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l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que le jugement attaqué, en l'absence de toute contestation sur le poids de la marchandise reçue et livrée, a déclaré la compagnie responsable d'un prétendu manquant sur le nombre des colis indiqué sur la déclaration d'expédition, alors que, l'expéditeur n'ayant pas requis le comptage, la compagnie n'était pas tenue de procéder à cette opération; qu'en fait, le comptage était impossible, et que la compagnie avait d'ailleurs stipulé que la prise en charge avait lieu sans comptage ». ARRÊT.

LA COUR; Donne défaut contre les défendeurs, non comparants; - Et statuant sur le moyen unique du pourvoi : — Vu les art. 44 et 50 des conditions générales d'application des tarifs généraux pour les transports en petite vitesse; Attendu qu'aux termes de ces articles, la compagnie de chemins de fer ne prend en charge le nombre des colis que si l'expéditeur a expressément formulé, dans la déclaration d'expédition, une demande de comptage, et que, malgré cette réquisition, l'indication du nombre des pièces composant une expédition n'est pas obligatoire pour la compagnie, lorsque le chargement a été effectué par l'expéditeur, et que le comptage ne peut se faire de l'extérieur du wagon sans toucher au chargement; Attendu que, le 16 juill. 1909, Carlier et Cie ont expédié en petite vitesse, de Dunkerque, pour le compte de Léon Marescaux, trois wagons de balles de laine à Allard, Rousseau et Cie, à Roubaix, aux conditions du tarif spécial P. V. n. 20, de la Comp. du chemin de fer du Nord; que, conformément à ce tarif, le chargement a été effectué par les expéditeurs, qui n'ont pas requis le comptage des colis, et ont indiqué, sur la déclaration d'expédition, 180 balles de laine pesant 18.597 kilogr.; que ces indications ont été inscrites sur la feuille de chargement, avec la mention << sans comptage; que, les destinataires ayant prétendu qu'ils n'avaient reçu que 179 balles, le tribunal de commerce de Tourcoing, sans qu'aucune contestation ait été élevée sur le poids de la marchandise reçue et livrée, a décidé que la « Comp. du Nord devait être considérée comme ayant pris en charge les 180 balles appartenant à Marescaux », en se fondant sur ce que 1o la compagnie ne pouvait se dispenser de compter les colis, la clause

sans comptage », qui n'a de raison d'être que dans le cas où la taxe de comptage pourrait être réclamée, n'ayant pas d'application dans la cause actuelle, où cette taxe ne pouvait être perçue; 2o et sur ce que, à défaut de demande de comptage, lorsque la déclaration du nombre des colis, faite par l'expéditeur, a été inscrite sur le récépissé, la compagnie assume la responsabilité de ce nombre, même si elle ne l'a pas vérifié ; Mais attendu, d'une part, que, les expéditeurs n'ayant formulé aucune demande de comptage, et le chargement effectué par eux ne permettant pas la vérification du nombre des colis, la Comp. du Nord était dispensée du comptage et de l'inscription du nombre, con

formément aux dispositions des art. 44 et 50 des tarifs généraux précités; que, d'autre part, l'inscription sur le récépissé du nombre des balles de laine ne saurait lier le transporteur, cette mention ne pouvant modifier les conditions légales de la prise en charge, alors que ladite inscription n'a été faite que sous la réserve de la clause

sans comptage », qui établit que le contrat de transport a été consenti, non sur le nombre des colis, mais sur le poids seule. ment; que cette stipulation, qui limite la responsabilité de la compagnie au manquant sur le poids de la marchandise qu'elle a acceptée, et qu'elle est tenue de délivrer, n'est pas prohibée par l'art. 103, C. comm.; D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, le jugement attaqué a violé, par fausse application, les dispositions légales susvisées; Casse, etc.

Du 17 mars 1913. Ch. civ. - MM. Baudouin, le prés.; Broussard, rapp.; Mérillon, av. gén. (conel. conf.): Cail, av.

2e Espèce. (Chem. de fer de Paris LyonARRÊT. Méditerranée C. Mouret).

LA COUR; Sur le moyen unique : Vu l'art. 44 des conditions générales d'application des tarifs généraux de petite vitesse; Attendu que cet article dispose que Toute expédition doit être accompagnée d'une déclaration d'expédition, datée et signée, indiquant : 1o... 2o... 3o.. le nombre, le poids et la nature des colis à expédier...»; Attendu que ce texte, qui doit être littéralement appliqué, exclut toute distinction entre les diverses mentions qu'il exige de l'expéditeur; qu'en ce qui concerne spécialement l'indication du poids, il n'importe pas que l'art. 15 desdites conditions oblige la compagnie à procéder, à ses frais, à un pesage, au départ, pour établir la taxe; que l'obligation imposée à la compagnie ne saurait dispenser l'expéditeur de se conformer, dans la déclaration, qui doit accompagner la remise des marchandises au chemin de fer, à la prescription formelle du tarif; - Attendu que l'arrêt attaqué, pour condamner la Comp. Paris-Lyon-Méditerranée à des dommages-intérêts, retient ce seul fait que, le 25 janv. 1908, la gare de Nimes a refusé comme irrégulière une déclaration d'expédition n'indiquant pas le poids des marchandises à transporter, mention que Mouret prétendait n'être tenu d'insérer dans sa déclaration qu'après que les agents du chemin de fer auraient procédé à un pesage gratuit et contradictoire; qu'en statuant ainsi, la Cour de Nimes a violé l'article susvisé; Casse l'arrêt de la Cour de Nîmes du 18 déc. 1908, etc.

