mais il n'est pas maître de ne pas procéder à l'essai ou à la dégustation; et, sous ce rapport, il est lié par la convention. Dans les ventes commerciales, au contraire, l'essai et la dégustation ne constituent pas une condition potestative au même degré que dans les ventes civiles. Ce n'est pas le goût personnel et arbitraire de l'acheteur, qui, dans la plupart des cas, détermine alors la perfection de la vente; c'est le goût général, ou loyal et marchand, dont l'acheteur n'est pas juge absolu, et qui, en cas de contestation, doit être apprécié par experts (1). (1) Pardessus, n. 293. 1756. La condition potestative d'essai se rencontre aussi en matière de louage d'ouvrage ou d'industrie, dans la clause fréquemment insérée dans les engagements des artistes dramatiques, par laquelle le directeur de théâtre qui les engage se réserve la faculté de rompre l'engagement à sa volonté, pendant un certain temps, et lors même que les débuts de l'artiste auraient été satisfaisants (1). 1757. Du reste on comprend parfaitement qu'en toute matière, et dans tous les contrats, le point de savoir si une condition est purement polestative ou mixte, c'est-à-dire si elle dépend uniquement de la volonté du débiteur, ou si elle est subordonnée à la fois à la volonté du débiteur et à l'incertitude de l'avenir, peut être une question d'interprétation aussi bien qu'une question de droit, et que les circonstances doivent exercer une influence décisive sur sa solution. 1758. Toute condition d'une chose contraire aux bonnes mœurs ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend (2). 1759. Il en est de même de la condition de faire une chose impossible (3); quant à la condition de ne pas faire une chose impossible, elle ne rend pas nulle l'obligation contractée sous cette condition; elle est seulement réputée non écrite (4). 1760. Toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont vraisemblablement voulu et entendu qu'elle le fût. Cette règle, posée par l'article 1175 et puisée dans Pothier, résout la question que se posaient les docteurs, de savoir si les conditions doivent s'accomplir littéralement, in forma specificâ, ou si elles peuvent l'être par des équivalents, per æquipollens. Il faut dire à cet égard avec Pothier, dont l'admirable bon sens a si puissamment coopéré à délivrer la science du droit du cortége des subtilités qui trop souvent a ralenti sa marche et ses progrès, qu'ordinairement elles doi (1) Lyon, 6 fév. 1857, S., 57, 2, 560; et Douai, 18 nov. 1857, ibid., 58, 2, 588. (2) C. civ., art. 1172. (3) Ibid. (4) Ibid., 1173. vent s'accomplir in formâ specificâ; qu'elles peuvent néanmoins s'accomplir per æquipollens, lorsqu'il paraît que telle a été vraisemblablement l'intention des parties; et que cette intention se présume lorsque celui en faveur de qui est la condition n'a pas d'intérêt à ce qu'elle soit accomplie d'une manière plutôt que d'une autre (1). 1761. Les conditions sont positives ou négatives, c'est-àdire conçues en vue du cas où tel événement arrivera ou n'ar rivera pas. Lorsqu'une obligation est contractée sous une condition positive, c'est-à-dire sous la condition qu'un événement arrivera dans un délai fixé, la condition est défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé (2). Réciproquement, lorsqu'une obligation est contractée sous une condition négative, c'est-à-dire sous la condition qu'un événement n'arrivera pas dans un temps fixé, cette condition est accomplie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé, ou lorsqu'avant le terme il est certain que 'l'événement n'arrivera pas (3). Si donc je vous vends telles marchandises à la condition que tel navire arrivera ou n'arrivera pas dans le mois, la condition est défaillie dans le premier cas, et accomplie dans le second si le navire n'arrive pas dans le délai déterminé par la convention. Quand, au contraire, il n'y a point de terme ou de délai déterminé, les articles 1176 et 1177 veulent que la condition positive puisse toujours être accomplie, et qu'elle ne soit censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas; et réciproquement, si la condition est négative, qu'elle ne soit accomplie, quand il n'y a pas de terme déterminé, que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas. (1) Des oblig., n. 206. Voy. Toullier, t. VI, n. 586 et suiv.; Duranton, t. XI, n. 43 et suiv.; Marcadé, sur l'art. 1175; Demolombe, t. II, n. 332; M. Larombière, sur l'art. 1175. (2) C. civ., art. 1176. (3) C. civ., 1177.. 1762. Cette règle doit-elle être entendue dans un sens tellement absolu, que dans tous les cas où aucun délai n'a été déterminé pour l'événement d'une condition positive out négative, cet événement, dans quelque temps qu'il se manifeste, donne effet à l'obligation? Doit-on, au contraire, admettre certains tempéraments, et peut-on, dans le silence de la convention, trouver dans les circonstances la détermination d'un délai pour l'accomplissement utile de la condition? C'est là une question qui vaut la peine d'être examinée. Et d'abord, en ce qui regarde les conditions casuelles, la question me semble implicitement résolue par la disposition finale des deux articles 1176 et 1177, dont le premier, relatif à la condition positive, porte qu'elle est censée défaillie lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas, et dont le second, relatif à la condition négative, porte que, s'il n'y a pas de temps déterminé, elle n'est censée accomplie que lorsqu'il est certain que l'événement n'arrivera pas. Lors donc qu'à raison des circonstances ou de l'objet de la convention il y a lieu de reconnaître que les contractants n'ont pas entendu se placer indéfiniment sous le coup de l'événement de la condition, mais qu'ils en ont restreint les effets à un certain laps de temps déterminé par la force même des choses, on doit admettre que, ce temps expiré, la condition positive est censée défaillie, et que la condition négative est accomplie parce que l'événement, tel que les parties l'avaient prévu, ne peut plus se réaliser. Un aubergiste de Bordeaux convient avec un marchand qu'il lui achètera tant de pièces de vin si telle personne vient à Bordeaux. Pour savoir si la convention doit tenir à quelque époque qu'ait lieu le voyage de la personne dont s'agit, il faut rechercher de quel voyage les parties ont entendu parler. Si, au moment de la convention, il était question d'un voyage que cette personne devait faire à Bordeaux à une époque présumée, la condition est réputée défaillie quand l'époque à laquelle ce voyage devait être fait est passée, sans que le voyage ait eu lieu. Si, au contraire, la convention est faite dans l'éventualité d'un voyage quelconque, et quelle que soit l'époque à |