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(Art. 320. — Blessures ou coups involontaires.)

La modification proposée à l'art. 320 n'a d'autre objet que de faire disparaître une anomalie qui résulte de cet article avec l'art. 314. — D'après l'art. 311, la peine appliquée aux coups et blessures volontaires, dont il y est parlé, est l'emprisonnement de six jours à deux mois, ou l'amende de 16 fr. à 100 fr. D'après l'art. 320, la peine appliquée aux coups et blessures involontaires, dont il y est question, est l'emprisonnement de six jours à deux mois, et l'amende de 16 fr. à 100 fr. La faculté de substituer l'amende à l'emprisonnement qui existe pour le juge, dans le cas de blessures volontaires, doit exister à plus forte raison dans le cas de blessures involontaires, qui présente nécessairement une moindre gravité. Les amendements proposés au conseil d'Etat ont été adoptés.

(Art. 330, 331, 333 [et 334.] Attentats aux mœurs.) L'art. 53 limite à une année d'emprisonnement le maximum de la peine qu'il prononce. Cette limite rend impossible l'application des peines de la récidive à la réitération des outrages publics à la pudeur. Rien n'explique une disposition qui, sans intention peutêtre, excepte d'une juste sévérité des faits dont il importe de prévenir le renouvellement, et qui sont plus dangereux et plus punissables que la plupart de ceux auxquels les peines de la récidive sont applicables. C'est pour obvier à cet inconvénient que, tout en maintenant à trois mois le minimum de la peine prononcée par l'art. 330, nous avons proposé de porter le maximum à deux ans.

cher de Chauvigné aurait voulu la reculer jusqu'à quatorze ans; la majorité de la commission a pensé que, si la loi allait trop loin, elle pourrait multiplier les accusations et les scandales sans obtenir une répression plus efficace.

Une autre modification à l'art. 331 nous a semblé nécessaire. S'il est permis de supposer une volonté intelligente et libre chez un enfant âgé de plus de treize ans, cette volonté libre n'est plus certaine si la sollicitation lui arrive d'un de ses ascendants, c'està-dire d'une personne qui exerce sur lui une autorité naturelle. Qu'un père soit assez dégradé pour attenter lui-même à la vertu de sa fille, il commet à la fois une immoralité révoltante et un acte digne d'une punition salutaire, tant qu'il est permis de supposer que l'abus d'autorité et l'état de dépendance sont venus en aide à ses mauvais desseins. L'amendement que nous avons soumis à cet égard au conseil d'Etat a été adopté, sauf une légère modification.

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Parmi les incriminations relatives aux mœurs, il en est peu qui aient donné lieu à plus de difficultés que celle qui est contenue dans l'art. 334, et qui punit l'excitation à la débauche. Des termes de cet article, qui, on doit le reconnaître, ne définit point assez nettement les faits qu'il a l'intention de punir, sont nées trois questious principales. - L'excitation à la débauche n'est-elle que le délit des proxénètes, c'està-dire des personnes qui font métier de cet infâme trafic, et qui n'ont en vue, en servant les passions d'autrui, que le profit qu'elles doivent en retirer, ou bien comprend -elle en outre ceux qui excitent à la corruption, non plus par métier et pour les autres, mais pour eux-mêmes et pour satisfaire leurs propres passions? - L'habitude d'excitation à la débauche existet-elle par cela seul qu'elle se manifeste par des actes réitérés sur la même personne, ou bien cette habitude exige-t-elle essentiellement la pluralité des victimes? L'excitation à la débauche des mineurs imputable aux pères, mères, tuteurs ou autres personnes chargées de leur surveillance, exige-t-elle le concours de l'habitude pour la constitution du délit ? - Ces questions sont graves; elles ont été souvent portées devant les tribunaux et elles ont reçu des solutions contradictoires.