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avait pris livraison sur l'embranchement particulier desservant ses usines, la Société anonyme des Hauts Fourneaux et Fonderies de Brousseval a prétendu avoir constaté, à l'arrivée, des manquants importants sur le poids des marchandises porté aux lettres de voiture, et soutenu qu'elle devait être admise à prouver ces manquants par les pesages effectués par ses soins, dans ses propres établissements, et en l'absence des agents de la Comp. de l'Est, celle-ci ayant refusé de procéder au pesage supplémentaire desdites expéditions, à la station d'arrivée de Brousseval; que la Cour d'appel de Dijon, après avoir constaté que la Comp. de l'Est ne pouvait procéder au pesage de vérification à la station de Brousseval, où il n'y a pas les instruments suffisants pour peser les wagons complets, a donné acte à ladite compagnie de ce qu'elle a toujours offert d'effectuer le pesage à la gare la plus proche de Brousseval, munie des instruments de pesage nécessaires, et a condamné la Société des Hauts Fourneaux et Fonderies de Brousseval à payer à la Comp. de l'Est le prix des transports réclamés; Attendu que le pourvoi pré tend que le pesage des expéditions liti gieuses devait être effectué à la station de Brousseval, qui est plus rapprochée que celle de Wassy de l'embranchement par ticulier de la société; - Mais attendu que, si une compagnie de chemins de fer ne peut se refuser au pesage supplémentaire. prévu par l'art. 15 des conditions d'appli cation des tarifs généraux de petite vitesse, elle n'est tenue d'y procéder, à la station d'arrivée à destination des marchandises, que lorsqu'elle possède à cette station les instruments de pesage nécessaires; qu'il est constant que la station de Brousse val n'est pas comprise parmi les stations qui sont réglementairement obligées d'avoir des appareils permettant de peser les wagons complets, et qu'en réalité, il n'y existe pas d'instruments de pesage de cette sorte; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a décidé que le pesage supplémentaire des expéditions litigieuses devait s'effectuer, non à la station de Brousseval, mais à celle de Wassy. qui est la station la plus voisine, munie des appareils nécessaires; - D'où il suit qu'en décidant que les pesages que la Société de Brousseval, après avoir pris livraison des marchandises, a fait effectuer dans ses usines, ne sauraient être opposés au transporteur pour établir les manquants allégués, l'arrêt attaqué, qui est motivé, n'a violé aucune des dispositions légales visées au pourvoi; Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la Cour de Dijon du 7 juill. 1910, etc.

Du 23 mars 1914. Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Broussard, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Barry et Cail,

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réel des marchandises qui lui sont remises pour le transport; que si, aux termes de l'art. 15 des conditions générales d'application des tarifs généraux, la compagnie de chemins de fer est tenue de procéder, à ses frais, à un pesage, au départ, pour établir la taxe, il n'en résulte pas que, lorsqu'elle a omis de se conformer à cette prescription, elle soit responsable du poids indiqué par l'expéditeur dans la déclaration d'expédition, reproduit, sans vérification, sur le récépissé, alors qu'elle fait régulièrement la preuve de l'inexactitude du poids déclaré; qu'il n'importerait pas que le destinataire, acheteur des marchandises, en eut réglé le prix à l'expéditeur, conformément au poids mentionné aux titres du transport, le voiturier demeurant étranger aux conventions intervenues entre le destinataire et l'expéditeur; Attendu qu'assignée par le destinataire comme responsable d'un manquant de 1.240 kilogr., reconnu à l'arrivée dans un wagon de pommes de terre en vrac, expédié de la gare de Pont-de-Dore par Pilayre à Durand, en gare de Toulouse, la Comp. Paris-Orléans soutenait par ses conclusions 1° que le wagon avait, d'abord, été expédié de la gare de Giroux à Pilayre par Pialat, qui avait reconnu avoir mentionné, par erreur, dans sa déclaration d'expédition, le poids de 7.820 kilogr., au lieu de 6.820 kilogr.; 2° qu'aucun pesage n'ayant été effectué lors de l'expédition, à la gare de Giroux, et lors de la réexpédition à la gare de Pont-de-Dore, le poids inexact avait été reproduit, sans vérification, sur les récépissés; 3° que le surplus du manquant, soit 240 kilogr., était attribuable au déchet normal de route; Attendu que, sans contester la réalité des faits ainsi allégués, le jugement attaqué, pour condamner la compagnie à payer à Durand la valeur du manquant, se fonde sur ce double motif de droit que, n'ayant pas contrôlé, comme elle le devait, le poids indiqué par l'expéditeur sur la déclaration d'expédition, elle l'avait accepté à ses risques et périls », et « qu'en admettant que le poids ait été majoré par Pilayre ou par Pialat, expéditeur, Durând ne saurait subir une perte quelconque, puisqu'il justifie avoir payé à son vendeur le poids porté sur la lettre de voiture »; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal de commerce de Toulouse a faussement appliqué et, par suite, violé l'article de loi susvisé; Sans qu'il soit besoin de statuer şur les deuxième et troisième moyens; Casse le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 5 mars 1909, etc. Du 24 mars 1914. - Ch. civ. MM. Baudouin, ler prés.; Potier, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Cail, av. 5o Espèce. (Chem. de fer de l'Etat C. Dupuis).

