faire avec de l'huile minérale et, quand il est convenablement réglé, l'usure disparaît presque complètement et les pistons se conservent indéfiniment étanches. Le tiroir cylindrique de M. Ricour est formé par un segment élastique de 6 millimètres d'épaisseur, qui ne frotte contre les parois du cylindre distributeur que pendant la marche avec régulateur ouvert. Il ne perd, en moyenne, qu'un demi-millimètre de son épaisseur pendant un premier parcours de 100 000 kilomètres, et l'usure croît moins vite que le parcours. Pour les tiroirs plans ordinaires, le parcours correspondant à 1 millimètre d'usure est, en moyenne, sur le réseau de l'État, de 3 300 kilomètres, tandis qu'il est de plus de 200 000 kilomètres pour les tiroirs cylindriques. Le rapport de ces deux nombres est: il montre l'énorme réduction de frottement réalisée par l'emploi des tiroirs cylindriques avec soupape de rentrée d'air. L'usure des tiroirs étant soixante fois moindre, les frais d'entretien, qui lui sont proportionnels, deviennent pour ainsi dire nuls : la preuve en est fournie par la machine à tiroirs cylindriques du réseau de l'Etat, dont toutes les pièces du mouvement présentent, après un parcours de 100 000 kilomètres sans interruption, un poli plus beau qu'au sortir de l'usine, sans usure appréciable. L'emploi des huiles minérales, qui est rendu possible par l'application. des soupapes, correspond à une économie fort importante dans le graissage des machines. Voici les faits constatés pour l'ensemble de l'exercice 1884. La consommation des machines à voyageurs, avec tiroirs ordinaires, a été de 19 kilogrammes d'huile de colza pour 1 000 kilomètres de trains. Pour les machines munies de soupapes de rentrée d'air, cette consommation a été de 25 kilogrammes d'huile minérale. Le prix de l'huile de colza étant de 69 francs les 100 kilogrammes et celui de l'huile minérale de 30 francs seulement, le graissage à l'huile de colza revient ainsi à 19 0,69 13,11 fr. pour 1 000 kilomètres de trains; tandis que le graissage à l'huile. minérale est seulement de 23 0,307,50 fr. pour 1 000 kilomètres de trains. Le parcours annuel d'une machine à voyageurs étant de 50 000 kilomètres, l'économie annuelle sur le graissage s'élève à : 50 × (13,117,50) 280 francs. L'application des soupapes de rentrée d'air correspond à une dépense de 70 francs par machine; cette dépense est donc quatre fois couverte par l'économie qu'elle permet de faire en une seule année sur le graissage. En outre, l'emploi des huiles minérales pures pour le graissage supprime complètement les dépôts charbonneux adhérents sur les fonds des cylindres, les faces des pistons, les lumières, les conduits de vapeur et les valves de l'échappement. AUGMENTATION DU RENDEMENT DES MACHINES EN TRAVAIL UTILE. - M. Ricour a montré, par des résultats d'expériences indiscutables, que, grâce à la réduction des espaces nuisibles et des condensations intérieures, ainsi que des frottements du mécanisme de distribution, le rendement en travail utile des machines à tiroirs cylindriques s'est trouvé notablement augmenté. Ce fait est mis en évidence par les résultats suivants, constatés au dépôt de Saintes. En 1882, toutes les machines de ce dépôt étaient à tiroirs plans; en 1884, 30 machines sur 40 étaient munies de tiroirs cylindriques; en 1885, la transformation était complète. Or, voici les faits contatés : Ainsi pour une consommation de 75,033 kg. on n'obtenait, en 1882, que 1000 tonnes kilométriques brutes, tandis que l'on a obtenu, en 1884, et, en 1885, 1134 tonnes kilométriques brutes, 1 191 tonnes kilométriques brutes. On doit donc en conclure que l'augmentation de travail utile a été : En 1884 En 1885. de 13,4 p. 100; AMÉLIORATION DE L'ADHÉRENCE. L'expérience a fait découvrir un avantage assez inattendu qui est particulier aux tiroirs cylindriques, c'est l'amélioration du coefficient d'adhérence : les machines à tiroirs cylindriques du réseau de l'État ne patinent jamais au démarrage, tandis que les machines du même type, mais à tiroirs plans, patinent fréquemment. C'est surtout lorsque le rail est gras dans les gares, ou lorsque le train est lourd, qu'on voit les roues motrices de ces dernières machines tourner sur place et le train se mettre difficilement en marche et d'une manière saccadée. Avec les machines à tiroirs cylindriques, le démarrage se fait franchement, et le train parcourt un espace égal au développement des roues motrices. Voici, d'après M. Ricour, l'explication de cette amélioration: On évalue d'ordinaire à du poids adhérent la limite de l'effort de traction des machines locomotives. Si F est l'effort de traction à la jante et P le poids adhérent, on donne comme résultat d'expérience pour la limite de F à partir de laquelle le patinage est à craindre, Fest la valeur moyenne de l'effort à la jante, pour un tour de roue. Si l'on représente graphiquement les valeurs variables de F, en prenant pour abscisses les espaces parcourus, on obtient une courbe de forme sinusoïdale, où les points minima se trouvent vers le passage au point mort des pistons (fig. 589). Soient, pour une admission donnée, F' l'effort minimum et F" l'effort maximum. On a, très approximativement : La valeur F: a été