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du 7 avril 1917 subordonne la légitimation de l'enfant, dont le père mobilisé est décédé des suites de blessures recues ou de maladies contractées ou aggravées pendant son séjour sous les drapeaux, à la constatation d'une évidente volonté de se marier et de légitimer l'enfant commun aux deux parents; qu'en l'espèce, l'existence de cette volonté résulte manifestement de la correspondance versée aux débats; Attendu, d'autre part, que l'enfant a été, comme l'exige l'art. ler, $ 4, de la loi précitée, légalement reconnu par sa mère; qu'il y a inème lieu de retenir qu'un jugement, en date du 8 juin 1916, a consacré le lien de filiation naturelle l'unissant à Pierre-René C..., son père; Attendu que ledit Pierre-René Ĉ....., âgé de plus de vingt et un ans, réunissait, au jour de son décès aux armées, les conditions de capacité requises, en vue du mariage projeté, par les articles du Code civil limitativement énumérés par le législateur; qu'on ne saurait faire état de l'absence de la notification prévue par les art. 151 et 154, lesdits articles n'étant pas compris dans cette énumération; Attendu, en ce qui concerne la demoiselle R..., demanderesse, mineure de vingt et un ans, qu'il est acquis, au vu des pièces communiquées, qu'elle avait d'ores et déjà obtenu, à la même époque, le consentement de ses parents; qu'à la vérité, ce consentement n'avait pas encore été exprimé sous une forme solennelle; mais qu'il importe de remarquer que la loi nouvelle vise seulement la constatation d'une volonté de se marier commune aux père et mère de l'enfant à légitimer, sans exiger que cette volonté se soit manifestée, avant le décès du père, par l'accomplissement des formalités légales nécessaires pour arriver à la célébration de l'union projetée; Par ces motifs; Admet la demande de légitimation introduite par la demoiselle Julia R..., agissant au nom de son enfant, etc.

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Du 16 mai 1918. Trib. civ. de Périgueux. MM. Ordonneau, prés.; Debuc, proc. de la Rép.; Fougeyrollàs et Marquet,

av.

présence des parents à l'acte de mariage; et il en sera surtout ainsi, s'ils ont su que le consentement leur était acquis; la conséquence en serait que le bénéfice de la légitimation devrait être le plus souvent refusé à l'enfant dont le père ou la mère est mineur de vingt et un ans.

Il semble bien que ce soit avec raison que le jugement ci-dessus a estimé que pareille conséquence était inadmissible, et qu'il suffisait, pour que la légitimation pût être prononcée, que la preuve fût rapportée qu'au jour du décès du père de l'enfant, le consentement des parents au mariage de celui des père et mère de cet enfant qui est en état de minorité eût été obtenu. Le jugement fait assez justement observer qu'on ne peut être plus exigeant pour la preuve du consentement au mariage que pour la preuve de l'intention des père et mère de l'enfant de se marier, qui peut résulter « de la correspondance ou de tout document certain ».

TRIB. DE TOULOUSE 11 novembre 1918.

THEATRES ET SPECTACLES, LOI DU 30 DEC. 1916, TAXE SPÉCIALE SUR LE PRIX DES PLACES DE THÉATRE, EXEMPTION AU PROFIT DES THEATRES SUBVENTIONNÉS, SUBVENTION (ABSENCE DE), AVANTAGES EN NATURE.

Le statut légal de tout théâtre subventionné comporte l'existence d'un contrat liant les deux parties, et engendrant pour chacune d'elles des obligations et des droits réciproques (1) (C. civ., 1134).

Le vote du conseil municipal accordant une subvention à une entreprise d'utilité publique, telle qu'un théâtre, constitue un contrat entre l'autorité communale et le bénéficiaire de la subvention (2) (Id.),

Et le bénéficiaire de la subvention puise dans ce contrat et dans le cahier des charges qui l'accompagne une action en paiement (3) (Id.).

Le mot subvention » s'entend d'ailleurs dans le sens de subside en argent (4).

L'exemption de taxe, accordée par la loi du 30 déc. 1916 aur théâtres subventionnés, ne saurait donc profiter à la société qui exploite un théâtre en plein air, auquel nul subside en argent n'est accordé par la ville, et que la municipalité se borne à faire bénéficier gracieusement d'avantages ou secours en nature, consistant dans la jouissance gratuite du terrain communal et du matériel, etc., sans qu'aucune délibération du conseil municipal ait été prise, ni qu'aucune convention ni aucun cahier des charges aient été dressés entre les parties (5) (L. 30 déc. 1916, art. 13).

(Soc. des artistes du Capitole C. Admin. des contrib. indir.). JUGEMENT. LE TRIBUNAL; Attendu qu'à la date du 31 janv. 1918, l'Administration des contributions indirectes décernait contre Taverne, directeur de la Société des artistes du Capitole, une contrainte, par laquelle elle réclamait le paiement d'une somme de 3.406 fr. 42, représentant le montant des droits dûs à l'Etat, en vertu de la loi du 30 déc. 1916, pour les spectacles donnés au Théâtre de la Nature par ladite Société, du 1er juill. au 29 déc. 1917; Attendu qu'à cette contrainte, à lui signifiée

(1 à 5) Le jugement ci-dessus recueilli a refusé à bon droit de faire application, dans l'espèce qu'il a tranchée, de l'exemption de taxe prévue par l'art. 13 de la loi du 30 déc, 1916 (S. et P. Lois annotées de 1917, p. 388; Pand. pér., Lois annotées de 1917, p. 388) au profit des théâtres subventionnés, pour les places dont le prix est inférieur à cinq francs ou à trois francs, suivant que le théâtre reçoit sa subvention de l'Etat ou d'une ville.