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Le code pénal de 1810 ne punissait l'attentat à la pudeur que lorsqu'il était accompagné de violence. Ainsi toutes les fois qu'un enfant n'avait opposé aucune résistance aux moyens employés pour le séduire, et lorsqu'un simulacre de consentement avait été obtenu de sa faiblesse ou de son ignorance, le délit demeurait sans répression. Le législateur de 1852 s'est montré avec raison plus sévère; il a fixé un âge au-dessous duquel la violence sera toujours présumée, par la raison que l'enfant n'a pas encore le discernement nécessaire pour donner un consentement sérieux et libre. Cet âge est celui de onze ans révolus. Pendant que nous révisions le code pénal, - Le projet propose de le porter à douze. Votre il nous a semblé qu'il y avait une incontestable utilité commission a accueilli cette idée avec une telle faveur, pratique à les trancher législativement, afin de tarir qu'elle a voulu encore reculer cette limite. Les atten- ainsi dans sa source toute nouvelle controverse. tats de ce genre se multiplient, et leur nombre tou- Sous la loi romaine, le proxénétisme seul était incrijours croissant prouve que la dépravation des mœurs miné. Il en était de même sous notre ancienne législal'emporte sur la réserve que l'enfance doit inspirer et tion. La corruption pour soi-même et pour sa propre sur le respect qu'elle mérite. Il est juste de protéger passion n'était punissable que dans deux cas, le stules familles contre ce désordre moral. Puisqu'il atteint pre et le rapt de séduction. Le stupre était l'abus un si grand nombre d'enfants qui n'ont pas même ac- d'une fille honnête sous l'espérance du mariage, et le compli l'âge de onze ans, combien n'en doit-il pas rapt de séduction la subornation d'une fille mineure atteindre qui sortent à peine de cet àge? Et cependant, par des voies illicites et artificieuses, pour parvenir à qui oserait affirmer que, dès qu'il l'a dépassé, l'enfant un mariage clandestin contre le gré de la famille. est capable de donner un consentement réfléchi? Le L'Exposé des motifs du code pénal de 1810 révèle plus souvent, même à douze ans, son développement clairement que le législateur n'a voulu punir que le physique ou intellectuel ne lui permet pas d'avoir une métier, la profession, le trafic habituel de la corrupconscience entière de ses actes, et si quelques excep- tion. Malgré le défaut de précision qu'on peut lui tions se rencontraient, quels inconvénients sérieux reprocher, le texte de l'art. 334 se prête plutôt à cette y aurait-il à le prémunir contre ses propres entraîne- opinion qu'à toute autre. C'est celle que la jurisments et à le préserver d'une dégradation précoce? prudence a le plus généralement consacrée ; c'est L'influence des climats est ordinairement prise en d'ailleurs celle que la raison conseille et qu'en l'abconsidération dans ces matières la limite d'âge est sence de tout précédent nous voudrions encore adopfixée à douze ans en Toscane, en Sardaigne et dans ter. Comment, en effet, assimiler l'action d'un les Deux-Siciles, et à quatorze ans en Suisse, en homme qui, entraîné par la passion, séduit et corPrusse et en Autriche. Nous proposons de la fixer à rompt une fille mineure, avec l'action du mercenaire treize ans pour la France; elle tiendra ainsi le milieu qui se rend l'intermédiaire de la corruption et qui fait entre les pays du Nord et ceux du Midi, et elle répon- métier de colporter, à prix d'argent, des propositions dra à un véritable intérêt moral révélé par les obser- honteuses et de livrer des victimes à la prostitution? vations pratiques dans le nôtre. - L'honorable M. Bu-La passion a des limites que la corruption ne connaît

pas, et la loi n'atteint pas tout ce que réprouve la morale. Qui pourrait méconnaître d'ailleurs les funestes conséquences d'une pareille incrimination? Comment définir la séduction et la distinguer d'une foule de spéculations dont elle couvrirait les manéges? La vie privée serait livrée à la plus dangereuse inquisition, et le scandale des poursuites bouleverserait les familles et pervertirait les imaginations bien plus qu'il ne guérirait les mœurs. Par toutes ces raisons, nous n'avons pas hésité à déclarer que l'excitation à la débauche ne serait un délit que lorsqu'elle serait imputable au proxénète et aurait pour but de satisfaire les passions d'autrui. Nous pensons aussi qu'il y a métier honteux et punissable aussi bien lorsque l'agent a plusieurs fois tiré profit d'un acte de la même nature à l'égard d'une seule et même personne que lorsqu'il a trafiqué de plusieurs, et nous disons nettement que l'habitude d'excitation à la débauche résulte aussi bieu de la pluralité des faits que de la pluralité des victimes. Enfin, quoique le texte actuel exige évidemment l'habitude dans tous les cas, même alors que l'instigateur est le père ou la mère de la victime, où une des personnes chargées de sa surveillance, nous n'hésitons pas à vous proposer sur ce point une modification qui mettra la loi d'accord avec la morale. Une mère qui vend sa fille, même une seule fois, est indigue de toute indulgence. Rien ne peut excuser un père ou un tuteur qui abuse de sa situation pour acheminer un mineur vers le vice, au lieu de l'en préserver. Le premier fait d'excitation, le premier maché mériterait une punition, alors même qu'il devrait demeurer isolé. Mais il ne sera presque toujours que le prélude de plusieurs autres. Il est si facile, eu ces matières, de tromper la vigilance de la justice, que le plus souvent on punira l'habitude alors qu'on n'aura pu poursuivre qu'un seul fait. En conséquence, nous avons proposé de rédiger l'art. 334 ainsi qu'il suit : « Quiconque, dans le but de satisfaire les passions d'autrui, aura attenté aux mœurs, en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption d'une ou plusieurs personnes de l'un ou l'autre sexe au-dessous de l'âge de vingt et un ans, sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux aus, et d'une amende de cinquante francs à cinq cents francs. Si la prostitution ou la corruption a été excitée, favorisée ou facilitée, même sans qu'il y ait habitude, par leurs pères, mères, tuteurs ou autres personnes chargées de leur surveillance, la peine sera de deux ans à cinq ans d'emprisonnement,

