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grande latitude était laissée au magistrat pour surseoir à l'exécution de la peine, dans l'autre cas, et alors qu'il s'agissait d'apprécier, en cas de récidive un fait délectueux, on emprisonnait ce même magistrat dans un texte de loi fatal, brutal, absolu, en ne lui permettant pas d'appliquer les principes généraux de l'article 463 du code pénal. Cette inconséquence entre les deux parties de la loi a été comprise des pouvoirs publics. Enlever au juge la faculté de se mouvoir entre un maximum et un minimum qui lui donne toute latitude pour la sévérité comme pour l'indulgence, c'eût été le forcer à appliquer une peine qu'il croyait, dans sa conscience, dépasser la mesure légitime de la répression. « Les châtiments rigoureux, a dit Beccaria, loin de prévenir les crimes, << endurcissent les âmes et conduisent les malfaiteurs à accumuler les forfaits pour y échapper, et le législateur qui atteint promptement le niveau le plus élevé des « mesures pénales dont il dispose, se trouve dès lors dans ◄ l'impuissance de proportionner les délits et les peines. >>

Il ne fallait donc pas toucher à l'art. 463; on l'a compris et il a été maintenu dans son entier, parce que la saine justice veut que le magistrat ait le pouvoir d'accorder ou de refuser les circonstances atténuantes. Et ce pouvoir n'a rien d'arbitraire attendu qu'un magistrat n'exerce jamais ses fonctions d'une façon arbitraire, il les exerce avec sa conscience. » (1). « Ce n'est pas la science juridique qui doit rendre les sentences pénales, a dit M. Michaux, c'est la <<< conscience. Ce qui doit dominer dans le juge, c'est à la << fois le sens moral, le sentiment de la faillibilité humaine, «la connaissance des hommes. »

Concluons donc en disant que la loi Bérenger est, en principe, une loi excellente. Il est bien permis de penser qu'elle donnera, dans l'avenir les meilleurs résultats, parcə qu'elle réalise un grand progrès dans notre droit pénal et qu'elle est l'expression exacte de cette formule : « Beaucoup plus d'indulgence pour une première faute, et beaucoup plus de sévérité pour les récidivistes. >>

(1) Discours de M. Léonce de Sal au Senat.

APPENDICE

TEXTE DU PROJET DE LOI déposé par M. Bèrenger, sénateur, sur l'atténuation et sur l'aggravation des peines.

Art. 1er. En cas de condamnation à l'emprisonnement, si l'inculpé n'a pas subi de condamnation antérieure à la prison pour crime ou délit de droit commun, les cours ou tribunaux peuvent ordonner par le même jugement et par décision motivée qu'il sera sursis à l'exécution de la peine.

Si, pendant le délai de cinq ans, à dater du jugement ou de l'arrêt, le condamné n'a encouru aucune poursuite suivie de condamnation à l'emprisonnement ou à une peine plus grave pour crime ou délit de droit commun, la condamnation sera comine non avenue.

Dans le cas contraire, la première peine sera d'abord exécutée sans qu'elle puisse se confondre avec la seconde.

Art. 2. La suspension de la peine ne comprend pas le paiement de l'amende, des frais du procès, ni des dommages-intérêts.

Art. 3. Elle comprend les peines accessoires et les incapacités résultant de la condamnation, à moins qu'il n'en soit autrement ordonné par le jugement ou l'arrêt.

Art. 4. Le Présiden de la Cour ou du Tribunal doit, après avoir prononcé la suspension, avertir le condanné qu'en cas de nouvelle condamnation, dans les conditions de l'article fer, la première peine sera exécutée sans confusion possible avec la seconde, et que les peines de la récidive seront encourues dans les termes des articles 57 et 58 du code pénal.

Art. 5.

La condamnation est inscrite au casier judiciaire, mais avec la mention expresse de la suspension accordée.

Si aucune poursuite suivie de condamnation, dans les termes de l'article 1er paragraphe 2, n'est intervenue dans le délai de cinq ans, elle ne doit pas être inscrite dans les extraits délivrés aux parties.

Art. 6.

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Les articles 57, 58 et 463 du code pénal sont modifiés ainsi qu'il suit :

Art. 57 (modifié). — Quiconque ayant été condamné pour crime à une peine supérieure à une année d'emprisonnement, aura, dans un délai de cinq années, après l'expiration de cette peine ou sa prescription, commis un délit ou un crime, qui devra être puni de la peine de l'emprisonuement, sera condamné au maximum de la peine portée par la loi, et cette peine pourra être élevée jusqu'au double.

Défense sera faite, en outre, au condamné de paraître, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus dans les lieux dont l'interdiction lui sera signifiée par le Gouvernement avant sa libération.

