comprenant chacun un coup prolongé suivi d'un coup bref. Dès que le conducteur d'arrière a entendu les coups de sifflet spéciaux dont il s'agit, il doit immédiatement descendre pour couvrir le train à l'arrière, comme s'il s'agissait d'un arrêt en pleine voie. Cette obligation a pour conséquence, dans la plupart des cas, l'abandon en route du conducteur d'arrière, car il est extrêmement rare que celui-ci ait le temps d'aller faire les signaux à la distance réglementaire et de rejoindre ensuite son train avant qu'il ait pu repartir; ce cas se présente cependant quelquefois, lorsque le conducteur dont il s'agit rencontre un agent de la voie par lequel il peut, aux termes des règlements, se faire suppléer pour assurer les signaux convenables. Mais, en dehors de ce cas, le train est obligé de s'arrêter à la première station ouverte au service, afin que le chef de train puisse s'y concerter avec le chef de cette station et remplacer le conducteur de queue abandonné pour la couverture du train. On peut éviter l'inconvénient qui résulte pour le service de cet emprunt des agents des gares en plaçant des signaux fixes aux points où les arrêts des trains se produisent fréquemment. Il n'y a plus nécessité de couverture à l'arrière, puisque le train se trouve protégé par un signal fixe. C'est ainsi que les signaux avancés des gares sont, comme nous l'avons déjà fait remarquer, placés à une distance suffisante pour protéger un train arrêté aux abords de la gare; le poteau limite de protection marque le point exact que le dernier véhicule du train doit avoir franchi pour que ce train soit considéré comme couvert. De même aux abords de certaines bifurcations, on place quelquefois des signaux spécialement destinés à couvrir un train arrêté; sur le réseau d'Orléans, ces signaux sont fermés par le conducteur d'arrière, qui doit en outre les rouvrir au moment où le train repart. M. Bricka a fait remarquer que ce système ne donne pas une sécurité absolue, car on est obligé d'admettre que le signal qui protège le train est rouvert avant que celui-ci ait repris sa marche; un second train arrivant en vitesse au même moment peut donc venir rejoindre et tamponner le premier train avant qu'il ait eu le temps de démarrer ou de prendre une allure suffisamment rapide. ESPACEMENT DES TRAINS. BLOCK-SYSTEM. La règle générale suivie depuis la création des chemins de fer pour assurer la sécurité de l'exploitation, en ce qui concerne les trains qui se suivent dans le même sens, consiste dans la protection des trains par le temps, c'est-à-dire qu'en un point quelconque d'une ligne, aucun train ne peut passer avant qu'il se soit écoulé un certain temps, variable suivant les circonstances, depuis le passage du train précédent de même sens. Bricka. Cours de Chemins de fer. Les règles adoptées sur les réseaux français à cet égard ne sont pas absolument identiques; toutefois elles peuvent se résumer ainsi qu'il suit : Aucun train, aucune machine ne doit quitter une station ou la dépasser avant qu'il se soit écoulé, depuis le départ ou le passage du train précédent, un intervalle de dix minutes; cet intervalle peut être réduit à cinq minutes. dans les cas suivants : 1° lorsque le premier train marche plus vite que le second; 2° lorsque la distance à parcourir sur la même voie par les trains qui se suivent ne dépasse pas 2 kilomètres. L'intervalle peut même être réduit à trois minutes, sur quelques réseaux, lorsque deux trains se succédant à une station d'embranchement doivent, à moins d'un kilomètre de cette station, prendre chacun une direction différente. En conséquence de l'application de ces règles, à chaque passage d'un train à une gare où il ne s'arrête pas, le signal avancé est mis à l'arrêt aussitôt après le passage du train et maintenu dans cette position pendant le temps réglementaire. Lorsque le train s'arrête à la gare, le signal avancé est mis à l'arrêt aussitôt que le train l'a dépassé et maintenu dans cette position pendant tout le temps du stationnement du train; il n'est ensuite effacé, après son départ, qu'à l'expiration de l'intervalle réglementaire. Sur certains réseaux, notamment sur celui de l'État, l'espacement des trains est également maintenu par les agents de la voie au moyen d'un drapeau rouge ou d'une lanterne à feu rouge. En outre, certains règlements fixent un second délai, pendant lequel on présente aux trains le signal de ralentissement. Tel est, dans ses dispositions générales, le système qui a été seul employé pendant fort longtemps sur tous les chemins de fer. Insuffisance de la protection par le temps. - On comprend que ce système, quand il est appliqué avec beaucoup de soin, puisse offrir des garanties de sécurité. Ses inconvénients sont cependant nombreux. En