-

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L'Administration des chemins de fer de l'Etat a formé un pourvoi en cassation contre un jugement rendu par le tribunal

de

commerce de Gournay-en-Bray, le 16 juin 1911, au profit de M. Dupuis. ler Moyen. Violation des art. 101, 102, 103, C. comm., 1315, 1784, C. civ., 44, 50, des tarifs généraux de petite vitesse, 7 de la loi du 20 avril 1810, et manque de base légale, en ce que le jugement attaqué, d'ailleurs entaché de motifs contradictoires, a condamné l'administration exposante à payer à un destinataire la valeur de sacs de blé ou d'avoine qui ne lui auraient pas été livrés, d'après la comparaison entre le nombre des sacs indiqués par l'expéditeur et celui prétendu moindre constaté à l'arrivée, sous le seul prétexte qu'il incombait au transporteur de prendre l'initiative de faire peser la marchandise à la gare destinataire, alors, au contraire, qu'à défaut par l'expéditeur d'avoir requis le comptage des sacs, ou mis l'administration exposante à même d'y procéder, celle-ci n'avait pu prendre en charge, de l'aveu même du jugement, qu'un certain poids de marchandises, et non pas un nombre déterminé de colis, que, par suite, sa responsabilité n'aurait pu être engagée qu'autant qu'elle aurait livré un poids inférieur à celui constaté au départ, d'où il résultait qu'au destinataire seul il eût incombé de provoquer un pesage à l'arrivée, dans le cas, qui ne s'est même pas produit, où il aurait allégué un déficit de poids.

2e Moyen. Violation des art. 101, 102, 103, 106, C. comm., 1315, 1784, C. civ., 7 de la loi du 20 avril 1810, et manque de base légale, en ce que le jugement attaqué, tout en constatant que, pour une des expéditions en litige, il avait été procédé au départ au comptage des sacs, a condamné l'administration exposante, sans répondre à ses conclusions, à indemniser le destinataire à raison d'une différence entre le poids indiqué par l'expéditeur et celui constaté à l'arrivée, sous le seul prétexte que le transporteur aurait dû faire vérifier l'état des colis au moyen d'une expertise, afin d'établir que le chargement était arrivé intact, tel qu'il avait été opéré par l'expéditeur, et qu'ainsi aucune perte ni soustraction n'avait pu se produire, alors que cette circonstance n'était pas contestée par le destinataire, d'où il résultait que la différence de poids trouvait nécessairement sa cause dans une erreur commise lors du pesage initial, accepté sans contrôle par le réseau, et alors, au surplus, que, si le destinataire avait allégué une soustraction ou une perte en cours de route, ce qu'il n'avait point fait, il eût pu et dû prendre l'initiative d'une expertise. ARRET (apr. délib. en ch. du cons.). LA COUR; Donne défaut contre le défendeur; Sur le second moyen : Attendu qu'il résulte des qualités et des motifs du jugement attaqué qu'à la date du 20 févr. 1911, 202 sacs de blé, pesant 20.200 kilos, ont été expédiés à Dupuis, à destination de Gournay-en-Bray; qu'au

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE

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départ, il fut procédé au comptage et au pesage; que le pesage, effectué par l'expéditeur, fut accepté par l'Administration des chemins de fer de l'Etat; qu'à l'arrivée, le nombre des sacs était conforme au nombre déclaré, mais qu'un manquant de 180 kilos fut constaté sur le poids; Attendu que le jugement attaqué a condamné l'Administration des chemins de fer de l'Etat à payer à Dupuis la somme de 51 fr. 40, valeur du manquant, par le motif que cette administration devait établir qu'il n'y avait eu ni perte, ni soustraction; qu'elle l'alléguaît, mais ne le prouvait pas; Attendu que l'Administration des chemins de fer de l'Etat était reponsable du poids qu'elle avait reçu; qu'elle avait accepté le pesage effectué par l'expéditeur; que le pésage au départ est obligatoire pour les chemins de fer; Attendu, dès lors, qu'en statuant comme il l'a fait, le jugement attaqué, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait au contraire une exacte application:

Rejette le second moyen;

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Mais sur le premier moyen; Vu les art. 44 et 50 des conditions générales d'application des tarifs généraux P. V.; - Attendu que, de la combinaison de ces articles, il résulte que les chemins de fer ne prennent en charge le nombre des colis qu'autant qu'il a été procédé régulièrement au comptage, et que le nombre des colis a été mentionné sur le récépissé; Attendu, d'après les qualités et les motifs du jugement attaqué, qu'aux dates du 23 déc. 1910, 10 et 17 janv. 1911, des sacs de blé et des sacs d'avoine ont été expédiés à Dupuis, à destination de Gournay-enBray; qu'il n'a pas été procédé au comptage au départ; qu'à l'arrivée, un manquant de 18 sacs a été constaté; qu'assignée par Dupuis en paiement de la somme de 539 fr. 30, valeur des sacs manquants, l'Administration des chemins de fer de l'Etat a soutenu, dans ses conclusions, qu'aucun déficit sur le poids n'étant constaté, et le comptage n'ayant pas eu lieu au départ, elle n'était responsable que du poids; Attendu que le jugement attaqué, sans contester qu'aucun manquant n'existât sur le poids, a néanmoins condamné l'Administration des chemins de fer de l'Etat à payer la somme demandée, par les motifs qu'au moment de la livraison, le manquant en nombre a été constaté contradictoirement, que le destinataire a fait des réserves, que l'Administration des chemins de fer de l'Etat aurait dû prendre l'initiative du pesage, qu'en ne le faisant pas, elle a endossé implicitement, mais nécessairement, la responsabilité du manquant, tel qu'il se présentait, tel qu'il était constaté; Attendu qu'en statuant ainsi, le jugement attaqué a violé les textes ci-dessus visés; Casse, etc.

