et l'Angleterre, une fois du moins, se serait montrée fidéle à ses promesses. "S. M. est sincérement et douloureusement affligée qu'il " ait fallu avoir recours aux armes pour l'exécution d'un acte " nécessaire à la sûreté de ses domaines. L'état, les circon" stances actuelles du monde ont exigé ces mesures de pro" pre conservation: c'est une vérité que S. M. déplore, mais " dont elle n'est, en aucune façon, responsable. "S. M. a long-tems soutenu le combat inégal d'une ex"trême longanimité contre une violence toujours active; " mais cette longanimité doit avoir un terme. Quand on "avoua hautement le projet, qui n'a déjà que trop réussi, " de soumettre les états de l'Europe à une même usurpa"tion, et de les coaliser, par la crainte ou par la force, contre " le droit maritime et contre l'existence politique de ce royaume, S. M. sentit la pécessité de prévenir l'accomplis" sement d'un dessein qui n'est pas plus contraire à ses in“ térêts qu'à ceux qui devaient en être les instrumens." De quel droit maritime entend-on parler ici? Est ce du droit maritime que s'est arrogé l'Angleterre, ou du droit maritime commun à tous les peuples? La France arme pour le second contre le premier. Mais si l'histoire des quatre coalitions a prouvé qu'elles ont toujours tourné à l'avantage de la France, était-il raisonnable à l'Angleterre, d'accroître encore l'influence de la France des forces du Danemarck? Etait-il sage de donner un nouvel éclat à la justice de notre cause? Etait-ce quand l'Angleterre avait besoin de calmer les esprits irrités par l'usage outrageant de son droit maritime, quand elle sentait la nécessité de maintenir, par la modération, quelques puissances dans un systême qui ne lui fût pas contraire, qu'elle devait menacer tous les souverains dans leur indépendance, effrayer le continent par une catastrophe sanglante, et chercher à entraîner quelques états dans sa ruine? Elle aurait perdu le Danemarck, s'il avait cédé à la crainte. C'est ainsi qu'elle perdra le Portugal, et que la maison de Bragance, si elle fait cause commune avec elle, aura cessé de régner. "Il était tems que les effets de cet effroi que la France a " impiré aux nations du monde, fussent balancés par l'exer" cice du pouvoir de la Grande-Bretagne, pouvoir propor" tionné à la grandeur du péril." On ne peut, sans sourire de pitié, voir les ministres anglais attendre des résultats proportionnés à la grandeur du péril, d'une opération qui le centuple, qui donne à la France de nouvelles positions géographiques qui augmente son influence politique et militaire, qui conduit la Russie à ne garder plus aucun ménagement, qui la tire de l'état où la plaçait un simple traité de paix, pour la porter à faire cause commune avec la France: qui fait retentir dans toute l'Europe, des cris de haine contre ce peuple pirate, coutre ce gouvernement sans morale, proclamant l'injustice avec autant d'impudeur que le tyran des Sept-Montagnes. Et c'est par de tels argumens que les ministres espèrent convaincre la nation Anglaise, cette nation si fière, que chacun de leurs actes dévoue au mépris de l'Europe! "Nonobstant la déclaration de guerre faite par le gouverne" ment danois, il reste au Danemarck à décider si la guerre " continuera entre les deux nations. S. M. propose encore un arrangement à l'amiable: elle souhaite ardemment de remettre dans le fourreau l'épée qu'elle en a tirée avec tant " de répugnance; elle est prête à prouver au Danemarck et " au monde, qu'ayant agi seulement pour assurer la tranquil"lité de ses propres domaines, aucun autre motif, aucun projet d'agrandissement ou d'avantage quelconque, ne lui " font désirer de prolonger la guerre au-delà du tems fixé par " la nécessité qui l'a produite." Ce dernier paragraphe prouve, comme tout le reste de la déclaration, qu'un esprit de vertige s'est emparé des conseils de la Grande-Bretagne. Le Danemarck ne peut plus faire la paix avec l'Angleterre; il fait actuellement, il fera desormais cause commune avec le Continent. Ou les Anglais resteront quelques tems dans la Zeelande, et alors ils ne tarderont pas à en être chassés, et 20,000 homhommes prisonniers vengeront assez la perte de quelques vaisseaux dérobés et d'un arsenal livré au pillage; ou ils fuiront lâchement, et alors, le Sund, Tonningen, la Norwège leur seront à jamais fermés; et ces résultats assurés seront une preuve de plus de cette maxime incontestable, que ce qui est injuste ne peut être utile à une nation. On cherche en vain, non pas une excuse, mais un prétexte à l'attentat de l'Angleterre euvers le Danemarck dans cette déclaration