Lorsque le Grand-Duc reprit des relations intimes avec le chef de sa famille, malgré l'état officiel de guerre entre l'Autriche et la Toscane, il eut l'air de ne point se décider immédiatement à préférer le secours autrichien à celui de l'armée piémontaise, pour remonter sur le trône qu'il avait volontairement abandonné. Dès que le peuple toscan, par un mouvement spontané, releva ce trône « dans le double but d'épargner au pays la honte d'une invasion autrichienne et d'assurer la restauration des institutions constitutionnelles, » le Grand-Duc feignit d'accueillir avec reconnaissance les adresses qui exprimaient ces vœux; il donna l'assurance qu'il n'avait point demandé l'intervention des troupes autrichiennes, et quand ces troupes envahirent effectivement la Toscane, son commissaire commença par s'en montrer étonné et par demander des explications au baron d'Aspre; puis il annonça que l'intervention serait bornée à la ville de Livourne; enfin il ordonna aux municipalités des différentes villes de la Toscane d'apprêter le logement et la nourriture pour les troupes auxiliaires; la ville de Florence, qui avait fait une révolution pour rappeler le Grand-Duc, en reçut cette récompense, qu'elle dut recevoir dans ses murs quatorze mille Autrichiens! La gazette officielle du cabinet de Vienne, avec une franchise dont manquaient les procédés du Grand-Duc et de son commissaire, disait nettement que « quoique les autorités toscanes eussent l'air de vouloir restreindre les opérations du corps du baron d'Aspre à la seule ville de Livourne, ce général agirait selon ses instructions sans tenir compte de ces embarras.» Et, en effet, ce général annonçait franchement son arrivée aux habitants de Florence par une proclamation dont il n'est pas inutile de transcrire ce passage: « Les liens de famille qui unissent votre souverain à la maison impériale de mon monarque, les traités nombreux qui imposent à S. M. l'Empereur et Roi mon maître le devoir de protéger l'intégrité de la Toscane et de défendre les droits de votre prince, ont déterminé l'Autriche à céder au vœu de S. A. R. le Grand-Duc.... APPELÉ par votre prince je viens dans votre ville en ami, en allié. » XVIII. Au milieu de contradictions pareilles, de quel côté était la vérité ? Le sentiment national qui, en face de l'odieux drapeau autrichien, faisait taire toute discussion politique, amenait tout le monde à désirer qu'elle fût du côté du Grand-Duc et de son commissaire, plutôt que du côté de la Gazette de Vienne et du baron d'Aspre. Tout le monde voyait qu'il s'agissait de l'avenir de la dynastie, qui aurait pu encore restaurer les institutions constitutionnelles et devenir italienne si elle n'eût fait que subir une intervention, tandis qu'elle se séparait du pays et liait à jamais son sort à celui des armées de son chef, l'Empereur d'Autriche, et se perdait sans retour, si elle ne s'em pressait de protester hautement contre les assertions du prince de Schwartzemberg et du baron d'Aspre. La municipalité de Florence, qui avait relevé le trône constitutionnel dans le but hautement avoué au Grand-Duc lui-même de sauver le pays du danger d'une intervention autrichienne et de lui assurer la conservation des institutions constitutionnelles, se fit l'organe empressé de ce sentiment public en envoyant au souverain, résidant encore à Gaëte, le jour même de l'entrée des Autrichiens dans sa capitale, une adresse où elle le conjurait de démentir les paroles du baron d'Aspre, comme étant en opposition directe avec celles de son gouvernement, afin que « l'opinion publique, trompée par de fausses assertions, ne restât trop longtemps sous uue fâcheuse impression, dont il serait impossible plus tard de détruire les effets. » Cette adresse resta sans réponse; les assertions du baron d'Aspre furent confirmées par le prince Schwartzemberg dans des dépêches publiées plus tard, et le jour où le Grand-Duc fit sa rentrée solennelle dans cette ville de Florence qui lui avait en |