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Du 10 juill. 1917. Ch. civ. - MM. Sarrut, ler prés.; Broussard, rapp.; Eon, av gén.; Viollet, av.

DEUXIÈME PARTIE

JURISPRUDENCE DES COURS
COURS D'APPEL,

DES TRIBUNAUX ET DÉCISIONS DIVERSES

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QUES, ACTE ADMINISTRATIF, DÉLIT, RES-
PONSABILITÉ, COMPÉTENCE, AUTORITÉ JU-
DICIAIRE, FAUTE PERSONNELLE DÉTACHABLE
DE LA FONCTION, MAIRE, ARRÊTÉ MUNICIPAL,
INSPECTION DES VIANDES FORAINES, TRANS-
A L'ABATTOIR, ARRÊTÉ MUNICIPAL
PORT
ANNULÉ (Rép., vo Fonctionnaire public,
n. 475 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 567
et s.).

Les fonctionnaires administratifs_ne peuvent être poursuivis devant les tribunaux judiciaires, à raison de délits par eux commis dans l'exercice de leurs fonctions, qu'à la condition que l'acte incriminé constitue une faute personnelle se détachant nettement de la fonction elle-même, et n'exigeant l'examen ou l'appréciation d'aucun acte administratif proprement dit (1) (LL. 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13; 16 fruct. an 3).

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Les Déclarations des droits et les Constitutions de l'époque révolutionnaire ont énergiquement affirmé le principe de la responsabilité personnelle de tous les fonctionnaires. Elles y voyaient la condition première et indispensable de la garantie sociale et de la sûreté, c'est-à-dire « de la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés » (Déclaration des droits de 1793, art. 8, S. 1er vol. des Lois annotées, p. 235). Le principe général a été posé pour la première fois dans la Déclaration des droits de 1789, art. 15: La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration (S. 1 vol. des Lois annotées, p. 147). Il est rappelé à l'art. 4 du préambule du titre 3 de la Constitution de 1791 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 148). L'art. 24 de la Déclaration des droits de 1793 est encore plus explicite et plus formel: « La garantie sociale ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si ANNÉE 1918. 1-2 cah.

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"

En prenant un arrêté pour l'organisation | de l'inspection des viandes foraines, et en donnant aur fonctionnaires municipaux les instructions nécessaires pour la mise à exécution des mesures prescrites par cet arrêté, un maire accomplit un acte de sa fonction, compris dans les attributions qui lui sont conférées par la loi (2) (L. 5 avril 1884, art. 97).

Spécialement, de prétendus actes de violence et d'abus d'autorité, consistant dans le fait par le maire d'avoir, à diverses reprises, fait procéder, malgré l'opposition expresse des intéressés, à l'enlèvement de leurs magasins, pour les transporter à l'abattoir, de viandes foraines qu'ils avaient offert de faire inspecter sur place par le service municipal, parce qu'ils ne croyaient pas tenus de l'obligation de les transporter à l'abattoir, sont incontestablement des actes administratifs (3) (Id.).

se

Par suite, les erreurs relevées dans lesdits actes, si elles ont le caractère d'une

la responsabilité de tous les fonctionnaires n'est pas assurée ». On lit la même chose à l'art. 22 de la Déclaration des droits de l'an 3 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 338).

Ces formules étaient très énergiques, mais évidemment trop générales, et, à cause de leur généralité, insuffisantes certainement. Si, en effet, la responsabilité des fonctionnaires doit être nécessairement reconnue, si elle est la protection indispensable du particulier contre l'arbitraire administratif, elle doit être aussi nécessairement limitée et quant à son objet et quant aux moyens de la mettre en œuvre. Si les fonctionnaires étaient déclarés responsables sans distinction toutes les fois que, par un acte de leurs fonctions, un particulier se trouve lésé, l'administration serait véritablement impossible. Nul n'accepterait une charge publique, sachant que, malgré son zèle et sa bonne volonté, il serait constamment exposé à des poursuites; et l'Etat ne recruterait que difficilement les cadres de ses administrations. Il faut donc que soient nettement déterminés les actes qui seuls peuvent entraîner la responsabilité personnelle des fonctionnaires et à quelles conditions.

D'autre part, si la responsabilité personnelle des agents est incontestable et nécessaire, il faut cependant qu'ils ne puissent pas être continuellement l'objet de poursuites téméraires de la part d'administrés mécontents. S'il en était autrement, le bon fonctionnement des services publics pourrait être à chaque instant compromis par l'inter

faute de service susceptible de donner lieu à des recours devant l'autorité administralive, ne sauraient constituer une faute personnelle pouvant légitimer des poursuites devant les tribunaux de l'ordre judiciaire (4) (LL. 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13; 16 fruct. an 3; 5 avril 1881, art. 97).

Et il importe peu que l'arrêté municipal ait été annulé par le Conseil d'Etat, motif pris de ce qu'il avait été rendu sans que le conseil départemental d'hygiène et la commission sanitaire aient été consultés(5)(Id.).

