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nous venons de rappeler devait être étendu à toutes les contestations commerciales où il s'agit de conventions, de livraisons et de paiements à faire, et ne pouvait être restreint au seul cas du contrat de vente, que le législateur paraît avoir eu plus particulièrement en vue dans le texte que nous venons de citer; l'art. 420, C. proc. civ., devra donc être suivi pour l'exécution du contrat de transport. Nous supposons ce point hors de toute controverse.

Il est également certain que pour rendre applicable le 2° S de l'art. 420, il faut le concours des deux circonstances: 1° la promesse faite, 2° la livraison accomplie.

Ces points, s'ils devaient être discutés, seraient tout à fait étrangers à la spécialité de notre ouvrage.

959. Le 1 § de l'art. 420 parle du domicile du défendeur; il ne fait que rappeler en d'autres termes le principe général posé par l'art. 59, et auquel il faut revenir toutes les fois que le demandeur ne se trouve point placé dans l'une des hypothèses prévues par les deux derniers § de l'art. 420.

En ce qui concerne les compagnies de chemins de fer particulièrement, on a demandé s'il était permis de les assigner partout où elles ont un établissement; ou si l'assignation devait être nécessairement donnée au lieu où est fixé leur siége social, domicile légal des sociétés anonymes.

Le tribunal de commerce d'Issoudun avait classé les chemins de fer parmi les administrations ou établissements publics spécialement mentionnés à l'art. 69, n° 3, C. proc. civ., lesquels peuvent être assignés, soit dans le lieu où réside le siége de l'administration, soit dans les autres lieux en la personne et au bureau de leurs préposés. La Cour de cassation n'a point admis cette assimilation; elle a déclaré que les compagnies anonymes, formées pour l'exploitation d'un chemin de fer, constituaient des sociétés commer

ciales, et non des établissements publics, et qu'elles devaient, par suite, être assignées en leur siége social, à peine de nullité (1).

Quelquefois il est arrivé que les statuts d'une compagnie astreignaient celle-ci à désigner une personne pour recevoir, dans des lieux autres que le siège social, les notifications et les significations qui pouvaient lui être faites; ou même qu'elle avait établi cet agent de son plein gré; dans ce cas, la Cour de cassation admet sans difficulté que la compagnie peut être valablement assignée devant le tribunal de chaque localité, où la compagnie a un agent chargé de la représenter (2). Mais les nouveaux cahiers de charges imposés aux compagnies ne les ont point astreintes à une semblable obligation, et les compagnies se sont montrées peu disposées à se l'imposer.

La question a été encore discutée à un autre point de vue. On a dit qu'une même société peut avoir plusieurs maisons ou succursales, situées en divers lieux, réunissant les conditions nécessaires pour être qualifiées d'établissements, conformément aux art. 42 et 43, C. comm. (3); mais c'est, tout au moins, une difficulté fort grande pour le demandeur de reconnaître quelles sont les stations assez considérables pour représenter un centre de gestion et d'administration, et constituer une des maisons de commerce appartenant à la société, pouvant rentrer dans les prévisions et les termes de l'art. 42, C. comm. Cette règle sera quelquefois utilement invoquée; mais l'on ne doit y recourir que sous cette réserve admise en principe, que l'on ne peut s'adresser indistincte

(4) Cass., 45 janv. 1851; 26 mai 1857 et 27 juill. 1858 (S-V.51.4.477; 58 1. 263 et 653).

(2) Cass., 22 mai 1848 et 30 juin 1858 (J.P.48.2.122 et 59, p. 162).

(3) Cass., 46 janvier et 9 déc. 4861 (J.P.61, p. 407 et 62, p. 662) et 3 arrêts, 17 avril 1866 (D.p.66.1.279).

ment à tous les chefs de gare, qui ont pu recevoir la marchandise ou doivent la livrer (1).

Il reste l'application des deux dispositions exceptionnelles de l'art. 420, C. proc. civ., qui peuvent offrir peut-être un plus utile secours aux nombreux intéressés distribués sur tout le sol de l'empire, et qui seraient obligés, suivant le droit commun, de venir tous plaider à Paris, quand ils ont un différend avec une compagnie de chemin de fer.

