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parmi ceux qui avaient cru voir l'abolition du concordat de 1817 dans l'accord de 1819. Tel est l'état réel des choses.

Les évêques nommés en 1817 sont appelés successivement en 1819 à remplir les siéges de 1801. L'installation de l'archevêque de Paris a donné le signal des autres, et chaque jour voit de nouveaux siéges remplis en vertu de ce nouvel accord. Par là du moins aura été fait un bien sensible à tous les cœurs chrétiens, car il était aussi trop pénible comme trop inexplicable de voir l'épiscopat s'éteindre dans un pays qui a fait du culte catholique, un article de sa loi fondamentale. Il était trop déplorable de voir les obstacles qui causaient, depuis 1808, ces tristes lacunes dans l'épiscopat, provenir du fait même des gouvernemens; et c'est en cela que se fait bien ressentir le malheur de cette protection tant célébrée du spirituel par le temporel. Si celui-ci voulait consentir à garder pour lui cette protection, les évêques ne manqueraient jamais! De même si le Pape n'intervenait pas dans l'institution, le veuvage serait inconnu dans l'église; il a commencé avec les concordats. Lorsque les conciles provinciaux instituaient, donner un évêque à son église était l'affaire d'un jour; maintenant il faut des années et souvent beaucoup d'années. Au septième siècle, l'église d'Afrique comptait plus de huit cents évêques, et l'on n'a pas entendu dire qu'il en ait jamais manqué un seul. C'est qu'alors il n'y avait ni cour de Rome, ni concordats, ni princes protégeant l'église avec un ministre des cultes. Mais depuis l'introduction de ces désastreux auxiliaires, l'Église a été si bien aidée, si bien protégée, qu'on a vu trop souvent les églises sans évêques et les évêques sans églises.

Maintenant considérons le nouvel accord sous des rapports plus étendus, ceux qui concernent, 1°. La France.

2. L'extention de l'autorité du Pape. 3o. La juridiction épiscopale.

Quant à la France, l'accord de 1819 la constitue en véritable pays d'obédience, puisque, d'après lui, presque la moitié des diocèses sont gouvernés par des vicaires apostoliques. Par cet acte, le Pape ayant investi les évêques anciens, comme ceux qui sont institués par suite de cet accord, de l'administration de la partie des diocèses qui en a été distraite par le concordat de 1817, il s'ensuit que ce n'est qu'en qualité de vicaires apostoliques qu'ils les gouvernent. Dans l'espace de deux années, le Pape a agi deux fois sur ces évêques; en 1817, il leur retira ces parties de diocèses; en 1819, il les leur rend. Dans l'état actuel, ce n'est point une juri

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diction propre que ces prélats exercent, mais seulement une juridiction commissionnelle, et par conséquent révocable de sa nature. Le Pape peut révoquer cette commission, au même titre qu'il l'a donnée. Les évêques de France sont donc dans ce moment, de vrais évêques dans une partie de leurs diocèses, et des vicaires apostoliques dans l'autre. Par là se réalise la prétention si chère à Rome, de se considérer comme la maîtresse de l'épiscopat. En invoquant d'elle l'usage de la faculté de faire et de défaire, ne la confirme-t-on pas dans sa prétention favorite d'être la source unique et immédiate de l'épiscopat; à elle seule appartient une origine céleste, les autres la reçoivent d'elle. Rome entend que son pouvoir à elle soit attaché au trône de Dieu, mais elle entend aussi que tous les autres ne le soient qu'au sien propre; c'est en se renfermant dans cette enceinte sacrée, en écartant tous les autres de ce cercle révéré, qu'elle travaille à cimenter un pouvoir à part, supérieur à tous les autres, et fait pour les dominer tous également. Ce qui vient d'être fait, est très propre à fortifier cette prétention. A défaut de pouvoir s'étayer de principes soit reconnus par l'Eglise, soit avoués par la raison, Rome cherche à s'appuyer sur des faits, et fait des droits avec des faits. Tout ce

qui lui a été accordé une fois, de fait qu'il était,

devient et est présenté par elle comme un droit; elle a toujours procédé ainsi. Son pouvoir est un enchaînement de précédens et de conséquens qui s'appuient mutuellement, et qu'elle appelle sans cesse à se prouver les uns par les autres. Elle conclut de ce qui a été à ce qui doit être, et regarde comme acquis pour les siècles, ce qui a été admis un jour. Cette manière de procéder doit rendre très vigilant dans toute transaction avec Rome, pour éviter que sa subtilité ne trouve moyen de s'y insinuer, et que ses prétentions n'en fassent des instrumens pour s'enfler ou pour se confirmer.

L'accord de 1819 donne à Rome un moyen toujours dangereux d'influer sur la tranquillité de l'État; l'ordre religieux en est le pivot. Mais, par l'accord nouveau, il dépend du Pape; car il peut arrêter, modifier, annuler à son gré cet accord. L'état religieux de la France ne dépend plus des lois, chose stable, mais d'une concession, chose instable, puisqu'elle résulte d'une volonté particulière. S'il plaisait au Pape de retirer cet indult, car ce n'est pas autre chose, que deviendrait l'ordre religieux en France? Par là même, les diocèses se trouveraient partagés en deux parties, dont l'une serait remplie et l'autre vacante; la juridiction, conférée par le concordat de 1817, reprendrait son cours suspendu par l'accord de 1819; la moitié des évêques, ceux nommés et institués en 1817, auraient à la redemander aux évêques qui l'exercent d'après l'indult de 1819. L'Etat, l'Eglise et les peuples pourraient se trouver dans le plus affreux désordre.

Cet indult étant seulement à temps, mais à temps indéterminé, le Pape ayant réservé expressément et pour un bref délai, le concordat de 1817, le Roi s'étant engagé à le faire exécuter, les évêques n'ayant accédé que sous l'assurance de cette exécution prochaine, il est évident qu'il est au pouvoir de la cour de Rome de réclamer l'exécution immédiate de ce concordat, toutes les fois qu'elle le jugera convenable; elle n'aura pas à s'inquiéter de l'opportunité pour le Roi de France, de s'informer si les circonstances lui permettent de proposer, avec apparence de succès, ce qu'elles l'ont forcé à retirer. Rome sera à son droit pour le maîtriser, si elle le veut; et dans ce cas, que pourrait-il arriver, ou plutôt que n'arriverait-il pas d'après les dispositions manifestées par la nation? Elle s'est montrée très éloignée de ce concordat; le lui présenter de nouveau, serait peu favorable à qui l'essaierait. Cependant le Pape a reçu du nouvel accord le droit de sommer le Roi de France de l'exécuter, c'est-à-dire de faire prévaloir ce qui plaît à lui, Pape, sur ce qui déplaît

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