et de trois cents francs à mille francs d'amende. » Les amendements proposés au conseil d'Etat ont été adoptés.

(Art. 345. - Crimes et délits envers l'enfant.

La section VI du Code pénal s'occupe des crimes et délits tendant à empêcher ou à détruire la preuve de l'état civil d'un enfant ou à compromettre son existence. L'art. 345, le premier de cette section, punit de la reclusion les coupables d'enlèvement, de recel ou de suppression d'un enfant, de substitution d'un enfant à un autre, ou de supposition d'un enfant à une femme qui ne serait pas accouchée.

L'ancien droit français et l'exposé des motifs du code pénal de 1810 nous apprennent que le législateur n'a eu qu'un seul but dans cet article, celui de conserver l'état civil de l'enfant, et les incriminations diverses qu'il contient ne s'appliquent qu'aux faits tendant à empêcher ou à détruire la preuve de cet état civil. — İl suit de là que le crime de suppression d'un enfant n'a aucune reiation avec les faits qui, tels que l'infanticide, l'abandon et le délaissement, ont pour objet de porter atteinte à ses jours, ou qui peu

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sonne.

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Il en résulte enfin que, toutes les fois que l'enfant ne peut pas être retrouvé mort ou vivant, toute poursuite est impossible, car elle manquerait de la base essentielle, qui est la preuve de son existence. C'est là un grave inconvénient. La disparition d'un enfant peut bien n'avoir pour cause qu'une atteinte dirigée contre son état civil; mais elle est aussi, le plus souvent, l'indice d'un crime commis sur sa perLe projet veut lui accorder la garantie qui lui manque, et donner une arme contre la femme qui, convaincue de l'avoir mis au monde clandestinement, ne peut pas ou ne veut pas le représenter. Il propose, dans ce but, de punir l'enlèvement ou la non-représentation de l'enfant, même au cas où il n'est pas établi qu'il ait vécu, et même encore au cas où il est établi qu'il n'a pas vécu. Il varie seulement la peine applicable à chacun de ces deux cas: trois mois à cinq ans d'emprisonnement pour le premier, six jours à deux mois pour le second; et il laisse ainsi la plus grande latitude au juge, par l'écart inaccoutumé qui existe entre le maximum et le minimum. Nous acceptons cette incrimination nouvelle en faisant remarquer que le délit qui sera poursuivi par application des deux paragraphes additionnels ne se rattache plus essentiellement au principe des incriminations portées dans l'art. 345. En effet, si l'enfant n'a pas vécu, ou si seulement il n'est pas établi qu'il ait vécu, il n'y a pas de suppression dans le sens légal de ce mot, car il n'y a pas d'atteinte possible à son état civil. C'est la non-représentation de l'enfant qui est la base de la poursuite et qui prend le caractère d'un délit. C'est pour mieux rendre cette pensée que nous avons retranché le mot supprimé de la rédaction proposée par le projet. L'enfant dont il s'agit dans les paragraphes additionnels sera donc bien alors tout enfant qui aura disparu, qui ne sera pas représenté, et dout la disparition ne sera pas expliquée, quel que soit d'ailleurs le motif pour lequel on l'ait fait dispaL'amendement proposé au conseil d'Etat a

raître.

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Faux témoignage.)

Le projet de loi ne proposait aucun changement à la série des articles du code pénal qui sont relatifs au faux témoignage. L'examen attentif que nous avons fait de ces articles nous a conduits à prendre l'initiative de quelques modifications.

