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Lorsqu'on s'est servi dans sa pauvreté, de choses tombées entre ses mains sans aucune injustice, dont on ne connoissoit pas le maître; de choses trouvées, par exemple, ou achetées de bonne foi, on n'est pas tenu de les rendre, en cas qu'on en découvre dans la suite le propriétaire, quand même on en auroit le moyen, si on les a consommées; parce qu'on les a restituées de la manière qu'on le pouvoit et le devoit, dès qu'on les a consommées en qualité de pauvre.

Mais s'il s'agit de choses acquises par injustice, il semble que celui qui les a consommées dans son extrême indigence, est obligé de les restituer, ou au légitime maître, ou aux pauvres, s'il le peut dans la suite. Il est difficile de s'imaginer que l'injustice qu'il a commise en les dérobant, puisse être pardonnée devant Dieu, s'il ne s'acquitte pas de ce devoir de justice lorsqu'il en a le moyen.

Celui qui a pris une chose pour subvenir à l'extrême nécessité où il étoit réduit, est obligé de la rendre, s'il l'a encore en nature, lorsqu'il n'en a plus besoin; parce que la nécessité ne donne quelque droit au bien d'autrui, qu'autant qu'il le faut pour se tirer de ce malheureux état, ainsi, pour les choses qui ne se consomment pas, elle n'en autorise que l'usage, et elle, n'en fait pas acquérir la propriété. Mais, si ce qui a été pris a été consommé, et qu'il s'agisse d'une chose que celui auquel elle appartient eût été obligé d'accorder dans le besoin pressant qui a autorisé à la prendre, celui qui l'a prise et qui ne l'a plus n'est plus obligé à la restitution, quand même il deviendroit dans la suite en état de la faire. Obligatio restitutionis, dit Sylvius, solùm oritur ex duplici ratione, nimirùm aut ex re acceptâ, aut ex acceptione; sed ex neutra istarum obligatur is qui, propter urgentem suam necessitatem, aliquid tale (usu consumptibile) accepit; ergo simpliciter non obligatur... Nihil omninò habet alienum; ergo non tenetur ratione rei quam habebat. Sed neque obligari potest ratione rei quam habuit; ; quia non accepit eam per vim mutui, vel commodati aut alterius contractûs, vel ex delicto: unde sequitur quòd neque ex acceptione sit obligatus1.

On peut examiner ici quelles sont les dispositions du droit actuel relativement à la propriété des différentes espèces d'animaux et des choses perdues dont le maître n'est pas connu.

I. Sur la première question, on distingue les animaux en trois classes. La première comprend les animaux domestiques, qui sont au service de l'homme : tels

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COMBIEN ET EN QUEL TEMPS ON DOIT RESTITUER.

LA restitution doit égaler le tort qu'on a fait au prochain; parce que, comme nous l'avons déjà remarqué, la restitution est un acte de la justice commutative qui remet le propriétaire dans un état égal à celui où il eût été si on ne lui eût porté aucun préjudice, et qui lui rend tout ce dont il a été privé par le tort qu'on lui a fait. C'est pourquoi nous avons encore dit ci-dessus

sont le cheval, le boeuf, les moutons, la volaille de basse-cour, etc. Les animaux domestiques appartiennent à celui qui les a sous sa puissance; il ne cesse point d'en être le propriétaire, quoiqu'ils aient pris la fuite.

La seconde classe comprend les animaux sauvages qui jouissent d'une pleine liberté, qui ne cessent d'être libres que lorsqu'ils sont enchaînés, emprisonnés, retenus dans une cage, dans une ménagerie, etc., et qui s'échappent des qu'ils peuvent briser leurs fers ou forcer leur barrière, sans annoncer le dessein de retourner à leur premier maître. Les bêtes sauvages appartiennent au premier occupant. Mais on n'en acquiert la propriété que par une occupation réelle, c'est-àdire, par la prise de possession. Cependant un quadrupede, un poisson, un oiseau pris dans un piége, dans un filet, de manière à ne pouvoir s'en dégager, appartient à celui qui a tendu le piége ou le filet; quoiqu'il n'y ait pas de sa part une Occupation immédiate, il devient propriétaire de ces animaux, parce qu'ils ont perdu la liberté naturelle par son fait. Il en est de même d'une bête qui a reçu une blessure mortelle: elle appartient à celui qui l'a blessée. Le droit de proprieté sur les bêtes de cette classe ne dure pas plus que l'occupation. La bête que j'ai prise est à moi tant qu'elle est dans mes chaînes, dans ma ménagerie, dans ma volière ou dans mon vivier; mais elle cesse d'être à moi des l'instant qu'elle s'est échappée; elle appartient de nouveau au premier occupant, pourvu cependant qu'elle soit assez loin de moi pour que la poursuite en soit difficile.