En effet, un acte qui présente les caractères de l'acte administratif ne peut, par le fait seul qu'il a été déclaré illegal dans le fond ou en la forme, se transformer en une faute personnelle du fonctionnaire, les vices dont cet acte se trouve entaché, et qui ont été reconnus par la juridiction administrative, n'ayant d'autre effet que d'affecter sa validité, mais ne modifiant point sa nature (6) (Id.).

vention d'administrés agissant sous l'empire de la rancune ou de la vengeance.

Le droit public doit donc nettement déterminer 1° les actes qui seuls peuvent entraîner la responsabilité personnelle du fonctionnaire; 2° les conditions et les formes suivant lesquelles l'action en responsabilité peut être intentée contre un fonctionnaire.

En ce qui concerne les agents judiciaires, ces deux points ont été minutieusement réglés par la loi. Elle n'a rien dit en ce qui concerne les agents administratifs.

II

La responsabilité personnelle des fonctionnaires judiciaires n'est encourue que dans les deux cas suivants : 1° dol, fraude ou concussion au cours de l'instruction ou lors du jugement; 2° déni de justice, c'est-à-dire lorsque les juges refusent de répondre les requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées (C. proc., 505-506). Elle ne peut être mise en œuvre qu'au moyen de la procédure spéciale de la prise à partie, réglée par les art. 507 à 516, C. proc., procédure longue, difficile, compliquée, remplie de chausse-trappes, si bien que l'on a pu dire qu'il n'y avait peut-être pas deux cas où, depuis le Code de procédure, elle eût abouti à la condamnation d'un magistrat.

Pour les fonctionnaires de l'ordre administratif, il n'y a pas un texte qui détermine d'une manière quelconque, soit l'étendue de leur responsabilité, II. PART.

1

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soit les moyens de la mettre en jeu.

La Constitution de l'an 8 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 517) décidait que les ministres ne pourraient être mis en jugement que par un décret du Corps législatif, et jugés par une Haute Cour (art. 73); et l'art. 75 de la même Constitution portait : Les agents du gouvernement, autres que les ministres, ne peuvent être poursuivis, pour des faits relatifs à leurs fonctions, qu'en vertu d'une décision du Conseil d'Etat; en ce cas, la poursuite a lieu devant les tribunaux judiciaires ». Ce texte ne limitait pas l'étendue de la responsabilité des fonctionnaires administratifs ; les tribunaux judiciaires étaient compétents pour la juger; mais ils ne pouvaient être saisis que sur une autorisation du Conseil d'Etat, ou plus exactement du gouvernement statuant sur l'avis du Conseil d'Etat.

C'était ce qu'on a appelé la garantie administrative. La Constitution de l'an 8 maintenait en apparence le principe de la responsabilité des fonctionnaires, mais elle subordonnait sa mise en œuvre à l'agrément du gouvernement, et ainsi la réduisait à néant. Les gouvernements qui succédèrent au premier Empire prétendirent que la règle de l'art. 75 de la Constitution de l'an 8 était tout à fait indépendante des formes politiques, et qu'elle subsistait dont comme disposition de loi ordinaire, malgré la disparition de la constitution consulaire. C'est ainsi que les fonctionnaires jouirent de la garantie administrative jusqu'en

1870.

Sous la Restauration, le parti libéral avait attaqué vivement le système. L'art. 69 de la Charte de 1830 (S. 1er vol. des Lois annotées, p. 1234) annonçait qu'une loi serait faite sur « la responsabilité des ministres et des autres agents du pouvoir ». Un projet de loi fut discuté à la Chambre des députés pendant la session de 1835, mais il ne put aboutir. Le parti libéral et le parti républicain demandèrent constamment la suppression de la garantie administrative; mais elle ne fut supprimée que par un décret du gouvernement de la défense nationale du 19 sept. 1870 (S. Lois annotées de 1870, p. 518. P. Lois, decr., etc. de 1870, p. 890), ainsi conçu : L'art. 75 de la Constitution de l'an 8 est abrogé. Sont également abrogées toutes autres dispositions des lois générales ou spéciales ayant pour objet d'entraver les poursuites dirigées contre des fonctionnaires publics de tout ordre. Il sera ultérieurement statué sur les peines civiles qu'il peut y avoir lieu d'édicter, dans l'intérêt public, contre les particuliers qui auraient dirigé des poursuites téméraires contre des fonctionnaires ».

"

La loi ainsi annoncée n'a point été faite; et actuellement il n'existe pas, dans l'arsenal immense de nos lois, un seul texte qui, de près ou de loin, vise la responsabilité personnelle des fonctionnaires envers les particuliers. Je n'hésite pas à penser qu'il faut s'en féliciter. En effet, sous l'action des deux besoins que je signalais au début de cette note, la doctrine et la jurisprudence ont édifié spontanément une construction juridique qui s'approche autant que possible de la perfection, aussi bien au point de vue du fond, c'est-à-dire des conditions auxquelles la responsabilité personnelle des fonctionnaires se trouve engagée, qu'au point de vue formel, c'est

les parties civiles du jugement du tribunal de Bordeaux, en date du 17 févr. 1917, qui, statuant par défaut à leur égard, á admis le déclinatoire d'incompétence pré

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Pour qu'un fonctionnaire administratif puisse être déclaré responsable pécuniairement envers un particulier, il faut qu'il ait commis une faute personnelle. S'il n'y a qu'une faute de fonction, il peut y avoir responsabilité de l'Administration, mais non du fonctionnaire. La formule n'est pas contestable; elle est unanimement admise; mais son application ne laisse pas de soulever certaines difficultés.