considérée, par erreur, comme étant indépendante de la distribution de la machine. La véritable valeur de la limite de l'adhérence est Les expériences faites sur les freins ont, en effet, démontré que le frottement aux faibles vitesses a pour limite le quart environ de la pression'. Dès que l'on a F">, le patinage se produit, dans les conditions ordinaires de l'état des rails. Р On comprend, dès lors, que si l'on parvenait à diminuer l'écart entre les valeurs F' et F", pour une même valeur moyenne de F, le patinage ne se produirait que pour des valeurs de F se rapprochant de plus en plus de 4 Or, c'est précisément ce qui a lieu avec les machines à tiroirs cylindriques : si l'on se reporte, en effet, au diagramme des valeurs de F (fig. 589), on voit les dépressions d, d, d correspondent au moment où le travail résistant que des tiroirs est maximum. Voir plus loin, livre IV, les expériences du capitaine Douglas-Galton, en Angleterre, sur les freins continus. Ce travail résistant, très considérable avec les tiroirs plans, est très faible avec les tiroirs cylindriques. Il résulte de là que, dans ce dernier cas, l'écart entre F' et F" diminue et que, par suite, la valeur moyenne de l'effort à la jante, correspondant à la limite du patinage, se rapproche de . Р L'expérience a montré qu'avec un poids adhérent de 24 tonnes, les machines à tiroir cylindriques remorquent normalement des charges de 180 tonnes sur les longues rampes de 15 millimètres. Le poids de la machine et du tender étant de 50 tonnes, le poids total du train est de 230 tonnes. En F F Echelle des hauteurs 1m pour 300! Fig. 589. comptant sur une résistance moyenne de 5 kilogrammes par tonne de train, indépendamment de la composante de la gravité, l'effort F à la jante a pour valeur noyenne Or, avec les machines à tiroirs plans ordinaires, ce rapport ne dépasse pas 1 en moyenne. Ce calcul des limites de l'adhérence a puissamment concouru à faciliter l'augmentation des charges remorquées sur les lignes à fortes rampes du réseau de l'État. Indépendamment des améliorations ci-dessus, nous signalerons encore deux modifications intéressantes au point de vue de l'abaissement du prix de revient de la traction. L'une est l'application d'écrans réfractaires dans les foyers des machines, à l'imitation de ce qui se fait couramment en Angleterre et aux États-Unis. L'autre est la substitution de surfaces de moindre résistance aux faces normales au vent, qui présentent les locomotives. C'est sur le réseau de l'État que cette dernière disposition a été appliquée pour la première fois. ÉCRANS REFRACTAIRES. Les écrans, installés par M. Ricour dans les foyers des machines du réseau de l'État, forment une sorte de V qui partage le foyer en deux compartiments; ils sont constitués au moyen de briques réfractaires et reposent sur six tubes à eau en acier, directement exposés à l'action du feu. Il résulte de là une meilleure utilisation du combustible et par suite, une économie dans la dépense correspondante, en même temps qu'une augmentation notable de la surface de chauffe directe et de la puissance de vaporisation. De plus, grâce à la température très élevée maintenue dans le foyer par les briques réfractaires chauffées au rouge, la combustion est complète; il ne reste plus de noir de fumée et l'écran constitue ainsi un appareil fumivore très économique. SURFACES DE MOINDRE RÉSISTANCE. La substitution de surfaces de moindre résistance aux faces normales au vent dans les locomotives a pour but de diminuer, dans une proportion importante, l'influence de la résistance du vent, qui est considérable aux grandes vitesses, puisqu'elle croît proportionnellement au carré de cet élément. A la suite d'expériences précises faites en vue de déterminer l'inclinaison qu'il convenait d'adopter pour diminuer la résistance, M. Ricour a substitué dans les locomotives à toutes les surfaces normales à la marche, des plans inclinés à raison de trois de base pour quatre de hauteur; il a, en outre, rempli par des plateaux en bois les intervalles compris entre les rayons des roues et relié par des surfaces continues la cheminée et le grand dôme de vapeur. Dans ces conditions, la résistance de l'air a diminué de moitié; il en est résulté immédiatement une augmentation très notable du travail utile et une économie de plus de 10 p. 100 sur la consommation de combustible. Le progrès réalisé dans l'industrie des chemins de fer par la modification des formes extérieures des machines est, d'après M. Ricour, comparable à celui qui a été obtenu dans la marine, quand on a substitué les formes fines des bateaux à vapeur aux formes lourdes des anciens bateaux à voiles. On a critiqué, à divers points de vue, l'application des surfaces de moindre résistance aux locomotives et prétendu que le résultat obtenu par leur emploi n'était pas en rapport avec l'accroissement de poids et de dépense correspondant. C'est là une erreur de fait qu'il nous paraît nécessaire de rectifier. Voici, en effet, les renseignements que nous avons recueillis à cet égard auprès de M. Desdouits, alors ingénieur en chef adjoint du matériel et de la traction aux chemins de fer de l'Etat (1890). Lefèvre et Cerbelaud. Les Chemins de fer. Paris, 1889. |