dégénérés? ne serions-nous donc plus les soldats d'Austerlitz? elle nous place entre le déshonneur et la guerre : le choix ne sera pas douteux. Marchons donc en avant, passons le Niémen, portons la guerre sur son territoire ; la seconde guerre de Pologne sera glorieuse aux armées parallèle la position respective des partis, et l'on reconnaîtra bientôt que, loin de l'être trop, nous ne l'étions point assez. En effet, les Russes en se retirant, détruisaient leurs habitations et leurs magasins, armaient et s'adjoignaient une partie de la population, se renforçaient progressivement de toutes leurs trompes en marche ou stationées, et finissaient par nous opposer sur un terrain choisi, tout ce que leur immense nation avait d'hommes capables de combattre. La situation des Français était bien différente. Avant d'arriver au Niémen, les maladies, les fatigues et les privations avaient di:ninué grandement l'effectif de l'armée. Sur l'autre rive, ils ne trouvaient, au lieu de vivres et de logemens, que des traces de pillage et d'incendie; et les causes primitives de leur affaiblissement, se joignant chaque jour à la nécessité de laisser des troupes sur leurs derrières, il se trouvait enfin qu'ils étaient à 700 lieues de leur patrie, sous un ciel et sur un sol totalement inconnus, tombant de fatigue et périssant de misère, lorsqu'il fallait disputer la victoire à un ennemi dispos, bien préparé, abondamment pourvu, et se déployant à la fois, sous les yeux de ses proches et sur la cendre de ses pères, pour ce qu'il croyait être la défense de sa gloire, de sa liberté, de ses biens et de ses dieux, françaises, comme la première; mais la paix que nous conclurons portera avec elle sa garantie, et mettra un terme à la funeste influence que la Russie a exercée depuis cinquante ans sur les affaires de l'Europe. ,, SOMMAIRE. Écrasés partout où ils ont voulu résister, les Russes se décident à tenter par un dernier combat la fortune qui les poursuit. L'armée française n'est plus qu'à quinze lieues de Moscou, et si elle n'est battue, la ville chérie des Czars devient sa conquête avant vingt-quatre heures. Cependant Napoléon s'apprête à vaincre. A peine a-t-il disposé ses légions, que le soleil caché jusqu'àlors perce et dissipe tout à coup les nuages dont il est environné. A cette vue, Napoléon ne peut contenir sa joie : C'est le soleil d'Austerlitz, s'écrie-t-il aussitôt; et 200,000 braves répètent avec lui: C'est le soleil d'Austerlitz! SOLDATS! Voilà la bataille que vous avez tant désirée.... Désormais la victoire dépend de vous ; elle nous est nécessaire; elle nous donnera l'abondance, de bons quartiers d'hiver, et un prompt retour dans la patrie. Conduisez-vous comme à Austerlitz, à Friedland, à Witepsk, à Smolensk ; et que la postérité la plus reculée cite avec or gueil votre conduite dans cette journée; que l'on dise de vous: Il était à cette grande bataille sous les murs de Moscow: c'est un brave (1), (( Il ne sera peut-être pas sans intérêt de comparer avec cette proclamation, celle que fit de son côté le général en chef de l'armée Russe. Présentant à ses troupes avec un appareil religieux cette relique que les Russes ont nommée la Sainte Image,et qu'ils n'invoquent jamais que lorsque l'état est menacé. « Vous voyez, leur dit-il « d'une voix forte et solennelle, vous voyez devant vous « dans cette image sacrée du saint objet de votre adora«tion, notre devoir de marcher contre le perturbateur « du monde. Non content de détruire l'image de Dieu << dans la personne de ses créatures, cet archi-rebelle « pénètre à main armée dans vos sanctuaires, les souille « de sang, renverse vos autels et expose l'arche du sei• gneur à tous les genres de profanation. Ne craignez < pas que ce Dieu dont les autels ont été insultés par « ce vermisseau que sa toute-puissance a tiré de la pous« sière, ne craignez pas, dis-je, qu'il ne veuille point « étendre son bouclier sur vos rangs, et combattre son << ennemi avec l'épée de Michel. « C'est dans cette croyance que je veux combattre et « vaincre : c'est dans cette croyance que je veux com« battre et mourir, et que mes yeux mourans verront « la victoire. Soldats, je vous le dis, pensez au sacrifice <de vos cités consumées par les flammes, pensez à vos « femmes et à vos enfans qui réclament votre protec<tion; pensez à votre empereur, qui vous considère « comme le nerf de sa force: et avant que le soleil de « demain n'ait disparu, vous aurez écrit votre foi et SOMMAIRE. Réalisant pour la France ce mot du grand Pompée, qu'il suffirait de frapper du pied pour faire sortir des légions de la terre, Napoléon, vainqueur des calamités de la Russie, s'est reporté avec une armée nouvelle dans les champs fertiles de la Saxe ( à Lutzen). C'est là qu'échappés à la fureur des élémens, les illustres débris de la plus intrépide armée sont réduits à se placer comme des vaincus, sous la protec ion d'une jeunesse qui n'a jamais vu le feu, qu'aucune cavalerie ne seconde, et qui, toute novice dans l'art cruel des combats, ne sait pas même encore observer un alignement. Mais cette jeunesse est française, mais les dangers de la patrie enflamment son courage, mais elle a sous ses yeux l'exemple des héros, et, pour garant de la victoire, le génie de Napoléon. SOLDATS, Je suis content de vous (1); vous avez rempli mon attente, vous avez suppléé à tout par votre bonne volonté et par votre bravoure. Vous avez, « votre fidélité dans les champs de votre patrie avec le sang de l'agresseur et de ses légions. » On ne peut juger de l'esprit des deux armées que par les divers ressorts mis en jeu pour les mouvoir. (1) Au commencement de la bataille, l'Empereur avait dit à l'armée: C'est une bataille d'Egypte : une dans la célèbre journée du 2 mai, défait et mis en déroute l'armée Russe et Prussienne commandées par l'empereur Alexandre et par le roi de Prusse. Vous avez ajouté un nouveau lustre à la gloire de mes aigles; vous avez montré tout ce dont est capable le sang français. La bataille de Lutzen sera mise au-dessus des batailles d'Austerlitz, d'Iéna, de Friedland et de la Moscowa 1). Dans la campagne passé l'ennemi n'a trouvé de bonne infanterie soutenue par de l'artillerie doit savoir se suffire. A la vue de Napoléon tout brûlé de poudre, les jeunes soldats frappaient les airs du cri chéri de vive l'empereur. Il y a vingt ans, dit Napoléon, que je commande les armées françaises, et je n'ai pas encore vu autant de bravoure et de dévouement. (1) Les 30,000 hommes que les alliés perdirent à Lutzen, ne sont pas le plus miraculeux des titres de l'armée à notre admiration. Dans aucune de ses campagnes l'empereur ne s'était montré si audacieux. Quelle différence entre lui et les souverains qu'il combattait! Tandis que, placés sur une hauteur perdue dans l'horison, leurs majestés se bornaient à expédier des dépêches, Napoléon semblait avoir établi son quartier-général au foyer même du péril; il voyait et prévoyait tout, commandait et payait d'exemple. En vain l'ennemi concentre sur sa tête des nuées de boulets et de projectiles; en vain tout tombe autour de lui, en vain lui-même s'affaisse sur son cheval abattu: maître de sa pensée comme de son courage, il se relève tranquillement et continue de commander. |