L'ensemble de la législation pénale sur cette matière embrasse le faux témoignage en matière criminelle, en matière correctionnelle, en matière de police, en matière civile; la subornation de témoins, qui est assimilée au faux témoignage, et enfin le faux serment d'une partie dans sa propre cause, qui n'est qu'une sorte de faux témoignage. Dans tous les cas. le faux témoignage est qualifié crime par la loi, et la peine varie depuis celle des travaux forcés à temps jusqu'à celle de la dégradation civique. Le faux moignage contre l'accusé ou contre le prévenu est placé sur la même ligue et puni de la même peine que le faux témoignage en sa faveur; seulement si l'accusé a été condamné à une peine plus forte que celle des travaux forcés à temps, le faux témoin qui a déposé contre lui doit subir la même peine. D'ailleurs, tous les faux témoignages indistinctement sont punis plus sévèrement lorsqu'ils ont été déterminés par des

dons que le faux témoin aurait reçus ou par des promesses qui lui auraient été faites.

Saus nier la gravité du faux témoignage en luimême, puisqu'il a toujours pour but de tromper la justice, et qu'il peut avoir pour résultat de faire acquitter un coupable et même de faire condamner un innocent, il est impossible de ne pas tenir compte de ce fait, que, dans la plupart des cas, le jury refuse de le considérer comme un crime. La statistique des cinq dernières années nous enseigne que, sur cent faux témoins poursuivis devant la cour d'assises, cinquante-six ont été acquittés, quarante et uu ont été condamnés à des peines correctionnelles, et trois seulement ont été condamnés à des peines criminelles. Nous avons vu là un enseignement qu'il n'était pas permis de négliger, et nous avons voulu faire par la loi ce qui était déjà fait par les mœurs, en apportant quelque adoucissement à l'excessive sévérité de la peine. Cette résolution étant admise en principe, la nature même des choses nous a suggéré une première distinction. Déjà, dans l'économie de la loi, les faux témoignages sont rangés dans des classes différeutes, selon la juridiction devant laquelle ils sont commis. Il est rationnel d'en attribuer la connaissance aux cours d'assises ou aux tribunaux, selon que le fait se sera produit en matière criminelle ou en matière correctionnelle. On y trouvera cet avantage que le crime ou délit de faux témoignage sera déféré aux juges devant lesquels il aura été commis, c'est-à-dire à ceux qui sont le plus aptes à le bien connaître et à le bien juger.

Quant aux faux témoignages en matière de simple police ou en matière civile, il est permis de penser que le juge correctionnel aura des connaissances et des habitudes d'investigation que le jury ne saurait posséder au mème degré. Par cette considération, nous avons proposé d'établir dans les faux témoignages les catégories suivantes :

En matière criminelle, le faux témoignage restera crime, et il sera puni de la reclusion, avec cette éventualité que, s'il a amené la condamnation de l'accusé à une peine plus forte que celle de la reclusion, le faux témoin subira la même peine.-En matière correctionnelle et en matière civile, le faux témoignage ne sera qu'un délit, et la peine de la reclusion sera remplacée par celle d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 50 fr. à 2,000 fr., avec faculté pour les tribunaux de priver le condamné des droits mentionnés à l'art. 42, et de le placer sous la surveillance de la police. Nous répétons, en ce cas, la disposition qui veut que, si le faux témoignage a amené contre le prévenu une condamnation plus forte que celle qu'encourt le faux témoin, celui-ci subisse la même peine. En matière de simple police, la peine de la dégradation civique sera remplacée par celle d'un emprisonnement d'un an à trois aus, et d'une amende de 16 fr. à 500 fr. En matière de faux serment, la peine de la dégradation civique sera remplacée par celle d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 100 fr. à 3,000 fr., avec l'éventualité des peines accessoires de la privation de droits et de la surveillance.

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Il nous restait à régler les cas où le faux témoignage a été déterminé par des dons ou par des promesses. L'art. 364 n'augmente la peine que pour les faux témoignages en matière correctionnelle, civile ou de simple police; il ne l'élève pas pour le faux témoignage en matière criminelle, sans doute parce que celle des travaux forcés à temps, qui était prononcée par l'art. 361, avait paru suffisante, et parce que la peine immédiatement supérieure, c'est-à-dire celle des travaux forcés à perpétuité, aurait été trop forte.