premier lieu, il laisse une trop large part à la négligence des agents; il est clair, en effet, que l'appréciation du temps écoulé depuis le passage d'un train, surtout quand la circulation est importante, exige de la part du personnel une grande attention et une présence continuelle, lesquelles sont difficiles à obtenir. En outre, les signaux d'arrêt ou de ralentissement ne peuvent être faits qu'en certains points déterminés de la ligne, soit aux gares, soit en pleine voie, et, en dehors de ces points, les mécaniciens en sont réduits à voir par eux-mêmes s'ils n'ont pas devant eux un train qu'ils vont heurter; on conçoit toute l'insuffisance de cette garantie la nuit ou en cas de brouillard. En second lieu, ce système impose une grande gêne pour le règlement de la marche des trains, et il peut occasionner des arrêts en pleine voie qui sont toujours une grande complication pour l'exploitation. Aussi, depuis bien longtemps déjà, a-t-on complété et modifié ce système par l'emploi des pétards. Aux termes de certains règlements, toutes les fois qu'un train ralentit sa vitesse au point qu'il puisse être suivi par un homme marchant au pas, le conducteur d'arrière doit descendre sur la voie et poser de kilomètre en kilomètre des pétards sur le rail. Il est clair que cette prescription est une dérogation au système de la protection par le temps, et une application de la protection par la distance, attendu que les pétards restant sur la voie ont précisément pour effet de protéger le train à une distance assez grande pour permettre au train suivant de s'arrêter. Mais l'emploi des pétards est lui-même insuffisant pour assurer une sécurité absolue, et il présente aussi des inconvénients. En effet, les pétards placés sur la voie y restent, alors même qu'ils ne servent plus à rien et, par suite, ils retardent sans aucune utilité la vitesse des trains suivants. De plus, il y a nombre de cas dans lesquels le système précédent peut être en défaut. Supposons en effet un train qui, pour une raison quelconque, soit obligé de ralentir sa marche, sans cependant aller assez lentement pour qu'un homme marchant au pas puisse le suivre ; dans ce cas, point de pétards sur la voie et, par suite, pas de protection; il peut arriver alors qu'il soit rejoint par un train à vitesse normale, même si l'intervalle qui séparait les deux trains était de dix minutes au dernier point de surveillance. Il peut se faire également que le conducteur d'arrière soit endormi et ne s'aperçoive pas du ralentissement; dans ce cas encore, pas de pétards et par suite pas de protection. Enfin, l'exécution de la prescription relative aux pétards n'est pas toujours immédiate, parce que les conducteurs veulent souvent connaître la cause du ralentissement avant d'aller protéger leur train, dans la crainte d'être laissés sur la voie, si le train reprend sa vitesse normale. Tous ces inconvénients sont connus depuis fort longtemps, et l'on peut dire que, dès l'origine des chemins de fer, on a eu l'idée de protéger les trains par la distance et non plus par le temps. Dès 1843, un ingénieur anglais, W.-F. Cooke, écrivait ce qui suit dans un ouvrage appelé Telegraphic Railways : « Chaque point de la voie est un point dangereux que l'on doit couvrir par des signaux à distance. Toute la voie doit, par conséquent, être divisée en sections, et, à la fin ainsi qu'au commencement de chacune d'elles, doit se trouver un signal à distance, au moyen duquel on ouvre à chaque train l'entrée de la section, lorsqu'on est sûr que celle-ci est libre et peut être parcourue, exactement comme si chacune des sections était une station ou une bifurcation. Comme ces sections sont trop longues pour qu'un signal puisse être manoeuvré au moyen d'un fil de traction, la manœuvre doit se faire par l'électricité. « A la fin de chaque section de 2 à 2,5 milles anglais de longueur (3,2 à 4 kil.), on place dans une loge un garde ayant à sa disposition un disque tournant ou un sémaphore. Dans chaque loge, doivent se trouver deux télégraphes à aiguille, celui de droite étant en communication avec celui de gauche de la loge voisine. « Le télégraphe à aiguille ne peut donner que deux signaux voie libre (line clear) et voie occupée (line blocked). << Tous les sémaphores de la section doivent se trouver sur arrêt. » Telle est l'origine première du système d'exploitation qu'on n'a pas tardé à substituer à l'ancien, en Angleterre, qu'on emploie maintenant d'une manière courante sur tous les chemins de fer, et qu'on désigne sous le nom de block-system. Définition du block-system. Voici comment ce système d'exploitation est défini dans le rapport adressé, le 8 juillet 1880 au ministre des Travaux publics, au nom de la Commission d'enquête sur les moyens de