Le régime des théâtres subventionnés est trop complexe et trop difficile à régler, soit du côté de l'impresario qui dirige l'entreprise, soit du côté de l'administration qui fournit la subvention, pour se concevoir sans un acte en due forme et un cahier des charges détaillé. Ce n'est qu'à une situation ainsi régulièrement définie que la loi du 30 déc. 1916 a dû et pu se référer, lorsqu'elle a disposé au sujet des théâtres subventionnés. L'exemption de taxe qu'elle admet ne pouvait donc pas se

le 2 févr. 1918, Taverne, ès qualités, a formé opposition le 16 du même mois, et qu'au soutien de cette opposition, il a formulé trois griefs, sur lesquels le tribunal est appelé à statuer; -... Attendu que la seule difficulté subsistant entre les parties est la question relative à la subvention du Théâtre de la Nature; que, sur ce point, Taverne prétend que l'Administration des contributions indirectes n'est pas fondée à réclamer des droits pour les représentations de 1917, parce que, aux termes de la loi du 30 déc. 1916, qui institue sur le prix des places de théatre une taxe spéciale, les théâtres subventionnés par l'Etat ou par les villes avant le 1er déc. 1916 sont exonérés de toute taxe sur les places dont le prix est inférieur à 5 fr. pour les premières et à 3 fr. pour les secondes ; que le Théatre de la Nature, étant subventionné par la municipalité de Toulouse, doit bénéficier de cette exonération, au même titre que 'celui du Capitole, en faveur duquel ces principes auraient été admis par l'Administration; la situation de ces deux théàtres est, en effet, identique, le second n'étant pour ainsi dire qu'un prolongement du premier, et jouissant d'une subvention analogue, qui se traduit en nature, notamment par des dépenses d'installation, d'entretien, édification des loges, des bancs et des clôtures, frais de police, de jardiniers, droit de disposer librement du matériel, indépendamment de la jouissance gratuite du terrain communal; Mais attendu que la prétendue reconnaissance faite par l'Administration. en ce qui concerne le régime du Théâtre du Capitole, ne saurait avoir une portée décisive en ce qui touche celui de la Nature, car le tribunal doit uniquement s'attacher à rechercher si ce dernier théâtre est ou non subventionné, l'exonération des droits réclamés étant une conséquence de cette situation; Or, attendu qu'il est constant qu'il n'existe aucune délibération du conseil municipal, ni, par suite, aucun cahier des charges ou convention écrite quelconque entre les parties; que nul subside en argent n'est accordé par la ville au Théâtre de la Nature; que la municipalité se borne à faire bénéficier gracieusement ce théâtre des avantages ou secours en nature plus haut

justifier dans l'espèce, où il s'agissait, non d'une subvention ayant fait l'objet d'un contrat passé avec toutes les stipulations qu'il comportait et avec les formalités administratives qu'il exigeait, mais de quelques avantages en nature concédés gracieusement, et que la municipalité restait toujours libre de faire cesser. Ces prestations, d'un caractère tout précaire, ne pouvaient pas suffire à créer l'état de droit de théâtre subventionné. Comp. Cass. req. 7 juill. 1846 (S. 1846.1.837. P. 1847.1.163).

Il faut ajouter, avec le jugement ci-dessus recueilli, que le mot «< subvention sert à désigner des secours en argent, des fonds accordés par le gouvernement ou par une autre personne publique pour soutenir une entreprise. V. Littré (Dict., v° Subvention), qui, après avoir donné ces définitions, cite précisément comme exemple la subvention obtenue par un théâtre.

-

spécifiés; Attendu que, pris dans son sens grammatical et usuel, le mot subvention signifie subside en argent, et que le Théâtre de la Nature, à Toulouse, ne se prévaut d'aucun subside alloué en espèces;

Attendu que ce qui forme le statut légal de tout théâtre subventionné, c'est l'existence d'un contrat liant les deux parties, et engendrant pour chacune d'elles des obligations et des droits réciproques; que le vote du conseil municipal, accordant une subvention à une entreprise d'utilité publique, telle qu'un théâtre, constitue un contrat entre l'autorité communale et le bénéficiaire de la subvention; que celui-ci puise dans ce contrat et le cahier des charges qui l'accompagne une action pour le jeu d'une créance que la jurisprudence déclare susceptible de cession, et au paiement de laquelle le maire ne peut se refuser (Cass. req. 7 juill. 1846, S. 1846.1. 837. P. 1847.1.163); · Attendu qu'il est évident qu'un pareil droit, caractéristique de la subvention, ne saurait être revendiqué, en l'absence de toute convention, par la Société des artistes du Capitole pour le Théâtre de la Nature; que cet établissement ne bénéficie que d'un secours accordé à titre précaire, et non d'une subvention véritable, telle qu'elle vient d'être définie, lui conférant une action contre la municipalité pour exiger les prestations diverses mises gracieusement à sa disposition; Par ces motifs; Déclare l'opposition

non fondée et en déboute Taverne, etc. Du 11 nov. 1918. Trib. civ. de Toulouse. M. Tourraton, prés.