Aujourd'hui que nous remplaçons dans l'art. 361 les travaux forcés par la reclusion, il nous est plus facile d'élever la peine du faux témoignage dans tous les cas où il se complique de la circonstance aggravante de dons et promesses. Nous proposons celle des travaux forcés pour le faux témoignage en matière criminelle, celle de la reclusion pour le faux témoignage en matière correctionnelle et civile, et enfin celle d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 50 fr. à 2,000 fr. pour le faux témoignage en matière de simple police.

On remarquera qu'à l'exception des matières de simple police, toutes les fois que le faux témoignage est acheté par des dons ou par des promesses, il garde la qualification de crime et demeure dans les attributions du jury. Cette dérogation à notre nouvelle règle était commandée par la criminalité exceptionnelle du fait, et elle donnera peut-être une satisfaction suffisante à ceux qui pourraient répugner encore au déclassement que nous avous proposé.

Nous avons, à la très-grande majorité, présenté au Conseil d'Etat un amendement général contenant toutes les modifications que nous venons d'indiquer. L'amendement a été adopté, sauf une modification à laquelle votre commission a cru devoir adhérer. (Art. 582, 385. - Vols.)

Le vol est la variété la plus fréquente des crimes et délits contre la propriété. C'est peut-être celle qui a été prévue avec le plus de soin, et qui est le mieux embrassée par la loi pénale dans les différentes manières dont elle peut se produire et dans les circonstances diverses qui en marquent la gravité. Le projet ne propose pas au sujet du vol des modifications bien importantes. Il répare une antinomie existant entre deux articles et résultant d'une inadvertance de la révision de 1852; il convertit en délits trois faits punis comme crimes, et qui méritaient peu cette qualification; il crée enfin une incrimination nouvelle.

L'art. 382 punit des travaux forcés à temps le vol commis à l'aide de violence et, de plus, avec deux circonstances aggravantes déterminées. L'art. 383 punit de la même peine le vol commis à l'aide de violence, sans aucune autre circonstance aggravante. Ainsi, d'après le premier de ces articles, la violence seule ne suffit pas, tandis qu'elle suffit, d'après le second, pour déterminer la peine des travaux forcés. Il en est ainsi parce que, dans le code pénal de 1810, la violence accompagnée d'autres circonstances aggravantes était punic des travaux forcés à perpétuité, et parce qu'en 1832, lorsqu'on réduisit cette peine à celle des travaux forcés à temps, on ne s'aperçut pas qu'elle existait déjà pour la violence seule. Le projet la maintient avec raison pour la violence seule, sans autre circonstance aggravante, et le nouvel art. 382 dira à l'avenir ce que disait l'art. 385. L'art. 385 sera désormais muet sur la violence; mais, combinant autrement les autres circonstances aggravantes qui y sont prévues, il arrive à punir de la peine des travaux forcés à temps le vol commis pendant la nuit, dans une maison habitée, par un seul individu porteur d'armes apparentes ou cachées; de plus, se conformant à l'exemple donné par l'art. 388, il assimile l'édifice consacré au culte à la maison habitée.

(Art. 387.

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Altération de marchandises par les voituriers, etc.)

L'art. 387 punit de la reclusion les voituriers qui ont altéré par des substances malfaisantes les vins ou autres liquides qui leur ont été confiés. Il n'applique