qui est un nouvel outrage fait à l'Europe. Les ministres du roi d'Angleterre, impatiens de faire quelque entreprise qui occupât l'esprit inquiet de leur nation, ont été ravis d'en trouver une qui n'exigeait ni bravoure, ni habileté, ni génie: ils ont fermé les yeux sur la situation de l'Europe; ils ont méconnu le caractére du prince royal; ils n'ont écouté que leurs passions. Malheur au pays où il n'est perinis qu'à l'ignorance, à l'imprudence, à la haine, d'élever la voix dans les conseils! Tout ce qui se passe en Angleterre prouve les avantages du gouvernement monarchique modéré, et les dangers du gouvernement oligarchique. Un monarque a des entrailles; les ministres, sous un tel guide, sont justes et éclairés. Mais une oligarchie ne considère ni les intérêts de la patrie, ni les droits de l'humanité, ni les règles de la justice. Heureuse P'Angleterre quand elle redeviendra une narchie! Nous nous exprimous ainsi parce que ce pays, véritablement privé d'un monarque depuis si long-tems frappé d'infirmités, manque de son premier magistrat. L'histoire mo nous apprend que c'est lorsque le gouvernement d'un état a fait sa dèrniére tendance vers l'oligarchie, qu'il est le plus près de sa ruine. Quels moyens de salut restent à l'Angleterre? Les trouvera-t-elle dans ce parlement qu'on achete, qu'on proroge et qu'on dissout à volonté ? Les trouvera-t-elle dans ce club de ministres, présidé par ce lord Melville dont les malversations et les rapines furent nagueres dénoncées à son pays et à l'Europe? Quand ce club oligarchique s'apercevra qu'il a fatigué les destinées et lassé la patience du peuple, il ne verra que ses propres périls, et il abandonnera le salut de l'état à d'autres mains. Un monarque ne sépare point ainsi ses intérêts de ceux de la patrie: c'est avec elle qu'il veut périr; ce n'est qu'avec elle qu'il pent se sauver. Paris, le 12 Novembre. L'Angleterre depuis deux ans a fait quatre expéditions. La première devant Constantinople. Elle a tourné à sa honte; elle lui a valu la perte de plusieurs vaisseaux, la confiscation de toutes ses marchandises et l'expulsion de son commerce de toutes les échelles du Levant. Lord Duckworth et son escadre ont été heureux de pouvoir trouver leur salut dans la fuite. La seconde expédition de l'Angleterre a été contre l'Egypte. Elle a été plus honteuse encore, plus funeste, plus déshonorante. Son armée battue à Rosette, cernée dans la route, a perdu plus de 4000 hommes d'élites qui ont été tués ou faits priBonniers. En vain les Anglais ont coupé des digues, rompu des canaux, inondé ce malheureux pays pour se mettre à l'abri daes Alexandrie; le 22 Septembre le Pacha du Caire arrive, les bat, et les oblige à lui remettre Alexandrie où le Pacha fait sou entrée le 24. Il est difficile de citer une expédition plus humiliante. La troisième expédition de l'Angletterre a été celle de Monte-Vidéo et de Buenos-Ayres. 10,000 Anglais échouent devant une ville ouverte ! Il est vrai que la haine que ces ennemis de la religion inspirent aux catholiques espagnols avait donné de nouveaux moyens contre eux, avait animé d'une nouvelle ardeur la population toute entiére; et 10,000 hommes ont été trop heureux qu'on leur accordât la permission de se retirer. Cette expédition qui avait coûté aux Anglais des sommes énormes n'a donc servi qu'à détruire l'illusion qui leur persuadait qu'il était facile de s'emparer des possessions espagnoles. Les possessions portugaises ne leur opposeraient pas moins de résistance. Partout où il y a des catholiques les intolérans Anglais trouveront des ennemis. Dans cette funeste expédition ils ont perdu plus de 5,000 hommes. Leur quatrième expédition, a fait le plus de bruit. C'est celle de Copenhague, la plus atroce expédition dont l'histoire puisse conserver le souvenir; la honte dont elle a couvert le. gouvernement britannique est ineffaçable. Pourquoi les Anglais évacuent-ils la Zéelande et Copenhague, lorsque le gouvernement danois ne reconnaît pas la capitulation, et que l'engagement d'évacuer n'existe plus? Pourquoi les Anglais évacuent-ils lors que le prince royal refuse de recevoir leur envoyé, lors que ce prince conclut une alliance offensive et défensive avec la France, lors qu'il ne répond à leurs propositions que par le rappel de l'agent qu'il avait à Londres; enfin, lorsque dans ses négociations politiques il ne parle des Anglais qu'en les appelant brigands, titre qu'ils ont si bien, mérité? Pourquoi? parce qu'ils sont pleins du sentiment de leur faiblesse et de leur malhabileté sur terre: l'approche du moment où les glaces rendront possible l'arrivée des troupes danoises, les décide de prendre prudemment le parti de la fuite, au lieu d'attendre l'ennemi qu'ils avaient surpris, désarmé, et que bientôt il faudrait combattre: fuite honteuse, et sur laquelle on ne peut trop verser de mépris!