Nous devons encore, toutefois, avant de quitter la question du domicile, parler d'une difficulté particulière à certaines compagnies de chemins de fer, ayant leur siége social dans une ville, où, en fait, n'aboutit pas le réseau qui leur appartient, et où, par conséquent, elles n'ont aucun établissement d'exploitation. Le domicile de ces compagnies est-il au lieu désigné par les statuts, ou bien au lieu où se trouve le principal établissement d'exploitation? La question s'est présentée une première fois, pour la compagnie concessionnaire du chemin de fer de Montpellier à Cette, qui, d'après ses statuts, avait son siége social à Paris. La Cour de cassation à décidé que la déclaration faite par les statuts n'avait de force qu'à l'égard des associés; mais qu'à l'égard des tiers, c'était son principal établissement qui constituait le domicile. de la société (2).

960. Le 2 § de l'art. 420, C. proc. civ., désigne le tribunal dans l'arrondissement duquel la promesse a été faite et la marchandise livrée; et si le contrat de transport a été conclu dans le même arrondissement que celui où la livraison a été faite au destinataire des objets à transporter, le tribunal de cet arrondissement sera compétent pour

(4) Cass., 27 juill. 1858; 5 avril 1859 et 4 juin 1864 (J.P.59, p. 162; 60, p. 168 et 66, p. 1213).

(2) Cass., 24 fév. 1849; Sic, Cass., 4 mars 1857 (J.P.50.4.149 et 57, p. 366).

connaître des difficultés se rattachant à l'exécution du con

trat (1).

Dans d'autres conditions, ce ne sera jamais le tribunal du lieu de destination qui sera compétent.

En effet, en étendant l'art. 420, C. proc. civ., écrit évidemment sous la préoccupation du contrat de vente, à l'exécution du contrat de transport, il peut être incertain dans quel lieu on doit décider qu'il y a eu marchandise livrée. M. Duverdy pense que le voiturier livre ce qu'il avait promis au moment où il reçoit les colis à transporter pour les placer sur ses voitures, bateaux ou wagons (2). En adoptant cette interprétation, c'est le tribunal du lieu de départ qui serait compétent. Si, au contraire, ainsi que nous serions disposé à le croire, le voiturier doit être considéré comme livrant la marchandise au lieu d'arrivée, et lorsque l'engagement est complétement exécuté, le tribunal de ce lieu sera encore incompétent, puisque ce n'est pas dans son arrondissement que la promesse a été faite, mais bien incontestablement au lieu de départ.

961. Le 3 § de l'art. 420, C. proc. civ., enfin, indique encore comme pouvant être saisi par le demandeur, le tribunal dans l'arrondissement duquel le paiement DEVAIT être effectué. En règle générale, il n'est douteux pour personne que le prix du transport doit être payé au lieu de destination; et aucune difficulté ne peut être élevée pour déclarer compétent le tribunal dans l'arrondissement duquel ce lieu est placé.

« Il devrait en être autrement, dit M. Duverdy, si l'expédition était faite franco, et si le paiement du transport avait

(4) Bourges, 26 avril 1854; Cass., 29 avril 1856 (J.P.55.1.73 et 56.2.445) ; Duverdy, n. 445.

(2) Duverdy, n. 145.

été stipulé payable par l'expéditeur; alors l'action ne pourrait plus être portée devant le tribunal du lieu de destina

tion » (1).

Nous n'admettons pas une semblable règle; mais nous devons entrer à cet égard dans quelques développements.

962. La question peut journellement se présenter, quand il s'agit de voyageurs intentant une action, à raison de leurs bagages; dans les chemins de fer particulièrement, le prix du transport est nécessairement, et sans exception aucune, payé d'avance; et M. Duverdy en conclut que le voyageur parvenu au terme du voyage, ne peut saisir de ses réclamations que le tribunal du lieu du départ : « On ne se trouve, dit-il, dans aucun des cas prévus par l'art. 420, C. civ. En effet: 1° le domicile du défendeur est autre part; 2o le paiement du transport pour la personne du voyageur et pour ses bagages a été fait au lieu du départ; 3° le contrat de transport a été conclu également au lieu du départ; et c'est encore à cet endroit que la livraison de l'objet de l'engagement a eu lieu; que l'exécution du contrat a commencé de la part du voiturier » (2).

proc.

963. En droit, nous ne croyons pas que le prix puisse exister avant que le service promis soit rendu, à moins qu'il n'ait été stipulé payable à tout événement, ainsi que l'art. 302, C. comm., permet de le faire, en matière de transport maritime. Si le prix, ou la somme qui représente celui qui sera dû, est payé d'avance dans toute autre circonstance, c'est en vertu d'un contrat accessoire, parfaitement distinct du contrat de transport, et qui rend l'entrepreneur dépositaire et débiteur de cette somme, jusqu'au moment où il aura accompli son obligation. Les chemins de fer,

(4) Duverdy, n. 143 in fine.

(2) Duverdy, n. 150.

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