La troisième classe s'étend aux animaux sédentaires qui sont d'une nature sauvage, mais qui sont apprivoisés par l'habitude qui les fixe ou les rappelle dans la retraite que l'homme leur a préparée : tels sont les pigeons, les lapins, les abeilles, etc. Il faut considérer les animaux de la troisième classe sous trois rapports: 1.0 avant qu'ils aient perdu leur liberté naturelle, et que l'homme s'en soit emparé; 2.0 depuis qu'il s'en est emparé, mais avant qu'il les ait accoutumés à vivre volontairement autour de lui; 3.0 depuis qu'il les a apprivoisés et qu'il leur a fait contracter l'habitude de revenir volontairement dans la retraite qu'il leur a choisie. Si on les considère dans les deux premiers états, il faut leur appliquer ce que nous avons dit des animaux sauvages. Dans le troisième cas, c'est-àdire, s'ils sont apprivoisés, on en conserve la proprieté, tandis qu'ils ont l'habitude de revenir. Mais lorsqu'ils ont disparu assez long-temps pour qu'on puisse présumer qu'ils ont perdu cette habitude, nous cessons d'en être propriétaires; ils reprennent leur première qualité d'animaux sauvages, et ils sont à la disposition du premier occupant. On présume qu'ils ont perdu l'esprit de retour, lorsqu'ils manquent deux ou trois fois de revenir à l'heure accoutumée dans leur ancienne demeure.

Ces principes généraux peuvent être modifiés par les lois du pays. Le droit françois actuel renferme sur l'occupation des différentes espèces d'animaux, quelques dispositions particulières.

que, pour faire une restitution entière et exacte, il faut rendre la même chose qui a été dérobée ou retenue, quand on l'a en

core en nature entre ses mains.

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En parlant de la restitution à laquelle est obligé le possesseur de mauvaise foi, nous avons dit que, lorsqu'on ne peut restituer le bien d'autrui en nature, on doit en restituer la juste valeur, et nous avons marqué les règles qu'on doit suivre alors. Nous ajouterons ici qu'il y a des cas où l'on est obligé de restituer, quoiqu'on n'ait ni la chose, ni la valeur de la chose qu'on a prise injustement

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1. Les droits seigneuriaux sur la chasse et la pêche sont abolis. Aujourd'hui, tout propriétaire indistinctement à le droit de détruire et de faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux réglements de police relatifs à lasûreté publique. (Loi du 4 août 1789.) Le propriétaire ne peut chasser sur ses propres terres non closes que pendant le temps où la chasse est déclarée libre par un arrêt que le préfet de chaque département rend à cet effet chaque année. ( Loi du 22 avril 1790. ) Il résulte aussi de la même loi que personne ne peut, sous aucun prétexte, chasser sur les terres d'autrui.

2.0 Relativement à la pêche, nous observerons, 10 que la pêche des rivières non navigables appartient aux propriétaires riverains (Avis du cons. d'Etat di 17 février 1805); 2.0 que le droit de pêche dans les fleuves ou rivières navigables n'appartient qu'au fermier de la pêche, et à ceux qui sont pourvus d'une licence. Tout autre individu ne pêchera qu'avec une ligne flottante tenue à la main (Loi du 4 mai 1802); 3.0 que, selon les anciennes ordonnances qui sont encore en vigueur sur ce poi it, la pêche de la mer est permise à tous les sujets du royaume; 4.0 que celui qui a droit de pêcher, doit se conformer, pour l'exercice de ce droit, aux lois générales et aux réglements locaux qui concernent la pêche. (Avis du cons. d'Etat, du 17 fevrier 1805.)

