de lanciers qui fut placé dans les rangs de la garde. Les campagnes du Nord lui avaient fait comprendre la nécessité d'opposer des lances françaises aux lances cosaques. Le nombre des régiments de lanciers fut successivement porté à douze sous l'Empire. La campagne de 1812 ruina la cavalerie française: presque tous nos chevaux périrent en Russie. Cette perte de notre cavalerie eut une influence désastreuse sur les destinées de l'Empire. On sait qu'à Lutzen et-à Bautzen Napoléon ne put tirer parti de la victoire à défaut de cavalerie. Aujourd'hui la cavalerie est divisée en trois armes : la cavalerie de réserve, qui comprend les carabiniers et les cuirassiers; la cavalerie de ligne, qui comprend les dragons et les lanciers; et la cavalerie légère formée des chasseurs et des hussards. Tous ceux qui ont vu maneuvrer nos magnifiques escadrons ont pu se convaincre que de nos jours la cavalerie française est aussi savante, aussi bien montée, aussi bien commandée qu'à aucune autre époque de notre histoire, et qu'elle n'attendait qu'un plus grand théâtre pour montrer qu'elle est digne, sous tous les rapports, de la cavalerie du premier Empire. II POPULARITÉ DE LA GUERRE Pendant que la science panse les blessés, que la charité soigne les malades, pendant qu'on relève les morts de la glorieuse bataille de Ma genta, je vais ramener les lecteurs de ce livre, pour quelques heures, au beau pays de France. Là régnait sous la douce et pourtant ferme autorité de l'Impératrice régente une profonde sécurité. Rien ne venait troubler l'ordre admirable que plusieurs années d'un gouvernement fort et éclairé et d'un règne illustre et prospère avaient fondé. On a dit que, prévoyant des circonstances impossibles où la tranquillité intérieure de la capitale pourrait être troublée par l'esprit de désordre et de révolte, les membres du Conseil privé, réunis aux ministres, avaient examiné quelles mesures devraient être prises pour défendre la dynastie attaquée et la société menacée. Au milieu des délibérations qui auraient eu lieu sur ce terrain brûlant, I'Impératrice régente aurait dit : « Messieurs, si le trône de mon fils était en danger, je monterais à cheval et je marcherais en tête de l'armée. » Je répète ces paroles, parce qu'elles sont un symptôme éclatant de l'énergie que la mère du Prince Impérial saurait déployer au besoin, si jamais elle se trouvait placée, par le cours des événements, dans une situation difficile. Mais, pendant l'absence de l'Empereur, il n'y eut pas même l'ombre d'un danger, pas même l'ombre d'un trouble. Le peuple, au contraire, suivait de loin, par le cœur et par la pensée, avec une admiration sincère, avec un profond amour, le sauveur de l'Italie, marchant, de victoire en victoire, à la délivrance de la Lombardie, et ne murmurait son nom que pour le mêler à ses prières. J'ai déjà dit combien la guerre d'Italie était populaire. On sait déjà avec quel empressement la classe ouvrière valide se portait vers les bureaux d'enrôlement où se pressaient la foule des engagés. Le nombre de ces engagés a été d'environ vingt-cinq mille, seulement dans Paris, d'au moins cinquante mille dans toute la France. Je doute que l'immense empire d'Autriche en eût pu fournir autant, malgré le chiffre élevé de sa population. L'ardeur avec laquelle la masse des souscripteurs à l'emprunt national de cinq cents millions voté par le Corps législatif pour les frais de la guerre d'Italie assiégeaient les nombreux bureaux ouverts à cette occasion a eu quelque chose de phénoménal. On ne croirait pas à tant d'enthousiasme, si des chiffres ne constataient d'une façon authentique ce prodigieux élan. C'est seulement à la fin du mois de mai que l'administration du Trésor reçut les derniers renseignements relatifs à cette opération. A ce moment-là elle fit passer sous les yeux de l'Empereur un tableau qui indiquait, par département, le nombre exact des souscripteurs et le montant du capital souscrit. D'après ce tableau, qui est un éloquent témoignage des sentiments de confiance et de dévouement qui ont poussé la foule vers les bureaux de souscription, le nombre des personnes qui ont pris part à l'emprunt en versant dans les caisses de l'Etat le dixième de garantie s'élevait à six cent quatre-vingt dix mille cent quatre-vingt-dix. A lui seul, ce chiffre dépasse de plus de cent mille parties prenantes le nombre de tous les souscripteurs réunis des trois emprunts de la campagne de Crimée. Il se divisait ainsi : La somme souscrite allait à deux milliards cinq cent neuf millions, cinq cent quatre-vingt-dix-neuf mille sept cent soixante-seize francs; elle est égale à plus de cinq fois la somme demandée. Les départements ont donné. 