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Pour savoir en quel lieu et aux dépens de qui doit se rendre le bien d'autrui qu'on possède en vertu d'un contrat passé sans aucune injustice, il faut examiner à l'avantage de qui est ce contrat: s'il est tout à l'avantage du bailleur, ainsi que dans le dépôt, on n'est obligé de rendre ce qui appartient à autrui, que dans le lieu où on l'a reçu, et où l'on avoit promis de le garder. C'est à celui qui a déposé, à faire les frais du transport du dépôt; si ce n'est qu'on l'eût mis de mauvaise foi en un autre lieu que celui où l'on devoit le garder: la raison est que le dépôt n'oblige qu'à la simple garde.

Si ce dépôt avoit été volé au dépositaire, et qu'on l'eût transporté dans un pays éloigné, ce seroit au voleur, s'il étoit découvert, à faire la dépense du retour de ce dépôt; le dépositaire n'y seroit pas obligé, à moins que ce vol ne fut arrivé par sa faute. Nous avons dit ci-devant de quelle faute le dépositaire est responsable.

Si le contrat est tout à l'avantage du preneur, ainsi que dans le prêt gratuit, il est obligé de faire les frais de la restitution et de restituer dans le lieu où il a reçu: ainsi, lorsqu'on a emprunté une somme, on doit la rembourser dans le lieu du domicile qu'avoit le céancier lorsqu'il a prêté, qui est censé celui où l'on a promis de faire le remboursement, à moins qu'on ne fût convenu, en empruntant, de remettre cette somme ailleurs. Il faut observer que, si le débiteur s'étoit chargé de faire des dépenses considérables pour rendre cet argent en un certain lieu au temps du remboursement, il y auroit de l'usure. Par exemple, Pierre étant à Paris, prête à Paul la somme de mille écus, ensuite il va s'établir à Marseille; Paul n'est pas obligé de faire rendre à. Pierre cette somme à ses frais et dépens.

Tous les frais que celui qui a emprunté doit faire pour faire rendre à son créancier les deniers empruntés au lieu du domicile qu'il avoit lors du prêt, doivent être supportés par le débiteur : le créancier ne doit pas souffrir pour lui avoir prété.

A l'égard des contrats qui sont à l'avantage du preneur et du bailleur, s'il s'agit d'un contrat de louage, et que la chose louce soit mobiliaire, il faut la rendre au maître à ses frais et dépens dans le lieu où on l'a louée si la chose louée est immobiliaire, telle qu'est une terre ou une maison affermée, il faut en payer les loyers au lieu dont on est convenu par le contrat: si le pre

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neur les doit payer au lieu où il demeure, il n'est tenu d'aucuns frais pour les

les faire remettre mais il doit les supporter, s'il est obligé de

son

au bailleur dans un autre endroit éloigné de domicile.trajanja k

S'il s'agit d'un gage reçu en nantissement lorsqu'on a prêté, il doit être rendu au lieu du domicile qu'avoit le créancier lorsqu'il l'a reçu, à moins que les contractants ne soient convenus du contraire. S'il faut faire des dépenses pour envoyer ce gage au débiteur, ce doit être à ses frais et dépens, à moins que le créancier, ayant changé de domicile, ne l'eût emporté avec lui: car alors celui-ci seroit au moins obligé de faire les frais du rapport de ce gage dans son premier domicile où il l'avoit reçu. Le débiteur étant chargé des frais ordinaires dans le premier parce que ce prêt a été fait pour lui faire plaisir, le créancier doit faire les frais du transport extraordinaire dans le second. cas, ce gage lui ayant été donné pour sûreté de son rembour

cas,

sement.

*S'il s'agit de ventes et d'achats, le prix de ce qui a été acheté doit communément se payer au lieu où il a été vendu; à moins que les contractants n'en fussent convenus autrement. L'acheteur est chargé de tous les frais qu'il faut faire pour faire tenir au vendeur, dans le lieu réglé par la vente, le prix de ce qu'il a acheté. Mais si l'acheteur ne peut, sans en souffrir, payer ailleurs qu'au lieu où la chose lui a été vendue, le vendeur, en l'exigeant de lui, doit lui céder à un plus bas prix ce qu'il lui vend, afin qu'il y ait quelque compensation.