Art. 58 (modifié). Il en sera de même pour les condamnés à un emprisonnement de plus d'une année pour délit, qui, dans le même délai, seraient reconnus coupables du même délit ou d'un crime devant être puni de l'emprisonnement.

Ceux qui, ayant été antérieurement condamnés à une peine d'emprisonnement de moindre durée, commettraient le même délit dans les mêmes conditions de temps, seront condamnés à une peine d'emprisonnement qui ne pourra être inférieure au double de celle précédemment prononcée, sans toutefois qu'elle puisse dépasser le double de maximum de la peine encourue.

Les délits de vol, escroquerie et abus de confiance, sont considérés comme étant, au point de vue de la récidive, un mème délit.

Il en sera de même des délits de vagabondage et de mendicité.

L'art. 463 est maintenu dans toutes ses dispositions sauf la suppression de ces mots « même en cas de récidive », dans le paragraphe 9.

Au paragraphe 9 de l'art. 463 s'ajoutent les deux paragraphes additionnels suivants :

En cas de récidive, la peine ne pourra descendre au-dessous de quatre années d'emprisonnement, si la peine encourue ou celle précédemment prononcée est celle des travaux forcés à temps, et de deux années, s'il s'agit de la réclusion de la détention, du bannissement ou de la dégradation civique.

Si la peine antérieure est celle de l'emprisonnement, la condamnation nouvelle ne pourra être inférieure à celle précédemment prononcée.

(Fin)

Du CHÈNE, avocat.

LA QUESTION SOCIALE ET SA SOLUTION

INTRODUCTION

Pour éviter l'ennui de perpétuels renvois au bas des pages comme pour rendre hommage à celui qui le mérite, nous devons à nos lecteurs un aveu dépouillé d'artifice. Nulle idée contenue dans ce travail n'appartient en propre à celui qui signera ces lignes. Epris d'admiration pour les ouvrages de M. Charles Périn, il doit à cet illustre écrivain tout ce qu'il sait. Il le vénère comme le véritable fondateur de la science économique chrétienne, convaincu que le premier, M. Charles Périn, après avoir formulé nettement et franchement la loi évangélique du sacrifice et du renoncement, a su en prouver l'application nécessaire dans toutes les opérations de l'activité économique. Travail à la fois gigantesque et audacieux, dans ce siècle d'égoïsme, que de prouver, doctrinalement, scientifiquement, académiquement, si l'on veut, l'harmonie de l'ordre du salut et de la véritable prospérité matérielle, sans se laisser déconcerter par les clameurs de l'impiété jouisseuse, ni par les mépris calculés

de ceux qui n'aimant la vérité qu'à demi, vont bien jusqu'au décalogue, mais ne poussent jamais jusqu'à l'évangile.

Poser la question sociale, prouver l'évidente excellence de la solution catholique, tel est notre humble désir. Pour le réaliser, nous avons puisé tout ce que nous écrirons dans les ouvrages de M. Charles Perin, deci delà, en véritable amateur de pillage, sans crainte et sans peur, mille fois heureux si nous avions pu en ces quelques pages rendre saisissante une des pensées les plus fécondes du maître.

I. La question sociale.

La question essentielle pour l'homme, au point de vue matériel, celle qui l'agite et le préoccupe, la source de tous ses calculs et de ses inquiétudes, c'est évidemment celle du pain quotidien.

Obtenir le pain quotidien par le travail, s'assurer la vie et l'assurer à ceux dont on a la charge, être sûr de vivre au moins aujourd'hui, voilà la nécessaire préoccupation de l'humanité, la source des angoisses individuelles et la cause des troubles sociaux. « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », c'est l'ordre divin, c'est le châtiment providentiel. Quand l'humanité n'avait point encore rompu avec les traditions chrétiennes, quand elle croyait à Dieu et lui restait unie par la foi et par l'amour, elle s'inclinait avec soumission et repentance devant ce décret du Créateur, et acceptant la peine, elle était sûre d'en recueillir le fruit. Certes, elle travaillait, elle peinait, elle suait, mais elle était confiante et restait convaincue que le pain quotidien serait gagné. Mais aujourd'hui la question du pain de chaque jour se complique d'une inquiétude dévorante: l'homme ne veut plus ni de Dieu, ni de la Providence; il ne croit plus ni au châtiment, ni à la promesse, et il se demande avec angoisse, au milieu de notre société enfiévrée de jouissances, si, malgré son travail opiniâtre et la sueur qui ruisselle sur son front, il gagnera le pain quotidien.

L'homme, qui reconnait le souverain domaine de Dieu, se soumet au châtiment mais croit à la fécondité de sa sueur; il possède la quiétude dans le sacrifice. Celui qui a rompu

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