Cependant, quoiqu'on soit obligé de se conformer aux lois concernant la chasse et la pêche, on peut conserver le gibier qu'on a tué, les poissons qu'on a pris, même par contravention aux règlements de police. Cette décision s'accorde parfaitement, comme le remarque M. Merlin, avec le droit romain et les lois françoises, qui, en considérant le gibier qui vit dans les forêts, et les poissons qui vivent dans les rivières, comme n'appartenant à personne, sévissent bien contre ceux qui chassent et pêchent sans en avoir le droit, mais leur laissent le gibier et les poissons dont ils sont devenus propriétaires par occupation (nouveau Répert. verlo Gibier; Delvincourt, Cours de Cod. civ., etc., Maleville, Analyse du Cod. civ., etc.); seulement ils peuvent être tenus à des dommages-intérêts envers ceux qui ont l'adjudication de la chasse ou de la pêche."

3. Selon l'article 564 du Code civil, les pigeons, les lapins, les poissons qui passent dans un autre colombier, garenne ou étang, appartiennent au propriétaire de ces objets, pourvu qu'ils n'y aient point été attirés par fraude et artifice. Il y a, dit M. Maleville, un rédacteur du Code civil, des pigeons et des lapins prives, comme il y en a de sauvages; c'est de ces derniers seulement que notre article parle; et si des pigeons de volière ou des lapins domestiques alloient se joindre à ceux du voisin, il n'y a pas de doute que le premier proprietaire ne fút en droit de les reclamer, comme son coq et ses poules. Analyse raisonnée, etc., du Code civil, sur l'article 564. Les pigeons doivent être renfermés pendant la semaille et la moisson et durant ce temps ils sont regardés comme gibier, et cha

Par exemple, quand on a volé ou usurpé un bien, on est obligé de le restituer, ou sa valeur, quoiqu'on l'ait donné, vendu ou consommé, et que même on n'en soit pas devenu plus riche; parce que, dès qu'on l'a pris injustement, on en doit répondre à ceux à qui il appartenoit.

On doit dire de même, dans le cas où l'on a acquis de mauvaise foi un bien volé ou usurpé, sachant que celui de qui on l'acquéroit l'avoit volé: on est aussi obligé alors à le restituer, ou sa valeur, quelque usage qu'on en ait fait; parce que se rencun a le droit de les tuer sur son terrain. (Loi du 4 août 1789.) Cette disposition est fondée sur ce que, généralement parlant, il est impossible au propriétaire du champ que les pigeons d'autrui ont dévasté, de découvrir le propriétaire de ces pigeons. Comme ils ont coutume de se répandre au loin, l'on ne peut presque jamais prouver de quel colombier ils sont sortis. D'où résulte l'impossibilité de se dédommager du tort ou du dégât causé par les pigeons, autrement qu'en usant du droit de les tuer et de s'en emparer lorsqu'on les surprend dans ses propriétés. Mais c'est le seul cas où cessent les anciens réglements, qui défendent, soit de tirer sur les pigeons d'autrui, soit de les prendre avec des filets, ou de toute autre

maniere.

Comme les lapins d'une garenne sont la propriété de celui à qui la garenne appartient (Cod. civ., art. 564), il s'ensuit, d'après l'article 1385 du Code civil, que le propriétaire de la garenne est responsable des dégâts qu'ils ont causés aux terres voisines. Sic jugé par la Cour de cassation le 3 janvier 1810. Mais on ne doit point les considérer comme gibier, (Voyez le nouveau Répert. de jurisp., verbo Gibier.)

4. Selon la loi du 6 octobre 1791, le propriétaire d'un essaim a droit de le réclamer et de s'en ressaisir, tant qu'il n'a point cessé de le poursuivre, autrement l'essaim appartient au proprietaire du terrain sur lequel il s'est fixe. Selon le droit romain, il faut, pour acquérir la propriété d'un essaim, qu'il y ait prise de possession, en l'enfermant dans une ruche, si alius eas ( apes) incluserit, is earum dominus erit. Cette disposition paroît plus conforme à la nature de la propriété des animaux qui ont recouvré leur liberté naturelle. Ainsi, il ne paroît pas qu'on soit tenu, du moins avant la sentence du juge, de rendre l'essaim dont on a pris possession, à celui sur le terrain duquel il s'étoit arrêté. Examen quod ex alveo tuo involaverit, eousque intelligitur esse tuum, donec in conspectu tuo est, nec difficilis persecutio ejus est; alioquin occupantis sit. ( Inst. ff. 14, de divis. rerum.