-Après ces quatre expéditions qui déterminent si bien la décadence morale et militaire de l'Angleterre, nous parlerons de la situation où ils laissent anjourd'hui le Portugal. Le prince régent de Portugal perd son trône; il le perd influencé par les intrigues des Anglais; il le perd pour n'avoir pas voulu saisir les marchandises anglaises qui sont à Lisbonne: que fait donc l'Angleterre, cette alliée si puissante? Elle regarde avec indifférence ce qui se passe en Portugal. Que fera-t-elle quand le Portugal sera pris? Ira-t-elle s'emparer du Brésil? Non: si les Anglais font cette tentative, les Catholiques les chasseront. La chute de la maison de Bragance restera une nouvelle preuve que la perte de quiconque s'attache aux Anglais, est inévitable. Mais au milien de tant d'événemens sinistres, que veulent donc les ministres anglais ? Nous ne disons pas l'Angleterre; l'Angleterre ne veut que ce que veulent toutes les nations, la paix, et jouir enfin du repos sous le règne de la morale et des lois; mais que veut le comité d'oligarques qui dirige son gouvernement? Il l'a déclaré: la guerre perpétuelle. Ces systèmes de guerre perpétuelle ne dureront pas plus que n'ont duré ces crises où des hommes farouches et exagérés voulaient briser le droit des gens et pousse tout à l'extrême. Le comité des oligarques de Londres est travaillé par les mêmes sentimens qui animaient nos comités révolutionnaires; ceux qui le dirigent sont aussi atroces que Marat. Qu'est-ce que celui-ci a fait de plus atroce? C'est de présenter au monde le spectacle d'une guerre perpétuelle. Ces meneurs finiront comme finissent tous les hommes furibonds et exagérés: ils seront l'opprobre de leur pays et la haine des nations. Le refus de la médiation de l'empereur Alexandre et l'expéВь TOME III. dition de Copenhague décelaient assez les sentimens du ministère anglais et son système de la guerre perpétuelle; aussi le premier résultat de ces événemens a-t-il été de décider les peuples du Continent qui étaient encore en paix avec l'An gleterre, à rompre désormais toute relation avec elle. L'Autriche n'a pas hésité: à peine l'empereur François II. a-t-il eu connaissance des événemens de Copenhague et du refus des Anglais d'accepter la médiation de la Russie, qu'il a déclaré la guerre à l'Angleterre. Déjà le blocus se resserre de toutes parts; Lord Pembrocke, parti de Vienne, a dû, pour se endre à Londres, s'embarquer à Trieste; les correspondances de Vienne ne peuvent plus arriver à Londres; les correspondances d'Angleterre avec tout le continent sont interceptées; on en dépôt plus de cent mille lettres anglaises, et des lettres de change pour plusieurs millions sterling, arrêtées par l'effet du blocas. Ces mesures pèsent sur la nation anglaise, la font souffrir, et auront pour résultat de la mettre dans une situation violente. Mais qu'importe aux hommes exagérés qui gouvernent cette nation! qu'ont ils de commun avec le peuple anglais? Heureusement le jour où ils seront culbutés du minis tère, ils ne seront plus rien; ils peuvent suivre encore quelque tems leurs maximes; mais une catastrophe est infaillible. L'injustice et l'exagération peuvent quelquefois se jouer des nations; mais l'expérience a prouvé que la durée de ces fléaux est passagère. La paix, le premier des biens pour les nations, doit être le principal but de toutes les actions de ceux qui gouvernent. Un ministère qui professe la guerre perpétuelle, trahit les plus chers intérêts de son pays; il a perdu sa confiance: sa chute inévitable et prochaine satisfera l'inté rèt national et la morale publique. Paris, le 13 Novembre. L'échange des ratifications d'une convention qui a été con clue entre la France et l'Autriche, a eu lieu le 10 à Fontaine bleau, entre M. de Champagny, et M. de Metternich. * Par cette convention, la place de Brannau sera évacuée par les troupes françaises avant le 10 Décembre et rendue à l'Autriche. La province de Montefalcone est cédée par l'empereurà l'Autriche, et la limite du royaume d'Italie avec les états autrichiens sera le Thalweg de l'Isonzo. Par ces arrangemens, toutes les difficultés qui subsistaient encore sur l'exécution du traité de Presbourg, sont entièrement levées. 1 Paris, le 29 Novembre. En Angleterre, les élections sont précédées et accompa gnées d'excès de tous les genres. Les moyens de séduction : |