AUX RISQUES,

ET PÉRILS DE QUI LA RESTITUTION DOIT ÊTRE FAITE.

Nous parlons de la restitution qui ne peut être faite immédiatement au maître de la chose qu'on restitue, ou parce que ce propriétaire est absent, ou parce qu'il est de l'intéret de celui qui restitue de ne pas se faire connoître. On demande qui doit sup porter la perte, en cas que ce qu'on envoie pour le restituer vienne à périr en chemin, soit par la faute de celui qui sa sété chargé de le porter au propriétaire, soit par cas fortuit?.....

Lorsqu'on renvoie à une personne une chose qui lui appar

tient, et que l'on avoit entre les mains pour l'avoir achetée et reçue dans la bonne foi, ou pour l'avoir trouvée, on n'est pas responsable si elle périt en chemin; pourvu qu'en la renvoyant on ait pris les précautions suffisantes afin qu'elle fût remise à celui qui en est le maître : c'est sur le compte du maître qu'elle est perdue, parce qu'alors celui qui la renvoyoit n'est pas en faute. Un voleur ou possesseur de mauvaise foi est garant et responsable des choses qu'il doit restituer, jusqu'à ce qu'il les ait remises sûrement et actuellement entre les mains de la

personne à qui elles appartiennent; de sorte que, si ces choses périssent auparavant, sans sa faute comme par sa faute, même par un cas fortuit, soit qu'il les eût encore entre les mains, soit après les avoir renvoyées à leur maître par une personne qu'il avoit chargée de les lui remettre, quel que soit ce commissionnaire, particulier ou voiturier public, le voleur ou possesseur de mauvaise foi est obligé d'en rendre la valeur, et de les restituer sur le pied qu'elles valoient lorsqu'il les avoit entre les mains, en cas qu'elles aient diminué de prix : la raison est qu'un débiteur injuste n'est point déchargé de la restitution, jusqu'à ce qu'il ait dédommagé celui à qui il a fait tort, en lui rendant réellement tout ce qu'il a à lui.

Lorsqu'un créancier renvoie à son débiteur un gage qu'il avoit reçu de lui en nantissement d'une somme qu'il lui avoit prêtée; s'il a pris des mesures justes pour le lui faire remettre, et qu'il se perde en chemin, c'est sur le compte du débiteur, puisqu'il en est toujours le maître. Mais, si le créancier l'avoit emporté hors du lieu où il devoit le rendre, et que, lorsqu'il l'y a renvoyé, ce gage se soit perdu, c'est lui qui en doit porter la perte, parce qu'il s'en est rendu garant en le portant ailleurs, à moins qu'étant obligé de changer de domicile, il n'eût eu permission du débiteur d'emporter ce gage avec lui.

Une chose due par contrat périt pour le créancier, s'il en conserve le domaine; mais elle périt pour le débiteur auquel le domaine est transporté; parce qu'un bien doit périr sur le compte de celui auquel il appartient, comme il doit profiter à son avantage. Voilà pourquoi, lorsque la chose doit être rendue en elle-même et en individu, comme il arrive dans le dépôt, dans le prêt à usage, etc., c'est celui auquel appartient le dépôt ou ce qui a été prété à usage, qui doit en supporter la perte,

parce qu'il n'a jamais cessé d'en être le maître; à moins qu'il n'y ait eu quelque faute qui en rende responsable celui qui étoit chargé de la lui renvoyer. Mais, lorsque la chose ne doit pas être rendue en elle-même et en individu, comme il arrive dans le prêt appelé mutuum, ou dans la vente lorsqu'elle est consommée, c'est le débiteur qui doit en supporter la perte; parce qu'il a acquis le domaine, et de ce qui lui a été prété, et de ce qu'il a acheté. Ainsi, si Pierre avoit envoyé à Paul cent écus qu'il lui devoit, dans une bourse appartenant à ce dernier qui la lui avoit aussi prêtée, et que le tout eút été perdu, la perte des cent écus seroit pour le compte de Pierre, et celle de la bourse seroit pour celui de Paul.