II. Quant aux choses perdues, dont le maître ne se présente pas, elles sont réglées par des lois particulieres. (Cod civ., art. 717.) Comme il n'a point été fait de lois nouvelles concernant les choses dont il s'agit, on est obligé, comme l'observe M. Toullier, de recourir aux anciennes; ce qui cause nécessairement de T'embarras et de l'incertitude; parce que ces lois se trouvant aujourd'hui entremêlées de dispositions abrogées ou tombées en désuétude, il devient difficile de distinguer les dispositions qui sont encore en vigueur.

Or, 1.0 selon les anciennes ordonnances non abrogées, tous les effets, paquets, balles et ballots, qui se trouvent dans les bureaux des carosses, coches, messageries et maisons où se tiennent des voitures publiques, tant par terre que par eau, qui n'ont point été réclamés pendant l'espace de deux ans révolus, et dont on ne connoît point le propriétaire, appartiennent au domaine public à titre d'épaves. Ce délai de deux ans est fatal, suivant la déclaration du 20 janvier 1699. Après

dant complice du vol de l'usurpateur, en l'acquérant de lui, on s'est chargé de l'obligation de le restituer.

Quand on a causé par sa faute du dommage au prochain, généralement parlant, on est obligé, quoiqu'on n'en ait pas profité, de le réparer en entier, même avant que d'y avoir été condamné par sentence du juge: car, par l'action qui a causé le dommage, l'on a ôté en quelque manière au prochain ce dont on l'a privé par le tort qu'on lui a fait : or, la justice veut qu'on rende au prochain ce qu'on lui a enlevé, et qu'en le dédommageant, on le remette dans son premier état, si cela se peut, sans attendre qu'on y soit condamné.

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A l'égard de l'amende que les lois ordonnent pour punir ceux qui sont responsables d'un dommage, on n'est obligé de la payer que quand on y a été condamné par la sentence du juge;

ce temps écoulé, le régisseur des domaines peut faire vendre ces effets au profit de l'état.

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2.0 Les effets abandonnés et non réclamés dans les greffes criminels doivent également être vendus au profit du domaine public. On le jugeoit ainsi dans l'ancienne jurisprudence, et la loi du 11 germinal an IV l'ordonne expressément; mais elle donne aux propriétaires le droit de former leur réclamation pendant le délai d'une année, à compter du jour de la vente. Après ce terme aucune récla mation n'est reçue.

3.0 Quant aux autres épaves, certaines coutumes en donnoient le tiers à l'inventeur, et les deux autres tiers au seigneur du lieu. D'autres coutumes attribuoient les épaves au seigneur en entier. (Les droits du seigneur sur les épaves sont abolis.)

4.0 En Franche-Comté et dans plusieurs autres provinces, on n'attribuoit au seigneur que les bêtes égarées, qui sont proprement appelées épaves: quant aux autres objets, tels que l'argent, les bijoux, etc., on les laissoit à l'inventeur, conformément au droit romain, dont les dispositions, à cet égard, sont adoptées par le plus grand nombre des jurisconsultes anciens et modernes. C'est aussi la doctrine de quelques théologiens. V. Toullier, Droit civ. fr. tom. 4, n.o 48 et 49; Merlin, nouv. Rep., verbo Epaves; Dunod, Coutume du comté de Bourgogne, ch. 2, n. 15.

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Mais quid pour la pratique du for intérieur? 1.0 Tous conviennent que celui qui a trouvé une épave, une chose égarée, qui soit considérable, doit la faire publier dans les lieux où elle a été trouvée, afin qu'on puisse la réclamer; et que l'inventeur ne peut se l'approprier, sans qu'on ait fait préalablement les publications accoutumées; 2.o qu'on doit la rendre à celui qui la réclame, s'il prouve qu'il en est le véritable propriétaire; 3.0 qu'au défaut du propriétaire, l'on nes pourroit s'opposer au régisseur des domaines, qui, en vertu de quelque loi, la réclameroit pour l'état ; car on ne peut contester à l'état le droit de revendiquer et de s'approprier les choses perdues, dont on n'a pu découvrir le propriétaire : 4.0 enfin, si l'épave n'étoit point revendiquée par le propriétaire, ni par l'état, le parti le plus sûr seroit, en suivant le sentiment commun des théologiens, de disposer de cette épave en faveur des pauvres. Cette dernière décision est égale ment applicable aux choses qui sont trop peu considérables, pour mériter d'être publiées.

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