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couvrir l'agent de change des pertes possi- | bles que pouvaient amener leurs opérations;

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dence sur ce point, que l'art. 1967 s'applique aux paiements volontaires faits par suite de jeu de bourse; que les motifs principaux de ces arrêts sont: 1° qu'il y a même indignité à invoquer la loi qu'ils ont méconnue; que, dès lors, l'action est refusée pour paiement de dette de jeu (art. 1965), et, par le même motif, la répétition de ce qui a été volontairement payé (art. 1967); 2° que la disposition de ces articles de loi est générale, qu'elle prend sa source dans ce principe qu'un délit ou quasi-délit ne peut servir de base pour intenter une action en justice, et que le joueur, auteur ou complice d'une violation de la loi, ne peut fonder sur un tel fait une demande en répétition contre celui qui a coopéré à son infraction; Attendu, en fait, que Lemée, qui se prévaut de sa qualité de joueur dans l'instance, ne peut fonder, sur les opérations illicites qu'il avoue, une action en répétition des quarante obligations dont il a consenti la vente et retiré le prix par voie de compensation; que sa demande doit donc être rejetée ; que la solution donnée à la question du procès qui consiste uniquement dans la restitution des titres ou la condamnation à la valeur qu'ils représentent, ne préjudicie en rien le règlement qui reste à faire entre les parties; que le jugement n'a pour effet que de laisser au crédit de Leméc les 10,750 fr. formant le prix de la vente des quarante obligations du lombardo-vénitien; Par ces motifs, etc. » Appel par le sieur Lemée; mais, le 22 juill. 1863, arrêt de la Cour d'Aix qui confirme en adoptant les motifs des premiers juges.

Attendu, en effet, que diverses affaires ont été réalisées dans le courant d'octobre et novembre 1862 par l'intermédiaire de Fitch; que, le 11 nov., Fitch prévient Lemée que son compte de liquidation fin octobre, se soldant au débit de Lemée pour 13,025 fr., étant en souffrance, il demande règlement avant le 12, et qu'à défaut il liquidera sa position d'office; Attendu que, le 15 nov., Fitch vend les obligations consignées dans ses mains, au prix de 268 fr. par obligation, donnant un produit net de 10,923 fr. 50 c.; qu'au bas du bordereau de vente de ces titres, Lemée donne son acquit, qu'en même temps Lemée remet le reçu de ces obligations, et que ce reçu est volontairement lacéré-Attendu que ces faits, librement consommés entre les parties, ont complétement changé la situation de Lemée; que ce dernier, par le consentement donné à la vente par l'acquit qu'il a donné, a enlevé aux valeurs consignées entre les mains de Fitch, leur caractère d'indisponibilité; qu'il importe peu qu'il n'ait pas reçu matériellement le prix de vente de ces quarante obligations; que ce prix n'en a pas moins été un paiement pour Leme, puisqu'il a servi par voie de compensation à augmenter d'autant son crédit dans le compte courant qu'il avait avec Fitch; que cette somme, représentant la valeur des quarante obligations, figure en effet dans le compte courant remis par Fitch; que Lemée a donc profité du prix de cette vente, qu'il avait d'ailleurs approuvée en quittançant le prix au bas du bordereau; que Lemée ne peut donc aujourd'hui demander la restitution des titres dont il a consenti la vente; que cette solution ne saurait être douteuse s'il s'agissait d'opérations sérieuses, de marchés fermes; que la seule raison d'hésiter serait de savoir s'il s'agit de jeux de bourse, et si, dans ce cas, on peut appliquer l'art. 1967, C. Nap., qui, en matière de jeu ou pari, LA COUR ; Attendu qu'il est constaté interdit la répétition de ce qui a été volon- par l'arrêt attaqué qu'après la remise à Letairement payé ;-Attendu, en fait, que Le- mée de son compte de liquidation pour ocmée s'est efforcé d'établir qu'il y avait jeu de tobre et novembre 1862, se soldant à son débourse; qu'il en a trouvé la preuve dans l'ab- bit par une somme de 13,023 fr., et la desence des titres remis ou reçus, dans l'énon- mande, par Fitch, d'un règlement immediat, ciation de la prime, du report et du règle- sous menace d'une liquidation d'office, Lement par différence;- Attendu que ces cir- mée a consenti à la vente des quarante obliconstances établissent, en effet, que les opé- gations du lombard-vénitien qu'il avait rerations faites par Lemée, par l'intermédiaire mises à Fitch à titre de couverture; que Fitch de Fitch, constituaient un véritable jeu ; que les a vendues le 15 nov. 1862, moyennant néanmoins on ne peut que savoir gré à Fitch un prix total de 10,923 fr. 50 c.; qu'au pied d'avoir voulu s'y arrêter, et faire grief à Le- du bordereau de la vente, Lemée a donné mée d'avoir voulu, d'un côté, continuer à y quittance de ce prix, sans l'avoir reçu; et entrainer Fitch, et, de l'autre, de se prévaloir qu'en même temps a été, en sa présence et de ces actes illicites pour en demander la de son consentement, lacéré le reçu constanullité;-Attendu qu'étant admis qu'il s'agit tant le dépôt de ces titres chez Fitch; qu'enfin de jeu de bourse, il reste à examiner si Le- tous ces faits, librement accomplis entre les mée peut demander la répétition de ce qu'il parties, avaient eu pour but, de leur part, de a volontairement payé ;-Attendu, en droit, libérer d'autant Lemée vis-à-vis de Fitch, au qu'il a été jugé par deux arrêts de la Cour de moyen de la rétention qu'il l'autorisait à faire cassation, des 1er et 2 août 1859 (P.1860. du prix des obligations vendues; Attendu 294.-S.1859.1.817), qui fixent la jurispry-que de ces constatations et de ces apprécia

