Et tout cela s'accomplissait à l'insu même du peuple florentin et malgré les protestations de ses souverains Côme III et Jean - Gaston (morts, l'un en 1723, l'autre en 1737.) Ces derniers rejetons de la famille des Médicis, tout mauvais souverains qu'ils étaient, ont prouvé du moins par leur conduite en cette occasion solennelle, qu'ils avaient dans leurs veines un sang italien : la vigueur de leurs protestations contre la violence des puissances étrangères à l'égard de leurs sujets, en regard de la faiblesse et du peu de sagesse des autres actes de leur gouvernement, sont une preuve éclatante du pouvoir que le sentiment national est capable d'exercer jusque sur les âmes les moins élevées. Les réclamations du ministre Néri Corsini au congrès de Cambrai (1722), le bel ouvrage, De libertate civitatis Florentinæ ejusque Dominii, écrit sur l'ordre du GrandDuc par le savant Averani, les préparatifs de défense de Côme III, les décisions de ce Grand-Duc en faveur de sa fille Anne-Marie, les Notes du marquis Bartolommei, ministre du Grand-Duc à Vienne, contre l'introduction de garnisons étrangères dans les places fortes de la Toscane et contre le traité de Vienne du 22 juillet 1731, les déclarations de JeanGaston en faveur de la liberté qu'avait son peuple de disposer à son gré de la Toscane, ne furent qu'autant d'efforts généreux qui vinrent se briser contre la volonté des puissances excitées et trompées par les intrigues et les convoitises de la cour impériale. Le Grand-Duc dut subir l'occupation de ses forteresses et accéder à ce traité de Vienne, pressé qu'il était par l'approche des troupes autrichiennes sur les frontières du Grand-Duché; et il se borna à une protestation solennelle en date du 11 septembre 1731, dans laquelle il est dit, entre autres choses, « que les puissances ont violé, le droit des gens en disposant du peuple toscan sans avoir consulté sa volonté. » Il est même fort curieux de voir dans une pièce émanant d'un souverain de la première moitié du dix-huitième siècle, que le but d'assurer la paix de l'Europe par lequel les puissances prétendaient justifier leur traité, ne saurait en effet, le justifier, « puisqu'il serait absurde, d'après les règles communes de la justice, que, pour le bien de l'Europe, la Toscane dût endurer des dommages en échange desquels l'Europe ne lui donnerait ni compensation ni indemnité. » Et c'est en pleurant a l'indépendance de la Toscane, toujours conservée intacte par la république et par les Grands-Ducs, » qu'un bon chroniqueur florentin de l'époque, Settimanni, annonce l'adhésion forcée de Jean-Gaston au traité de Vienne, par lequel l'époux de la future impératrice Marie-Thérèse était appelé à monter sur le trône de Toscane. La nouvelle dynastie de Lorraine-Autriche débuta par la destruction de l'autonomie toscane, le nouveau Grand-Duc François ayant été promptement associé à l'Empire par Marie-Thérèse. Quoique à cette époque le sentiment national ne fût pas fort développé en Italie; que, dans le Milanais, les aïeux des héros des cinq journées de Milan et des martyrs du Spielberg et de Mantoue vécussent dans une paisible indifférence sous le sceptre de Marie-Thérèse, et quoique dans le Grand-Duché de Toscane le nouveau régime fût, à plus d'un titre, préférable à celui peu regrettable des Médicis, ce fut avec répulsion et douleur que le peuple toscan accueillit, dès l'abord, cette souveraineté étrangère. L'Empereur-Grand-Duc François, pendant vingthuit ans de règne, ne passa que trois mois dans le Grand-Duché, qui devint, par le fait, une véritable province de l'Empire, occupée par des troupes étrangères, régie par des gouverneurs étrangers, envahie par des nuées d'employés étrangers, dont les descendants eux-mêmes ont été, jusqu'à nos jours, le noyau d'une bureaucratie façonnée à l'image de celle de l'Autriche. En échange de ces importations, si nuisibles à la Toscane, l'Empereur-Grand-Duc ne manqua point de faire des exportations fort avantageuses à la cour de Vienne. A la mort de l'Empereur Charles VI, les caisses de l'Empire ne possédant que 100,000 florins, il s'empressa de faire enlever les bijoux des Médicis et vendre, au profit du trésor impérial, les argenteries de cette famille, ainsi que plusieurs de ses propriétés, qui eussent dû échoir à l'État, ou du du moins à la couronne de Toscane. Les sommes que ce Grand-Duc exporta ainsi de la Toscane, outre la liste civile qu'il consommait à Vienne, s'élèvent ä 30,000,000 de livres ! |