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déclarer contre la France, et le Grand-Duc fit cause commune avec elle. Il fallut recommencer la guerre; l'Autriche fut vaincue à Marengo, et le Grand-Duc perdit ses États à Lunéville. Ceux qui connaissent la politique autrichienne, savent qu'avec elle la paix n'est jamais qu'une trève. Aussi, si durant la guerre elle n'a pas été abattue tout à fait, du moins doit-on s'efforcer de faire qu'à la paix elle soit le plus faible possible, elle et ses alliés. Or, si, dans les circonstances présentes, les Archiducs étaient rétablis dans les duchés italiens, il n'est pas permis de douter que, loin de s'en montrer reconnaissants envers la France, ils ne demeurassent aussi fidèlement dévoués à l'Autriche que par le passé.

Mais au nom de quoi les rétablirait-on? Si c'est au nom des traités de 1815, pourquoi ne pas restituer également la Lombardie à l'Autriche ? Si les traités de 1815 sont tout et que le vœu des peuples ne soit rien, s'il n'y a de légitime que la souveraineté des princes que ces traités ont restaurés ou consacrés, la France devrait donc alors

abolir l'œuvre de son suffrage universel, et reprendre non pas même la dynastie qu'elle a expulsée le 24 février 1848, mais celle qu'elle a renversée le 29 juillet 1830!

En réalité, les traités de 1815 n'étaient que la sanction de faits accomplis. L'Italie vaincue subissait la loi du vainqueur. Et il lui faudrait aujourd'hui subir la loi des vaincus! Ce serait trop absurde.

Ce n'est pas plus l'intérêt de la France que celui de l'Italie, que les Grands-Ducs autrichiens soient restaurés. Ils n'ont pour eux ni la force, puisqu'ils sont battus, ni le droit, puisqu'ils ne pourraient soutenir aujourd'hui sans ridicule que les peuples sont la propriété des princes.

En face de la volonté nationale hautement manifestée contre eux, on ne pourrait invoquer pour eux que le droit féodal de Pilnitz ce qui serait la négation de tous les efforts faits par la France depuis soixante-dix ans. De telle sorte que si leur restauration consacrait un tel principe, les récents et nombreux sacrifices de la France, ses

nouvelles victoires, ses quatre glorieux combats, et ses deux grandes batailles, n'aboutiraient qu'à revenir, pour les rapports internationaux, au droit public d'avant 1792!

Si l'on veut se faire une idée exacte de ce que serait pour les Toscans une restauration grand-ducale, on n'a qu'à se reporter en esprit à cet état de la France que peignait Napoléon, lorsque, au retour de l'île d'Elbe, il disait à ses soldats : « Vos rangs, vos biens, votre gloire, les biens, les rangs et la gloire de vos enfants n'ont pas de plus grands ennemis que ces princes que les étrangers nous ont imposés ; ils sont les ennemis de notre gloire, puisque le récit de tant d'actions héroïques qui ont illustré le peuple français, combattant contre eux pour se soustraire à leur joug, est leur condamnation. Les vétérans de la Grande Armée sont humiliés, leurs honorables cicatrices sont flétries; leurs succès seraient des crimes, ces braves seraient des rebelles, si, comme le prétendent les ennemis du peuple, les souverains légitimes étaient au milieu de l'ennemi. »

Les traités de 1815, qui ont fait l'humiliation de

la France, ont été le malheur de l'Italie. On peut dire avec vérité, que l'Italie avait été mise à la chaîne, et la chaîne, loin de s'user avec le temps, avait été rendue plus lourde d'aunée en année. Outre la Lombardo-Vénétie que l'Autriche s'était adjugée, elle jetait ses filets sur l'Italie centrale.

Les États d'Italie, liés à elle par des traités secrets, étaient tombés dans la dépendance absolue de la cour de Vienne. Leurs princes avaient, par une alliance offensive et défensive, garanti les possessions autrichiennes en Italie, et en s'obligeant ainsi à employer leurs troupes au maintien d'une dominanation étrangère, ils s'étaient, par cet acte anti-national, rendus odieux à leurs peuples. Ils s'étaient engagés à gouverner d'après les mêmes principes que l'Autriche, et s'il y avait chez eux mécontentement, réclamation et soulèvement, l'Autriche s'était réservé de les réprimer. Mais quand un prince s'était mis dans l'impossibilité d'accéder à aucune demande de son peuple ni d'introduire dans ses États un changement dont il eût reconnu l'opportunité, qu'était devenue sa souveraineté ? L'Autriche leur

interdisait d'accepter ni d'octroyer aucune constitution. << Notre Empereur, avait dit le prince de Metternich, ferait la guerre à tout prince italien qui voudrait donner ou garder une constitution. » L'Autriche ne les laissait pas même régner en princes absolus; ils ne pouvaient régner que selon le bon plaisir du cabinet de Vienne. Qu'était-ce donc que l'indépendance d'un prince qui s'était engagé par traité à ne jamais s'aider des conseils des premiers du pays, à ne jamais tenir compte des vœux de son peuple, à ne jamais obéir aux inspirations de sa conscience, à toujours fermer l'oreille aux observations de l'Europe. Le cabinet de Vienne prétendait que ces traités avaient eu pour but d'offrir à des États faibles la protection d'un Etat plus fort. Plaisante protection, en vérité! que celle qui mettait l'Etat faible à la merci du plus fort. Ces traités n'étaient en réalité que des actes d'inféodation : c'était pis même, car ils réduisaient des princes à un rôle non de vassaux mais de valets.

Les traités attribuaient les duchés italiens à des Archiducs d'Autriche. La conduite de ces princes a

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