TRIB. DE BOULOGNE-SUR-MER
31 juillet 1919.

SÉPARATION DE CORPS, DIVORCE, INJURE
GRAVE, MOBILISATION, INSOUMISSION, CON-
DAMNATION (Rép., vo Divorce et séparation
de corps, n. 691 et s.; Pand. Rép.,
vo Di-
vorce, n. 864 et s.).

Une condamnation à une peine correctionnelle ne peut être considérée comme une injure grave, susceptible de devenir une cause de divorce ou de séparation de corps, que si elle a été encourue pour un fait at

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teignant le conjoint dans son honneur ou dans ses droits d'époux (1) (C. civ., 231).

C'est donc le fait délictueux, bien plus que la condamnation elle-même, qui constitue l'injure (2) (Id.).

Spécialement, une femme est en droit de demander le divorce pour cause d'injure grave contre son mari, qui, affolé par la perspective de la guerre prochaine, a quitté la France le 28 juill. 1914, à l'insu de la demanderesse, malade à ce moment, n'a pas répondu à son ordre d'appel, et est resté sourd aux objurgations de la demanderesse, qui le poussait à faire son devoir, et qui n'a signé sa soumission au consulat de France à Londres qu'au début de l'année 1915, et, revenu en France, a été condamné pour insoumission à deux ans de prison (3) (Id.).

Il importe peu que, depuis sa rentrée en France, ayant bénéficié du sursis à l'exécution de la condamnation prononcée contre lui pour insoumission, le mari ait racheté par sa belle conduite la faute qu'il avait commise envers son pays, si, depuis son retour, il n'a tenté aucune démarche pour faire oublier à sa femme le passé, cette indifférence voulue constituant, vis-à-vis de celle-ci, une nouvelle inĵure (4) (Id.).

-

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JUGEMENT.

la dame

(Dme D... C. D...). LE TRIBUNAL; · Attendu que D... demande contre son mari le prononcé de la séparation de corps; que le défendeur conclut au débouté de l'action dirigée contre lui; Attendu qu'il est constant que, le 28 juill. 1914, le sieur D..., affolé par la perspective d'une guerre prochaine, à quitté Calais à l'insu de sa femme, dont l'état de santé était précaire, et qui n'a connu son départ que par une lettre qui ne lui a été remise que lorsque son mari se trouvait déjà en Angleterre; que, la mobilisation ayant été décrétée, D... n'a pas répondu à son ordre d'appel et est resté sourd aux objurgations de la demanderesse, qui le pressait de faire son devoir; qu'il n'a signé sa soumission au consulat de France à Londres qu'au début de l'année 1915; que, revenu en France, il a été condamné pour insoumission par le conseil de guerre de la région du Nord à deux ans de prison, à une date posté

une injure grave, lorsqu'elle a été motivée par des faits qui sont de nature à porter atteinte la considération du conjoint du condamné. V. Paris, 4 déc. 1899 (S. et P. 1900.2.77), et la note. Dans ce cas, les faits délictueux, d'une part, la condamnation, de l'autre, forment les éléments de l'injure grave, éléments soumis à l'appréciation sou

rieure à l'introduction de la présente instance; Attendu qu'il est de jurisprudence qu'une condamnation à une peine correctionnelle ne peut être considérée comme une injure grave, susceptible de devenir une cause de divorce ou de séparation de corps, que si elle a été encourue pour un fait atteignant le conjoint dans son honneur ou dans ses droits d'époux; que c'est donc le fait délictueux, bien plus que la condamnation elle-même, qui constitue l'injure; Attendu que le départ du sieur D..., de Calais, dans les circonstances qui ont amené ultérieurement sa condamnation, est l'injure la plus lourde qu'un mari puisse infliger à une Française, digne de ce nom; qu'au lendemain des jours tragiques d'août et de septembre 1914, alors que les noms des premiers soldats tombés au champ d'honneur se trouvaient sur toutes les lèvres, D... était purement et simplement porté sur le contrôle des insoumis, et recherché par la gendarmerie; que la population de Calais était forcément au courant de cette situation, qui ne pouvait qu'attirer sur la dame D..., et sur sa famille une déconsidération et un mépris que les débats devant le conseil de guerre de la région du Nord ont nécessairement augmentés; Attendu que, si le sieur D..., qui a obtenu la suspension de la peine qui lui avait été infligée, a racheté depuis par sa belle conduite la faute qu'il avait commise envers son pays, son attitude vis-à-vis de sa femme n'a pas, au contraire, réparé les torts qu'il avait eus à l'égard de celle-ci; qu'en effet. depuis son retour en France, il n'a tenté aucune démarche, de quelque nature que ce soit, pour amener la demanderesse à oublier le passé et à lui rendre son estime; que cette indifférence voulue est une nouvelle injure ajoutée à la précédente; qu'ainsi, la demande de la dame D... se Par ces trouve pleinement justifiée; motifs; Prononce la séparation de corps d'entre les époux D..., au profit de la dame D..., etc.

Du 31 juill. 1919. Trib. civ. de Boulogne-sur-Mer. MM. Defontaine, prés.; Deroide et Michaux, av.

veraine des juges du fond (V. la note sous Paris. 4 déc. 1899, précité), conformément au principe général. V. Cass, req. 26 janv. 1915 (S. et P. 1917. 1.79; Pand. pér., 1917.1.79); 7 juin 1916 (S. et P. 1917.1.128; Pand. pér., 1917.1.128), et les ren

vois.

FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE

TROISIÈME PARTIE

JURISPRUDENCE ADMINISTRATIVE

CONS. D'ÉTAT 13 juin 1913 (2 ARRÊTS), 22 mai 1914, 17 décembre 1915 et 21 juillet 1916.

1° RETRAITES OUVRIÈRES ET PAYSANNES, CAISSE DE RETRAITES, QUOTITÉ DES SALAIRES, VERSEMENTS, LIQUIDATION DES RETRAITES, REMBOURSEMENT DES SOMMES VERSÉES, DROIT AUX ALLOCATIONS, DÉCISION MINISTÉRIELLE, ANNULATION, INSCRIPTION SUR LES LISTES D'ASSURÉS, RÉCLAMATIONS, ASSURÉS FACULTATIFS, ASSURÉS OBLIGATOIRES, RÉGIME TRANSITOIRE, CULTIVATEUR, AUTORITÉ JUDICIAIRE, CONSEIL D'ETAT, MINISTRE DU TRAVAIL, COMPÉTENCE, MÉTAYER, TAUX DE LA CONTRIBUTION. 2o CONSEIL D'ETAT, RECOURS, MANDAT (ABSENCE DE), INTÉRÊT POUR AGIR (DÉFAUT D'), FINS DE NON-RECEVOIR (Rép., vo Conseil d'Etat, n. 638 et s., 670 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 1184 et s., 1210 et s.).

1o La loi du 5 avril 1910, en assujettissant l'Etat à contribuer aux retraites constituées, soit à titre obligatoire soit à titre facultatif, n'a pas entendu faire de ces retraites des pensions assimilables à celles qui sont payées sur les fonds du Trésor aux militaires et aux fonctionnaires; toute liberté a été laissée aux intéressés pour choisir à leur gré l'organisme financier : caisse agréée par le ministre où Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, qui aurait pour mission de recueillir les versements et de les capitaliser en vue de la liquidation des retraites, en chargeant seulement l'Administration du soin de controler, dans l'intérêt des assurés, le fonctionnement des caisses chargées de la gestion des fonds versés (1) (L. 5 avril 1910). Ire espèce.

Cette loi a conservé aux tribunaux civils la compétence qu'ils tiennent des principes généraux pour statuer sur tous les differends qui pourraient_naître, entre les caisses d'assurances et les assurés, au sujet de la constitution et de la liquidation des retraites provenant de la capitalisation des

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versements ouvriers et patronaux (2) (Id.). - Id.

C'est donc l'autorité judiciaire qui doit connaitre de toutes les contestations relatives à la quotité des salaires servant de base à la retraite, aux versements exigibles, à la liquidation des retraites, en un mot, de tous les différends qui ne mettent pas en cause la personnalité financière de l'Etat (3) (Id.). Id.

Et il n'appartient pas au Conseil d'Etat de statuer sur les conclusions des assurés et de leurs patrons, tendant au remboursement des sommes par eux versées, et qui ont été recueillies par une caisse en vue de la constitution de retraite (4) (Id.). Id.

Au contraire, le Conseil d'Etat serait compétent pour statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail qui a dénié à un assuré tout droit aux allocations de l'Etat, prévues aux art. 6 et 36 de la loi du 5 avril 1910 (5) (Id.). Id.

Si l'art. 22 de la loi du 5 avril 1910 attribue compétence au Conseil d'Etat pour connaitre des pourvois formés contre les arrêtés ministériels statuant sur les réclamations relatives aux allocations prévues par ladite loi, il ne saurait toutefois, à l'occasion d'une réclamation de cette nature, se faire juge de la régularité de l'inscription d'un assuré (6) (L. 5 avril 1910, art. 22). 2o espèce.

Les réclamations auxquelles peut donner lieu l'inscription sur les listes d'assurés dressées en exécution du décret du 25 mars 1911 sont, en effet, de la compétence de l'autorité judiciaire (7) (L. 5 avril 1910; Décr., 25 mars 1911, art. 196 et s.). -3° et 4o espèces.

Si une personne, qui a été inscrite comme assurée facultative, en qualité de femme d'assuré, estimait que cette inscription était erronée, ou n'avait pas été accomplie conformément aux prescriptions de l'art. 10 du décret du 25 mars 1911, il lui appartenait de se pourvoir devant l'autorité judiciaire; mais, si elle n'a pas exercé d'action contre cette inscription, elle n'est pas fondée

compliquée dans son fonctionnement, parce qu'elle réalise un type mixte, elle est compliquée aussi dans son contentieux, et cette dernière complication, il faudra évidemment la faire disparaître, non seulement pour la commodité des assurés, mais pour celle aussi de l'Administration. Nous l'avons

à soutenir devant le Conseil d'Etat que c'est à tort que le ministre du travail et de la prévoyance sociale lui a refusé le bénéfice du régime de l'assurance obligatoire (8) (Id.). 4o espèce.

La question de savoir si un assuré facultatif a droit ou non au bénéfice du régime transitoire est une question d'inscription sur la liste, et relève par suite de la compéėtence de l'autorité judiciaire (9) (Id.). 2o espèce.

