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y eut

reprendre à désirer les droits pour lesquels elle avait combattu dix ans et que lui refusait l'empire. Ce principe de vie publique se réveilla tout d'un coup, stimulé par les souffrances inouïes des dernières années du régime impérial, par l'excès de la police, l'immense abus de la conscription, la justice prévôtale des commissions militaires, l'énormité des impôts, la tyrannie des prohibitions commerciales. Au milieu de nos désastres de 1814, il une sorte de résurrection du parti constitutionnel de 1789; l'idée de la liberté politique reparut, moins absolue qu'autrefois, cherchant, non le règne impossible de tous sur tous, mais de fortes garanties pour les droits et les intérêts civils'. C'est l'accord soudain de cette idée avec les désirs et les projets des partisans de l'ancienne royauté qui amena la restauration que les étrangers, dans leur victoire, n'avaient ni cherchée ni prévue 2.

Toutes choses, en ce monde, ont leur fin dernière, leur but idéal qu'elles n'atteignent pas toujours, il s'en faut, mais qui n'en est pas moins marqué dans la logique de

«Que Sa Majesté soit suppliée de maintenir l'entière et constante << exécution des lois qui garantissent aux Français les droits de la liberté, « de la sûreté, de la propriété, et à la nation le libre exercice de ses << droits politiques. » (Rapport des cinq commissaires nommés par le corps législatif, Lainé, Raynouard, Gallois, Flaugergues et Maine de Biran, 30 décembre 1813.)

2 << Le sénat, considérant que, dans une monarchic constitutionnelle, <«<le monarque n'existe qu'en vertu de la constitution ou du pacte social; «que Napoléon Bonaparte, pendant quelque temps d'un gouvernement << ferme et prudent, avait donné à la nation des sujets de compter pour <«<l'avenir sur des actes de sagesse et de justice, mais qu'ensuite il a dé«chiré le pacte qui l'unissait au peuple français...

• Considérant que, par toutes ces causes le gouvernement impérial << établi par le sénatus consulte du 28 floréal an XII, ou 18 mai 1804, a « cessé d'exister...

«Le Sénat déclare et décrète ce qui suit:

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Napoléon est déchu du trône, le droit d'hérédité est aboli dans sa << famille, le peuple français et l'armée sont déliés envers lui du serment « de fidélité. » (Sénatus-consulte du 2 avril 1814.)

l'esprit humain. Quel fut ce but pour la révolution qui ramena en France et remit sur le trône la famille des Bourbons? En d'autres termes, quelle fut la tâche politique imposée alors à cette famille? la voici: reprendre d'une manière pratique, sur un terrain nivelé, sur la base d'une société homogène, dans le calme d'un parfait accord entre le roi et la nation, l'œuvre avortée des grands théoriciens de 1791; remonter historiquement, bien au delà des dernières luttes, jusqu'aux grandes époques du rôle social de la royauté, et de là, dominer sur les passions et les factions contemporaines; adopter, dans ses principes légitimes et dans ses résultats nécessaires, la révolution que le peuple français avait faite et que l'Europe avait reconnue; enfin, comme gage de cette alliance, joindre aux vieux insignes de la monarchie les couleurs nationales de 1789, et, selon la noble expression d'un orateur patriote, placer les fleurs de lis de Bouvines sur le drapeau d'Austerlitz'. Une pareille mission était belle, mais elle ne fut pas acceptée; rien de cela ne fut compris nettement par le prince en faveur de qui venait de s'accomplir un événement providentiel.

Louis XVIII perdit une admirable occasion que le temps ne devait plus ramener. En donnant la Charte constitutionnelle, il ne s'éleva point jusqu'à la pensée d'un pacte égal et définitif entre le présent et le passé de la France, entre la raison pure et l'histoire. Il tâcha de prendre for

1 « La cocarde tricolore marque l'époque du plus grand développe<<ment de l'esprit humain, de la plus haute gloire qui ait jamais été ac«< cumulée sur une nation, de la régénération entière de l'ordre social... «Si jamais l'auguste auteur de la charte rétablissait le signe que nous << avons porté pendant un quart de siècle, assurément ce ne serait pas «<les ombres de Philippe-Auguste et de Henri IV qui s'indigneraient « dans leurs tombeaux de voir les fleurs de lis de Bouvines et d'Ivry sur <«<les drapeaux d'Austerlitz. » (Discours du général Foy à la chambre des députés, séance du 7 février 1821.)

tement son point d'appui dans l'histoire et, en cela, il eut raison; mais il se méprit sur la nature des grands changemeuts sociaux dont la succession remplit les six derniers siècles: il ne sut reconnaître ni ce qu'il y avait eu de révolutionnaire dans le progrès opéré sous l'ancienne monarchie et par elle, ni ce qu'il y avait eu de légitime dans la révolution de 1789. S'il est vrai que cette erreur fut en grande partie le fruit de préoccupations intéressées, il n'est pas moins vrai que l'incertitude qui régnait alors dans la théorie de notre histoire, que l'anarchie des systèmes légués par le xvIe siècle, y contribua. On en voit la preuve irrécusable dans ce préambule de la charte, qu'une révolution nouvelle a fait disparaître, et qui, privé aujourd'hui de toute sanction légale, reste comme un triste monument de l'état des idées historiques à l'époque où il fut écrit :

