est écrite purement et simplement en ces mots : « Doit le sieur Pradier, pour payer (par exemple) dans trois mois. Il est certain qu'au terme que ce débit est écrit, qu'il n'y a que le commissionnaire qui soit obligé au paiement des marchandises vendues, et que le vendeur n'a aucune action directe et personnelle à l'encontre du commettant..... La troisième manière d'écrire sur le journal est en ces mots : « Doit le sieur Jacques Pradier pour le compte de François Picard.» Cette disposition marque deux débiteurs, savoir: le commissionnaire et le commettant.... La raison est que Pradier n'est, à proprement parler, que la caution de Picard envers le vendeur, ainsi qu'il paraît par son livre-journal, car la marchandise est couchée pour le compte de François Picard et non pour celui de Pradier, supposé que Picard en demeurât d'accord, car autrement Pradier serait son seul débiteur et ne pourrait avoir aucune action contre Picard pour les raisons qui ont été dites ci-dessus (1). » Les termes des deux §§ de l'art. 94 ont eu pour but de marquer cette différence entre le commissionnaire qui s'oblige et celui qui ne s'oblige pas; et, par suite, entre le commettant qui a une action contre les tiers et celui qui n'en a pas, et réciproquement. Nous dirons encore que le contrat se forme également entre personnes résidant dans le même lieu ou dans des lieux différents. Le Code de commerce a donc prévu toutes les hypothèses. Nous examinerons tout à l'heure ce qui est relatif aux droits et aux devoirs des commissionnaires envers leur commettant et de celui-ci envers eux; nous parlerons, en premier lieu, du commissionnaire agissant en son nom et seulement dans ses rapports avec les tiers. (4) Savary, 2e partie, liv. 3, chap. 2. - Des rapports du commissionnaire avec les tiers. 818. En règle générale, le commissionnaire est institué pour agir en son nom; ce n'est que par exception qu'il doit faire connaître son commettant, et dans le cas où il y a été formellement autorisé par celui-ci, sauf à lui, s'il ne croit pas devoir s'engager personnellement, à refuser la commission ou à ne l'exécuter qu'après avoir reçu des garanties suffisantes (1). D'un autre côté, les tiers, s'ils n'ont pas foi dans le commissionnaire, doivent refuser de traiter avec lui et exiger l'engagement personnel de son commettant. Un exemple rendra plus sensible ces distinctions et les principes sur lesquels elles reposent. Un sieur Poirier achetait, depuis plusieurs années, dans les campagnes, des céréales pour le compte du sieur Ozou, qui restait complétement étranger aux négociations; Poirier traitait seul et en son nom avec les vendeurs, mais il payait avec les fonds que lui fournissait Ozou, à qui il remettait les grains. Pendant huit années, les achats ayant toujours été régulièrement payés, aucune contestation ne s'éleva, mais il vint un moment où, Poirier ne remplissant pas ses engagements envers les vendeurs, ceux-ci s'adressèrent directement. à Ozou, pour le compte de qui il était de notoriété publique que les achats avaient été faits. Les affaires toutes identiques furent distribuées à plusieurs chambres de la Cour de Rennes; et sur cinq arrêts, trois décidèrent que Ozou, commettant, était directement tenu; deux, que le commissionnaire seul avait pu être engagé. Ozou prouvait, du reste, par ses livres, et le fait n'était même pas dénié, qu'il était en avances avec Poirier d'une (4) Ansaldus, disc. 30, n. 32; Casaregis, disc. 37, n. 5; Delamarre et Lepoitvin, n. 263 et s. et 2o éd., t. 3, n. 50. somme plus que suffisante pour satisfaire à toutes les réclamations. « On ne doit pas s'étonner de cette contrariété, non-seulement dans les décisions, mais dans les motifs. Il devait en être ainsi, disent MM. Delamarre et Lepoitvin, dès qu'on ne saisissait pas le vrai principe de la solution. Il était notoire que Poirier agissait pour Ozou. Quel était l'obligé? Voilà toute la question. En d'autres termes : Qui a contracté? Dès lors, restait à apurer un fait : Poirier avait-il traité en son propre nom, ou au nom du mandant? Dans trois des cinq arrêts, on se demande : Est-ce un mandat que Poirier a exécuté, ou bien une commission? Et par des inductions puisées dans les circonstances, on cherche à établir que c'est un mandat. Mais toute commission est un mandat, et le commissionnaire agissant en son propre nom n'est pas moins un mandataire que celui qui agit au nom de son commettant. La question devait donc être posée