Il faut d'abord qu'il y ait une faute. Il ne s'agit pas ici d'une responsabilité objective ou responsabilité pour risque, comme celle qui atteint l'Administration, mais d'une responsabilité subjective ou responsabilité pour faute. L'Administration est responsable quand le fonctionnement d'un service public a occasionné un préjudice à un particulier, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de faute, parce que la caisse collective doit supporter tous les risques de ce fonctionnement, qui a lieu dans l'intérêt de la collectivité. Le fonctionnaire ne peut être personnellement responsable que lorsqu'il a commis une faute (Cf. Duguit, Les transformations du dr. publ., p. 228, 254 et s.).

Quant à la notion de faute qu'il faut appliquer, c'est celle qui a inspiré les art. 1382 et s., C. civ. La faute suppose un acte contraire à la régle de droit, une injuria, c'est-à-dire la violation d'un devoir imposé par le droit objectif à un individu déterminé. La faute n'implique pas d'ailleurs l'intention de nuire. Cette intention peut exister; la faute est alors plus grave; mais, pour que la faute entraîne responsabilité, cette intention n'est pas nécessaire. Les civilistes ont exprimé cette distinction en parlant de la faute délictuelle et de la faute quasi-délictuelle.

En appliquant la notion générale de faute à l'activité du fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, on dira qu'il y a faute du fonctionnaire toutes les fois qu'il y a une violation des devoirs que lui impose la loi de sa fonction, ou plutôt la loi du service public au fonctionnement duquel il participe, violation par voie d'ac tion ou par voie d'omission, avec ou sans intention de nuire. Il va sans dire qu'il faut qu'il y ait un rapport de cause à effet entre la faute du fonctionnaire et le préjudice subi.

Pour déterminer le préjudice pouvant donner lieu à réparation, il faut encore appliquer le droit commun : la réparation est due, qu'il y ait un préjudice pécuniaire proprement dit, c'est-à-dire une atteinte portée au patrimoine d'un particulier, ou qu'il y ait un dommage causé, soit à la personne physique, soit à la personne morale d'un administré.

IV

S'il est nécessaire qu'il y ait une faute du fonctionnaire pour qu'il soit responsable, toute faute n'entraîne pas sa responsabilité. Il faut, ai-je dit, qu'il y ait une faute personnelle. S'il n'y a qu'une faute de fonction, l'Administration peut être responsable; le fonctionnaire ne l'est point.

Et, tout de suite, avant qu'on ait déterminé le

senté par le préfet de la Gironde, et s'est déclaré incompétent pour connaître de la citation délivrée à Gruet, en qualité de maire de Bordeaux, à la date du 30 nov.

criterium qui distingue la faute de fonction et la faute personnelle, on aperçoit la raison de la solution. Quand il y a seulement une faute de fonction, la personnalité du fonctionnaire est en quelque sorte absorbée par le service public. Le fonctionnaire n'apparaît pas, mais seulement le service public. Ce n'est pas le fonctionnaire qui a agi, c'est le service public qui a fonctionné. Je ne dis point que le fonctionnaire est l'organe ou le préposé de la personne collective administrative. Je rejette toutes ces fictions de personnes collectives et d'organes. Mais il est d'évidence que l'expression même de faute de fonction implique que ce n'est pas le fonctionnaire en tant qu'homme qui a lésé le particulier, mais que c'est le fonctionnement même du service public.

Aussi bien il ne suffit pas de faire sentir en quelque sorte ce qu'est la faute personnelle et ce qu'est la faute de fonction; il faut déterminer un criterium précis, qui, daus la pratique, permette de les distinguer.

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M. Jeze, voulant justement arriver à donner un criterium de distinction plus précis, s'est attaché à faire une longue analyse de la jurisprudence, de laquelle il conclut qu'il y a faute personnelle dans deux hypothèses : 1o lorsque la faute révéle une intention mauvaise; 2° lorsque la faute est lourde, et il y a faute lourde lorsque l'agent s'est trompé grossièrement sur l'appréciation des faits ou sur l'étendue de ses pouvoirs et lorsqu'il a violé une loi pénale (Rev. du dr. publ., 1909, p. 274).

M. Hauriou a fait très justement observer que la distinction de la faute lourde et de la faute légère ne résout point le problème, que le fonc tionnaire peut être responsable sans que sa faute puisse être qualifiée de lourde, qu'il peut échapper à toute responsabilité, bien qu'il ait commis une faute grave, quand, ni de fait ni d'intention, il n'est sorti du domaine administratif, et que finalement il faut s'en tenir, pour la faute personnelle, à la définition de M. Laferrière (V. note sous Cons. d'Etat, 27 févr. 1908, Olivier et Zimmermann, S. et P. 1905.8.17 et Précis de dr. admin., 8o éd., p. 94).

La jurisprudence de son côté, est maintenant unanime à admettre que les fonctionnaires ne sont personnellement responsables que des fautes së détachant de l'exercice de leurs fonctions. V. Trib. des conflits, 22 juill. 1909, Carbonnel (S. et P. 1912. 3.38; Pand. pér., 1912.3.33); 22 avril 1910, Bausillon et C (S. et P. 1912.3.124; Pand. pér., 1912.3.124); Cons. d'Etat, 20 janv. 1911, DelpechSalgues (S. et P. 1911.8.137; Pand. pér., 1911.3. 187), et la note de M. Hauriou; Trib. des conflits, 26 juill. 1911, Dame Contareau (S. et P. 1914.8.51; Pand. pér., 1914.3.51); Cass. civ. 8 juill. 1913 (S. et P. 1913.1.568; Pand. pér., 1918.1.568); Cass. crim. 23 janv. 1914 (S. et P. 1916.1.89; Pand. per., 1916.1.89), et la note de M. Roux; Toulouse, 26 janv. 1914 (S. et P. 1914.2.242; Pand, pér.