POURVOI en cassation pour violation des art. 1234, 1235, 1289 et suiv., C. Nap.; fausse application des art. 1965 et 1967, même Code, et violation des art. 1930 et suiv.

ARRÊT.

tions faites par la Cour d'Aix dans la sphère du pouvoir souverain d'appréciation qui lui appartient, elle a pu induire que Lemée avait volontairement payé la dette de jeu résultant des opérations de bourse qu'il avait faites par l'entremise de Fitch, et le déclarer en conséquence mal fondé dans son action;Rejette, etc.

Du 24 juill. 1866.-Ch. civ.-MM. Pascalis, prés.; Eugène Lamy, rapp.; de Raynal, 1er av. gén. (concl. conf.); Costa et Bosviel, av.

CASS.-CIV. 13 novembre 1866.

FAILLITE, ABUS DE BLANC SEING, PAIEMENT, RESTITUTION, MANDAT.

Au cas où un banquier, après s'être, par un abus de confiance, créé des valeurs au moyen de blancs seings qui avaient été laissés entre ses mains, remet au signataire de ces blancs seings la somme nécessaire pour acquitter les billets qui lui seront présentés, il effectue en cela un véritable paiement de la dette résultant à sa charge, envers celui-ci, de la négociation des blancs seings; en sorte que ce paiement est annulable relativement à la masse de la faillite du banquier, s'il a eu lieu en temps suspect et le créancier connaissant la situation de son débiteur (1). (C. comm., 446 et 447.)

Cette remise de sommes ne saurait être considérée ni comme la restitution d'une chose indument possédée (2).

...Ni comme faite à titre de mandat, celui qui la reçoit ne pouvant être réputé mandataire du faillià l'effet de payer avec la somme remise les billets indument mis en circulation, et dont il aurait été personnellement tenu envers les tiers porteurs (3).

Mais si c'est à un tiers, et non au signataire des blancs seings, que le banquier, avant la déclaration de sa faillite, a remis les som. mes pour acquitter les valeurs ainsi mises en circulation, ce tiers ne peut étre tenu de rap