que l'emprisonnement si les substances ne sont pas malfaisantes. On a de la peine à s'expliquer comment cet article a trouvé place dans le chapitre du vol, car l'art. 586 punit déjà les vols commis par les voituriers des choses qui leur étaient confiées à ce titre, et il atteint évidemment la soustraction des liquides facilitée et dissimulée par un mélange. L'incrimi nation de l'art. 587 n'a donc pu être déterminée que par la considération des suites fàcheuses que peut avoir le mélange de substances malfaisantes, ou du dommage qui peut résulter, pour le propriétaire, d'un mélange opéré avec des substances inoffensives. Quoi qu'il en soit, il est certain que, même lorsque le mélange est fait avec des substances malfaisantes, la peine de la reclusion est trop sévère. Elle est trop sévère, car l'art. 317 ne punit que de l'emprisonnement le fait consommé d'avoir occasionné à quelqu'un une maladie ou incapacité de travail en lui administrant volontairement des substances nuisibles à la santé. Comment se montrer plus rigoureux dans le cas où l'altération des liquides, sans avoir occasionné aucune maladie, en a sculement fait naître la possibilité? Le projet substitue l'emprisonnement à la reclusion au cas où le mélange est fait avec des substances malfaisantes, et il maintient la peine de l'emprisonnement d'un mois à un an lorsque le mélange est fait avec des substances inoffensives. L'honorable M. Millet nous a proposé d'ajouter à cet article les dispositions suivantes : « Les peines portées par cet article et celles portées par le quatrième paragraphe de l'art. 386 seront applicables à tous agents et employés des compagnies de chemins de fer. » Il nous a expliqué luimême que son amendement n'avait pour but que de compléter une rédaction que les progrès accomplis ont rendue insuffisante, et qui laissait les tribunaux dans la nécessité d'une répression par analogie. Mais pourquoi supposer qu'il soit permis de mettre en doute que les compagnies des chemins de fer et leurs préposés doivent être assimilés aux voituriers et aux entrepreneurs de transports? A notre avis, il n'y a pas seulement analogie, il y a identité dans les situations. Le déclarer à propos des art. 586 et 587, c'était reconnaitre qu'il fallait le déclarer aussi à propos d'autres dispositions analogues dans la législation. L'amendement proposé par M. Millet n'était donc pas nécessaire pour le cas auquel il s'applique; il devenait une occasion de difficultés pour d'autres cas qu'il ne pouvait pas embrasser, et c'est par ces motifs que nous ne l'avons pas adopté.

(Art. 589.

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Vol de récoltes par enlèvement ou déplacement de bornes.)

Dans l'art. 589, le code punit de la reclusion le vol commis au moyen de l'enlèvement ou du déplacement de bornes. Le projet propose de réduire la peine à l'emprisonnement de deux à cinq ans. Nous n'y voyons aucun danger, et nous croyons que cette peine sera à la fois mieux en rapport avec l'infraction en elle même, et mieux en harmonie avec la punition infligée à des faits analogues. Ainsi la loi ne punit que de l'emprisonnement le fait isolé de la suppression ou du déplacement de bornes, le vol des récoltes déjà détachées du sol, même avec les circonstances aggravantes de la nuit et de la pluralité des personnes. Il paraît difficile de maintenir la reclusion pour un fait qui n'a certainement pas une gravité plus grande que ce dernier.

(Art. 399. Contrefaçon de clefs.)

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L'art. 599 punit la contrefaçon de clefs comme un acte dangereux et préparatoire, sans qu'il se rattache

à un projet de vol spécial et déterminé. La peine varie selon que le coupable est ou n'est pas serrurier de profession, et, s'il est serrurier, cette peine est celle de la reclusion.

Sans doute la profession est une circonstance aggravante par l'habileté qu'elle donne et par les facilités qu'elle fournit. Mais il nous semble qu'on tiendra de cette circonstance un compte suffisant en punissant la contrefaçon par le serrurier de l'emprisonnement de deux à cinq ans avec les incapacités accessoires et la surveillance.

(Art. 460.--Détournement d'objets donnés en gage.) Dans l'art. 400, le projet introduit une disposition nouvelle pour incriminer le fait du débiteur ou de l'emprunteur qui détruit ou qui détourne la chose qu'il a donnée à titre de gage. On ne saurait contester la criminalité d'un pareil acte, c'est un vol véritable dans le sens pratique du mot; mais ce n'en est pas un dans le sens légal, et cela suffisait pour que l'impunité lui fût acquise. En effet, celui qui remet une chose en gage en conserve la propriété, aux termes de l'article 2079 du code Napoléon; si, après l'avoir donnée en nantissement il la détourne à son profit, il ne soustrait que sa propre chose, et on sait que le vol n'existe que lorsqu'il y a soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. Le contrat de nantissement était déjà d'un usage fréquent, il tend tous les jours à se répandre davantage, et il importait de donner aux créanciers gagistes la garantie légitime qui leur manquait. Le projet le fait en punissant d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, et même, s'il y a lieu, d'une amende de 16 fr. à 500 fr., l'emprunteur ou le débiteur qui détourne ou détruit l'objet qu'il a donue en gage.