Si un individu, inscrit comme assuré facultatif en qualité de cultivateur jouissant du bénéfice du régime transitoire, estimait que cette inscription, qui lui donnait droit à l'allocation prévue par le § 6 de l'art. 36 de la loi du 5 avril 1910, était erronée, ou n'avait point été accomplie conformément aux prescriptions de l'art. 10 du décret précité, il lui appartenait de se pourvoir devant l'autorité judiciaire;mais, faute par lui de l'avoir fait il n'est pas fondé à soutenir devant le Conseil d'Etat que c'est à tort que le ministre ne lui a pas accordé une allocation calculée conformément au $ 8 dudit art. 36 (10) (Id.). 3e espèce.

Le ministre du travail ne saurait se faire juge de la régularité des inscriptions sur les listes d'assurance (11) (Id.). 5o espèce.

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Par suite, lorsqu'il estime qu'une personne a été inscrite à tort sur les listes d'assurance d'une commune, il ne peut user du pouvoir de radiation qu'il tient de l'art. 142 du décret du 25 mars 1911 qu'autant qu'une décision de l'autorité judiciaire aura reconnu l'irrégularité de l'inscription de cet assuré (12) (Décr., 25 mars 1911, art. 142, 196 et s.). Id.

Par suite, encore, il y a lieu d'annuler la décision, par laquelle le ministre du travail a refusé d'accorder l'allocation prévue par les SS 7 et 8 de l'art. 36 de la loi du 5 avril 1910 à un individu, inscrit sur la liste des assurés facultatifs en qualité de petit fermier ayant droit au bénéfice du régime transitoire (13) (Décr., 25 mars 1911, art. 196 et s.). 2o espèce.

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Le $ 10 de l'art. 36 de la loi du 5 avril 1910, disposant que les avantages prévus

et il est du devoir du législateur d'intervenir pour bloquer toute la compétence sur une même matière, soit au profit des tribunaux judiciaires, soit au profit des tribunaux administratifs, fût-ce au détriment de quelque principe. Les nécessités pratiques de la vie passent avant tout.

L'état de la question a été admirablement résumé dans les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Blum dans les affaires d'Azincourt et Asselineau (1re et 20 espèces), et, pour l'ensemble, nous n'avons qu'à y renvoyer.

Après avoir constaté que, dans l'opération de la pension ouvrière et paysanne, il y a lieu de distinguer trois périodes, l'inscription sur la liste des pensionnés de la commune, les versements des assurés, la liquidation de la pension, le très distingué commissaire du gouvernement passe en revue chacune des périodes.

En ce qui concerne l'inscription sur la liste communale des pensionnés, la question de compétence est tranchée par l'art. 196 du règlement d'administration publique du 25 mars 1911; les réclamations sont portées devant le juge de paix du canton, avec appel devant le tribunal civil, et pourvoi en cassation; donc, compétence judiciaire.

En ce qui concerne la période des versements, la compétence est également judiciaire en principe, parce qu'il s'agit de difficultés entre assurés et patrons, entre assurés et caisses d'assurances, entre caisses et caisses, c'est-à-dire de litiges privés. On ne peut prévoir qu'un seul cas où la compétence administrative puisse jouer, c'est en ce qui concerne les assurés facultatifs, à propos de la majoration qui leur est accordée chaque année proportionnellement aux versements; cette majoration est allouée sur fonds d'Etat (art. 36, § 3, de la loi); il s'agit donc de la liquidation d'une dette de l'Etat, opération administrative à contentieux administratif.

Enfin, en ce qui concerne la période de liquidation, la compétence est partagée. Sans doute, toute pension est liquidée par le ministre du travail; mais ce ministre joue deux rôles bien différents selon qu'il s'agit de la portion de retraite correspondant aux versements capitalisés, ou selon qu'il s'agit de l'allocation viagère ou de la bonification sur fonds d'Etat auxquelles l'assuré peut avoir droit. Dans le premier cas, le ministre n'est qu'un agent de liaison, et c'est en somme la dernière caisse à laquelle l'assuré adhérait au moment de la demande qui opère la liquidation; le débat s'engagera donc entre l'assuré et une caisse privée et ce sera un débat judiciaire. Au contraire, dans le second cas, le ministre liquide une dette de l'Etat, opération administrative, qui entraîne un contentieux administratif.

Ce que nous voudrions nous demander ici, c'est ce que l'on pourrait faire pour simplifier, de quel côté il y aurait intérêt à tirer la compétence. Il nous paraît que, sauf pour la période des verse. ments, où l'intéressé est réellement en contact direct avec des caisses privées, et où il est naturel que le contentieux soit judiciaire, pour la période de l'inscription sur la liste et pour celle de la liquidation, la compétence devrait être administrative, parce que l'intéressé est en contact avec l'Administration et a directement affaire à celle-ci. I. Pour l'inscription sur la liste communale des pensionnés, d'abord. Observons que cette inscription a pour résultat d'établir le statut du pensionné, et que des quantités de statats analogues existent

par les art. 6, 8 et 9 de la même loi seront accordés aux personnes visées par l'art. 36

d'où nous pouvons tirer des comparaisons. Voici les statuts variés des indigents, soit pour l'assistance médicale gratuite, soit pour l'assistance aux vieillards; ils sont établis administrativement par des décisions de conseils et de commissions, et le contentieux en est administratif (LL. 15 juill. 1893, art. 12 à 18; 14 juill. 1905, art. 7 et s.; Cons. d'Etat, 12 mai 1905, Comm. de Portiragne, S. et P. 1907.3.54; 19 juill. 1912, Broussard, Rec. des ar réts du Cons. d'Etat, p. 835. Cf. Hauriou, Précis de dr. admin., 9° éd., p. 638 et s.).