(1-2-3) C'est que la Cour de cassation a jugé, en termes identiques ou à peu près, dans une affaire Bellussières présentant les mêmes circonstances de fait et se rattachant à la même faillite. V. arrêt du 9 janv. 1865 (P.1865.22. — S. 1865.1.15). Toutefois, nous ferons remarquer ici que le système du pourvoi n'a pas été le même dans les deux affaires. Dans la première, le sieur de Bellussières soutenait, d'une part, que l'art. 447, C. comm., n'était pas applicable, attendu qu'il s'agissait, non du paiement d'une dette, mais de la restitution d'une chose indûment possédée; d'autre part, qu'il n'avait agi qu'en qualité de mandataire du failli, et qu'ayant fait des valeurs reçues l'emploi qui lui avait été prescrit, il ne pouvait être tenu de rapporter à la masse de la faillite les sommes par lui payées pour le compte et à la décharge du failli. Dans l'espèce actuelle, le demandeur en cassation invoquait un autre moyen, celui tiré d'une violation de l'art. 449,

porter à la masse de la faillite les sommes payées aux tiers porteurs : le mandat qui lui a été donné n'étant pas nul de droit, son exécution ne saurait entraîner contre lui aucune responsabilité, alors même que le mandataire avait connaissance de la cessation des paiements (4).

(De Lestrade C. synd. Duphot.)

Un jugement du tribunal de commerce de Périgueux, du 6 juin 1862, qui fait connaître suffisamment les faits de la cause, avait statué en ces termes : -« Attendu que les demandeurs (les syndics de la faillite Duphot} ont fait assigner le défendeur (le sieur François de Lestrade) à comparaître devant le présent tribunal pour, là étant, le faire condamner à rapporter à la masse de la faillite Duphot: 1° la somme de 6,000 fr. que Duphot aurait envoyée en billets de banque, pour payer, disait-il, différentes valeurs souscrites par lui, de Lestrade; 2° celle de 13,000 fr. qui lui a été également envoyée par Duphot et destinée à couvrir des billets signés d'un sieur Louis de Lestrade, frère du défendeur; Attendu qu'à une précédente audience, les syndics Duphot demandèrent que le défendeur fùt condamné au rapport des sommes par eux réclamées, se fondant sur l'incapacité dans laquelle était placé Duphot, régie par les dispositions de l'art. 447, C. comm., applicable à de Lestrade par la connaissance parfaite qu'il avait de l'état des affaires embarrassées de Duphot, puisque ce banquier, en adressant la somme plus haut indiquée, avertissait de Lestrade et lui disait : « Je suis ruiné; je vais être déclaré en fail« lite. J'ai abusé de blancs scings que vous « aviez laissés dans mes mains, quoique ne «me devant rien; mais, voulant me montrer « digne de votre estime, je vous envoie les «fonds nécessaires pour payer les valeurs << portant la signature de M. Louis de Les« trade, votre frère, envers lequel j'ai le « même reproche à me faire. Je vous prie

C. comm.; il soutenait que, s'agissant de lettres de change payées entre les mains des tiers porteurs, la faillite n'était pas fondée à lui réclamer le rapport de ces sommes, attendu qu'il ne se trouvait pas au nombre des personnes que l'art. 449 soumet à l'action en rapport. Mais la Cour de cassation, sans répondre à ce moyen par des motifs spéciaux, a rejeté le pourvoi par les mêmes motifs de droit que dans la première affaire. -V. du reste, sur l'interprétation de l'art. 449, C. comm., les observations en note d'un arrêt de la Cour de cassation du 18 déc. 1865 (P.1866. 369.-S.1866.1.137).

(4) Il en serait autrement si le mandat avait été donné postérieurement au jugement déclaratif de la faillite. Un tel mandat ne peut produire aucun effet, et le mandataire, encore bien qu'il ait été de bonne foi, est responsable des actes qu'il a faits en cette qualité: Cass. 14 janv. 1862 (P.1862.129.-S.1862.1.398).

de les acquitter en même temps. Ne parlez « à personne de cet envoi; mes créanciers « vous forceraient à rapporter à la masse; »