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1914.2.242); Cass. civ. 25 mai 1914 (S. et P. 1916. 1.66; Pand, pér., 1916.1.66), les notes et les renvois.

Toutes ces formules sont insuffisantes, et l'on ne peut arriver à établir une distinction précise entre la faute personnelle et la faute de fonction qu'en procédant à l'analyse des faits, en distinguant deux hypothèses tout à fait différentes, qu'on a eu le tort de ne pas séparer; et c'est à l'aide de cette distinction seulement que nous pourrons apprécier l'arrêt ci-dessus rapporté.

V

1re Hypothèse. Il y a, à côté de l'acte administratif, accompli sans doute à son occasion, mais parfaitement distinct de lui, un acte qui, en soi, n'a rien d'administratif, ni par son objet, ni par son but. C'est un acte distinct de l'acte fonctionnel, et qui, à première vue, nous apparait comme n'ayant rien d'un acte fonctionnel. Si cet acte est une faute du fonctionnaire, il a le caractère d'une faute personnelle qui entraîne sa responsabilité,

En pratique, c'est l'hypothèse qui se présente le plus fréquemment; et, en vérité, elle ne peut guère présenter de difficulté sérieuse. Voici, à titre d'exemple, trois espèces qui me paraissent typiques.

1re espèce. Le maire, aux termes du décret réglementaire du févr. 1852, art. 2 et 8, doit, avant toute élection, faire afficher un tableau rec. tificatif des listes électorales. Voilà l'acte administratif, l'acte de fonction. A l'occasion de cet acte administratif, le maire de Mios (Gironde), au moment des élections municipales de 1892, avait porté à la connaissance de ses administrés, par le crieur public et par une affiche spéciale, que c'était à bon droit que M. X... (un adversaire politique) avait été rayé de la liste électorale, parce qu'il avait été déclaré en faillite. Voilà l'acte personnel, évidemment nettement distinct de l'acte administratif, et qui, assurément, constitue une faute personnelle engageant la responsabilité du maire (V.Trib.des conflits,4 déc. 1897, Préfet de la Gironde C. Lalande, S. et P. 1899,3.95. V. aussi, Trib. des conflits, 9 déc. 1899 Deyres, 20 janv. 1900, Uhel, S. et P. 1900.3.89, avec la note de M. Hauriou; Pand. pér., 1er arrêt, 1900.4.31; 11 déc. 1909, Gérard (S. et P. 1912.3.76; Pand. pér., 1912.3.76)..

2 espèce. Un inspecteur des contributions indirectes, procédant à des vérifications dans un entrepôt de tabac, constate des irrégularités. C'est un acte de sa fonction administrative. Mais, à cette occasion, il accuse un garçon distributeur de détournements et le traite en public de voleur. Voilà bien un acte qui est tout à fait en dehors du service public, et qui n'a rien de fonctionnel; il constitue, de toute évidence, une faute personnelle de l'inspecteur, pouvant entrainer sa responsabilité (V. Trib. des conflits, 22 juill. 1909, Carbonnel, précité.)

3 espèce. Un instituteur apprend à lire et à écrire à ses élèves, leur enseigne quelques éléments d'histoire et de morale générale. Voilà sa fonction administrative. Dans sa classe, il tient des propos obscènes ou révoltants. Il dit notamment : Les Allemands ont bien fait en 1870 de tuer les enfants au bercean. Voilà un acte personnel, absolument distinet de l'activité adminis

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à la Cour que, postérieurement au jugement par lequel le tribunal s'est déclaré incompétent, et à l'appel qui a été interjeté par les parties civiles, le préfet de la Gi

trative de l'instituteur, et de nature évidemment à engager sa responsabilité (V. Trib. des conflits, 2 juin 1908, Girodet S. et P. 1908.3.81; Pand. pér., 1908.8.81, les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Tardieu et la note de M. Hauriou. V. aussi, Trib. des conflits, 9 mai 1914 Fabas et Aurignac, Rec. des arrêts du Cons, d'Etat, p. 571).

VI

2. Hypothese. Il n'y a pas, à côté de l'acte administratif et distinct de lui, un fait personnel accompli par le fonctionnaire à l'occasion de son activité administrative. Il y a seulement l'acte fonctionnel. Cet acte peut cependant contenir parfois en lui-même un élément de faute personnelle pouvant engager la responsabilité de l'agent; mais, évidemment, il sera moins facilement discernable que dans la première hypothèse.

Précédemment, il y avait deux actes, se distinguant à première vue, un acte fonctionnel et un acte qui ne l'était pas; le premier était l'occasion du second; mais les deux apparaissaient nettement séparés; le tribunal saisi n'avait pas à apprécier un acte fonctionnel, mais un fait, un fait personnel du fonctionnaire, accompli à l'occasion de l'acte fonctionnel. Dans l'hypothese actuelle, au contraire, il n'y a qu'un acte fonctionnel, mais un acte qui contient peut-être en lui-même un élément de faute personnelle. Pour déterminer cet élément, il faut nécessairement apprécier l'acte fonctionnel. Le tribunal judiciaire saisi ne peut juger qu'il y a faute personnelle sans apprécier l'acte fonctionnel, émanant par hypothèse d'un fonctionnaire administratif, et par conséquent sans empiéter sur le domaine administratif. C'est là un point capital, dont j'aurai plus loin à déduire une conséquence importante.