« Nous avons considéré que, bien que l'autorité tout « entière résidât en France dans la personne du roi, nos

prédécesseurs n'avaient point hésité à en modifier l'exer<«< cice, suivant la différence des temps; que c'est ainsi que << les communes ont dû leur affranchissement à Louis le « Gros, la confirmation et l'extension de leurs droits à << saint Louis et à Philippe le Bel; que l'ordre judiciaire a «< été établi et développé par les lois de Louis XI, de « Henri II et de Charles IX; enfin, que Louis XIV a réglé << presque toutes les parties de l'administration publique << par différentes ordonnances dont rien encore n'avait « surpassé la sagesse.

«Nous avons dû, à l'exemple des rois nos prédécesseurs, << apprécier les effets des progrès toujours croissants des « lumières, les rapports nouveaux que ces progrès ont <<< introduits dans la société, la direction imprimée aux «< esprits depuis un demi-siècle, et les graves altérations

« qui en sont résultées: nous avons reconnu que le vœu « de nos sujets, pour une charte constitutionnelle, était « l'expression d'un besoin réel; mais, en cédant à ce « vou, nous avons pris toutes les précautions pour que «< cette charte fut digne de nous et du peuple auquel nous & sommes fiers de commander.....

« Nous avons cherché les principes de la Charte consti«tutionelle dans le caractère français et dans les monu<ments vénérables des siècles passés. Ainsi, nous avons vu, dans le renouvellement de la pairie, une institution. vraiment hationale, et qui doit lier tous les souvenirs à & toutes les espérances en réunissant les temps anciens et les temps modernes.

« Nous avons remplacé par la Chambre des députés ces << anciennes assemblées des champs de Mars et de Mai, << et ces chambres du tiers-État, qui ont si souvent donné & tout à la fois des preuves de zèle pour les intérêts du

peuple, de fidélité et de respect pour l'autorité des rois. «En cherchant ainsi à renouer la chaîne des temps, que « de funestes écarts avaient interrompue, nous avons « effacé de notre souvenir, comme nous voudrions qu'on « pût les effacer de l'histoire, tous les maux qui ont affligé << la patrie durant notre absence.....

« A ces causes, nous avons, volontairement et par le « libre exercice de notre autorité royale, accordé et accor« dons, fait concession et octroi à nos sujets, tant pour « nous que pour nos successeurs, et à toujours, de la « Charte constitutionnelle qui suit 1. »

Jamais théorie de l'histoire de France n'avait été proclamée de si haut et jamais il n'y avait eu rien de plus faux, rien de si arbitraire, une telle confusion de faits et

1 4 juin 1814.

d'idées. D'abord apparaît le système de Dubos dans sa conclusion finale: L'autorité tout entière a toujours résidé en France dans la personne du roi; mais si la thèse monarchique de ce système est complétement admise, l'autre thèse, le droit traditionnel de liberté municipale, est totalement supprimée; c'est à l'autorité royale modifiant d'elle-même son exercice qu'est attribuée l'origine des municipalités libres: Les communes ont dú leur affranchissement à Louis le Gros; et cette grande institution des communes du moyen âge où la tradition fut rajeunie et fécondée par l'action populaire, se trouve bizarrement rangée dans la classe des réformes administratives et rapprochée, à ce titre, des lois et ordonnances du xvio et du XVIIe siècle. Ensuite vient une réminiscence du système de Mably dans la plus absurde de ses thèses, la présence d'une députation bourgeoise aux assemblées nationales des Franks: Nous avons remplacé par la Chambre des députés ces anciennes assemblées des champs de Mars et de Mai, et ces chambres du tiers-État... '. Voilà de quelle manière est donné l'esprit des temps anciens, et, quant aux temps modernes, la rénovation nationale de 1789, source des principes libéraux de la Charte constitutionnelle, n'est pas une seule fois mentionnée dans le préambule de cette Charte; il n'y a sur elle que des allusions vagues et mesquinement haineuses2; il y a effort pour la retrancher du nombre des belles époques législatives,

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1 Voyez plus haut, chap. III, p. 85 et 86. Cette thèse de Mably était prise au sérieux par Napoléon ; lui-même la consacra officiellement dans les cent-jours, en convoquant à Paris les membres des colléges électoraux en assemblée extraordinaire du champ de mai. (Décret impérial du 13 mars 1815)

2 « La direction imprimée aux esprits depuis un demi-siècle, et les «< graves altérations qui en sont résultées... Renouer la chaîne des temps « que de funestés écarts avaient interrompue. » (Préambule de la Charte constitutionnelle de 1814.)

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