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bine, le patrimoine de St.-Pierre et la campagne de Rome. La famille du pape et les AN 5. princes romains envoyaient furtivement à Naples leur argent, leurs bijoux et leurs meubles les plus précieux. Les pays qu'avaient tarversés les armées françaises, s'organisaient en républiques. En vain les congrégations se succédaient, elles ne trouvaient aucun moyen d'arrêter un torrent prêt à se déborder sur Rome. Bonaparte avait établi son quartiergénéral à Tolentino, petite ville sur la Chienta à trente- cinq lieues de Rome; il faisait ses dispositions pour traverser l'Apennin jusqu'à Foligno. Ce trajet de trente milles d'Italie est très-difficile au milieu des sinuosités des montagnes. Il faut passer dans quelques endroits par des chemins taillés dans le roc et bordés de précipices; les plus dangereux sont ceux appelés Corniche de Col-Fioreto qui forment un demi-cercle de deux milles d'étendue, où deux voitures qui s'y rencontrent, sont dans le plus grand danger. Mais des troupes qui avaient traversé les Alpes au milieu des neiges, malgré les efforts d'une armée allemande, ne devaient pas être arrêtées par les difficultés que présentait le passage de l'Apennin.

Le pape, réduit à l'alternative d'abandonner Rome ou d'y recevoir la loi des Français, prit le parti d'écrire à Bonaparte :

« Cher fils, desirant terminer à l'amiable

nos différends actuels avec la république fran1797. çaise, par la retraite des troupes que vous commandez, nous envoyons vers vous comme plénipotentiaires deux ecclésiastiques, le cardinal Mathei, parfaitement connu de vous, et Monsignor Galleppi, et deux séculiers, le duc Louis Braschi, notre neveu, et le marquis Camille Massimo; lesquels sont chargés de souscrire telles conditions que nous espérons justes et raisonnables, nous obligeant, sous notre foi et parole, de les approuver et ratifier en forme spéciale, afin qu'elles soient valides et inviolables en tout tems. Assuré des sentimens de bienveillance que vous avez manifestés, nous nous sommes abstenu de tout déplacement de Rome. Par-là vous serez persuadé combien grande est notre confiance en vous. Nous finissons en vous assurant de notre plus grande estime, et en vous donnant la paternelle bénédiction apostolique. Donné à Rome, le 12 février l'an 22 de notre pontificat. Signé PIE P. P. VI».

La détresse où se trouvait la cour romaine, ne lui permettait pas de disputer sur les articles de la paix. Elle était obligée de s'en remettre à la générosité française. On fut bientôt d'accord sur les conditions, et pendant qu'on les rédigeait, Bonaparte envoyait à Paris les drapeaux autrichiens enlevés dans Mantoue.

Dans des occasions moins importantes], les dépouilles des ennemis avaient été transmises AN 5, au directoire par des officiers d'un grade inférieur. La prise de Mantoue jettait un si grand éclat sur les armes françaises, que le général crut devoir informer le gouvernement des détails de cette conquête par l'organe du général Augereau, un des guerriers qui s'étaient le plus distingués dans la guerre d'Italie.

Il fut présenté le 10 ventose. L'importance de sa mission et le concours des spectateurs n'avaient pas permis de le recevoir dans la salle ordinaire des audiences; le directoire 2 accompagné des ministres et du corps diplomatique, s'était placé sur une estrade élevée dans la cour du palais du Luxembourg.

Le ministre de la guerre, en présentant Augereau, prononça ce discours : «< Lorsque tant de rois se liguèrent contre nous, lorsqu'on exagérait l'inexpérience de nos troupes et la puissance de nos ennemis, on était loin de prévoir que le génie de la république, chassant l'aigle impériale, étendrait bientôt ses ailes de la Hollande au bord du Tibre.

>> 11 appartient au peuple qui a recouvré sa liberté, de la faire renaître dans les lieux même qui en furent le berceau.

» Nos premières campagnes furent remarquables par cette explosion subite qui, précipitant vers nos frontières un million de sol

dats, opposa l'enthousiasme et le courage à 1797. l'expérience. Celle-ci présente un bien autre spectacle, le génie d'un jeune héros luttant contre la science des vieux guerriers; la valeur française franchissant les montagnes, les fleuves, et tout ce que la nature et l'art peuvent opposer de difficultés; et au milieu de tant de combats, dans l'ivresse de tant de victoires, reprenant son caractère de générosité.

<< On voit nos guerriers, dans leur marche triomphale, se montrer les libérateurs des peuples, et non les destructeurs des gouvernemens, les protecteurs de la religion et les amis des arts, dont ils ont conquis la patrie.

>> C'est une bien douce satisfaction pour moi de présenter en même tems au directoire et les monumens de la conquête d'Italie, et le brave Augereau qui, dans un grand péril, à l'exemple de Bonaparte, s'armait d'un drapeau pour s'élancer en avant de nos bataillon, et crier victoire. »

Le public se montrait impatient d'entendre le général Augereau, dont la présence retraçait toutes les actions dans lesquelles il s'était illustré. A ses côtés étaient son père, vénérable vieillard, et son jeune frère, qui fut constamment le compagnon de ses travaux. Il se fit un silence profond, lorsqu'Augereau parla au directoire en ces termes :

L'armée d'Italie, au nom de laquelle je viens déposer ces enseignes ennemies à côté de celles AN 5. qui vous ont été présentées depuis le commencement de sa glorieuse campagne, m'a chargé d'être auprès de vous l'organe de ses sentimens. et le garant de son inviolable attachement à la constitution de l'an trois; de vous exprimer aussi le desir qu'elle a de procurer à la république une paix aussi durable que glorieuse.

» Fidelle à son serment, l'armée justifiera dans la campagne prochaine l'opinion avantageuse que lui ont acquise, depuis onze mois, soixante-quatre combats particuliers et vingtsept batailles générales.

>> Ce n'est pas assez pour sa gloire d'avoir détruit cinq armées nombreuses; l'opiniâtre ambition de la maison d'Autriche, prodigue du sang humain, fondait l'espoir de conserver le sceptre de l'Italie dans la garnison qui défendait Mantoue. Le nombre des combattans, la réputation du général qui s'y était enfermé, et les approvisionnemens immenses dont elle était pourvue, tout concourait à nourrir ce chimérique desir, et à donner des prétentions ridicules à l'agent du cabinet de Vienne, dépêché à Vicence pour y traiter des préliminaires de la paix. Il était donc réservé à la gloire de cette armée d'obtenir pour prix de ses fatigues et de son courage, d'en prendre possession au nom de la république, et d'asVII.

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