Il aurait pu en être de même pour le statut du pensionné. Pour les assurés obligatoires, l'inscription est opérée d'office par les soins d'une commission municipale (Décr., 25 mars 1911, art. 2); d'autre part, ce sont des arrêtés préfectoraux qui statuent sur l'inscription, aussi bien en ce qui concerne les assurés facultatifs que les assurés obligatoires (Décr., 25 mars 1911, art. 7 et 10). C'est donc, dit le commissaire du gouvernement, un acte administratif, qui, après instruction administrative, en fin de compte, fera entrer ou non l'individu dans les cadres de l'assurance et l'y insérera sous telle ou telle rubrique. On aurait donc pu, si la question restait encore à résoudre, éprouver quelques hésitations sur la nature de ce contentieux. Peut-être le Conseil d'Etat l'eût-il tranchée dans le sens administratif. Mais la question se trouve résolue par l'art. 196 du règlement dans le sens de la compétence judiciaire. Sans doute, ajoute le commissaire du gouvernement, la Cour de cassation, d'après sa propre jurisprudence, avait qualité, avant d'appliquer ce règlement, pour en vérifier la légalité (Cass.-civ. 19 juin 1883; S. 1883.1.356. P. 1883.1.86). Or, la Cour de cassation, par un arrêt du 5 févr. 1913 (Cass.-civ. 5 févr. 1913, S. et P. 1913.1.431; Pand. pér., 1913.1.431), a implicitement affirmé cette légalité, en admettant que l'art. 196 donnait compétence aux tribunaux judiciaires pour connaître de toutes les réclamations auxquelles peut donner lieu l'inscription sur la liste des assurés. Il ne peut donc plus être contesté, aujourd'hui, en présence du règlement d'administration publique et de la jurisprudence conforme de la Cour de cassation, que le contentieux de l'inscription soit judiciaire.

-

Il l'est par force, et parce que le règlement d'administration publique a visiblement donné un coup de pouce dans l'interprétation de la loi. Ce coup de pouce n'est pas très heureux, et, sans doute, si, dans cette question qui intéresse le con. tentieux, les formations contentieuses du Conseil d'Etat eussent été officieusement consultées par les rapporteurs du projet de décret et par les membres de l'assemblée générale du Conseil d'État, cette solution n'eût pas été admise.

Quoi qu'il en soit, les conséquences du système inauguré par le règlement ne paraissent pas des plus avantageuses. Il en résulte, en effet : 1° que l'inscription sur la liste est en principe définitive au regard de l'Administration; 2° qu'en tous cas, toute question d'inscription relève de l'autorité judiciaire (1 espèce); 8° que, dans le cas où le ministre estime qu'un assuré a été inscrit à tort, il ne peut prononcer d'annulation, de radiation ou de réduction d'allocation viagère ou de majoration indûment accordée qu'autant qu'une décision de l'autorité judiciaire aura préalablement reconnu l'irrégularité de l'inscription de cet assuré (4° espèce).

Cette dernière conséquence est particulièrement

qui auront chaque année versé la contribution minimum de 9 fr., doit être, en ce qui

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grave, parce qu'elle subordonne l'activité normale du ministre du travail au préalable de décisions de l'autorité judiciaire. C'est une atteinte formelle au principe de la séparation des pouvoirs. Reportons-nous au Traité de la juridiction administrative de Laferrière, dont on s'éloigne peut-être d'un pied trop léger (2o éd., t. 1, p. 502). Nous y trouvons cette rubrique : « Les décisions de l'Administration active comportent-elles des questions préjudicielles? Lorsqu'un administrateur doit prendre une décision qui implique la vérification d'une question d'état, de capacité, de propriété ou d'autres droits dont les tribunaux sont juges, est-il tenu de s'abstenir jusqu'à ce que les tribunaux aient prononcé? L'éminent auteur conclut négativement, parce que les administrateurs ne sont pas des juges, et que les questions préjudicielles ne s'imposent qu'aux juridictions. Ainsi, dit-il, les autorités chargées d'établir le rôle des contributions foncières ont souvent à vérifier des questions de propriété; mais on ne saurait admettre que l'établissement du rôle soit retardé par une procédure judiciaire sur cette question de propriété qui s'imposerait d'une façon préjudicielle.

En réalité, c'est toute la question de la procé– dure d'office de l'Administration active qui se pose ici. L'Administration, c'est l'action d'office, le pouvoir exécutif, c'est l'action d'office; le ministre du travail, dans l'application de la loi sur les retraites ouvrières, n'a donc pas de pouvoir exécutif.

On comprendrait très bien que l'Administration ne se mêlât pas du tout de l'application de la loi sur les retraites; on aurait pu dire aux intéressés voilà une loi sur les retraites, débrouillezvous, profitez-en vous-même. Mais on a voulu que l'Administration s'en occupât. On a même créé exprès, ou à peu près, un nouveau département ministériel. Il est inconséquent de ne pas lui reconnaître les pouvoirs ordinaires d'action d'office. Ce ministre n'est plus qu'un ministere public, chargé d'agir devant les tribunaux. Nous n'en sommes pas, je suppose, à vouloir supprimer le principe de la séparation des pouvoirs, ni la conception du pouvoir exécutif et de son action d'office; alors, appliquons-la logiquement partout où nous admettons l'action administrative; les petites exceptions aux grands principes sont inutiles et fâcheuses, comme les coups de canif dans les contrats.