prévenir les accidents de chemins de fer: << Cette méthode consiste à diviser la ligne en sections ou cantons «<blocks », de longueur convenable, et à ne jamais permettre que deux trains se trouvent simultanément dans une de ces sections, aucun train ne devant pénétrer dans une section que lorsque celui qui le précède en est sorti. Chaque train, quelles que soient sa nature et sa vitesse, sur une ligne exploitée par cantonnement, est donc toujours couvert, pendant sa marche aussi bien que pendant ses arrêts, par une zone de protection suffisante, et, quelles que soient les vitesses des trains en mouvement sur une pareille ligne, de quelque façon que ces vitesses se combinent entre elles, normalement out accidentellement, tant que les signaux du block sont rigoureusement faits et strictement observés, aucune collision n'est possible. » Tel est le block-system absolu, dans sa définition la plus stricte. Ce système qui procure une sécurité complète, a soulevé cependant des objections de la part de certains ingénieurs. Ils considèrent en effet qu'il peut y avoir dans certains cas de graves inconvénients pour l'exploitation à forcer un train à s'arrêter absolument à l'origine d'une section bloquée, plutôt qu'à déroger à la rigueur du principe en prenant certaines précautions. Voici comment s'exprimait à cet égard M. Sartiaux, chef de l'exploitation au chemin de fer du Nord, dans une note sur le block-system (Revue générale des Chemins de fer, nov. 1883) : <«< Il est facile de dire dans un règlement qn'un train ne peut pénétrer dans une section que quand il a l'assurance que celui qui le précédait a quitté cette section. Mais, dans la réalité d'une exploitation, cette règle ne peut être appliquée absolument. Un train qui se présente vis-à-vis d'une section, dont l'entrée est interdite par des signaux à l'arrêt, peut bien attendre quelques instants que la section soit débloquée. Mais, que convient il de faire si cette fermeture et cette interdiction se prolongent? Le train précédent peut se trouver en détresse ou en quasi-détresse dans la section. bloquée; les appareils du block-system peuvent étre dérangés et ne plus fonctionner. « Va-t-on forcer le second train, auquel les hésitations du début ont déjà fait perdre un certain temps, à accentuer encore cette perte de tout le temps nécessaire pour connaître les causes de la fermeture de la section, et va-t-on l'obliger ainsi à perdre complètement son itinéraire, à manquer toutes ses correspondances, etc.? Va-t-on mettre ce second train dans la nécessité de stationner vingt, trente, quarante minutes et plus à l'entrée de la section bloquée, au risque d'arrêter tout le mouvement derrière lui, de troubler au moins gravement le service en deçà, et de faire refluer ce trouble jusque sur les lignes non munies du block-system, ou, ce qui est pis encore, jusque sur des lignes à voie unique, où le moindre dérangement de service est une cause de danger bien plus grave que l'introduction, avec certaines précautions, d'un second train dans une section bloquée ? Ce sont là des questions auxquelles il est difficile de répondre d'une manière absolue et dont la solution dépend essentiellement des conditions spéciales à chaque exploitation, de la configuration du réseau, du nombre de trains, de leur nature, de leur répartition aux différentes heures de la journée, etc. On conçoit donc facilement que les règlements adoptés par les diverses administrations de chemins de fer ne soient pas identiques, et que chacune ait choisi celui qui lui paraissait le mieux approprié aux nécessités et aux besoins de son exploitation. >>> Dans le but d'éviter les inconvénients du block-system absolu, on a eu l'idée en Angleterre de lui substituer ce qu'on a appelé le block-permissivesystem. Dans ce mode d'exploitation, les appareils qui indiquent qu'une section est bloquée ne commandent pas l'arrêt absolu; ils ont la même valeur que les disques à distance, c'est-à-dire que, lorsqu'un mécanicien se trouve à l'endroit d'une section bloquée, il doit se rendre immédiatement, et par tous les moyens dont il dispose, maître de sa vitesse, de façon à pouvoir toujours s'arrêter dans la partie de voie qui est en vue. Il doit continuer ainsi à marcher avec la plus grande prudence dans toute l'étendue de la section bloquée et, s'il n'a pas rencontré de signal d'arrêt, il reprend sa marche normale à partir de l'extrémité de ladite section, si la suivante n'est pas bloquée. En somme, cette manière de faire est une dérogation au principe même du block-system, et le signal fait à l'entrée de la section a simplement pour effet de prévenir les mécaniciens qu'ils sont sur une partie de ligne où un train les précède à une faible distance. Beaucoup d'ingénieurs pensent que |