Les victoires de Champ-Aubert, de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauchamp, de Mormans, de Montereau, de Craone, de Reims, d'Arcy-sur-Aube et de Saint-Dizier; l'insurrection des braves paysans de la Lorraine, de la Champagne, de l'Alsace, de la Franche-Comté et de la Bourgogne, et la position que j'avais prise sur les derrières de l'armée ennemie, en la séparant de ses magasins, de ses parcs de réserve, de ses convois et de tous ses équipages, l'avaient placée dans une situation désespérée. Les Français ne furent jamais sur le point d'être plus puissans, et l'élite de l'armée ennemie était perdue sans ressource; elle eut trouvé son tombeau dans ces vastes contrées qu'elle avait si impitoyablement saccagées, lorsque la trahison du duc de Raguse livra la capitale et désorganisa l'armée (1). La conduite inattendue de ces deux généraux, qui trahirent à la fois leur patrie, leur prince et leur bienfaiteur, changea le destin de la guerre; la situation de l'ennemi était telle qu'à la fin de l'affaire qui eut lieu devant Paris, il était sans munitions par la séparation de ses parcs de réserve. (1) On vantait, il y a quelques jours, en ma présence, l'intrépide manière dont le jeune capitaine Marmont se montra jadis sur le Rhin devant toutes les masses du Dans ces nouvelles et grandes circonstances mon cœur fut déchiré, mais mon âme resta inébranlable, je ne consultai que l'intérêt de la patrie, je m'exilai sur un rocher au milieu des mers: ma vie vous était et devait encore vous être utile. Je ne permis pas que le grand nombre de citoyens qui voulaient m'accompagner partageassent mon sort; je crus leur présence utile à la France, et je n'enmenai avec moi qu'une poignée de braves, nécessaires à mai garde. Elevé au trône par votre choix, tout ce qui a été fait sans vous est illégitime. Depuis vingtcinq ans, la France a de nouveaux intérêts, de nouvelles institutions, une nouvelle gloire, qui ne peuvent être garantis que par un gouvernement national et par une dynastie née dans ces nouvelles circonstances. Un prince qui régnerait général Clairfayt. C'est alors, ajouta quelqu'un, que la patrie pouvait lui dire : Tu n'as point démenti ma gloire et mon estime; VOLTAIRE. sur vous, qui serait assis sur mon trône par la force des mêmes armées qui ont ravagé notre territoire, chercherait en vain à s'étayer des principes du droit féodal ; il ne pourrait assurer l'honneur et les droits que d'un petit nombre d'individus ennemis du peuple, qui depuis vingt-cinq ans, les a condamnés dans toutes nos assemblées nationales. Votre tranquillité intérieure et votre considération extérieure seraient perdues à jamais. Français dans mon exil j'ai entendu vos plaintes et vos vœux, vous réclamiez ce gouvernement de votre choix, qui seul est légitime : Vous accusiez mon long sommeil, vous me reprochiez de sacrifier à mon repos les grands intérêts de la patrie. J'ai traversé les mers, au milieu des périls de toute espèce; j'arrive parmi vous reprendre mes droits qui sont les vôtres. Tout ce que des individus ont fait, écrit, ou dit depuis la prise de Paris, je l'ignorerai toujours; cela n'influera en rien sur le souvenir que je conserve des services importans qu'ils ont rendus; car il est des événemens d'une telle nature, qu'ils sont audessus de l'organisation humaine (1). (1) J'aime mieux cela qu'un pardon tout cru. L'un fait de l'homme un criminel gracié, tandis que, rejetant Français ! Il n'est aucune nation, quelque petite qu'elle soit, qui n'ait eu le droit de se soustraire et ne se soit soustraite au déshonneur d'obéir à un prince imposé par un ennemi momentanément victorieux. Lorsque Charles VII rentra dans Paris et renversa le trône éphémère de Henri VI, il reconnut tenir son trône de la vaillance de ses braves, et non d'un prince régent d'Angleterre. C'est aussi à vous seuls et aux braves de l'armée, que je fais, et ferai toujours gloire de tout devoir. SOMMAIRE. Victorieux encore sur le terrain même où Jourdan s'immortalisa en 95, Napoléon qui, la veille, a détruit ou dispersé 120,000 Prussiens commandés par Blücher, se prépare incontinent à marcher contre 120,000 Anglais dirigés par Wellington. SOLDATS! C'est aujourd'hui l'anniversaire de Marengo et de Friedland, qui décida deux fois du destin tout sur le torrent des circonstances, l'autre lui laisse au moins le bonheur de l'illusion. Ce n'est point en avilissant les hommes qu'on se les attache, mais en leur persuadant, sinon qu'ils ont bien fait, du moins qu'ils ne pouvaient mieux faire. Il ne faut pas se le cacher, c'est là tout le secret du pouvoir. de l'Europe. Alors, comme après Austerlitz, comme après Wagram, nous fùmes trop généreux ! nous crûmes aux protestations et aux sermens des princes que nous laissâmes sur le trône ! Aujourd'hui, cependant, coalisés contre nous, ils en veulent à l'indépendance et aux droits les plus sacrés de la France. Ils ont commencé la plus injuste des agressions: ne sommesnous plus les mêmes hommes ? Soldats! à Iéna, contre ces mêmes Prussiens, aujourd'hui si arrogans, vous étiez un contre trois, et à Montmirail, un contre six! Que ceux d'entre vous qui ont été prisonniers des Anglais vous fassent le récit de leurs pontons et des maux affreux qu'ils ont soufferts (1). (1) La faim, le dénuement, l'insalubrité, les outrages ne sont, on ne l'oublira jamais, qu'une très-faible partie de ces maux. Les Anglais avaient fait du séjour des pontons une espèce de torture dont le but était de forcer de s'enrôler dans leurs bataillons ceux en qui le patriotisme et l'honneur agissaient le moins puissamment. Les bourreaux chargés de ces tortures s'en acquittaient sans doute avec toute la férocité que l'on attendait d'eux; mais quelque barbares qu'ils se montrassent, et ce sont eux-mêmes qui nous rendent cette justice, peu de nos guerriers cédèrent à leurs infâmes propositions. On en vit même se réjouir de voir la mort arriver pour offrir pure encore aux souvenirs de la patrie une glorieuse existence que les boulets avaient épargnée. |