1,547,657,636 961,922,140 107,043,166 Les coupures de 10 fr. se sont élevées à. Le dixième de garantie déposé en neuf jours, à Paris et dans les départements, est de deux cent cinquante millions neuf cent cinquante-cinq mille neuf cent soixante-dix-sept francs, plus de la moitié de la totalité de l'emprunt, qui s'élevait à cinq cent vingt millions avec le supplément de vingt millions destiné à faciliter la liquidation et à couvrir les frais de l'escompte. La nation ne pouvait faire à l'Empereur une réponse qui témoignât davantage de sa confiance dans sa politique et de sa sympathie pour l'italie. Le rapport du ministre des finances à l'Empereur, sur l'emprunt de la guerre d'Italie, est du 28 mai. Le lendemain, l'Impératrice régente quittait le palais des Tuileries pour aller habiter le palais de Saint-Cloud, où elle recevait bientôt, à l'occasion de son arrivée dans cette résidence souveraine, les maires, les conseillers municipaux et les curés des communes de Saint-Cloud et de Boulogne, les officiers du 3o bataillon de la garde nationale de la Seine, et les officiers d'infanterie et de cavalerie de la garde impériale, en garnison à Saint-Cloud. Son Altesse Impériale le Prince Impérial assistait à cette réception, qui fournit aux personnes qui eurent l'honneur d'y être admises une nouvelle occasion de faire éclater toute la vivacité de leurs sentiments de fidélité et de dévouement pour l'Empereur et sa dynastie. Avant de quitter le palais des Tuileries, l'Impératrice régente avait daigné faire adresser à Son Excellence M. le comte de Morny, président du Corps législatif, la lettre suivante, datée du 23 mai : << Monsieur le président, « Un grand nombre des membres du Corps législatif ayant témoigné le désir d'être admis, avant la clôture de la session, auprès de Son Altesse Impériale le Prince Impérial, Sa Majesté l'Impératrice régente, au moment de son départ pour aller fixer son séjour au palais de Saint-Cloud, m'ordonne de faire savoir à Votre Excellence qu'elle la recevra avec le bureau du Corps législatif et MM. les députés qui voudront accompagner leur président, jeudi, 26 de ce mois, à une heure de l'après-midi, au palais des Tuileries.** « On sera en frac. « On entrera par le pavillon de l'Horloge. « Veuillez agréer, monsieur le président, les assurances de ma haute considération. « Le grand maître des cérémonies, « DE CAMBACÉRÈS. » Cette réception eut lieu, en effet, au jour indiqué. Sa Majesté reçut également le Sénat et le conseil d'Etat. Voici dans quels termes le Moniteur universel du lendemain parlait de cette solennité d'un caractère entièrement dynastique : L'Impératrice régente, accompagnée de Son Altesse Impériale monseigneur le Prince Impérial, a reçu aujourd'hui à une heure, au palais des Tuileries, MM. les membres du Sénat, du Corps législatif et du conseil d'Etat. Son Altesse Impériale monseigneur le prince Jérôme Napoléon était présent à cette réception, à laquelle ont assisté Leurs Excellences les ministres, les grands officiers de la Couronne, la grande maîtresse de la maison de l'Impératrice et la gouvernante des enfants de France, ainsi que les officiers et les dames de service auprès de Sa Majesté. Chacun des grands corps était réuni, dès midi et demi, dans un des salons du Palais. A une heure, Sa Majesté l'Impératrice régente, donnant le bras à Son Altesse Impériale monseigneur le prince Jérôme, accompagnée de Son Altesse Impériale monseigneur le Prince Impérial, est entrée dans le salon où se trouvait le Sénat. Les ministres, les grands officiers de la Couronne, les officiers et dames de service suivaient Sa Majesté et Leurs Altesses Impériales. Son Excellence M. Troplong a adressé les paroles suivantes à Sa Majesté : << Madame, « Le Sénat remercie Votre Majesté de cette audience affectueuse, qui lui permet de voir cet Enfant bien-aimé, l'espoir de la patrie. «En l'absence de l'Empereur, chacun de nous éprouve un dévouement plus vif pour les personnes chéries qu'il a confiées au patriotisme des Français. Nons sommes heureux, Madame, de pouvoir vous exprimer, avant de nous séparer, ces sentiments qui se mêlent à nos vœux ardents pour la gloire de l'Empereur et pour le succès de nos armes. >> Sa Majesté l'Impératrice régente a répondu : « Messieurs les sénateurs, « Vous avez voulu, avant de vous séparer, donner une nouvelle preuve de dévouement à l'Empereur, en manifestant le désir de voir le Prince Impérial; ce témoignage de la sollicitude dont vous l'environnez ne m'a point surprise; mais je n'en suis pas moins profondément émue; cette démarche est pour moi, comme le sont déjà les conseils de mon bienaimé oncle, un encouragement et une force. >> Les cris de Vive l'Empereur! Vive l'Impératrice! Vive le Prince Impérial! ont accueilli les paroles de Sa Majesté. |