L'honorable M. Millet nous a proposé un amendement ainsi conçu: « Les peines de l'art. 401 seront également applicables à tout débiteur ou emprunteur, ou tiers donneur de gage, qui aura détruit ou détourné ou tenté de détruire ou détourner des objets donnés à titre de gage conformément aux art. 2074 et suivants du code Napoléon, ou affectés au privilége cree par l'art. 95 du code de commerce. » Ainsi, cet amendement a trois objets: il propose, 1° d'étendre l'incrimination au cas où le gage a été donné par un tiers; 2° de définir, par l'indication des articles du droit civil qui s'y rapportent, la manière régulière dont le gage aura dû être donné pour que la criminalité existe; 3° d'appliquer l'incrimination même au cas où il n'existait qu'un privilége en vertu de l'art. 95 du code de commerce, et non en vertu d'un contrat de nantissement. Rien ne s'opposait à l'adoption de la première partie de l'amendement. Il est certain qu'il a les mêmes raisons de punir la distraction ou le detournement de l'objet remis en gage, au cas où cette remise est faite par un tiers, qu'au cas où elle a éte faite par le débiteur lui-même. La seconde partic peut avoir son utilité en ce sens qu'elle indique clairement que le détournement ou la soustraction ne sont punissables que lorsqu'ils portent sur un gage donné régulièrement et conformément à la loi. Mais il nous a été impossible de nous associer à la pensée de M. Millet pour la troisième partie. — Si ou étendait l'incrimination aux cas où, d'après l'art. 95 du code de commerce, le commissionnaire a un privilége pour les avances qu'il a faites sur des marchan

dises, et où le commettant détourne ou détruit les marchandises affectées à ce privilége, pourquoi ne pas l'étendre à tous les cas où un privilége quelconque existe en vertu de la loi civile ou commerciale? Il serait téméraire de s'engager dans une pareille voie, et nous avons repoussé la troisième partie de l'amendement.

(Art. 400.- Extorsions par violence ou contrainte.)

-

A propos des extorsions par violence ou contrainte qui sont réglées par l'art. 400, nous avons cru devoir nous occuper d'un geure d'extorsion qui ne se commet pas par une violence physique, mais qui s'accomplit au moins à l'aide d'une contrainte morale. Le hasard, l'occasion, une confidence imprudente, nous initient quelquefois à des secrets qui intéressent le repos des citoyens, l'honneur des familles, la paix du foyer domestique, et dont la révélation peut amener une poursuite criminelle ou occasionner un scandale; il se rencontre des hommes assez vils pour profiter de la connaissance qu'ils ont de ces secrets et pour menacer de les dénoncer ou de les répandre si on ne consent pas à acheter leur silence. D'autres, plus éhontés, ne savent rien qui puisse compromettre la personne qu'ils ont choisie pour victime, mais par des combinaisons astucieuses ils l'entraînent dans une situation suspecte et difficile à expliquer, ils font naître des circonstances d'où puisse résulter le soupçon d'une action honteuse, et, menaçant d'exploiter de simples apparences, ils arrachent à la faiblesse et à la peur la rançon d'une calomnie dont ils promettent de s'abstenir. C'est ce qu'on nomme vulgairement le chantage. Dans le premier cas, c'est le chantage à l'aide de la menace de la révélation d'un fait vrai; dans le second cas, c'est le chantage à l'aide de la menace de l'imputation d'un fait faux. Il parait difficile de ne pas voir un délit dans un abus aussi révoltant. Mais quelle est sa nature? N'est-il pas déjà puni par la loi? S'il ne l'est pas, doit-il l'être? Comment peut-il être défini? Voilà les questions diverses que nous avons successivement examinées.

-

sonnements séduisent au premier abord; mais quand
on les creuse, on les trouve plus spécieux que vrais.
Sans doute, la personne coupable d'un crime ou d'une
faute ne mérite pas une grande sollicitude, et cepen-
dant, en cherchant bien parmi les exemples de chan-
tage, que de victimes intéressantes ou pourrait ren-
contrer! Ce n'est pas toujours à l'auteur de la faute que
s'adresse l'extorsion, c'est quelquefois à sa famille, et
celle-ci n'a certainement aucun tort. Ce n'est pas la per-
sonne qui est l'objet du chantage qu'il faut considérer,
c'est celle qui le pratique, qui menace, qui contraint,
qui extorque à l'aide du secret qu'elle possède, et qui
fait dans tous les cas la plus odieuse spéculation. La
diffamation ne divulgue aussi quelquefois que des faits
vrais, et cependant la loi n'hésite pas à la punir sans
se préoccuper de la vérité ou de la fausseté des allé-
gations, ni de l'intérêt plus ou moins grand que la
personne diffamée peut inspirer. Veritas convicii non
excusat. « Plus il y a de vérité dans un écrit, plus cet
écrit est un libelle, disait lord Manfield.
Il est
bien vrai que la société a intérêt à ce que les actions
coupables ne demeurent pas inconnues, mais le chau-
tage ne les dénonce pas; loin de là, il stipule une ré-
compense pour que le mystère qui les couvre ne soit
pas mis à jour. Enfin, il ne faut pas croire que la
protection de la loi soit toujours inefficace, car le plus
souvent le chantage serait arrêté à son premier pas,
si celui qui va le tenter était convaincu que la menace
même qu'il va faire est un délit qui l'expose à une
poursuite et à une condamnation. Le chantage doit
donc être puni. - L'est-il par les lois existantes?