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Attendu qu'à la même audience, le sieur de Lestrade reconnut avoir reçu les sommes ci-dessus énoncées, mais soutint qu'elles ne devaient être employées qu'à la destination que leur donnait le sieur Duphot; -Attendu u'il est établi que de Lestrade a retiré lesdites valeurs indiquées par Duphot avec les sommes que ce dernier lui a envoyées; Attendu que la mission du tribunal est, avant d'admettre la prétention des demandeurs, d'examiner si leur demande est fondée en droit et en fait ; — Attendu que le législateur, lorsqu'il a édicté l'art. 447, C. comm., et qu'il y a inséré cette disposition si large laissée à l'appréciation du juge, n'a eu d'autre but que de sauvegarder la bonne foi du créancier qui serait l'objet d'un paiement dans les circonstances indiquées dans ledit art. 447; Considérant que rien ne prouve que Duphot fût dans une position embarrassée, comme il l'indique à de Lestrade; qu'au contraire, sa conduite, si inexplicable, démontre qu'il était gorgé d'argent; que les envois considérables qu'il a faits à divers de Périgueux et la somme de 130,000 fr. laissée dans sa caisse à Arras, permettent d'apprécier les sommes qu'il a dù employer dans la ville de Londres, où il s'est réfugié; que les manières si singulières de Duphot le constituent plutôt un voleur se déclarant en faillite à sa volonté, qu'un débiteur dans un état de gêne à laquelle aurait dû croire de Lestrade; Considérant qu'avant de faire l'application de l'art. 447, soit contre, soit en faveur des sieurs de Lestrade, il est utile d'examiner si cet article peut ou doit les régir dans les circonstances du procès; Considérant que les art. 446 et 447, C. comm., sont édictés pour faire rapporter tous paiements faits à des créanciers en vue de leur éviter le désastre connu ou imminent de leur débiteur, désastre qui doit peser de toute justice de la même manière sur tous les créanciers, au même titre, d'un failli;-Considérant que, des faits et circonstances qui ont été établis au tribunal, il résulte qu'entre Duphot et de Lestrade, il n'y a eu d'autres opérations que celle-ci qu'à une époque remontant à plus de dix ans, les sieurs de Lestrade avaient emprunté une certaine somme à Duphot, pour laquelle ils avaient souscrit des blancs seings, valeurs qui ont été renouvelées plusieurs fois, mais qu'ils ont acquitté cet emprunt de leurs propres deniers; Considérant que les sieurs de Lestrade disent, et cela est écrit tout au long dans la lettre-circulaire de Duphot, que les blancs seings qui se trouvaient dans le portefeuille de ce dernier n'ont reçu aucun aliment par eux; qu'ils ne devaient rien à Duphot; que ces blancs seings, qui étaient faits à titre de renouvellement, n'ont aucune cause qui les oblige envers lui, et que, s'il en a fait usage, c'est uniquement pour ses besoins

Considérant que le banquier

| personnels; qui tire une valeur sur un tiers prend lacitement l'engagement d'y faire opérer la provision; que, dans l'espèce, c'est bien ce qu'a fait Duphot, car c'est à son profit qu'il a négocié les blancs seings, après les avoir remplis, fait dont les signataires n'ont eu aucune connaissance; - Considérant que de tous ces faits il est résulté de la manière la plus évidente que les sieurs de Lestrade n'ont été que les débiteurs de Duphot, et jamais ses créanciers; qu'il ne saurait en être autrement dans l'espèce : l'esprit du juge voulût-il entrer pour un instant dans l'appréciation des syndics, il ne saurait voir, dans les faits de cette cause, que des créateurs de blancs seings dont l'imprudence est reprochable, mais qui sont libérés de la véritable dette qu'ils avaient contractée envers Duphot, et que leur bonne foi est restée triomphante dans ce débat; qu'il n'est rien resté dans leurs mains de l'envoi que leur a fait Duphot; - Considérant que, si les sieurs de Lestrade ont payé le montant de leurs blancs seings, dont on a abusé, avec les fonds que leur a envoyés Duphot, aujourd'hui en faillite, à des échéances postérieuses ou même contemporaines de sa faillite, on peut considérer qu'il n'y a là qu'une restitution du fruit d'une fraude, une réparation volontaire d'un dommage à survenir du fait de l'abus d'obligation, sans cause, qui les exposait à l'action des tiers par la mise en circulation:

Considérant que, les sieurs de Lestrade n'étant ni créanciers, ni débiteurs, l'art. 447, C. comm., ne saurait recevoir ici d'application; qu'il faudrait, pour qu'une action pût être portée juridiquement sur le terrain des dispositions dudit article, que lesdits de Lestrade eussent payé de leurs deniers les blancs seings dont il s'agit, par avance, et avant la déconfiture de Duphot; qu'ils se seraient spontanément, par ce fait, rendus créanciers, faisant foi et crédit à sa solvabilité; qu'alors, en acceptant l'envoi du 13 mars 1860, annonçant la faillite, ils tomberaient sous l'appréciation, facultative au juge, dudit art. 447; mais, dans l'espèce, la masse des créanciers, au profit desquels cet article a été édicté, ne saurait s'enrichir au préjudice d'autrui, par le principe de haute moralité que la fraude ne peut profiter, même indirectement, à personne; Considérant, en ce qui concerne la position de mandataire donnée à de Lestrade ainé, que le tribunal ne peut et ne doit voir que la même situation, pour les conséquences de ce mandat, que celle qui lui est faite pour son propre compte; - Par ces motifs, déboute les sieurs Veyry et Sagnac, ès qualités, de l'action intentée par eux contre de Lestrade, etc. »

Appel par les syndics Duphot; et, le 31 juill. 1862, arrêt par défaut de la Cour de Bordeaux qui réforme en ces termes :- «Attendu que Duphot a été déclaré en état de faillite le 23 mars 1860, et qu'un jugement posté

rieur a fait remonter au 9 du même mois l'époque de la cessation des paiements; - Atiendu que, le 16 mars, de Lestrade, intimé, reçut de Duphot une somme de 19,123 fr. en billets de banque et autres valeurs; que cette somme était destinée à désintéresser François de Lestrade, à concurrence de 6,000 fr., et Louis de Lestrade, son frère, à concurrence de 13,123 fr. 30 c.;- Attendu que François de Lestrade, au moment où il recevait ces sommes, avait une connaissance personnelle de l'état de ruine complète dans lequel se trouvait Duphot, état attesté de la manière la plus formelle par la lettre même qui accompagnait cet envoi de fonds; Qu'il est donc évident qu'il doit rapporter à la masse ce qu'il a reçu pour son propre compte; — Attendu que la masse de la faillite à également le droit de réclamer le remboursement de ce que de Lestrade a versé dans les mains de Louis de Lestrade, son frère, en exécution du mandat qu'il avait reçu; - Attendu, en effet, qu'un mandat donné par un failli, dessaisi de l'administration de ses biens, ne saurait avoir les mêmes effets que ceux qui résultent d'un mandat valable en lui-même, comme émanant d'une personne integri status; Attendu que Duphot n'avait point encore, il est vrai, été déclaré en état de faillite; mais que son état de cessation de paiements était notoire, et connu particulièrement de de Lestrade tout au moins au moment où il recevait la lettre précitée; qu'il savait donc dès ce moment que ledit Duphot ne pouvait pas disposer de son actif; que, par suite, le mandat qu'il avait reçu, lui, François de Lestrade, de verser dans les mains d'un créancier, était sans valeur, et n'avait pour but que de léser les droits de la masse; qu'il suit de là qu'il est évidemment tenu d'en faire le rapport; Par ees motifs, réformant, etc. »>

Sur l'opposition formée par le sieur de Lestrade, cet arrêt a été maintenu purement et simplement par un autre arrêt du 28 août 1862.

POURVOI en cassation de la part du sieur de Lestrade. -1er Moyen (relatif aux 6,000 francs reçus par lui pour son compte personnel). Fausse application de l'art. 447, et violation de l'art. 449, C. comm., en ce qu'une action en rapport des sommes payées aux tiers porteurs des blancs seings mis en circulation a été admise, contrairement aux dispositions desdits articles. - Avant le jugement déclaratif de la faillite, a-t-on dit, Duphot envoyait, parla lettre du 13 mars 1860, des fonds pour payer entre les mains des tiers porteurs les effets de commerce qu'il avait négociés; il reconnaissait par cette lettre que la négociation avait été faite dans son intérêt exclusif, et qu'elle ne concernait pas les sieurs de Lestrade. Au lieu de payer directement les tiers porteurs qu'il ne connaissait pas, il envoyait les fonds à celui-là même à qui les billets devaient être présen