II. Nous serons également d'avis de rendre administratif le contentieux de la liquidation de la pension, même en ce qui concerne la portion de pension correspondant aux versements capitalisés, de façon à unifier tout le contentieux de la liquidation dans le sens administratif; sans doute, pour cette portion des versements capitalisés, le ministre ne liquide pas une dette de l'Etat ; mais il prête ses bons offices; il s'entremet pour remettre en liaison les intéressés, les assurés et les diverses caisses où ils ont pu verser au cours de l'existence; il n'y aurait qu'à lui donner compétence pour prendre des décisions dans cette procédure d'entremise; elle deviendrait tout à fait administrative. Il ne manque pas d'opérations administratives à contentieux administratif dans lesquelles l'Administration ne fait que prêter son entremise, quand ce ne serait que les opérations électorales.

Par ces deux réformes, la matière se trouverait bien simplifiée. On pourrait, sans inconvénient

concerne les métayers, entendu en ce sens que, pour savoir si le minimum est atteint, et, par suite, si le droit aux allocations est acquis, c'est le versement cumulé du métayer et de son patron qu'il faut envisager (1) (L. 5 avril 1910, art. 6, 8, 9, 36). Rés. par les conclusions du comm. du gouv. (1re espèce).

2o Le pourvoi formé contre une décision ministérielle doit être déclaré non recevable, alors que les requérants ne produisent aucun mandat de l'intéressé, et n'ont, d'autre part, aucun intérêt personnel à l'annulation de ladite décision (2). Ire espèce.

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Les requêtes qui vous sont soumises par les sieurs d'Azincourt et autres, d'une part, par le sieur Asselineau, de l'autre, sont dirigées contre des décisions du ministre du travail, qui ont refusé aux requérants le bénéfice de certains avantages prévus. pour les assurés par la loi du 5 avril 1910, sur les retraites ouvrières et paysannes. Il s'agit, en ce qui concerne les sieurs d'Azincourt et autres, du paiement des allocations mensuelles accordées par les art. 6 et 36 à la veuve et aux enfants des assurés décédés avant d'être en possession de leurs droits à pension. En ce qui concerne le sieur Asselineau, il s'agit du paiement de l'allocation d'Etat venant compléter la pension pour les assurés du régime transitoire, aux termes de l'art. 36, 8. Ces deux affaires, surtout la première, sont de minime importance, au point de vue de la solution qu'elles comportent; mais elles inaugurent en quelque sorte votre jurisprudence en cette matière, et elles vous obligent, par conséquent, à fixer les règles et les limites de votre compétence, à préciser comment elle se justifie et comment elle se partage avec la compétence judiciaire, ce qui revient, somme toute, à dégager et å appliquer les principes généraux de cette législation.

On peut concevoir une législation de retraites ouvrières sous deux aspects généraux. En premier lieu, la loi pourrait organiser un vaste système de

laisser aux tribunaux judiciaires le contentieux des versements, qui ne sera jamais bien important; mais celui de l'inscription sur la liste et celui de la liquidation de la pension seraient remis dans leur pente naturelle, puisqu'après tout, il existe un service public des retraites ouvrières et paysannes, que ce service comporte essentiellement les opérations d'inscription et de liquidation de pension et que les institutions privées prêtent leur concours au service uniquement pour les opérations de versement. Ainsi, tout ce qui est véritablement opération du service public engendrerait,

prévoyance, où elle n'interviendrait que pour l'encourager et pour le contrôler. Dans ce systéme, qui est à peu près celui de la législation belge ou de la législation italienne, l'Etat ne s'immisce pas dans les rapports entre le prévoyant et la caisse qui recueille et fait fructifier ses versements. A aucun moment, ces versements, gérés par des caisses autonomes, ne prennent le caractère de deniers publics. La liquidation de la pension n'est pas autre chose que le mode d'exécution d'un contrat de droit privé, que l'ouvrier est libre de conclure ou de ne pas conclure. L'Etat peut intervenir, soit en concédant aux caisses d'assurances des taux d'intérêt particulièrement avantageux, soit en bonifiant les pensions obtenues par les versements capitalisés; mais, dans cette hypothese, il ne fait pas autre chose que subventionner, dans la mesure que la loi prévoit, une œuvre qu'elle reconnaît utile. L'organisation des retraites n'est, en somme, qu'une vaste mutualité encouragée et subventionnée. Un certain nombre de propositions de loi, qui ont pour objet l'organisation des retraites, ont été rédigées en ce sens. Elles ne prévoyaient pas, pour l'Etat, d'autre rôle que de favoriser et de récompenser en quelque mesure l'initiative privée. Et, dans un système de cette nature, on n'aperçoit pas quelle place serait laissée à la compétence administrative, puisque l'Etat n'interviendrait à aucun moment, ni pour la création des rapports entre l'assuré et la caisse, ni pour la reconnaissance du droit à pension, ni pour la liquidation de cette pension ellemême.