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On s'accorde à reconnaître que le chantage qui procède par la menace de la révélation d'un fait vrai ne tombe pas sous l'application de la loi.-Pour celui qui procède par la menace de l'imputation d'un fait faux, on trouve çà et là quelques monuments de jurisprudence qui l'ont considéré comme une escroquerie et qui l'ont fait rentrer sous l'application de l'art. 405. On dit, pour appuyer cette doctrine, que, si l'imputation est calomnieuse, la menace est vaine et la crainte chimérique; cependant le danger de perdre sa réputation si l'on est calomnié n'est pas toujours une chi

Et d'abord quelle est sa nature, et à quel genre de faits criminels peut-il le mieux se rattacher? Le chantage n'est pas l'escroquerie de l'art. 405. Celle-ci procède par la persuasion, par la ruse et par des manœuvres frauduleuses. Elle arrive à ses tins par les illusions qu'elle fait naître, par les craintes ou par les espérances chimériques qu'elle inspire. Le chantage n'est pas la menace de l'art. 305. Celle-ci a surtout pour but d'inspirer la crainte d'une violence phy-mère, la calomnie ne laisse-t-elle pas toujours quelque sique; elle peut exister sans ordre ni condition; la condition, si elle existe, n'est pas toujours de se faire remettre une somme d'argent; la cupidité n'est pas de son essence, si bien que le code pénal l'a rangée parmi les crimes contre les personnes, et non parmi les crimes contre les propriétés. Le chantage a pour objet d'arracher une somme d'argent, en influençant la volonté par la crainte d'un mal véritable et sérieux c'est une extorsion; si le mal était craint pour la personne, ce serait une violence physique; comme il est craint pour la réputation et pour l'honneur, c'est une violence morale. Le chantage est donc une extorsion à l'aide d'une contrainte morale. Voilà son caractère; voilà le genre auquel il appartient; voilà pourquoi, s'il prend une place dans le code pénal, c'est dans l'art. 400 que cette place est marquée.

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Le chantage doit-il être puni? — Nul ne le conteste, quand il procède par la menace de l'imputation d'un fait faux. On hésite lorsqu'il agit par la menace de la révélation d'un fait vrai. En ce cas, dit-on, la personne menacée est coupable; pourquoi s'est-elle exposée? L'extorsion dont elle est l'objet n'est que la conséquence de sa faute. Quel intérêt mérite-t-elle? à quelle protection a-t-elle droit? L'intérêt de la société, au contraire, est que la faute soit divulguée; d'ailleurs, la protection que donnerait la loi serait inefficace, car, le jour où la victime du chantage voudrait en dénoncer l'auteur, elle se ferait à elle-même le mal de publicité qu'elle voulait éviter. Ces rai

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chose après elle? Qui oserait dire que Basile a cessé d'avoir raison? — Loin de nous la pensée de critiquer les arrêts qui ont cru pouvoir juger ainsi, mais à nos yeux ils témoignent surtout de la nécessité, qui a été comprise par les juges, de ne pas laisser de pareils faits impunis. Mais la jurisprudence est parfois variable, et, quelque autorité qui s'attache à celle dont nous parlons, elle laisse encore en dehors d'elle la menace de la révélation d'un fait vrai. Tranchons les doutes, comblons les lacunes, venons en aide à des efforts louables et n'obligeons plus les tribunaux à une interprétation délicate pour parvenir à punir un acte éminemment coupable. Toutefois, il est bien entendu que la victime d'un crime ou d'un délit qui transige sur l'exercice du droit de porter plainte ou de se porter partie civile, loin de commettre une extorsion, obtient, au contraire, la réparation du préjudice qui lui a été causé, et qu'en agissant ainsi, elle ne fait rien qui soit illicite et de nature à tomber sous l'application de la loi. Les amendements présentés au conseil d'Etat sur les divers articles compris dans cette section ont été adoptés, à l'exception seulement de la deuxième partie de celui de l'honorable M. Millet.

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