tés par ces tiers porteurs. Ce sont donc les tiers porteurs qui profitent directement du paiement effectué avec l'argent envoyé par Duphot. Cependant, ce n'est pas contre eux que l'action en rapport a été intentée. Les syndics ne les ont pas poursuivis, à cause des principes particuliers sur le paiement des effets de commerce. Mais ces principes doivent également protéger le sieur de Lestrade. La lettre de change et le billet à ordre ont leurs règles propres; le paiement de ces valeurs commerciales est régi, même au cas de faillite, par des dispositions particulières destinées à assurer leur circulation. Par l'endossement, s'il est régulier, non-seulement la propriété de l'effet est transmise au cessionnaire, mais encore la provision qui sera faite à l'échéance par le tireur ou par celui qui se reconnaît obligé à fournir provision, est acquise au tiers porteur du jour de l'émission. C'est pour cette raison qu'il est défendu d'antidater les ordres, à peine de faux (C. comm., 139). Et si, sous prétexte de la faillite du tireur ou du donneur d'ordre, ou de celui qui s'est reconnu tel, les syndics prétendaient saisir-arrêter au préjudice du tiers porteur la somme affectée à son paiement, leur opposition serait déclarée non avenue (C. comm., 149). La propriété est sortie des mains du failli par l'effet de l'endossement; elle ne peut être ni saisie par ses créanciers, ni frappée d'opposition en cas de faillite; par suite, elle ne saurait être non plus l'objet d'un rapport à la masse, lorsque la somme destinée au paiement a été versée entre les mains des tiers porteurs, ou de leurs ayants droit par la subregation (C. Nap., 1251, n. 3). Il en est ainsi, alors même que le paiement a eu lieu dans la période suspecte et avec connaissance entière des affaires du failli. L'action en rapport, dans ce cas, n'est régie ni par l'art. 446, ni par l'art. 447, mais par l'art. 449, C. comni. La loi ne soumet au rapport que le tireur de la lettre de change ou le donneur d'ordre qui profite en définitive du paiement; et ils ne sont soumis au rapport, conformément à la règle de l'art. 447, que dans le cas où ils ont eu connaissance de la cessation des paiements à l'époque de l'émission du titre. Le tireur ou le donneur d'ordre n'est plus maître de ce qui arrive après, et il ne doit pas être responsable de ce qu'il ne peut empêcher. En dehors de ces conditions, l'action en rapport est refusée par la loi. Sans doute, si les syndics pouvaient prouver que les sieurs de Lestrade étaient réellement débiteurs de Duphot, que c'est leur dette propre qui a été payée avec l'argent du faili, avant le jugement déclaratif, ils pourraient intenter contre eux une action ordinaire de in rem verso; mais telle n'est pas leur prétention. Ce qu'ils prétendent, c'est de faire annuler à leur égard, par l'action Paulienne de l'art. 447, un paiement valablement fait par le sieur de Lestrade entre les mains des tiers porteurs. Si Duphot avait directement payé les tiers

porteurs, les syndics, en présence de la lettre du 13 mars qui reconnaît la vérité du fait et qui n'est pas contestée, pourraient ils faire rapporter au sieur de Lestrade les somnies qu'il a reçues, sous prétexte que si Duphot n'avait pas payé, le sieur de Lestrade aurait été exposé à une action de la part des tiers porteurs, et qu'il aurait été contraint de faire honneur à sa signature? Qui oserait le prétendre? Au lieu de payer directement les tiers porteurs qu'il ne connaissait pas, et de se dégager lui-même de son obligation personnelle, Duphot s'est servi pour intermédiaire de celui-là même dont il avait pris la signature, en reconnaissant de la manière la plus expresse que les tireurs ou souscripteurs apparents ne lui devaient rien. Comment la faillite auraitelle action dans ces circonstances ainsi constatées par le jugement, et non déniées par l'arrêt? Il résulterait de l'admission d'une pareille action que les syndics, au nom de la masse, consommeraient le délit devant lequel Duphot lui-même a reculé, en forçant le sieur de Lestrade à restituer pour lui et pour son frère le fruit d'une négociation que le failli a reconnue être illicite. Mais ce système qui révolte la conscience n'est pas moins contraire au texte de la loi. D'une part, en effet, le sieur de Lestrade n'est pas au nombre des personnes désignées par l'art. 449, C. comm., comme étant soumises à l'action en rapport; et Duphot, par une lettre ayant date certaine avant la faillite, a reconnu que c'est pour son compte que les eflets avaient été mis en circulation. D'autre part, il n'est pas constaté que les sieurs de Lestrade cussent connaissance de l'état des affaires du failli à l'époque de l'émission des titres. En accueillant l'action en rapport dans les circonstances de la cause, sans constater les conditions qui seules, d'après l'art. 449, C. comm., pouvaient donner ouverture à cette action, l'arrêt attaqué a donc faussement appliqué l'art. 447 et formellement violé l'art. 449.