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En sens contraire, on peut concevoir un système qui opposerait, à ce point de vue de pure prévoyance, le point de vue de l'assurance proprement dite, et qui aurait appliqué ce principe de l'assurance sociale avec plus de logique que la législation allemande elle-même. L'Etat considère qu'il entre dans son devoir, dans sa fonction, de garantir aux salariés, lorsqu'ils ont atteint un âge déterminé, ou lorsqu'ils se trouvent incapables de subvenir à leur subsistance par le travail, une retraite convenable. L'assurance est donc un service public. Que les assurés contribuent ou non à la constitution de la retraite par un prélèvement sur leur salaire, peu importe; l'allocation de la retraite ne dépend pas de ces versements et n'est pas corrélative avec eux, non plus que pour les pensions civiles ou militaires. Dans ce système, c'est l'Etat qui recueille les versements, et ces versements, entrant dans la caisse du Trésor, prennent par là même le caractère de deniers publics. C'est, d'autre part, l'Etat qui reconnaît le droit à pension, qui liquide les pensions, et qui en acquitte les arrérages au moyen de crédits budgétaires. Dans ce système, la capitalisation des versements n'aurait pas plus de sens qu'elle n'en comporte dans l'organisation des lois de 1831 ou 1853. La pension n'est, en aucune manière, le produit de versements capitalisés; elle est l'acquittement d'une dette de l'Etat.

comme c'est naturel, un contentieux administratif. MAURICE HAURIOU,

(1) V. les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Blum, reproduites au cours de

l'article.

(2) Dans les affaires où le ministère d'avocat n'est pas obligatoire (ce qui était le cas de l'espèce), les parties peuvent se faire représenter devant le Conseil d'Etat par un mandataire. Mais il faut un mandat écrit et spécial. V. Cons. d'Etat, 2 nov. 1888, Elect. de Lalbenque (Rec. des

C'est le système qu'avaient également soumis à la Chambre un certain nombre de propositions émanées de l'initiative parlementaire, et notamment le contre-projet Vaillant. Si ce contre-projet avait prévalu, point de doute que la compétence ne fût, dans son entier, administrative, puisqu'il s'agissait, somme toute, de vérifier la régularité d'actes administratifs et d'admettre ou de rejeter une dette prétendue contre l'Etat. La compétence administrative résulterait ainsi des principes généraux du droit public, et elle se justifierait par les mêmes raisons qui l'ont fait reconnaître par le législateur, dans une organisation comme celle de la Caisse de prévoyance des marins français, créée par les lois de 1898 et de 1905.

Le système adopté en fait par la loi de 1910 est un système mixte, transactionnel, résultant de négociations entre le gouvernement et les deux Assemblées, et résultant aussi d'un compromis entre les deux systèmes absolus dont nous venons d'indiquer sommairement les grandes lignes. Le législateur a voulu laisser subsister tous les organes déjà existants, et notamment les sociétés de secours mutuels, qu'un régime purement étatiste d'assurance, avec sa caisse d'Etat centrale, aurait fatalement absorbés. Il a voulu que l'assuré pût choisir librement la caisse chargée de recueillir les versements et de les faire fructifier; il a voulu que ces caisses, celles qui existaient antérieurement à la loi ou celles dont la loi a prévu la création, demeurassent, dans leurs rapports avec les assurés, des personnes de droit privé. Une partie de la pension de retraite est ainsi constituée par des versements de l'assuré, versements administrés et capitalisés par une caisse librement désignée, et qui, bien que placée sous le contrôle de l'Etat, demeure cependant un organisme autonome. Mais, pourtant, le législateur a entendu que la constitution d'une retraite fût assurée, tout au moins en ce qui concerne les salariés proprement dits, c'est-à-dire que le versement eût un caractère obligatoire, non seulement pour eux, mais aussi pour les patrons qui les emploient. Il n'a pas borné le rôle de l'Etat à une subvention, à un encouragement direct ou indirect; il a voulu qu'à la retraite obtenue par la capitalisation des versements de l'assuré, et automatiquement liquidée par une caisse autonome, vînt s'ajouter, non pas à proprement parler une subvention, mais une pension distincte, concédée par l'Etat et liquidée sur les fonds publics. Cette contribution de l'Etat, dans le système de la loi, prend des noms distincts et des formes complexes. Quand il s'agit de la pension complémentaire ajoutée par l'Etat à la retraite des assurés obligatoires qui ont atteint l'âge requis, elle s'appelle allocation viagère. Quand il s'agit des assurés de la période transitoire, c'est-àdire de ceux qui, au moment de la promulgation de la loi, avaient atteint un âge assez avancé pour qu'elle ne puisse rendre son plein effet à leur profit, elle s'appelle allocation ou bonification. Quand

arrêts du Cons. d'Etat, p. 787); Arnoux, De la procédure contentieuse et de la recevabilité des pourvois devant le Conseil d'Etat, p. 110 et s. Comp. Cons. d'Etat, 3 déc. 1897, Chemin de fer de ParisLyon-Méditerranée (S. et P. 1899.3.93), et la note.

Dans l'espèce, les requérants n'avaient pas reçu de l'ayant droit un mandat valable. Ils avaient agi de leur chef, ce qui ne leur était pas possible, une demande de pension ne pouvant être formée que par le titulaire ou par ses représentants légaux. V. Laferrière, Tr. de la jurid. admin., 2o éd., t. 2, p. 231.

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