Comment reconnaîtra-t-on que l'acte fonctionnel contient en lui-même un élément de faute personnelle? En appliquant le principe suivant : pour apprécier la valeur d'un acte de volonté,. soit au point de vue moral, soit au point de vue juridique, il faut toujours l'apprécier, et d'après son objet et d'après le but qui l'a déterminé. En conséquence, l'acte du fonctionnaire administratif, bien qu'ayant en apparence exclusivement le caractère fonctionnel, et n'étant accompagné d'aucun acte personnel, contient en lui un élément de faute personnelle, lorsqu'il porte sur un objet ou est déterminé par un but étrangers au domaine administratif.

Mais, au point de vue formel, il n'y a qu'un acte fonctionnel émanant d'un fonctionnaire administratif, et je répète que le tribunal judiciaire est incompétent pour en apprécier le caractère au fond, en vertu même du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et de l'autorité administrative, appelé improprement principe de la séparation des pouvoirs.

L'acte fonctionnel de l'agent administratif contient un élément de faute personnelle quant à l'objet, toutes les fois que le fonctionnaire administratif ordonne un acte d'exécution sur la personne ou sur les biens d'un particulier, en dehors des cas où la loi lui a donné expressément compétence à cet effet. Le principe n'est pas douteux. L'application a présenté de graves difficultés, et a donné lieu à de vives controverses, dans le détail

ronde ait pris un arrêté de conflit, ainsi qu'il en avait la faculté, aux termes des dispositions de l'art. 8 de l'ordonn, du 1er juin 1828; que, dès lors, l'unique question qui

desquelles je ne puis entrer. Elles portaient sur le point de savoir dans quels cas l'autorité administrative est exceptionnellement compétente pour ordonner des actes d'exécution sur la personne ou sur les biens. Mais ces discussions laissent intacte la proposition générale que je viens d'é

noncer.

La question s'est posée particulièrement pour les actes d'exécution contre les congrégations religieuses (L. 1er juill. 1901), et pour les actes d'exécution contre les curés restés dans leurs presbytères après la loi du 9 déc. 1905, sur la séparation des Eglises et de l'Etat. Cf. notamment le jugement du Tribunal des conflits du 2 déc. 1902, Soc. immobilière de Saint-Just, décidant qu'il y a un acte administratif par son objet, sans faute personnelle, dans l'ordre donné par un préfet d'apposer les scellés sur une école congréganiste fermée conformément à l'art. 13, §§ 1 et 2, de la loi du 1er juill. 1901 (S. et P. 1904.3.17; Pand. pér., 1903.4.41), avec la note de M. Hauriou et les conclusions de M. Romieu, commissaire du gouvernement. V. aussi, Cons. d'Etat, 12 mars 1909, Comm. de Triconville (S. et P. 1909.3.51; Pand. pér., 1909.3.51), qui reconnaît la régularité de l'apposition des scellés, sur l'ordre d'un préfet, sur un presbytère, pour en assurer l'évacuation par le desservant; Trib. des conflits, 10 déc. 1910, Merot (S. et P. 1913.3.64; Pand. pér, 1913.3.64). Cette théorie a été reprise par M. Blum, commissaire du gouvernement, dans ses conclusions pour deux affaires de presbytère (Cons. d'Etat, 17 mars 1911, 2 arrêts, Abbé Bouchon et Abbé Hardel, S. et P. 1913.3.129; Pand. pér., 1913.3.129). Cependant, M. Blum concluait à l'annulation de l'arrêté de mise en demeure du préfet, et le Conseil d'Etat l'a prononcée, parce que, en fait, il y avait une sanction judiciaire.

S'il y a eu un certain flottement de la jurisprudence dans les espèces précédemment citées, au contraire, le Tribunal des conflits a très nettement décidé qu'il y avait un fait purement personnel dans l'acte d'un maire ordonnant la démolition d'un mur construit par un particulier en bordure d'un ruisseau, le maire agissant ainsi en dehors de la compétence à lui donnée par l'art. 16 de la loi du 8 avril 1898. V. Trib. des conflits, 24 déc. 1904, Montlaur (S. et P. 1907.3.3; Pand. pėr., 1905.4.37).

L'élément de faute personnelle contenu dans l'acte fonctionnel peut consister en ce que le but qui a déterminé le fonctionnaire est étranger à tout service public. Le fonctionnaire fait un acte qui est de sa compétence par l'objet; mais le fonctionnaire est déterminé par un but étranger à tout service public. Il y a là faute personnelle pouvant entraîner la responsabilité du fonctionnaire.

Le Tribunal des conflits l'a très clairement admis dans deux espèces identiques, en reconnaissant une faute personnelle dans l'acte par lequel le maire ordonne de sonner les cloches de l'église pour un enterrement civil. Que le maire ait compétence pour ordonner de sonner les cloches de l'église, ce n'est pas douteux (L. 9 déc. 1905, art. 27, §§ 2 et 3; Décr. 16 mars 1996, art. 5052; S. et P. Lois annotées de 1906, p. 261); mais il est d'évidence qu'en ordonnant de sonner la cloche de l'église catholique pour un enterrement civil,

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