2 Moyen (relatif aux 13,123 fr. concernant les billets Louis de Lestrade). Fausse application et violation des art. 443 et 447, C. comm.-A supposer que le sieur François de Lestrade puisse être considéré comme un créancier payé par le failli, par cela seul qu'il a reçu des fonds destinés à le mettre à l'abri d'une action éventuelle de la part des tiers porteurs; à supposer qu'il doive être condamné à restituer ces sommes, alors même qu'il a été de la plus entière bonne foi en payant les tiers porteurs sur l'ordre de Duphot, cette rigueur est absolument injustifiable quand il s'agit de lui faire rendre non-seulement les sommes qu'il a reçues pour son comple, mais celles qu'il a reçues pour le compte de son frère et pour retirer les effets portant la signature de celui-ci. D'une part, il ne profite de ce paiement à aucun point de vue ; de l'autre, la connaissance de la part de son frère, qui seule peut

légitimer l'action de l'art. 447, n'est pas constatée. Pour justifier la condamnation qu'il prononce sur ce chef, l'arrêt attaqué déclare qu'en acceptant un mandat de la part d'un incapable, le sieur de Lestrade s'est exposé à toutes les conséquences d'un contrat nul ab initio. La Cour de cassation a, il est vrai, appliqué ces conséquences rigoureuses dans une espèce où le mandat avait été donné après la déclaration de faillite (Arrêt du 14 janv. 1862, V. ad notam). Mais, dans l'espèce actuelle, c'est avant le jugement déclaratif de la faillite que le sieur Duphot a donné au sieur de Lestrade le mandat d'acquitter les valeurs qui portaient la signature de son frère, et que Duphot reconnaissait avoir indùment négociées. Duphot n'était donc pas, à ce moment-là, dessaisi de l'administration de ses biens, et il a pu valablement donner le mandat que de Lestrade a consenti à recevoir.-Vainement l'arrêt objecte que Duphot ne pouvait plus se dessaisir de son actif. Le sieur de Lestrade savait au contraire que, par les endossements de Duphot, les tiers porteurs étaient légalement propriétaires, du jour de l'émission des titres, de la provision qui se trouvait, à l'échéance, affectée à leur paiement. En exécutant le mandat qui lui avait été donné pour payer ces tiers porteurs, le sieur de Lestrade n'a donc pu encourir aucune responsabilité.

Pour les défendeurs, on a d'abord fait remarquer que la position du sieur de Lestrade, en ce qui concerne les effets portant sa signature, est exactement la même que celle du sieur de Bellussières, dans l'affaire jugée par l'arrêt du 9 janv. 1865 (V. ad notam), et que les mêmes moyens de défense avaient été invoqués en première instance et en appel. Pour échapper à l'autorité de l'arrêt précité qui le condamne d'avance, le demandeur fonde son pourvoi sur un autre moyen, celui tiré d'une prétendue violation de l'art. 449, C. comm. Mais il est facile de démontrer que cet article est inapplicable à la cause. De quoi s'agit-il dans l'art. 449? Quelle situation entend-il régir? Celle d'un négociant en faillite qui a payé une lettre de change ou un billet à ordre pour le compte d'un autre. Ce paiement tombe ou peut tomber sous l'application de l'article 447, et, dans ce cas, par qui sera dù le rapport? Telle est la question que résout l'art. 449, et il la résout en ce sens que c'est le tireur ou celui pour le compte duquel la lettre de change a été tirée, où le premier endosseur, quand il s'agit d'un billet à ordre, qui devra faire le rapport, à la condition qu'au moment de l'émission du titre, ils avaient connaissance de la cessation des paiements. Or, dans l'espèce, le sieur de Lestrade n'est point en faillite, et ce n'est pas à sa faillite que le rapport doit être fait. Il n'a pas payé pour le compte exclusif de Duphot, mais pour son compte personnel et comme obligé par sa, signature. Sans

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