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Celui qui a prié un de ses amis de lui prêter une somme d'argent ou des denrées, et de les confier à une telle personne qu'il lui a marquée, doit en porter la perte, si cette perte est arrivée depuis que cette personne en a été chargée; parce qu'alors il est censé avoir reçu cet argent ou ces denrées, pourvu toutefois celui qui a prêté ne fut pas assuré de l'infidélité de ce commissionnaire qu'on lui indiquoit, étant plus en état de le connoître que l'emprunteur qui le croyoit honnête homme, et qui ne s'y seroit pas fié s'il l'avoit connu tel qu'il étoit.

que

Si un créancier adresse à son débiteur une personne exprès pour retirer ce qui lui est dû, ou laisse à ce débiteur la liberté de le lui renvoyer par telle personne qu'il voudra, qui ait la réputation de probité; le débiteur s'y étant conformé, c'est sur le créancier qu'en doit tomber la perte, si elle a lieu : dans le premier cas, parce que la personne qu'il avoit adressée au débiteur le représentoit pour recevoir ce qui lui étoit dû: dans le second cas, parce que le débiteur n'a en effet confié ce qu'il envoyé,qu'à un homme qui étoit reconnu pour avoir de la probité, et qu'alors il a fait tout ce dont le créancier l'a chargé.

DES CAUSES LÉGITIMES

POUR LESQUELLES ON PEUT DIFFÉRER OU SE DISPENSER DE RESTITUER.

L'IMPUISSANCE de restituer est une cause juste et légitime qui donne droit de différer la restitution à laquelle on est obligé, ou qui en exempte. Il y a deux sortes d'impuissance de resti

tuer: l'une s'appelle physique, quand on n'a rien, c'est-à-dire, qu'on n'a aucun bien pour restituer; l'autre, qui se nomme morale, est une grande difficulté qu'il y a à pouvoir restituer, laquelle a lieu lorsqu'on ne le peut absolument, sans se faire un tort considérable, par exemple, sans perdre son honneur, sans tomber dans une extrême pauvreté, sans s'exposer à perdre la vie.

L'impuissance physique exempte de restituer, parce que personne n'est obligé à l'impossible. Celui à qui il est dû est censé alors consentir, selon les règles du précepte de la charité, que celui qui lui doit soit exempt de lui rendre ce qui lui appartient. Mais il faut que celui qui est dans cette impossibilité ait la volonté de restituer, s'il se trouve un jour en état de le faire: un confesseur ne doit pas absoudre celui qui ne seroit pas alors dans cette disposition; il doit même bien examiner le pénitent, pour empêcher qu'il ne se trompe dans le jugement qu'il fait de l'im→ possibilité de restituer où il se croit: car plusieurs se plusieurs se flattent sur cet article, et s'abusent. Celui qui est véritablement dans l'impuissance absolue de restituer, n'est pas obligé de demander à son créancier la remise de sa dette: car, quand un créancier ne voudroit pas, dans ce cas, remettre ce qui lui est dû, on ne seroit cependant pas obligé de le payer ou de le dédommager. Il n'est nécessaire de demander cette remise, que lorsqu'on doute si l'on est véritablement dans l'impossibilité de restituer.

L'impuissance morale de restituer ne consiste pas dans un point indivisible, elle a plus ou moins d'étendue, selon les différentes circonstances. Elle se mesure principalement sur la qualité du débiteur et sur celle du créancier : ainsi il est difficile de décider en particulier, quand l'impuissance est au point qu'elle excuse le débiteur de la restitution. C'est pourquoi les directeurs qu'on consulte sur cette matière, doivent ne rien décider qu'ils n'aient mûrement et soigneusement examiné ce qu'on leur propose, avant de donner leur réponse. Nous allons expliquer, par plusieurs solutions, ce qu'on doit entendre par la véritable impuissance morale qui donne lieu de différer une restitution, ou qui en exempte entièrement, lorsqu'on ne pourroit restituer sans se faire un tort considérable.

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On est censé dans l'impuissance de restituer, quand on a be

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