autrement. Si, comme on l'a fait dans un des arrêts, l'on se fût demandé dans tous: Comment le mandat d'Ozou a-t-il été exécuté, en son nom ou sous le nom de son commissionnaire? plus de confusion. ni d'erreur possibles (1). >> La question avait été, en effet, mal posée, et MM. Delamarre et Lepoitvin en tirent avantage; on s'était beaucoup préoccupé de la misère de Poirier et de l'absence complète de garantie qu'il présentait par lui-même : aussi, quand la Cour se demandait s'il était mandataire ou commissionnaire, sans doute elle voulait dire: Est-il facteur, simple préposé d'Ozou, ou commissionnaire? Dans le premier cas, Ozou était tenu; dans le second, il fallait distinguer encore: a-t-il traité au nom d'Ozou ou au sien propre ? Dans deux de ces (1) Contrat de comm., t. 2, n. 268; 2c éd., t. 3, n. 54. trois hypothèses, Ozou aurait été contraint de payer; dans la troisième, il ne pouvait être responsable. Le véritable caractère qui appartient au commissionnaire a été au contraire bien saisi dans une autre circonstance par la Cour de Rouen. La maison Morlière, de Paris, avait consigné à Fessart, commissionnaire au Havre, un navire: Fessart traite avec le sieur Drouet pour la fourniture des voiles, et plus tard tombe en faillite. Drouet réclame le montant de sa facture contre Fessart et contre Morlière solidairement; cette demande est rejetée par la Cour de Rouen : « Attendu, dit l'arrêt, que ledit Drouet n'a contracté pour la fourniture des toiles à voiles, dont il réclame le paiement, qu'avec Fessart, en son nom personnel et non pour le compte d'autrui; qu'il n'a donc d'autre obligé que Fessart » (1). Le sieur Langlé était chargé, comme commissionnaire des sieurs Mandard et Lyonnet, de recevoir et de leur réexpédier des charbons, en acquittant les frais de transport. Langlé, n'ayant pas les fonds nécessaires pour accomplir la commission, emprunte la somme qui lui manque; le prêteur n'ayant pas été remboursé, s'adressa aux sieurs Mandard et Lyonnet. Ceux-ci refusèrent le paiement qui leur était demandé, en alléguant qu'ils n'avaient pas chargé Langlé d'emprunter pour eux, et que, d'un autre côté, ils lui avaient payé les frais de transport qu'il avait avancés. Ils furent condamnés cependant; et le pourvoi formé par eux fut rejeté. Si la Cour de cassation se fût bornée a établir que Langlé avait agi pour le compte de ses commettants, en contractant un emprunt, même en admettant le fait comme vrai, la raison n'eût pas été suffisante pour donner gain de cause au demandeur, car, on ne saurait trop le répéter, un (1) Rouen, 12 avril 1826. commissionnaire agit toujours pour le compte de quelqu'un; mais sans établir qu'il avait agi au nom de ses commettants, et non pas seulement pour leur compte, l'arrêt ajoute que le jugement, contre lequel il y avait pourvoi, était « fondé sur des faits, des explications et des circonstances dont l'appréciation ne saurait, en aucune manière, devenir une ouverture à cassation (1). » La question de droit étant écartée, l'arrêt n'est plus qu'une décision d'espèce. 819. Le principe d'après lequel le commettant innomé reste complétement en dehors du contrat fait en exécution même de son mandat, mais par le commissionnaire agissant en son propre nom, amène, comme conséquence, qu'il ne peut jamais y avoir d'action directe du commettant contre le tiers ou du tiers contre le commettant : le tiers sans action contre le commettant n'a, par réciprocité, aucune action à craindre de lui, et le commissionnaire les couvre également l'un et l'autre; ils ne peuvent s'adresser qu'à lui: ces règles sont anciennes et reconnues par tous (2). La personne du commettant s'absorbe complétement dans celle du commissionnaire. Ainsi, le commissionnaire qui, chargé par un commettant, d'acheter, et par un autre commettant, de vendre, a mis ces deux commettants en rapport l'un avec l'autre, n'en est pas moins en droit d'agir contre eux en son nom personnel, pour les contraindre à exécuter le marché (3); et les commettants ne pourront agir que par action oblique, ou, en d'autres termes, exercer les droits du commissionnaire, leur débiteur, comme tout créancier peut le faire (C. Nap., art. 1166), sans qu'il soit besoin que celuici lui cède son action. (4) Cass., 15 fév. 1830 (Dalloz, Rép., vo Commissionn., n. 46). (2) Casaregis, disc. 76, n. 2; Troplong, Mandat, n. 522. Code espagnol, article 149; Code portugais, art. 43; Code allemand, art. 360. (3) Douai, 18 déc. 1854 (S-V55.2.190), |